Votre seconde citation permet d'un peu mieux comprendre ce qu'a voulu dire M. Carrère que la première.
Elle permet surtout de comprendre que M. Carrère a soit mal lu, soit mal compris. Il omet la fin.
Voici le texte exact de la parabole, en supprimant les détails :
"Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? Jésus reprit la parole et dit : Un homme... tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent et s'en allèrent, le laissant à demi mort. Un sacrificateur... un Lévite passa outre. Mais un Samaritain prit soin de lui. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même".
Qui est le prochain ? ce n'est pas celui tombé sous les coups des brigands, le miséreux, le SDF. C'est celui qui exerce la miséricorde, c'est le Samaritain.
Dans cette parabole, il n'est pas dit "dépouillez-vous au profit des SDF" mais il est dit "Considérez comme votre prochain une personne non selon son origine mais selon ses actes". Pour le juif à terre, le Prochain, ce ne sont pas les autres juifs, c'est le Samaritain qui l'a aidé.
Il y a trois comportements, dans la parabole, deux prêtés à des juifs, a priori, à des proches ou prochains de la victime, et un à l'impur :
- le comportement de brigandage, tu es mon frère et donc je te vole. Par exemple, un homme, boucher de son état, vend de la viande non casher au prix de la viande casher et empoche la différence ;
- le comportement d'indifférence ou d'arrogance, d'absence d'empathie aux autres. L'exemple bien connu et souvent répété est celui du pharisien qui ne commet aucun acte grave mais qui est fermé à la charité, et qui se croit supérieur à la pauvre femme qui prie dans le fond ;
- enfin le comportement de fraternité qui n'est pas associé à la bêtise.
Aimer son prochain comme soi-même, c'est non pour le patronaimer l'ouvrier, c'est aussi pour l'ouvrier aimer son patron, ou plutôt aimer le patron qui agit chrétiennement.
Quand à l'attitude de cette femme décrite par M. Carrère, elle est fort blâmable. Le chrétien ne doit pas être mu par un sentiment de culpabilité individuelle et ne pas voir les réalités.
Luc est très clair à ce sujet. Il faut certes aider les gens, supporter les avanies, mais il faut savoir aussi qu'il y a des cas irrécupérables et qu'il faut dire non, parfois, et non violemment. Vous connaissez le Fils Prodigue. Son père l'accueille mais il l'accueille parce qu'il se repend, en Luc 15 18 :
"Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi comme l'un de tes mercenaires".
Pour rester dans le style de M. Carrère, il faut sanctionner ceux qui exagèrent, voyez la parabole des vignerons indignes, qui se réfère explicitement à la Passion, mais qui est applicable dans les autres cas. Un homme afferme une vigne, s'éloigne, ses envoyés sont battus et son fils est tué. Que nous dit Luc 20 15 ?
Maintenant, que leur fera le maître de la vigne ? Il viendra, fera périr ces vignerons, et il donnera la vigne à d'autres.
Le SDF a, dans cette affaire, un comportement scandaleux, et il est dit en Luc 17 1 :
Il est impossible qu'il n'arrive pas des scandales; mais malheur à celui par qui ils arrivent ! Il vaudrait mieux pour lui qu'on mît à son cou une pierre de moulin et qu'on le jetât dans la mer.