Un type inédit de regime politique soutenu et encouragé par un grand (?) philosophe, qui nous invite à la Résurrection :
« Et si les migrants nous sauvaient ? » (Michel SERRES).
Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty du 20 octobre 2015.
Depuis des lustres, hommes politiques et medias ne cessent de nous expliquer que nous sommes « en crise ». S’il y a, pour reprendre le titre d’un livre de Christiane Singer, « un bon usage des crises », c’est celui de nous obliger à modifier notre façon de voir le monde et de quitter des voies sans issues. Michel Serres est aujourd’hui un des penseurs qui nous permet d’échapper à la morne répétition des problématiques éculées. Dans un entretien récent publié par le mensuel Terraeco il fait le constat suivant : « nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition que l’on peut comparer à la Renaissance ou même, plus loin, à l’époque à laquelle l’écriture a été inventée. Donc, tout ce que l’on a appelé les crises – financières, agricole, économiques, pédagogiques climatiques… ne sont que les signes de ces transformations ». Pour lui, le facteur majeur de nos crises est « l’emprise sur la position de l’humanité des questions économiques. Il y a de moins en moins de décisions politiques et de plus en plus de décisions économiques. Comme si l’économie avait bouffé tout le collectif. (…) La place du marché au milieu de la ville imposait sa paix pour qu’aient lieu les transactions. Le grand commerce en est loin. L’argent maître du monde fait autant de victimes humaines que la religion et les guerres des siècles passés, et il y ajoute la destruction des vifs et de la planète (…) Et nous savons, hélas, pourquoi dans une agriculture prospère des enfants meurent de faim. Tout simplement parce que les produits alimentaires font l'objet de tractations et de spéculation sur les marchés boursiers. Aujourd’hui, ces marchés sont bien plus dangereux que Daech ». Interrogé sur les milliers de migrants qui frappent aux portes de l’Europe, Michel Serres répond :
« Les migrants frappent à nos portes. Tant mieux ! Que l’on soit contraint à partager, que l’on accepte de baisser notre niveau de vie, oui ! L’histoire est remplie de ce genre de fluctuations (…) On parle de grandes invasions quand on évoque l’effondrement de l’Empire romain. Quelle blague ! Ce n’était pas du tout des invasions ! Il s’agissait de migrants. Il s’agissait de populations arrivant du Nord et de l’Est attirées par l’Empire romain, le lieu où la civilisation était la plus prospère ». En mars 2011, se tint, au théâtre du Chatelet à Paris, un colloque sur le thème du messianisme, suite à la représentation de l’Oratorio de Haendel, Le Messie. Michel Serres était un des intervenants qui s’exprima ainsi sur le thème de la Résurrection :
« A cette vie nouvelle, nous préférons toujours le vieux règne répétitif de la comparaison, de la hiérarchie, de la puissance et de la gloire, c’est-à-dire de la mort. Nous ne voulons pas ressusciter. Nous ne croyons pas à la Résurrection, alors que ressusciter veut dire : se délivrer de ses rivalités, sortir de la vieille histoire, d’une société construite sur la mort (…) Ici et aujourd’hui s’ouvre à nouveau le carrefour entre la mort et l’immortalité. D’un côté, nos sociétés de concurrence et de comparaison, de richesses et de misère, de mort, de l’autre, la nouveauté de la Résurrection ».