Cher Thomas,
En un sens, ce n'était qu'un moyen de signaler, en filigrane,
que la langue, elle, ne ment pas.
Certains parlent ouvertement, de plus en plus ouvertement de
remigration, d'expulsion des indésirables avec un billet aller simple vers leur pays d'origine ou celui de leurs parents. Cette réflexion a cours. Elle est sérieuse et politique. Elle est déjà presque l'élément d'un programme. Dès lors, à l'aune de quel réalisme faut-il juger du sérieux d'une proposition de réhabiliter la langue, comme on le ferait d'une culture agricole ou d'une forêt par une action de reboisement concertée? Pareille proposition vous paraît-être moins réalisable que celle de mettre dans un avion ou au bateau un petit cinquième des habitants de la France ?
Quelqu'un, un Français établi au Cambodge et y dirigeant une ONG depuis 2002, m'a affirmé récemment, au détour d'une conversation,
que le français est une langue qui n'existe plus. Je pense qu'il a raison, au vu du baragouin insuffisant qu'en ont fait les Français, lesquels de toute façon, hors les frontières, ne s'expriment plus que dans leur anglais tout aussi fruste et insuffisant que leur français, ayant perdu le réflexe, qui était jadis celui de leurs parents, de s'exprimer d'abord en français face à des autochtones qui sont encore nombreux à avoir fait l'effort d'apprendre leur langue (au Cambodge par exemple) réputée internationale.
Voilà le français réduit au statut de baragouin régional européen. C'est déplorable. Mais le cas de l'anglais international n'est guère différent. Une langue peut naître, voire renaître à partir de presque rien, y compris même à partir d'une Fleur Pellerin qui traite de
minables ceux qui s'étonnent que cette ministre de la Culture ne connaisse rien, aucun titre d'oeuvre du nouveau lauréat français du prix Nobel de littérature et trouve ça normal et auto-excusable.
Honoré d'Urfé rédigea
l'Astrée dans une langue qui n'existait pour ainsi dire pas sous forme écrite ou châtiée. On peut donc (re)partir de rien ou de presque rien et recommencer à se faire entendre pour de bon dans une langue qui fasse se dresser les oreilles de son interlocuteur, soudain ressaisi et l'intérêt et l'ouïe mis en éveil. C'est un exercice et un peu une aventure, comme, par exemple, décider que par la culture physique on va se faire un corps d'athlète et repousser ainsi l'échéance de la décrépitude. Certains le font et montrent des résultats incontestables. Il n'est pas possible que ça puisse être plus difficile que de renvoyer en Algérie ou au Mali toute une barre de la Courneuve en poussant tout le monde dans un convoi d'autocars pour l'aéroport de Beauvais, les mères entourées de leur marmaille hurlante, les hommes vindicatifs et menaçants, protégés par des cohortes de militants
d'assoces prêt à mourir en masse dans la défense de n'importe quel droit de leur invention.