Voici le texte du jugement :
« No D 15-83.070 FS-P+B No 3779
ND 20 SEPTEMBRE 2016
REJET
M. GUÉRIN président,
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AI NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son
audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt
suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean Camus,
contre l’arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 9 avril
2015, qui, pour provocation à la discrimination ou à la haine raciale, l’a
condamné à 4 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du
21 juin 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller
rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM.
Larmanjat, Ricard, Parlos, conseillers de la chambre, MM. Barbier,
Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de
la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, de
la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour,
et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des
articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 24
alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Camus coupable du
délit de provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la
violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à
raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur
non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée et l’a condamné en répression à une amende de 4 000
euros, outre 500 euros de dommages-intérêts à verser au MRAP, partie
civile ;
“aux motifs que l’appelant, qui conteste viser les
musulmans dans ses propos, a expliqué à l’audience que lorsqu’il
parlait du « Grand Remplacement », il visait l’immigration en général
qui peut être largement musulmane mais ce n’est pas la seule ; qu’il
vise les délinquants qui viennent principalement d’Afrique, mais que le
fait qu’ils soient musulmans est secondaire ; qu’il affirme qu’il se
présente comme écrivain et chef du partie de « l’Innocence » ce qui l’a
conduit à être candidat à la Présidence de la République, candidature
qui n’a pas recueilli les 500 signatures nécessaires ; qu’il a précisé être
engagé dans l’action politique et que le but de son parti est de
promouvoir le respect de la civilisation ; qu’il conteste tout appel à la
haine, ou incitation à la violence, s’agissant notamment des problèmes
liés à l’immigration puisque son message vise à lutter contre la
violence qu’il déplore en général ; que la partie civile souligne que
M. Camus désigne sans ambiguïté les musulmans par plusieurs
références telles que « les origines nomades de cette civilisation » en
utilisant le terme de « razzia », en faisant référence aux
« manifestations politiques récentes » et en s’exprimant sous l’égide
des « Assises Internationales sur l’islamisation de nos pays » ; que ces
propos exhortent à la haine des musulmans en parlant de « vitrines
brisées », « pillage des magasins », « leur violence », « de fureur ils
cassent tout, ils pillent, ils incendient, ils posent des bombes « cette
innocence est leur fait », en les désignant comme responsables de la
grande majorité des actes nuisibles ; qu’en s’exprimant ainsi, M. Camus
incite à rejeter les musulmans en tant qu’envahisseurs supposés donc
en tant qu’ennemis amenant insidieusement à une lutte contre
l’envahisseur et faisant naître chez l’auditeur l’idée de la nécessité
d’une lutte para-étatique, compte tenu de l’incapacité des pouvoirs
publics à mettre un terme à cette prétention invasion musulmane ; que
les propos visés, qui émanent d’un écrivain qui a préparé son
intervention, constituent une très violente stigmatisation des
musulmans et plus généralement des personnes issues de
l’immigration, qu’il présente comme des « voyous », « des soldats »,
« le bras armé de la conquête », « des auteurs de vol »,
« d’arrachements de sacs de vieilles dames », « de rackets au sein des
écoles », « de cambriolages », « d’attaques à main armée », « de trafics
de drogue », « de grand banditisme », « de crime organisé » ; qu’il
qualifie ainsi ce groupe d’individus de « colonisateurs » chargé du
« grand remplacement de notre peuple », nécessairement originaires
de l’étranger et principalement, comme le prévenu l’a lui-même précisé
à l’audience, originaire d’Afrique, cherchant à provoquer « la fuite des
blancs » et se rendant coupables d’attaques dont sont victimes les
pompiers, les policiers et même les médecins ; qu’en imputant aux
immigrés, visés en tant que formant un groupe de personnes à raison
de leur non-appartenance à la communauté d’origine française,
« rendant la vie impossible aux indigènes », des méfaits aussi graves,
l’auteur suscite immédiatement chez l’auditeur des réactions de rejet,
de discrimination, voire de haine ou de violence ; que cette incitation
est renforcée par le fait que l’auteur spécifique bien que la réponse à de
telles actions ne peut être légale, dans la mesure où « les réseaux de
lois, de règlements, de directives européennes et même de traités
internationaux laissent la nation sans défense » soulignant ainsi la
« mollesse » de la police et des tribunaux, propos qui conduisent
l’auditeur à assurer par lui-même et donc éventuellement par la
violence sa propre résistance à « l’envahisseur » qui veut le soumettre ;
que le jugement sera en conséquence confirmé sur la culpabilité » ;
“1o) alors que le juge chargé d’examiner des propos
susceptibles de constituer une incitation à la discrimination, à la haine
ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur
origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une
ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ne saurait
dénaturer lesdits propos pour entrer en voie de condamnation à
l’encontre de leur auteur ; que M. Camus, président d’un parti politique,
définissait préalablement dans son allocution publique la notion de
nocence comme assimilable à celles de « nuisance » ou de
« délinquance » et stigmatisait dès lors, en reprenant ce terme, la seule
criminalisation de comportements émanant de certains individus qu’il
présentait comme issus de l’immigration et qui auraient basculé dans
la délinquance ; que ces propos ne sont que l’expression d’une simple
opinion politique dénuée de toute incitation à la haine ou à la violence
à l’égard de quiconque, et relèvent par là même de sa liberté
d’expression ; qu’en entrant, néanmoins, en voie de condamnation à
l’encontre de M. Camus en énonçant que celui-ci avait tenu des propos
exhortant à la haine « des musulmans », la cour d’appel a dénaturé
lesdits propos et exposé sa décision à la censure ;
“2o) alors que le juge doit étudier les propos prétendument
discriminants qui lui sont soumis pour déterminer si ceux-ci sont
pénalement répréhensibles, sans les extrapoler ni substituer son
opinion personnelle à celle de leurs auditeurs ; qu’en estimant en
l’espèce, pour entrer en voie de condamnation à l’encontre de M.
Camus, que les propos qu’il avait proférés « conduisent l’auditeur à
assurer par lui-même, et donc éventuellement par la violence sa propre
résistance à « l’envahisseur » qui veut le soumettre », quand les
paroles de M. Camus ne contenaient aucune incitation à la violence et
que l’auteur se contentait de décrire « l’impuissance du système pénal,
qu’il soit policier ou judiciaire », la cour d’appel a encore dénaturé les
propos de M. Camus et violé les textes susvisés ;
“3o) alors que, pour que le délit de provocation à la
discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou
d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur
appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation,
une race ou une religion déterminée soit constitué, il ne suffit pas que
les propos incriminés soient de nature à susciter un sentiment, même
fort, de rejet ou d'hostilité à l'égard de cette personne ou de ce groupe
de personnes, encore faut-il qu'ils comportent une exhortation ou une
incitation à la discrimination, à la haine ou à la violence ; qu’en
l’espèce, M. Camus avait fait valoir devant la cour d’appel qu’il était
résolument opposé à toute forme de violence et que ses propos, qui
n’étaient que le reflet de ses opinions personnelles, ne contenaient
aucune exhortation ou incitation à commettre des actes de
discrimination, de haine ou de violence ou une quelconque infraction
pénale à l’égard de quiconque et encore moins à l’égard des
musulmans, en sorte qu’ils relevaient de sa liberté d’expression ; qu’en
entrant, néanmoins, en voie de condamnation à son égard sans
caractériser aucun acte positif d’incitation à la violence ou à la haine,
la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
“4o) alors la seule crainte d'un risque de racisme ne saurait
priver les citoyens de la liberté de s'exprimer sur les conséquences de
l'immigration dans leur pays ; qu'en l'espèce, les propos consistant à
attribuer à une partie de la population immigrée la commission d’actes
délictueux relèvent de la simple liberté d’opinion et que, faute de
comporter une exhortation ou une incitation à commettre des actes des
discrimination, de haine ou de violence à l'égard de quiconque, ces
propos relèvent de la liberté d'expression et ne constituent nullement
le délit prévu et réprimé par l'article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de la presse ; qu’en jugeant du contraire, la cour
d’appel a exposé sa décision à la censure” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il
confirme et des pièces de la procédure que, le 18 décembre 2010, M.
Camus a, lors d’une réunion publique dénommée “Assises internationales
sur l’islamisation de nos pays”, tenu notamment les propos suivants : “Ce
n'est pas à des voyous que vous avez affaire, c'est à des soldats. Enfin si,
ce sont bien des voyous, mais ces voyous sont une armée, le bras armé de
la conquête. [...] La nocence, que ce soit le bruit, que ce soient les
déprédations, que ce soient les occupations de halls d'immeubles et les
exigences du regard baissé au passage, que ce soient les vols, les
arrachements de sacs de vieille dame, les rackets au sein des écoles, les
cambriolages, les attaques à main armée, le trafic de drogue, l'ensemble de
ce qui est pudiquement appelé désormais le grand banditisme, ou bien, les
formes nouvelles, ultraviolentes, du crime organisé, la nocence est
l'instrument du Grand Remplacement du changement de peuple, de la
contre-colonisation, de la conquête, de l'élargissement permanent des zones
de territoire déjà soumis aux néocolonisateurs. En rendant la vie impossible
aux indigènes, les nouveaux venus les forcent à fuir, à évacuer le terrain
- c'est ce que les Anglo-Saxons appellent le "Whiteflight", la fuite des blancs.
Ou bien, pis encore, à se soumettre sur place, à s'assimiler à eux, à se
convertir à leurs mœurs, à leur religion, à leur façon d'habiter la terre et ses
banlieues qui sont l'avenir de la terre. [...] Ces colonisateurs qui sans cesse
reprochent aux indigènes de ne pas les accueillir suffisamment, ni assez
bien, ne semblent avoir rien de plus pressé, une fois dans la place, que de
se l'assurer tout entière et, comme tous les colonisateurs, ils ne rêvent que
d'être entre eux, les indigènes n'étant bons, éventuellement, qu'à faire
tourner l'entreprise, à tenir le magasin [...] Les attaques dont font l'objet les
pompiers, les policiers et même les médecins dès qu'ils s'aventurent dans
les zones déjà soumises le montrent assez : c'est en termes de "territoire",
de défense du territoire et de conquête du territoire que se posent les
problèmes qu'on réduit quotidiennement à des questions de délinquance, de
lutte contre la délinquance. [...] en de pareilles proportions, la nocence n'est
pas un phénomène qu'on peut abandonner à l'action policière ou à celle des
tribunaux, dont on connaît d'ailleurs la mollesse, engluée qu'elle est dans un
réseau de lois, de règlements, de directives européennes et même de traités
internationaux qui laissent la Nation sans défense et qui font de la Cité une
ville ouverte, une sorte de Troie [...] Le système pénal, qu'il soit policier ou
judiciaire, est impuissant. Chaque fois qu'un indigène est sommé de baisser
le regard et de descendre du trottoir, c'est un peu plus de l'indépendance du
pays et de la liberté du peuple qui est traîné dans le caniveau” ;
Attendu que M. Camus a été, à la requête du ministère public,
cité à comparaître devant le tribunal correctionnel en raison de ces propos ;
qu’il a seul relevé appel du jugement qui l’a déclaré coupable du délit de
provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe
de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt prononce par
les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu
aucun des textes invoqués, dès lors qu’elle a, à bon droit, déduit d’éléments
extrinsèques aux propos poursuivis, qu’elle a souverainement analysés, que
ceux-ci visaient l’ensemble des immigrés de religion musulmane, et qu’elle
a exactement retenu que lesdits propos, au prétexte d’un débat légitime sur
les conséquences de l’immigration et la place de l’islam en France, en ce
qu’ils présentaient tous les membres du groupe ainsi visé, assimilé au “grand
banditisme” et au “crime organisé”, comme des délinquants colonisant et
asservissant la France par la violence, et affirmaient que cette situation ne
pouvait être abandonnée “à l’action policière ou à celle des tribunaux”, dès
lors que les lois et les institutions chargées de les faire respecter étaient
impuissantes à protéger “l’indépendance du pays” et “la liberté du peuple”,
tendaient, tant par leur sens que par leur portée, à provoquer autrui à la
discrimination, à la haine ou à la violence ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
REJETTE le pourvoi
FIXE à 2 000 euros la somme que M. Camus devra payer à
l’association MRAP au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle,
et prononcé par le président le vingt septembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le
rapporteur et le greffier de chambre. »
On notera qu'à la somme à verser au MRAP il faut ajouter l'amende et les frais de justice soit au total environ six mille cinq cents euros.