Une bonne religion, me semble-t-il, c'est une religion à laquelle on peut croire (comme un bon tableau, c'est un tableau qui est beau et non pas qui est moral, socialement instructif, etc.).
Depuis au moins vingt-cinq siècles, l'humanité a de plus en plus de mal à croire aux religions de l'en-deçà, et les religions sont largement devenues des religions de l'au-delà.
Ce mouvement vers les religions de l'au-delà (ou du salut) correspond certainement à une rationalisation.
Religions de l'au-delà (relativement à celles qu'elles ont supplantées, bien entendu : il n'y a pas de religion qui soit purement de l'en-deçà, pas de religion qui soit purement de l'au-delà - en-deçà/au-delà, je veux dire d'un côté l'ici-bas, de l'autre côté l'au-delà de la mort) : christianisme, islam, hindouisme (versus brahmanisme, auquel il a succédé), en Chine et au Japon bouddhisme (qui s'est ajouté aux religions antérieures sans les éliminer).
Et le mouvement s'effectue également à l'intérieur d'une religion donnée : par exemple le christianisme européen contemporain est beaucoup plus exclusivement concerné par la question du salut après la mort, et beaucoup moins concerné par la prière pour guérir des maladies, que ne l'était le christianisme médiéval.
Ces idées ne me sont pas propres et se trouvent un peu partout, au point que je ne sais plus où je les ai lues la première fois, chez Mircea Eliade peut-être ?
Quant à la comparaison entre ces religions "modernes" (apparues en fait pendant la "période axiale de l'humanité" (Jaspers), il y a entre vingt-cinq siècles et quinze siècles), elle doit être faite, me semble-t-il, pas en se posant la question de savoir laquelle est la plus sympa, la plus pacifique, la plus propice à l'art, etc., mais laquelle est le plus susceptible d'être crue, laquelle est le plus compatible avec la rationalité qui est la nôtre.
Il me semble que là l'esprit peut hésiter : certains prôneront la supériorité du monothéisme sur le polythéisme (hindouiste), d'autres vantent la supériorité du strict monothéisme (musulman) sur la foi trinitaire (et d'autres au contraire voient dans la doctrine de l'Incarnation une supériorité sur le monothéisme strict), d'autres celles de l'athéisme bouddhiste sur tout théisme, et je suppose qu'il y a des hindouistes pour vanter la supériorité du polythéisme (encore que je n'en ai jamais entendu parler).
Pour ma part, la seule confession dont je peux m'imaginer devenir un fidèle est l'unitarisme-universalisme, qui n'existe à peu près qu'aux Etats-Unis. J'ai assisté à un culte en Arizona. Cela ressemblait à un culte protestant anglo-saxon (témoignage, invitation à la charité (7% des revenus me semble-t-il), chant, salut au voisins, sermon). La pastoresse a affirmé l'agnosticisme de l'Eglise et le sien propre (au sens originel : sur la question de l'existence de Dieu, elle était incertaine). L'Eglise ne croit en aucune révélation (elle n'est pas chrétienne, donc), et utilise des textes d'origines religieuses diverses. Pendant les chants, il y avait sur scène une jeune femme qui dansait une danse dont je ne savais pas si elle était d'inspiration taoïste ou amérindienne, danse qui semblait "rituelle-cosmique", que j'ai appréciée. .
Les fidèles de la confession ne représentent plus qu'environ un demi pour cent de la population des Etats-Unis.