Le débit de la voix, pendant huit minutes, a été très rapide. Le président a lu un message qui sans doute défilait sur le prompteur placé devant lui ou bien il a récité des phrases qu'il a apprises par coeur. De toute évidence, il a lu un texte qu'il n'a pas rédigé lui-même et qui a été écrit avec beaucoup de soin (plan rigoureux, rhétorique "léchée" d'oralité ou d'emphase orale ou mimant la syntaxe orale : reprise du nom sujet par un pronom, etc.) par quelqu'un d'autre que lui - sans doute un écrivain ou un fonctionnaire "sachant écrire". Des journalistes ont cité le nom d'Aquino Morelle.
Ces "voeux" à la nation sont, en théorie du moins, ou devraient être, un message d'expression singulière, par lequel un individu, qu'il soit président ou non, marque sa présence au monde ou à la nation ou son identité : celui qui dit les mots, c'est celui qui les a écrits et qui les exprime, c'est son œuvre, c'est lui. Au lieu de cela, on nous assène une sorte de communiqué impersonnel ou "collectif" (ou avec une fausse rhétorique de "personnalisation" orale), pouvant être dit par n'importe qui, sur un ton ou avec un débit rapide et monocorde, comme on expédie une corvée, comme si ce que l'on dit émanait de quelqu'un d'autre et n'engageait sinon à rien, du moins à pas grand chose. Ce message anonyme, au sens où il n'a pas d'auteur et où celui qui dit n'est pas celui qui énonce ou qui assume ce qui est dit, est le symptôme le plus désespérant de l'affaiblissement de la parole publique ou de sa dévalorisation. Jamais De Gaulle n'a procédé ainsi.