Le chiffre fourni (un million) me paraît très important pour le seul esclavage barbaresque (celui qui concerne l'Afrique du Nord). Je ne sais si les mises en esclavage du bassin oriental ne sont pas comptées.
Par ailleurs, la période me surprend un peu : je pensais qu'il y avait un avant et après Lépante en Méditerranée occidentale (après Lépante, la marine turque n'est plus en état de menacer très sérieusement l'occident, il peut y avoir des razzias, mais très limitées).
Cela étant, l'esclavage barbaresque est très bien connu.
La raison de ces captures d'Européens (et leur grande valeur) était double :
- d'abord, technique. Les Turcs étaient de mauvais marins et leurs galères (hormis la partie "troupes d'assaut" et "artillerie") étaient largement armées par des marins grecs. Voici un site très intéressant sur les galères :
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www.mandragore2.net]
La galère avance de deux façons : à la voile, et à la vogue. Son équipage, nombreux, pouvait (sauf les plus rétifs) passer d'un poste à un autre (en gros ramer ou amener les voiles, abaisser le mât...). On conçoit l'intérêt d'avoir des rameurs-marins expérimentés. Pour cette raison, les Turcs étaient friands de marins occidentaux, ou de captifs côtiers. Ils ne disposaient en effet pas de chiourme. Notons, a contrario, que les occidentaux complètaient la chiourme par des captifs musulmans. Voici ce que Voltaire nous en disait dans le dictionnaire :
Entre les Africains musulmans et les Européens chrétiens, la coutume de piller, de faire esclave tout ce qu’on rencontre sur mer a toujours subsisté. Ce sont des oiseaux de proie qui fondent les uns sur les autres. Algériens, Marocains, Tunisiens, vivent de piraterie. Les religieux de Malte, successeurs des religieux de Rhodes, jurent de piller et d’enchaîner tout ce qu’ils trouveront de musulmans. Les galères du pape vont prendre des Algériens, ou sont prises sur les côtes septentrionales d’Afrique. Ceux qui se disent blancs vont acheter des nègres à bon marché, pour les revendre cher en Amérique. Les Pensylvaniens seuls ont renoncé depuis peu solennellement à ce trafic, qui leur a paru malhonnête.
- ensuite, économique : les captifs avaient une grande valeur marchande. Prenez simplement l'exemple de Cervantès.
Vous concevrez que, dans ces conditions, un esclave noir campagnard était de peu de prix par rapport à un esclave européen tout à fait utilisable techniquement et échangeable contre de l'or.
Notez enfin que les musulmans proposaient systématiquement la conversion aux captifs chrétiens, trop heureux d'obtenir ainsi des marins confirmés, acquis à leurs thèses. Le premier "propriétaire" de Cervantès fut Dali Mami, chrétien renégat et marin turc qui le vendit à Hassan Pacha, autre renégat (vénitien celui-là) et toujours marin Turc.