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La Grande Déculturation au Figaro

Envoyé par Marcel Meyer 
26 septembre 2014, 12:42   La Grande Déculturation au Figaro
Dans un article du Figaro sur le succès financier du livre de Valérie Trierweiler, celui-ci est qualifié de "roman". Ce n'est pas un lapsus, le mot "roman" apparaît sept fois dans l'article et il est même dit qu'il y a très peu d'auteurs qui, comme Amélie Nothomb, obtiennent un premier tirage à 200.000 exemplaires pour un roman.

On peut don être journaliste au Figaro, être chargé d'écrire un article sur un livre à succès et ignorer totalement ce qu'est un roman. Bien, bien.
Dans le même article : Chaque exemplaire de ce livre qui revient sur l'expérience de Valérie Trierweiler à l'Elysée et sa liaison avec François Hollande est vendu 20 euros l'unité n'est pas mal non plus. Et tout le reste à l'avenant.
Que ce ne soit un roman, c'est assez probable (quoique Littré nous donne la définition suivante : Histoire feinte, écrite en prose, où l'auteur cherche à exciter l'intérêt par la peinture des passions, des moeurs, ou par la singularité des aventures et l'exemple parfaitement adapté : Prendre le roman par la queue signifie aussi vivre maritalement avant le mariage).

Dans ce cas, que serait-ce ? sûrement pas un poème, ni une pièce dramatique. Une autobiographie ? un ouvrage historique ? un essai en sciences politiques ? une ouvre littéraire sans autre mention ,
Utilisateur anonyme
26 septembre 2014, 14:22   Re : La Grande Déculturation au Figaro
Il s'agit à l'évidence d'un ouvrage de sciences politiques appliquées.
Utilisateur anonyme
26 septembre 2014, 14:34   Re : La Grande Déculturation au Figaro
Des mémoires, tout simplement ?
C'est écrit en français et non en latin. Le roman désigne la langue vernaculaire dans notre pays. Je ne vois que cette hypothèse pour rattraper la maladresse de ce journaliste.
Je crois que l'on devrait plutôt parler de livre de souvenirs ou de journal.
La conception de Quignard convient tout à fait :

« ...de ces lambeaux de langage, de ces éponges de mer imprégnées du lexique le plus bas, de ces torchons de récits qui ne cessent d'essuyer sans cesse nos vies, à chaque heure de nos vies, dans une petite rumination misérable et obsédée. » (Albucius)
26 septembre 2014, 17:37   Le roi roman
Le journaliste du Figaro peut plaider les circonstances atténuantes. Récemment, j'ai lu le livre de Félicité Herzog, Un héros, qui est plutôt de bonne tenue littéraire et ne manque pas d'intérêt, par l'évocation de la France des années De Gaulle/Pompidou et, surtout, à mon avis, par le portrait de la mère de l'auteur, bien plus que par celui du père, quand bien même c'est cet aspect des choses que la presse a mis en avant pour attirer le chaland. Mais la question n'est pas là. La question c'est que l'éditeur (Grasset) place le mot "Roman" sur la couverture de ce livre. C'est parfaitement gratuit. Il s'agit d'un témoignage, d'un "récit de vie", de "souvenirs", de tout ce que l'on voudra mais en aucun cas d'un roman, d'autant plus que l'auteur n'a pas la moindre velléité d'entamer une carrière littéraire.

Peut-être le mot "roman" figure-t-il sur la couverture du livre de Valérie T. Je n'en sais rien, je l'ai lu dans une version PDF. Mais rien n'interdit de penser qu'il y soit, ou bien autre chose, "récit" par exemple, ou rien du tout, comme pour Le Royaume de Carrère. A vrai dire, de la part des éditeurs, le terme "roman" semble désormais procéder d'un choix arbitraire, de même nature que la couleur de la couverture, la police de capitale ou la mise en page et je m'étonne de ne pas l'avoir encore rencontré à l'enseigne d'un essai où, les choses étant ce qu'elles sont, il aurait autant de légitimité que dans la désignation de toute prose autobiographique.
Sur Amazon, Merci pour ce moment est classé n°1 des ventes dans la catégorie Littéraire française. En revanche, il est classé parmi les Essais sur le site de la Fnac. Une certaine hésitation se manifeste.

Ce qui est sûr, c'est que nous vivons dans une époque résolument hostile à la littérature. Pas étonnant que nos contemporains ne sachent plus trop ce qu'est un genre littéraire. Aujourd'hui, il n'y a que le nombre d'exemplaires vendus qui compte. Le quantitatif a pris le pas sur le qualitatif.
Et au coude-à-coude avec la comtesse de Boigne, Valérie Trierweiler tient le coup ?
Sur le plan de l'intérêt historique, je crois qu'il n'y a pas d'hésitation à avoir. Le livre de Trierweiler ne passera pas à la postérité. L'ex-compagne de Hollande est un bas-bleu, comme on disait au XIXe siècle.
Utilisateur anonyme
26 septembre 2014, 18:46   Re : La Grande Déculturation au Figaro
« Le livre de Trierweiler ne passera pas à la postérité. »

Faut vraiment venir ici pour lire des choses pareilles !
Quoi de neuf, docteur ?
J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agit d'un article écrit par un journaliste (anonyme) du .fr (le site internet du journal) et non d'un article rédigé pour le quotidien papier par un journaliste du "blanc".
On ne sait toujours pas ce que c'est...
28 septembre 2014, 07:08   Emmanuel et Valérie
"Et au coude-à-coude avec la comtesse de Boigne, Valérie Trierweiler tient le coup ?"

Autant que François Hollande au coude à coude avec Napoléon.

Cette année, la rentrée littéraire est très bien faite. On s'encanaille avec Ce Moment, on se rachète une conduite avec Le Royaume et, dans les deux cas, on presse "ces éponges de mer imprégnées du lexique le plus bas". Mais tout compte fait, j'aime encore mieux le récit de Valérie T., pour son réalisme, à celui d'Emmanuel C. pour sa foncière vulgarité.
29 septembre 2014, 07:31   Re : Emmanuel et Valérie
Aha... N'ayant lu aucun de ces livres, je ne peux en juger, mais a priori, les "confessions" de Valérie Trierweiler, non plus que les frasques hollandesques, la vie de cour sous ce président et son intimité, n'éveillent vraiment en moi le moindre d'intérêt, ce serait aussi passionnant qu'une de ces émissions de reality où l'on se transporte dans la maison et la vie des gens, et est sommé de chausser quelque temps leur regard et partager leurs émotions ; je m'en fous royalement, ne veux rien savoir d'eux, et de ce point de vue la "normalité" revendiquée de Hollande semble avoir si bien accommodé les esprits qu'il a réduit presque à rien l'intérêt strictement politique qu'on pourrait prendre à voir comment fonctionne l'institution de la présidence de nos jours. En ce sens, et dans l'hypothèse d'une absence de réel talent littéraire de l'auteur, ce genre de livre me semble être dangereusement dépendant de la dimension de son principal personnage... Si l'on veut, mais en plus trash et vulgaire, ce qui n'est pas du tout rédhibitoire à mes yeux, l'ingénue Iacub et DSK sont tout de même d'un autre acabit.
À l'opposé, quand un écrivain, qui a je crois déjà fourni les preuves qu'il mérite ce qualificatif, entreprend un récit portant sur les premiers chrétiens et Paul, et la question de la foi en général et personnellement, ai-je cru comprendre, c'est très banal à dire, mais cela m'émoustille d’emblée infiniment plus, je n'y peux rien.
Est-ce que je peux vous demander de préciser dans quel sens vous trouvez que Carrère est en l'occurrence "vulgaire" ?

(À propos de DSK, j'ai vu hier le film d'Abel Ferrara, Welcome to New-York, bien mauvais à mon avis, par moments si irregardable qu'on laisserait tomber : Depardieu en Strauss-Kahn est énorme, monstrueusement pansu, soufflant comme un phoque et grognant littéralement en permanence, probablement pour faire plus "porc" que nature ; film si nul en vérité que DSK en sortirait blanc comme neige. Seule source de lumière dans cette très sombre histoire, le regard de Jacqueline Bisset, qui à soixante-dix balais est toujours aussi sex, c'est fou...)
29 septembre 2014, 23:59   Re : Emmanuel et Valérie
Qu'importe. Ce sont des vulgarités d'expressions sous couvert de décontraction ou comme garantie de simplicité, qui sait ?, une multitude de petites tournures contemporaines désagréables, d'innombrables "transpositions", un jeu perpétuel et finalement lassant avec l'anachronisme, un ton général qui donne l'impression que l'auteur s'est donné pour mission d'abreuver le lecteur en images à sa portée de sorte que j'ai souvent eu l'impression de lire une histoire du christianisme pour les nuls. Je ne suis pas client, pour citer l'une de ces expressions qui viennent continuellement sous la plume de Carrère. Au fond, il fait peut-être oeuvre d'évangéliste. Mon point de vue est celui d'un amateur de littérature, non celui d'un croyant.
30 septembre 2014, 11:51   Citation
« Ce qu’il y a de bien avec le bon Samaritain, c’est qu’il n’en fait pas trop. Il ne se dépouille pas de tout son argent, ni même de la moitié. Il n’installe pas le malheureux chez lui. Ce qu’il fait, nous ne le ferions pas forcément – parce que la région est peu sûre, parce que le guide du Routard conseille de se méfier des faux blessés qui, dès qu’une voiture s’arrête, sortent une arme et partent au volant en laissant le conducteur à poil au bord de la route – mais nous sommes tous conscients que c’est ce qu’il faudrait faire : assistance à personne en danger. Pas plus, pas moins. […]
C’est à présent un importun qui réveille un ami au milieu de la nuit pour lui demander un service. D’abord l’autre râle, dit qu’il est tard, qu’il dort et sa famille aussi, mais l’importun est tellement importun qu’il n’a pas le choix : il maugrée, puis se lève. Moralité : ne jamais hésiter à faire chier. Luc était si content de cette histoire qu’il en a fait, quelques chapitres plus loin, une sorte de remake, avec une veuve chicanière qui accable de ses demandes un juge, et le juge finit par lui donner satisfaction, non parce qu’il craint Dieu ou aime la justice, on nous dit au contraire que c’est un mauvais juge, mais pour que la veuve lui foute la paix.
Le premier de ces petits sketches, où les casse-pieds sont donnés en exemple, arrive juste après que Jésus a enseigné à ses disciples la prière des prières, le Notre Père, et les gens qui disent que la prière de demande n’est pas noble, qu’il ne fait pas embêter le Seigneur avec nos petits ennuis et nos petits désirs, seraient bien inspirés de le relire. »

Ce que je trouve vulgaire, dans cet extrait, n'est pas tant la grossièreté pure et simple (du reste assez rare) que son emploi "pour faire vrai", pour camper une situation à laquelle, grâce à elle, nous serions censés nous identifier plus facilement. Ce qui, en revanche se rencontre à longueur de pages, et que je trouve encore plus vulgaire, ce sont des clins d’œil du genre "guide du Routard", "remake" et "sketches".

Mais, encore une fois, il ne m'appartient pas de juger sur le fond de l'opportunité de ce livre qui, compte tenu de son succès, permet de faire découvrir ou redécouvrir les évangiles et les Actes des apôtres à un public qui l'aurait oublié ou ne les connaîtrait pas.
C'est vraiment très curieux.

La parabole du Bon Samaritain dit ceci :

Mais un samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, en disant : “Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour".

Pour reprendre le style de l'auteur, le Samaritain fait un peu plus que le minimum syndical.

Surtout, la parabole ne porte pas sur la notion de charité (que doit-on faire) mais sur la question du prochain. Si le Samaritain, impie, est remarquable, c'est parce que le prêtre et le lévite manquent à leurs devoirs.
"Surtout, la parabole ne porte pas sur la notion de charité (que doit-on faire) mais sur la question du prochain. Si le Samaritain, impie, est remarquable, c'est parce que le prêtre et le lévite manquent à leurs devoirs."

Voici ce qu'en écrit Carrère et l'anecdote qu'il raconte avant l'extrait que j'ai cité :

"Quelqu'un demande à Jésus ce qu'il faut faire pour avoir la vie éternelle. "Que dit la Loi ? - D'aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même. - Bien, dit Jésus, fais cela et tu vivras. - Mais, insiste l'autre, c'est qui, mon prochain ? " Jésus, alors, prend l'exemple d'un voyageur laissé pour mort par des brigands sur la route de Jérusalem à Jéricho. Un prêtre, puis un lévite passent sans le secourir. Finalement, c'est un Samaritain qui s'arrête, le soigne, l'amène à l'hôtellerie et s'en va en laissant un peu d'argent à l'hôtelier pour qu'il s'occupe de lui.

Les Samaritains, du point de vue des Juifs pieux, sont pires que les païens : des parias, la lie de l'humanité. Le sens est donc clair : souvent les réprouvés se conduisent mieux que les vertueux. Morale typique de Luc, mais qu'on peut déplier davantage. Je me rappelle qu'un soir, à la maison, une amie nous a raconté ses déboires avec un SDF qu'elle avait pris en sympathie, essayé d'aider, invité à prendre un café, et le résultat c'est qu'elle n'a pas pu s'en dépêtrer. Il ne la lâchait plus, l'attendait dans l'entrée de son immeuble. La mauvaise conscience la tourmentait au point qu'elle l'a laissé passer une nuit chez elle, et même dormir avec elle dans son lit. Il lui a demandé de l'embrasser. Comme elle ne voulait pas, il s'est mis à pleurer : "Je te dégoûte, hein, c'est ça ?" C'était ça et, plutôt que l'avouer, elle a cédé. C'est un des souvenirs les plus pénibles de sa vie, et un exemple des effets pervers à quoi s'expose l'application des principes évangéliques : donne quand on te demande, tends l'autre joue. Ce qu'il y a de bien avec le bon Samaritain etc."
Il est intéressant de rapprocher ce passage de la lettre que nous avait écrite Carrère pour expliquer son refus de nous donner un article pour la revue et qu'il nous avait autorisé à publier. Il y expliquait assez benoîtement qu'il ne serait pas vraiment scandalisé s'il devait un jour partager son appartement avec une famille d'immigrés.
Votre seconde citation permet d'un peu mieux comprendre ce qu'a voulu dire M. Carrère que la première.

Elle permet surtout de comprendre que M. Carrère a soit mal lu, soit mal compris. Il omet la fin.

Voici le texte exact de la parabole, en supprimant les détails :

"Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? Jésus reprit la parole et dit : Un homme... tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent et s'en allèrent, le laissant à demi mort. Un sacrificateur... un Lévite passa outre. Mais un Samaritain prit soin de lui. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même".

Qui est le prochain ? ce n'est pas celui tombé sous les coups des brigands, le miséreux, le SDF. C'est celui qui exerce la miséricorde, c'est le Samaritain.

Dans cette parabole, il n'est pas dit "dépouillez-vous au profit des SDF" mais il est dit "Considérez comme votre prochain une personne non selon son origine mais selon ses actes". Pour le juif à terre, le Prochain, ce ne sont pas les autres juifs, c'est le Samaritain qui l'a aidé.

Il y a trois comportements, dans la parabole, deux prêtés à des juifs, a priori, à des proches ou prochains de la victime, et un à l'impur :

- le comportement de brigandage, tu es mon frère et donc je te vole. Par exemple, un homme, boucher de son état, vend de la viande non casher au prix de la viande casher et empoche la différence ;

- le comportement d'indifférence ou d'arrogance, d'absence d'empathie aux autres. L'exemple bien connu et souvent répété est celui du pharisien qui ne commet aucun acte grave mais qui est fermé à la charité, et qui se croit supérieur à la pauvre femme qui prie dans le fond ;

- enfin le comportement de fraternité qui n'est pas associé à la bêtise.

Aimer son prochain comme soi-même, c'est non pour le patronaimer l'ouvrier, c'est aussi pour l'ouvrier aimer son patron, ou plutôt aimer le patron qui agit chrétiennement.

Quand à l'attitude de cette femme décrite par M. Carrère, elle est fort blâmable. Le chrétien ne doit pas être mu par un sentiment de culpabilité individuelle et ne pas voir les réalités.

Luc est très clair à ce sujet. Il faut certes aider les gens, supporter les avanies, mais il faut savoir aussi qu'il y a des cas irrécupérables et qu'il faut dire non, parfois, et non violemment. Vous connaissez le Fils Prodigue. Son père l'accueille mais il l'accueille parce qu'il se repend, en Luc 15 18 : "Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi comme l'un de tes mercenaires".

Pour rester dans le style de M. Carrère, il faut sanctionner ceux qui exagèrent, voyez la parabole des vignerons indignes, qui se réfère explicitement à la Passion, mais qui est applicable dans les autres cas. Un homme afferme une vigne, s'éloigne, ses envoyés sont battus et son fils est tué. Que nous dit Luc 20 15 ? Maintenant, que leur fera le maître de la vigne ? Il viendra, fera périr ces vignerons, et il donnera la vigne à d'autres.

Le SDF a, dans cette affaire, un comportement scandaleux, et il est dit en Luc 17 1 : Il est impossible qu'il n'arrive pas des scandales; mais malheur à celui par qui ils arrivent ! Il vaudrait mieux pour lui qu'on mît à son cou une pierre de moulin et qu'on le jetât dans la mer.
Je vais, Marcel, reprendre l'idée exprimée par la parabole sans la paraphraser, car ce serait sacrilège ou blasphématoire. Libre à chacun de nier Dieu ou de le parodier, mais les conséquences de cela sont trop graves pour en plaisanter.

Considérons le cas du malheureux peut être affamé, peut être persécuté mais sans avenir dans son pays et qui se risque sur les flots.

Il a affaire à trois types d'hommes.

Ceux qui ont instauré le modèle social mondialisé qui fait qu'on a besoin des bras de l'immigré, quel que soit le coût pour tous, et qui pillent en outre son pays ou bien y font travailler l'ouvrier à des prix indignes. Ceux qui dépouillent le malheureux pour sa traversée. Ces deux sous-catégories forment le type "brigand".

Ceux qui disent qu'il faut accueillir tout le monde tout le temps, et qu'ils sont prêts à laisser leur maison, la chose restant purement platonique, car nul n'envisage de leur demander cela. Ceux qui ont la posture contraire et proposent aussi des solutions impraticables du type "on coule les bateaux", chose que nul n'envisage sérieusement non plus. Ces deux positions extrêmes que leurs tenants savent parfaitement théoriques sont, pour rester dans le style carréresque, les deux fesses d'un même faux-cul. Fin du deuxième type.

Le troisième type est composé de ceux qui accomplissent leur devoir d'état, le policier décrié qui arrête les gens et qui sera insulté par les bonnes âmes d'un camp, l'infirmière qui soigne les gens et qui est insulté par les bonnes âmes de l'autre, et l'homme politique (ou la femme politique) qui dit avec clairvoyance que la source du problème n'est pas le malheureux mais le brigand et qu'il faut changer de modèle économique et politique.

Le prochain de l'Africain ou de l'Asiatique malheureux, ce n'est pas l'actionnaire de Nike qui fait travailler les Bengalais pour une misère ni le nabab libyen qui vit de la nouvelle traite.

Le prochain, ce n'est pas M. Carrère qui offre théoriquement sa maison tout en empalmant les droits d'auteur, ni l'identitaire qui déborde de haine et ne pense que rejet à la mer.

Le prochain du malchanceux, le prochain du malchançard, le prochain de l'underdog, c'est Marine Le Pen, la seule à proposer un modèle nouveau qui, par la lutte contre les causes premières remettra les choses en place.
Notons au passage que M. Carrère entreprend une réhabilitation des pharisiens, chaque fois qu'une occasion se présente, envisageant même l'hypothèse qu'il aient été calomniés et leur nom mis à la place des saducéens. Je ne retrouve plus le passage où il argumente précisément dans ce sens, mais celui-ci, qui revient sous différentes variations tout au long du livre :

"J'aurais apprécié que Luc pousse le sens des nuances dont je le crédite jusqu'à nous raconter une histoire de bon pharisien. Hélas, il n'y en a pas, et dans la seconde moitié de l'Evangile ces gens honorables n'arrêtent plus, parce qu'ils sont honorables, d'en prendre pour leur grade. En voici encore un qui a invité Jésus à déjeuner. Jésus se met à table sans faire les ablutions requises. Son hôte s'en étonnant, il éclate en imprécations véhémentes : "C'est bien vous, les pharisiens ! Vous vous flattez de tout faire bien, et en réalité vous êtes les pires des pécheurs ! Malheur à vous !" Il y a dix lignes d'insultes comme ça. Un convive se déclare outragé, on le comprend, et s'attire à son tour une algarade : "Vous chargez les gens de fardeaux que vous-mêmes ne portez pas ! Vos pères ont tué les prophètes et vous auriez fait comme eux !"

On lit ça, on se demande ce qui a pris à Jésus, si la scène a eu lieu, ou à Luc s'il l'invente. Sur le fond, rien de nouveau : ces lancinants reproches aux élites, qui feraient aujourd'hui qualifier Jésus de populiste, se retrouvent ailleurs dans les Evangiles, mais ils sont mieux en situation et du coup plus acceptables. Là, on a l'impression qu'il en restait à Luc un stock inemployé [J'adore...] et qu'il a imaginé pour les caser cette scène de repas où Jésus apparait comme un type odieux qui vient chez vous, mets les pieds sur la table, crache dans la soupe et vous maudit, vous et votre famille, jusqu'à la neuvième génération."
Nicodème et Joseph d'Arimathie étaient pharisiens.
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