le réel, c'est ce qu'on connaît, ceux qu'on connaît, le reste est parfaitement indéchiffrable, ou invisible, c'est la même chose...
Attention Alain, vous êtes en train de dire que le Noir n'est qu'un grand enfant, ce qui, en France, aujourd'hui, pourrait vous coûter cher.
Enfin je ne sais pas Alain, et je me tourne vers vous qui, après tout, savez peut-être : Le réel est-il fait de ce qu'on connaît et de ceux qu'on connaît ajoutés d'un indéchiffrable ou invisible, qui en fait la gangue et l'écrin ?
J'ai envie que non. Juste pour em... der les téléphonistes. D'abord la connaissance elle-même estompe ses contours dans l'indéchiffrable et dans cette zone d'estompe nous nous mouvons, sommes en enquête de connaître et de tester notre agir, si bien que les contours du réel à l'aune de la connaissance en sont moins que fiables. Il en reste celui, de réel, que de
l'être-là par lequel on juge des distances et des droits d'accès à nos réactions et réponses. Quel est
l'ordre du réel ? La perception ou la connaissance ? Aucun des deux, ni ce qu'on perçoit ni ce qu'on connaît ne peut revendiquer la primeur de nos réponses et réactions. Le secondaire -- les personnages et situations de romans, les schèmes de pensée et de représentation, la télévision, l'Iphone et le téléphone sont de grands secondaires, de précieux adjuvants au réel -- qui se compose du connu (par expérience ou transmission), du su, du ouïe-dire et de l'acquis culturel, doit s'effacer, se mettre au garde-à-vous, face à l'effort de réel que font les personnes, les étants, les configurations du quotidien réunies dans le mouvement et l'apparaître.
C'est véritablement une question d'authenticité : la photographie, le téléphone sont des leurres, des tromperies, des trompe-l'oeil du mouvement. L'immobilité d'un lieu au bout du monde que l'on visite régulièrement tous les ans ou tous les dix ans nous enseigne cette leçon du mouvement : est réel ce qui se force à être dans, contre, avec le mouvement, ce qui se déplace contre la fureur venteuse du temps qui décoiffe la chose immobile (la ville de Hong Kong par exemple, qui n'est qu'une tête d'épingle sur la planète est continuellement décoiffée par la vitesse du temps, sans bouger, cette petite chose fonce comme une météorite dans l'espace).
Donc, est réel ce qui s'est déplacé vers l'ici, ou dans, ou pour un passage dans l'ici de ce moment. Le connu, le su, l'hypostasié, le pris-pour, le factorié-en, ne sont point du réel. Ce qui n'est pas simple, car le réel ainsi pris demeure insaisissable si privé du connu, du supputé, de l'escompté, du représenté-distant, de l'hypostasié et du pris-pour. Cette gangue fait l'estompe des contours du réel, et il revient aux vivants de ne pas prendre la proie pour l'ombre en biaisant sur la nature adjuvante de cet assortiment.