Les communautés nationales d'Europe, quelles soient française, espagnole, polonaise ou même britannique, sont cisaillées par deux paires de mâchoire, deux étaux :
1. l'une d'action verticale, savoir comme je l'ai dit supra, "à la base" par un lumpen transnational travaillé de ferments apocalyptiques explicites (le mouvement
No Borders qui milite, en usant de méthodes -- le coup de main, la terreur, etc. -- dignes des agents du 3ème Reich dans les premières heures de sa constitution, à un
Anschluss de l'humanité contre l'appartenance, celle des choses aux hommes par la remise en cause du droit de propritété et celle des hommes aux lieux et à leurs choses par
leur délogement) ; et "au sommet", à l'échelon des instances supranationales et dans ce que l'on appelle parfois l'
hyperclasse, par une pression croissante en faveur de la transnationalité, de la désappartenance et un militantisme du primat de l'économie articulé sur l'esclavagisme post-moderne et la technosphère. A quoi il faut ajouter de la part de cette hyperclasse une pression politique à la dissolution des nations par la promotion du régionalisme. Ces deux actions conjointes, articulées, de cisaillement vertical, sont conscientes même si elles ne sont pas consciemment coordonnées. Et la conjonction de ces forces dans ce cisaillement vertical autorise de voir dans les "petits soldats de la Lumière", au vrai,
des petits soldats de Mme Lagarde et de M. Junker.
2. l'autre cisaillement est latéral : il s'agit de la pression apocalyptique musulmane qui veut la fin du monde occidental et l'étalement du territoire de l'Oumma. Ce mouvement apocalyptique est lui aussi explicite, revendiqué, théorisé, mis en oeuvre sur le terrain en tant que tel. Sa visée, son axe sont théologiques : opérer la dissolution finale des nations occidentales et la conversion spirituelle de leurs populations. Et toujours, car c'est le propre des mouvements apocalyptiques, à la faveur d'un chaos généralisé activement cherché, trait que ce mouvement possède en commun avec le mouvement "No Border".
Ces deux mâchoires correspondent à deux mouvements apocalyptiques intégrateurs du monde. L'un est cynique-matérialiste, l'autre cynique-théologique, tous deux oeuvrent ouvertement à notre fin, à une mise à terme de notre histoire.
Face à cette double prise en étau, les Etats nationaux se comportent, de manière typique et ordinaire des Etats-nations européens confrontés à une crise de civilisation majeure, comme des pantins impuissants et fourbes. Les gouvernants oscillent entre Bruxelles et la Mecque (ou Doha); ne savent à quel saint se vouer, montrent pussillanimité et sursauts pour l'action (on bombarde ici ou là par à-coups, en se masquant l'ennemi pour être sûr de bien le louper, de ne le nommer point, etc.); on véhicule des migrants de Calais à Toulouse ou Nîmes pour les disséminer dans la nature et les revoir à Calais une semaine plus tard; on mobilise des forces de l'ordre dont on retient l'action, etc.
Bref, les Etats-nations européens, confrontés à cette double action de dissolution et d'écrasement,
entretiennent un climat de drôle de guerre, revivent l'automne 1939.
La rue européenne, qui commence à exister, s'agite elle aussi par des convulsions irrégulières, soubresauts du dormeur pris de cauchemars, en Pologne cette semaine, en Allemagne, en Hongrie, mais pas encore en France ou en Italie, ni en Grande-Bretagne si ce n'est de manière très sporadique. Des signes d'un réveil et d'une prise de conscience de ce double cisaillement se montrent ça et là. Le réveil du dormeur est peut-être pour demain, ou après-demain, personne ne peut le dire. Cependant que les mâchoires de ces deux étaux qui font retentir la vieille carcasse des nations européennes de craquements sinistres, elles, paraissent inexorables dans leur action.
Voilà où nous en sommes en cet automne 2015.