Dans le milieu des années 80 du siècle dernier (ce devait être en 1988) il me fut donné d'amener et d'accompagner à Paris non pas des touristes mais des hommes d'affaires chinois (en fait des fonctionnaires responsables d'un secteur industriel de Shanghaï, des quinquagénaires et sexagénaires, des hommes -- point de femmes -- qui avaient donc connu la Révolution culturelle en ses hauts lieux).
Deux, ou plutôt trois, choses qu'ils voulaient à tout prix voir, visiter et ramener de Paris : le Lido, des parfums Chanel et Gerlain pour leur femme et le Mur des Fédérés du cimetière du Père-Lachaise, dans cet ordre. Ils posèrent un regard indifférent ou blasé sur tout le reste. Je tentais Pigalle, la Tour Eiffel, en vain. Par dépit, je nous fis nous rabattre sur un restaurant bistrot de la place de Clichy (expérience gastronomique mémorable, c'était l'époque), quelque chose comme le square des Batignolles et les embarquai pour Lyon par la gare de Lyon.
Lyon fascinait les Asiatiques, tant les Chinois que les Japonais -- l'écrivain japonais catholique Endo Shusaku [
www.picador.com] -- y fit un séjour d'étudiant dans les années 60, nous laissant de très émouvantes nouvelles, notamment une, inoubliable, dans laquelle il découvre à bas bruit le drame que la guerre d'Algérie a causé, par la perte d'un fils, dans la famille de ses logeurs pied-noirs. Cet auteur doit être lu, notamment
Silence qui fait découvrir un pan de l'âme japonaise que les Occidentaux méconnaissent totalement : la Japon chrétien, clandestin et fervent.
Je compris progressivement pourquoi Lyon : la tradition des soieries lyonnaises et le fait que, dans les temps réculés du commerce transeurasien, Lyon avait été le point d'aboutissement en Occident d'une branche de la Route de la Soie. Ca aussi, les Français n'en savent pas grand chose, généralement : que Lyon fût partie à l'Orient de leurs fantasmes.