En prolongement à ce qui vient d'être dit sur le Roi et la Loi, Paul Ricoeur dans sa somme paru en 2000 sous le titre
La Mémoire, l'histoire, l'oubli, s'interrogeait dans le chapitre
Histoire/Epistémologie :
La question pour nous sera de savoir si, avec la fin de la monarchie d'Ancien Régime et le transfert sur le peuple de la souveraineté et de ses attributs, l'historiographie a pu éliminer de la représentation toute trace du discours de louange. Ce sera demander en même temps si la catégorie de grandeur et celle qui lui est connexe de gloire peuvent disparaître sans laisser de trace de l'horizon de l'histoire du pouvoir. Etait-il réservé à la seule "manière absolutiste d'écrire l'histoire absolue de l'absolutisme", d'extraire de la lisibilité du récit la visibilité d'une description narrative qui réussirait à "peindre plutôt que raconter, faire voir à l'imagination tout ce qu'on met sur le papier" (...) La démocratie moderne a-t-elle mis fin à l'éloge du roi et à la fantasmatique mis au service de cet éloge ?
Avant la langue des avis de recherche de Cadoudal émanant de la préfecture de police de Paris, qui révèle beaucoup sur la question de cette substitution de signifiant (L/Roi) de l'absolutisme, la plus éloquente des réponses à Paul Ricoeur est taillée dans la pierre à Aix-en-Provence : le stupéfiant
mausolée Joseph-Sec qu'on peut admirer au 8 de la rue Pasteur. Voici ce que nous en dit Wikipédia qui cite ses sources :
Comme le rappelle Michel Vovelle, Professeur à l'Université de paris I, Institut d'Histoire de la révolution française, « le décor sculpté et figuré de son monument se présente comme un hymne à la loi, et au droit nouveau. Une soixantaine de motifs, empruntés à l'héritage de l'Ancien et du Nouveau testament, comme à la symbolique maçonnique puis à celle de la république française, nous introduisent, lorsqu'on en décrypte le sens, à l'univers mental à base de syncrétisme religieux d'un initié, qui identifie sa propre aventure, et son ascension à celle de l'humanité, depuis la chute originelle, jusqu'à sa régénération ».
On trouvera un descriptif illustré de photographies du monument sur l'encyclopédie en ligne que je viens de nommer
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fr.wikipedia.org]
Au fronton du monument on peut lire l'inscription "L'An IV de la liberté 1792 le 26 février -- Monument dédié à la municipalité de la ville observatrice de la Loi par Joseph Sec"
Voici une vue du cartouche du piédestal de l'Afrique :
[
fr.wikipedia.org]
Quant à celui, très édifiant, du piédestal de l'Europe, on y lit ceci :
"Fidèle observateur de ces lois admirables qu'un Dieu lui-même a daigné nous dicter chaque jour à mes yeux elles sont plus aimables et je mourrais plutôt que de m'en écarter"
De la louange du roi à celle de la Loi, il y a un monument, une borne dressé au point de passage de la monarchie absolue à la démocratie absolue où sont représentées ou évoquées des tables données pour dictées "par un Dieu lui-même", dans lesquelles, d'un régime à l'autre, seule une lettre varie.
A noter qu'outre la statue de Moïse on trouve, qui lui fait vis-à-vis, celle de
Saint Jean-Baptiste :