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Communiqué n° 1731 : Sur la réforme territoriale

Communiqué n° 1731, jeudi 3 juillet 2014
Sur la réforme territoriale

Le parti de l’In-nocence ne peut croire une seule seconde que le gouvernement entende sérieusement faire aboutir, et à marche forcée, la réforme territoriale incroyablement bâclée qu’il présente, et qui semble avoir été concoctée un soir sur un coin de table entre quelques personnes totalement ignorantes de l’histoire, de la culture et de la géographie de la France. Que pareille réforme aille à son terme serait le signe certain que notre pays est régi par un arbitraire aussi brutal qu’inculte.

Le parti de l’In-nocence est on ne peut plus sensible à la nécessité de réformer et de simplifier une carte administrative dont la complication reflète surtout le désir d’offrir des sinécures à un large personnel politique et administratif souvent totalement inutile. Il convient pour ce faire de réduire le nombre des couches superposées et des divisions horizontales, tout en respectant les identités locales qui font la diversité véritable de notre pays. Dans cette perspective, les anciennes provinces s’imposent en général comme une base irremplaçable, ce qui conduirait notamment à réunifier la Bretagne, la Normandie et le Languedoc ; ailleurs on pourrait envisager des regroupements avec, par exemple, la constitution d’un vaste Massif Central autour de l’Auvergne, du Limousin, du Bourbonnais, du Velay et du Rouergue. Quant aux échelons intermédiaires entre ces ensembles et les communes — départements, arrondissements, cantons et communautés de communes — il paraît évidemment nécessaire d’en diminuer le nombre et d’en simplifier l’organisation, mais c’est dans le recours à l’histoire et aux appartenances traditionnelles que se trouve la clef des économies et du renforcement identitaire.
Ce communiqué montre toute la difficulté qu'il y a pour parvenir à une carte cohérente, même sur une base historique...

Le Velay, par exemple, n'est pas une province, c'est une partie du Languedoc. Historiquement, il faudrait donc le rattacher à... Toulouse.

Montauban, en Bas-Quercy, est rattachée historiquement à la Guyenne, donc à Bordeaux, de même que Rodez, qui n'a jamais rien eu à voir avec Clermont.

Le retour aux provinces ferait dépendre Muret de Bordeaux et Yssingeaux de Toulouse...
Notons aussi que les Gouvernements de l'ancien régime avaient bien compris le peu d'intérêt des provinces, cadre dépassé en matière administrative, créant les généralités, puis les intendances.

Revenir à une structure provinciale serait revenir à l'édit de Cognac, en 1542.
C'est la Basse Guyenne (qui correspond à peu près à l'Aquitaine actuelle) qui relevait du Parlement de Bordeaux. La Haute Guyenne (Quercy, Rouergue, etc.) relevait du Parlement de Toulouse. Par conséquent, Montauban était rattachée à la juridiction toulousaine.

Il en est de même de Muret, qui appartient au Bas-Comminges, historiquement rattaché à Toulouse et non à Bordeaux.

[fr.wikipedia.org]

Cela n'infirme pas votre critique mais illustre la difficulté de créer des régions homogènes. Beaucoup de territoires se trouvent à la limite de plusieurs provinces d'Ancien Régime.
Pour ce qui est des Parlements, nous sommes d'accord, mais la carte administrative n'a jamais été superposable à la carte judiciaire. L'exemple que vous citez confirme d'ailleurs que la province telle qu'existant en 1500 n'est plus l'échelon d'action administrative en 1789.

Le projet du Gouvernement ne concerne pas, par exemple, les Cours d'appel. Celle d'Agen a, dans son ressort, Auch et Cahors.
Prenez le cas du comté de Comminges, centré sur Muret : il est bien dans la généralité d'Auch, elle-même en Gascogne.

[fr.wikipedia.org]
Le lien est ici.

Hum...

L'Alsace-Lorraine bismarckienne comprenait l'Alsace mais seulement la frange septentrionale de la Lorraine (la Moselle, plutôt germanophone mais pas entièrement, loin de là). Le gros de la Lorraine, tout à fait francophone et qui n'avait pas été annexé, n'a pas grand-chose en commun avec l'Alsace. Et que dire de la "préexistence" de l'entité « en France » sous Henri II et Richelieu ? L'Alsace n'est devenue française que sous Louis XIV et le gros de la Lorraine sous Louis XV, non ?

Et comme l'a relevé un commentateur, Le Roy Ladurie passe sous silence le gascon et la Gascogne, partagée dans le projet entre les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées ; le Languedoc historique s’arrêtait à la Garonne (et à Toulouse), à l'ouest c'était la Gascogne.

Le cas breton n'est pas traité de façon plus convaincante ; je cite un autre commentateur : « les Bretons du haut Moyen Age n'ont pas traversé la Manche sur des "radeaux" (ils ne seraient sans doute pas arrivés), mais sur des bateaux qu'ils savaient parfaitement construire. Quant à Colomban, il était Irlandais et non armoricain et n'a fait que traverser l'Armorique pour s'en aller plus loin. » Le cas de Nantes est quant à lui expédié de façon plus que cavalière par notre illustre historien.

Cela fait tout de même beaucoup d'approximations...
J'ai été obligé d'acheter la chose pour lire l'article...

Cher Marcel,

Ce que vous écrivez confirme mon idée : dans le cas du Languedoc, la province historique n'a plus de pertinence.

En ce qui concerne l'Alsace et la Lorraine, les Trois-Evêchés sont tout de même bien antérieurs à Louis XV, il est vrai que la Lorraine (comme l'Alsace d'ailleurs) est devenue française territoire par territoire.

En Moselle, la limite linguistique passe un peu au nord de Metz, en effet, et laisse une petite moitié du département dans le domaine germanique (mais un très fort domaine, il y a trente ans, vers Forbach, les indigènes (essentiellement Italiens, Polonais et Kabyles) parlaient avec un accent plus marqué qu'à Strasbourg). Autrefois, elle était plus à l'ouest et plus au sud, comme le montrent les toponymes "Audun-le-Tiche" ou ceux des villes de la "vallée des ange (-ange pour -ing).

Pour la Bretagne, la situation est complexe : il me semble que le pouvoir royal avait bien avancé son démembrement, aussi bien en transférant le Parlement à Rennes, de même que les Etats puis une bonne part de l'Université. A Nantes, on ne parle absolument pas breton, et Nantes, depuis au moins la fin du XIXème siècle est tournée vers son estuaire et s'appuie sur un vaste arrière-pays, et non sur la Bretagne.

Le problème de la réforme évoquée me semble plutôt porter sur la partie centrale du pays, qu'on jamais su, il est vrai, jamais classer.

Le sujet est d'une complexité peu commune, et il me semble que le simple citoyen est souvent assez dépourvu de compétences sur la question (en tout cas, c'est ce que je ressens pour ce qui est de moi).

Le découpage actuel a souvent comme justification le souci de ne pas mettre deux très grandes villes dans une même région, et cela semble assez légitime.
La position exprimée par le communiqué quant à la question du redécoupage des régions, il me semble qu'elle est originale et non dénuée d'intérêt, mais que, s'il est justifié de tenir compte des identités anciennes et culturelles, cela ne peut constituer qu'un élément parmi d'autres du découpage : comme il ressort d'ailleurs des textes de plusieurs intervenants, la France n'est pas la somme d'un nombre précis de régions historico-culturelles bien définies.

Il n'est peut-être pas inutile de jeter un coup d'œil sur la situation chez ceux de nos voisins qui sont d'une taille qui est d'un même ordre de grandeur que la nôtre...

1° L'Allemagne.
Après la chute du régime communiste, j'aurais pensé que l'ancienne Rda allait constituer un Land dans l'Allemagne réunifiée : elle avait la même population que la Rhénanie du Nord-Westphalie (seize millions) et une superficie assez peu supérieure à celle de la Bavière. Mais non : six nouveaux Länder ont été créés (avec donc une population moyenne d'un peu plus de deux millions et demi d'habitants), sur des bases historiques pas tellement fortes : le Saxe-Anhalt, Berlin et le Brandebourg (ainsi que la partie poméranienne du Land de Mecklembourg-Poméranie) faisaient partie avant 1945 de la Prusse (sauf pour la partie Anhalt de la Saxe-Anhalt, partie qui composait l'Anhalt-Dessau). Par ailleurs, le passé communiste commun avait évidemment créé dans toute l'ex-Rda une même arriération économique, et en général un même type de problèmes. La rationalité administrative-économique aurait pu donc pousser à la constitution d'un Land unique.
Ce qui a primé, c'est la volonté de constituer d'assez petits Länder, comme si l'idéal avait été, dans l'ancienne République fédérale, le Schleswig-Holstein : 16 000 km2, et peuplé de 2,8 millions d'habitants - à peu près comme chez nous le Languedoc-Roussillon et le Midi-Pyrénées.
Dans l'ancienne République fédérale, ce qui frappe, c'est l'extrême disparité de taille entre les régions. Cette disparité est largement un héritage historique, souvent récent d'ailleurs : les frontières de la Bavière et celles du Bade-Wurtemberg datent essentiellement de l'époque napoléonienne - elles ne correspondent pas aux frontières religieuses, décisives en Allemagne pour les identités locales.

2° L'Italie.
Elle comprend vingt régions, c'est-à-dire, pour une population voisine de celle de la France, presque exactement autant de régions. Ces régions correspondent très peu à d'anciens États italiens. Elles correspondent assez peu aussi à des frontières dialectales. Ce qui a primé, me semble-t-il, c'est largement le principe : à chaque ville sa région :
Turin-Piémont, Gênes-Ligurie, Milan-Lombardie, Florence-Toscane, Rome-Latium, Bologne-Émilie-Romagne, Naples-Campanie, etc.

3° L'Espagne.
Elle comprend dix-sept communautés autonomes, pour quarante millions d'habitants. Soit en moyenne 2,3 millions d'habitants par région, c'est-à-dire une population du même ordre que celle d'une région française.

4° Le Royaume-Uni.
La partie Angleterre du Royaume-Uni comporte plus des quatre cinquièmes de la population du R.-U. Elle n'est pas divisée en régions pourvues d'une assemblée élue. Le R.-U. est, de ce point de vue, un pays hautement centralisé.

En somme, la considération de la situation chez nos grands voisins ne conforte pas l'argument gouvernemental quant à la réduction du nombre de régions.
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