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Le président et ses sujets

Envoyé par Daniel Apfelbaum 
01 janvier 2013, 08:10   Le président et ses sujets
Avez-vous remarqué à quel point François Hollande aime dédoubler le sujet de ses phrases? Son allocution hier était un modèle du genre.
Passe encore la répétition du sujet via le "c apostrophe" ("mon seul devoir, c'est faire que notre pays...", "La première, c'est le rétablissement de nos comptes publics", "La deuxième, c'est", "La troisième, c'est", etc). Ce n'est pas le sommet de l'élégance, mais on peut y trouver une vertu rhétorique. Mais que dire de ça :
"Ma confiance, elle est surtout dans la France"
"Le calendrier que j'ai fixé, il est simple"
"Ces décisions, elles étaient indispensables"
"La justice, elle est également entre les générations"


Et, last but not least :
"La France, elle est la France quand elle va de l'avant"
"La France, elle est également elle-même quand elle défend ses valeurs dans le monde"
Oui, ça m'a beaucoup frappé également. Le sujet est inopérant. Il lui faut un double, qui lui s’attaquera à l’action à sa place (idéalement). Jospin, déjà, en son temps , était un roi du redoublement du sujet.
Le débit de la voix, pendant huit minutes, a été très rapide. Le président a lu un message qui sans doute défilait sur le prompteur placé devant lui ou bien il a récité des phrases qu'il a apprises par coeur. De toute évidence, il a lu un texte qu'il n'a pas rédigé lui-même et qui a été écrit avec beaucoup de soin (plan rigoureux, rhétorique "léchée" d'oralité ou d'emphase orale ou mimant la syntaxe orale : reprise du nom sujet par un pronom, etc.) par quelqu'un d'autre que lui - sans doute un écrivain ou un fonctionnaire "sachant écrire". Des journalistes ont cité le nom d'Aquino Morelle.

Ces "voeux" à la nation sont, en théorie du moins, ou devraient être, un message d'expression singulière, par lequel un individu, qu'il soit président ou non, marque sa présence au monde ou à la nation ou son identité : celui qui dit les mots, c'est celui qui les a écrits et qui les exprime, c'est son œuvre, c'est lui. Au lieu de cela, on nous assène une sorte de communiqué impersonnel ou "collectif" (ou avec une fausse rhétorique de "personnalisation" orale), pouvant être dit par n'importe qui, sur un ton ou avec un débit rapide et monocorde, comme on expédie une corvée, comme si ce que l'on dit émanait de quelqu'un d'autre et n'engageait sinon à rien, du moins à pas grand chose. Ce message anonyme, au sens où il n'a pas d'auteur et où celui qui dit n'est pas celui qui énonce ou qui assume ce qui est dit, est le symptôme le plus désespérant de l'affaiblissement de la parole publique ou de sa dévalorisation. Jamais De Gaulle n'a procédé ainsi.
Bravo !
Oui mais de Gaulle n'aurait jamais non plus eu l'idée de se revendiquer "président normal".
Utilisateur anonyme
01 janvier 2013, 13:42   Re : Le président et ses sujets
Oh là là, si nous commençons à comparer l’actuel Président au général de Gaulle, nous n’avons pas fini (pas fini de nous désespérer, pour commencer) !

Pour ma part, j’ai regardé les vœux de la Chancelière allemande, Angela Merkel, qui étaient très corrects. Elle a cité Démocrite.
En fait, vous n'avez rien compris, ses vœux étaient spéculaires. Il fallait juste comprendre "je vous aime".

Utilisateur anonyme
01 janvier 2013, 18:37   Re : Le président et ses sujets
À propos des sujets, le chiffre que l’on attendait tant vient de tomber.
Citation
Jean-Michel Leroy
À propos des sujets, le chiffre que l’on attendait tant vient de tomber.

Richesse du répertoire tribal, qui contient les germes de moultes traditions.
Utilisateur anonyme
01 janvier 2013, 20:00   Re : Le président et ses sujets
Le 9-3 se fait battre à plate couture par le 7-5 ! Gageons qu'ils feront mieux la prochaine fois.

Le ministre a tout de même tenu à préciser "qu'il n'y a pas eu d'affrontements au cours de cette nuit."
moultes ???
01 janvier 2013, 23:35   Re : Le président et ses sujets
Dans l'ouvrage de Sacks L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau, le psychiatre décrit deux patients atteints de syndromes différents et opposés : l'un ne prête attention qu'à la syntaxe et la construction des phrases, et l'autre ne perçoit que le niveau gestuel et les mimiques.
Les deux, confrontés à des discours politiques, étaient également effarés par la fausseté qui s'en dégageait.
Mais Sacks en conclut aussi que les hommes ordinaires se meuvent dans une sorte d'entre-deux, d'où l'excellence grammaticale et gestuelle sont remplacées par une sorte d'approximation saine... Un monde anti-valéryen.

(Version corrigée).
[Message supprimé par son auteur]
Citation
Renaud Camus
moultes ???

Oui, on peut l'utiliser comme adjectif variable.
C'est parfois le cas mais on ne devrait pas, c'est un adverbe.

Ni Littré ni Le Grand Robert ne mentionnent cet usage. Le TLFi écrit « Rem. Moult est parfois employé comme adj. variable. Moulte chose Blanche et noire, effet et cause (VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Chair, 1896, p. 114). D'après DUPRÉ 1972 ,,Il est (...) parfaitement ridicule d'écrire, en « style troubadour » : le chevalier eut moultes aventures``. »
Ah ! Si Monsieur Jean-Marc était encore de ce monde in-nocent, on en aurait eu, des exemples de moultes...
Che saudade...
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