Déculturation : La Poste

La Poste communique, avec ses clients. Le décideurs et "communiquants" de la Poste sont triés sur le volet (pas dans leurs centres de tri, qui perdent les colis, comme cela vient d'arriver à un des miens Colissimo que j'aurais dû recevoir il y a plusieurs jours et pour lequel les employés de La Poste m'annoncent les bras battant "qu'on ne peut rien faire" -- soit la phrase type du fonctionnaire français placé face à son incurie. Il faut avoir des diplômes -- on ne compte plus les facteurs titulaires de maîtrises et certains d'un doctorat -- pour travailler à la poste en CDI et à plus forte raison pour y détenir le statut de fonctionnaire. Et pour être cadre dirigeant à la Poste, il faut avoir fait HEC, ce qui suppose que l'on sache écrire en une phrase à ses clients pour leur signifier, par exemple, de ne pas répondre à un courrier électronique car leur réponse ne pourrait être lue.

Or ce n'est plus le cas. On ne sait plus même écrire ça. Pour signifier la chose on trouve sur le site de Colissimo cette phrase-ci, rédigée dans le style commun "je-me-comprends" qui désormais fait foi chez les fonctionnaires :

Ce message vous est envoyé automatiquement, merci de ne pas répondre, il ne pourra être lu.

Joli non ? Voilà le type même de langue à rendre fou, dont la structure logique est en ruban de Moebius. A quoi le "il" qui fait suite à la virgule peut-il bien se rapporter ? Nul ne sait très bien. Est-ce le message "envoyé automatiquement", seul substantif masculin antécédent, ou bien le message qu'éventuellement le cochon de client bouché à la nova-grammaire pourrait envoyer en réponse à celui que la Poste lui a émis automatiquement. Go figure...!

On est La Poste, on a autre chose à foutre que de la grammaire nous !

Que diriez-vous, pour décrire le tour, de la "syllepse elliptique" ? Accord avec un membre fantôme de phrase passé à l'as (le message constituant la réponse du destinataire) ?
Il doit leur manquer des cases, à la Poste, celles où se trouve votre colis.

Ce doit être une forme d'anacoluthe à ellipse sous-jacente, du type que produisent les ivrognes quand le comptoir commence à tanguer, à 1,6 g d'alcool par litre de sang : Que faut pas me parler sur ce ton à moi, que j'y dis, qu'il m'a pas cru tout de suite avant de mordre la sciure avec les gencives, vu que j'avais son dentier resté accroché au front, allez à la tienne. Moi tu me connais, faut pas me prendre les glandes à froid, que les glandes à froid, je le dis toujours, c'est encore pire que les glandes à chaud patron remets-nous ça !

-- Comme tu dis p'tain! le message est envoyé automatiquement, merci de ne pas répondre, il ne pourra être lu. Mouarf!

Oui mais bon, les anacoluthes à ellipse d'un des sujets, on en trouve tous les jours à la pelle dans les journaux, du genre « Étant périmé, il a jeté le billet. » On remarquera au reste que cela peut-être moins absurde que ça en a l'air, car si le monsieur est "périmé", par exemple du fait d'une grave attaque de la maladie d'Alzheimer, il peut parfaitement avoir jeté un billet valable.

J'adore l'expression « style commun je m'comprends ».

Autre exemple de cette "syllepse elliptique" (ou anacoluthe ?) à la "je-me-comprends" de comptoir, ce titre, sur Yahoo.fr, à la page finance, présent depuis plusieurs jours :

Bill Gates mettrait deux siècles à claquer 1 million de dollars jour

pour "Bill Gates mettrait deux siècles à claquer [sa fortune en dépensant] 1 million de dollars jour". Le pire, le plus alarmant est encore "qu'on comprenne", peu ou prou, avec pour résultat que désormais on se permet d'écrire ainsi, par exemple, des communications scientifiques, des ouvrages d'économie, de philosophie, etc. dans cette langue qui n'est rien, qui n'en est plus une, qui est la langue de l'en-soi.

Qu'est-ce que vous avez contre les Lensois ?

L'en-soi est une langue d'ivrogne parvenu au moment où ses potes doivent aller le coucher.

Bill Gates mettrait deux siècles à claquer 1 million de dollars jour est une phrase d'ivrogne titubant.

Je me fais mal comprendre mais tant pis. Je me comprends Rothomago.

Voici qui n'est pas mal non plus, pris dans un article sur Flamanville dans Le Monde :

...l’EPR comporte quatre circuits de refroidissement autonomes. Et les piscines de refroidissement des combustibles usés devraient être protégées par une enceinte de confinement. Au final, selon EDF, le risque de prolifération des matières radioactives serait quasiment nul, de même que les agressions extérieures (séisme, inondation ou chute d’un avion gros porteur).

Cette semaine, Yahoo se surpasse :

Cette semaine, Lucile répond à une femme qui vient de vivre des mois éprouvants et se demande comment surpasser un moment douloureux de sa vie de couple.

Influence sournoise d'un anglais mal digéré (to overcome mécaniquement et fautivement traduit par "surpasser" au lieu de "surmonter" ?), allez savoir ...

[fr.news.yahoo.com]

C'est de toute façon toute une génération qui n'a plus de langue en se figurant qu'elle en a deux. La génération de leurs parents parlait un franglais plus ou moins maîtrisé, eux ne maîtrisent plus rien, ni anglais, ni français et parlent et écrivent une sorte de sous-franglais, miné de l'intérieur par des confusions de termes qui recouvrent un flottement général du sens. Situation catastrophique.

Pendant ce temps l'Académie française (E. Orsenna, etc.) s'interroge et s'inquiète de l'usage du verbe vapoter dans ce qu'elle appelle encore "la langue de Molière". Typique d'un certain esprit français qui s'inquiète, le nez haut dressé, des effluves que lui apporte le vent quand il a les deux pieds plongés fermes dans le caca.

Et pendant ce temps encore, la Francophonie continue de faire ce qu'elle sait faire de mieux : servir des petits-fours à des dignitaires des quatre continents dans des conférences en Afrique et ailleurs en se plaisant à dénombrer les pays qui "ont le français en partage". Pathétiques guignols !

Et je tombe à l'instant sur ce titre, chez F. Desouche :

Des malfaiteurs cambriolent une bijouterie déguisés en burqa.

Évidemment, déguisés en carrés Hermès, on les aurait identifiés plus facilement.

Aujourd'hui, le pompon revient indiscutablement à FranceTV Info, qui s'illustre dans un article sur les "braquages à domicile" en région PACA :

Un bruit sourd en pleine nuit donne l'alerte. Le couple Bernard est réveillé en sursaut à deux heures du matin quand quatre malfaiteurs entrent dans la maison en quelques secondes. "Ils m'ont poussée en arrière, ils m'ont bâillonnée", raconte notamment Ginette Bernard au micro de France 2. Tout s'enchaîne, rien ne perturbe les bienfaiteurs qui dérobent, entre autres, des bijoux, de l'argent, une télévision.

Rappelons que France 2 est du service public, donc géré par des fonctionnaires.

C'est à se demander si nous ne sommes pas en présence d'un forme d'humour pataphysique particulièrement ravageur et sadique, façon Jarry, ou dadaïste, façon Benjamin Perret, celui des Rouilles encagées. On se dit que ce n'est pas possible autrement.

[www.francetvinfo.fr]

Ça, ce doit vraiment être une faute d'inattention, le reste du passage étant grammaticalement impeccable, me semble-t-il, même l'accord des participes et la distinction "entrer/rentrer" sont respectés, ce qui est plutôt rare et très louable ; tout au plus, un clin d'œil facétieux à Robin des Bois.

Mais la phrase desouchienne est très belle, elle va jusqu'à vouloir déguiser une bijouterie en déguisement, et pose la taraudante question de savoir si les diamants brillent dans le noir...

Quelquefois, cela devient franchement énigmatique :

"La classe politique française a salué, hier, l'arrêt de la Cour de justice européenne contre le "tourisme social", une restriction à la libre-circulation rare dans le chef des juges de luxembourg, en pleine montée des populismes en Europe."
(Nice-Matin du 13 novembre)

La restriction de la libre circulation dans le chef, c'est l'AVC assuré, hein...

Effet secondaire de l'ivrognerie, l'AVC, je vous l'avais pourtant dit...

Au sujet des "Robin des Bois" qui saucissonnent les honnêtes citoyens chez eux : si ce clin d'oeil a bien lieu dans ce texte sérieux comme un pape à l'ancienne, sur un sujet somme toute bien dramatique, alors à moi la peur, comme disait ma grand-mère. Si telle allusion il y a, je ne comprends plus l'humour de mes contemporains comme je ne comprends pas plus leur absence d'humour. Ce "bienfaiteur", isolé dans le ton informatif uniforme employé pour décrire l'affaire est proprement irréel, indéchiffrable à mes yeux : il ne peut pas être une faute dans un texte qui n'en comporte point, et ne peut pas non plus ne pas en être une. Il est comme un accès de folie du rédacteur.

C'est un mot neutre, Francis, un point aveugle dans le texte, qui ne renvoie à rien, étant dénué de sens en réalité ; clos vers l'intérieur, il constitue une ouverture par défaut, mais ne me demandez pas vers quoi, je n'en sais rien.

Le charabia moderne se répand partout. Dans un article du Figaro sur lequel je suis tombé hier, on trouve ceci (il aurait presque fallu citer le texte en entier, bel exemple de renoncement à l'effort de la langue) :

"Le discours qui victimise le musulman comme nouvelle figure de l'opprimé, rabattant des difficultés d'intégration sociale sur les discriminations sans aucune mesure, pousse à se tromper de colère derrière l'idée d'une France raciste qui s'inscrirait là dans une continuité postcoloniale, avec des effets désastreux de repli sur soi."

"[...] au regard d'une société et d'un Etat qui ne fait plus autorité, avec un prêt à porter de l'irrespect qui est devenu un véritable lieu commun."

"Dans ce contexte, on voit des jeunes de plus en plus jeunes rejeter tout cadre, comme l'observent les travailleurs sociaux, face auxquels les réponses éducatives classiques sont inopérantes avec une justice souvent démunie."

"Ces ingrédients viennent poser le cadre d'une légitimité symbolique de la violence, tournée contre ce que représente la société qui peut ainsi se synthétiser dans un engagement religieux radical."

"Ailleurs, dans le monde, on a vu apparaitre des conflits armés où l'islam est à l'initiative, sur beaucoup de fronts face à des pays occidentaux, offrant une analogie avec l'interprétation d'un certain vécu négatif vis-à-vis de la religion en France, savamment mis en parallèle par ceux qui développent la propagande djihadiste."

"Par ailleurs, on peut se poser aussi la question de savoir, si le fait que ces familles qui l'ont contactées soient très majoritairement athées, tel que cela est rapporté, ne soit pas le reflet d'une certaine réticence des familles musulmanes à se manifester. Ce qui pourrait se comprendre au regard de la façon dont cela peut aussi les exposer autrement, relativement à un attachement à leur religion ainsi mis à l'épreuve."

"[...] le fondement doctrinal de l'islam est qu'Allah est unique dont l'unicité renvoie à Al-islam [...]"

"De fait, le Djihâd par l'épée sert d'argument à différents groupes musulmans pour promouvoir leurs guerres contre des «mécréants» dans quoi ces jeunes djihadistes se reconnaissent."

La personne qui s'exprime ainsi (peut-être est-ce une mauvaise transcription d'un entretien oral, et dans ce cas c'est le journaliste qui est coupable), Monsieur Guylain Chevrier, est "membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l'Intégration (2010-2013), formateur en travail social et chargé d'enseignement à l'université, docteur en histoire."

"membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l'Intégration (2010-2013), formateur en travail social et chargé d'enseignement à l'université, docteur en histoire."

Comme disent les journalistes sportifs qui ont fait des émules : "Un bon client pour ce fil..."

Toujours dans Le Figaro en ligne, ceci :

Le régime corset va-t-il arriver en France ?

L'objet de «torture» à la mode au XVIe siècle est de retour. Jessica Alba, Kim Kardashian et d'autres stars américaines adoptent et préconisent la ceinture amincissante sans complexe. Mais une telle pratique n'est-elle pas sans danger ?

Ici.

L'islamisation de la France, par définition, constitue une atteinte à la liberté et à la tranquillité des femmes. Elle sème en tout cas la confusion dans leur esprit. Les seins nus, par exemple, qui ne choquait plus personne, c'est terminé. Curieusement, les jeunes filles ont aujourd'hui des comportements vestimentaires hyper contrastés mais également révoltants. La pudeur voyante du fichu vs la vulgarité du string, du chewing-gum et des tatouages. Provoquer, toujours provoquer.