Le sujet est d'une complexité peu commune, et il me semble que le simple citoyen est souvent assez dépourvu de compétences sur la question (en tout cas, c'est ce que je ressens pour ce qui est de moi).
Le découpage actuel a souvent comme justification le souci de ne pas mettre deux très grandes villes dans une même région, et cela semble assez légitime.
La position exprimée par le communiqué quant à la question du redécoupage des régions, il me semble qu'elle est originale et non dénuée d'intérêt, mais que, s'il est justifié de tenir compte des identités anciennes et culturelles, cela ne peut constituer qu'un élément parmi d'autres du découpage : comme il ressort d'ailleurs des textes de plusieurs intervenants, la France n'est pas la somme d'un nombre précis de régions historico-culturelles bien définies.
Il n'est peut-être pas inutile de jeter un coup d'œil sur la situation chez ceux de nos voisins qui sont d'une taille qui est d'un même ordre de grandeur que la nôtre...
1° L'Allemagne.
Après la chute du régime communiste, j'aurais pensé que l'ancienne Rda allait constituer un Land dans l'Allemagne réunifiée : elle avait la même population que la Rhénanie du Nord-Westphalie (seize millions) et une superficie assez peu supérieure à celle de la Bavière. Mais non : six nouveaux Länder ont été créés (avec donc une population moyenne d'un peu plus de deux millions et demi d'habitants), sur des bases historiques pas tellement fortes : le Saxe-Anhalt, Berlin et le Brandebourg (ainsi que la partie poméranienne du Land de Mecklembourg-Poméranie) faisaient partie avant 1945 de la Prusse (sauf pour la partie Anhalt de la Saxe-Anhalt, partie qui composait l'Anhalt-Dessau). Par ailleurs, le passé communiste commun avait évidemment créé dans toute l'ex-Rda une même arriération économique, et en général un même type de problèmes. La rationalité administrative-économique aurait pu donc pousser à la constitution d'un Land unique.
Ce qui a primé, c'est la volonté de constituer d'assez petits Länder, comme si l'idéal avait été, dans l'ancienne République fédérale, le Schleswig-Holstein : 16 000 km
2, et peuplé de 2,8 millions d'habitants - à peu près comme chez nous le Languedoc-Roussillon et le Midi-Pyrénées.
Dans l'ancienne République fédérale, ce qui frappe, c'est l'extrême disparité de taille entre les régions. Cette disparité est largement un héritage historique, souvent récent d'ailleurs : les frontières de la Bavière et celles du Bade-Wurtemberg datent essentiellement de l'époque napoléonienne - elles ne correspondent pas aux frontières religieuses, décisives en Allemagne pour les identités locales.
2° L'Italie.
Elle comprend vingt régions, c'est-à-dire, pour une population voisine de celle de la France, presque exactement autant de régions. Ces régions correspondent très peu à d'anciens États italiens. Elles correspondent assez peu aussi à des frontières dialectales. Ce qui a primé, me semble-t-il, c'est largement le principe : à chaque ville sa région :
Turin-Piémont, Gênes-Ligurie, Milan-Lombardie, Florence-Toscane, Rome-Latium, Bologne-Émilie-Romagne, Naples-Campanie, etc.
3° L'Espagne.
Elle comprend dix-sept communautés autonomes, pour quarante millions d'habitants. Soit en moyenne 2,3 millions d'habitants par région, c'est-à-dire une population du même ordre que celle d'une région française.
4° Le Royaume-Uni.
La partie Angleterre du Royaume-Uni comporte plus des quatre cinquièmes de la population du R.-U. Elle n'est pas divisée en régions pourvues d'une assemblée élue. Le R.-U. est, de ce point de vue, un pays hautement centralisé.
En somme, la considération de la situation chez nos grands voisins ne conforte pas l'argument gouvernemental quant à la réduction du nombre de régions.