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Enseignement politique
Dans le village du Thoard, Basse-Alpes, entre Sisteron et Digne, où six maquis sont actifs et où des parachutages de la RAF ont eu lieu le 12 mai 1944, l’Occupant allemand communique, avec l’aide des Collaborateurs français. Le livre de Durandet reproduit en annexe le « Communiqué à la population » qui fait suite à la terrible répression qui a frappé le village le 14 mai 1944 (voir ci-après)
On constatera que les choix politiques majoritaires de la population dans ce village des Basses-Alpes sont très typiques de la fidélité à la République dans cette région de France, qui voit des soulèvements apparaître toutes les fois où s’instaure un régime despotique qui agit pour la renverser. Il faut porter sur la Résistance des maquis de Provence le même regard que sur les soulèvements armés et insurrections qui éclatèrent en Provence en défense de la Constitution lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851 contre la Deuxième République.
La plupart des Maquis de Provence durant la Seconde guerre mondiale, et les sentiments dans la population provençale aux XIXe et XXe siècle, manifestés dans les épreuves traversées par le pays, ont de manière constante exprimé le penchant de cette province pour la Restauration de l’ordre national renversé, qu’il l’eût été par la violence révolutionnaire des panzers européistes de l’armée d’Hitler et de ses agents en France en 1940-44 ou par celle de l’aventurier militariste qu’était Louis-Napoléon Bonaparte au siècle précédent.
On note d’emblée dans cette communication des chefs des panzerdivisions européistes et de leurs fantoches français prônant la révolution nationale, l’anglophobie obsessionnelle et le thème de l’amitié franco-allemande impossible parce que chroniquement trahie. L’Allemagne et ses exécutants français sont en passe de perdre la guerre à cause d’une trahison intérieure, ou plus précisément, à cause de la faiblesse des Français pour la hyène anglaise, à qui les Français pardonnent tout quand ils ne pardonnent rien aux Allemands.
Ce schéma argumentatif de l’Occupant hitlérien, articulé en français par une Collaboration qui montre une maîtrise parfaite de cette communication, se résume à mettre en exergue la trahison de la patrie par certains français coupables d’anglophilie sournoise, trompés qu'ils sont en cela par la juiverie internationale, et c’est ce même discours que nous retrouvons tel quel sous la plume et dans la bouche des Jacobins de 1792, chez les septembristes évidemment, mais aussi jusqu’aux plus modérés des constitutionnels, dont, notamment, Jourdan, que les massacres des septembriseurs ont pourtant profondément perturbé.
Jourdan, nous le verrons dans les citations du corpus septembriste que nous allons donner, échafaude une théorie du complot anglais dans la plus belle veine des théories complotistes post-modernes que nous connaissons : c’est l’Anglais, qui a dissimulé ses agents dans la populace parisienne, qui verse le vin gratuitement aux tueurs septembristes, c’est lui, jaloux de notre révolution et de notre jeune République, qui veut ruiner et affaiblir notre cause et notre nation, etc. et qui n’hésite pas, pour ce faire, à exciter les populations britanniques à entrer en guerre contre nous, à faire lever des armées contre nous par tout le continent etc..
En 1944, les révolutionnaires européistes, aidés par Vichy, brodent les mêmes arguments face aux populations provençales réfractaires aux forces et à l’idéologie qui ont renversé l’ordre républicain séculaire, et leur bras séculier s’abat sur les Résistants provençaux avec la même fureur apocalyptique que celui des amis de Marat à Paris en 1792 sur les aristocrates et les prêtres qui font montre de scepticisme face aux promesses de la Constitution et qui voient d’un bon œil la mobilisation des armées monarchiques aux frontières lorsqu’elles se déclarent résolues à restaurer la fleur de lys renversée.
A l’examen de ces archives, et à la lumière des signifiants que recèle l’OTB-53 que nous étudions, un constat s’impose, allant à l’encontre de toute narration officielle qui prévaut dans les consciences françaises depuis la Libération, et qui pourrait se condenser en quatre mots:
la Collaboration qui se prévaut de la Nation, et les panzerdivisions européistes qu’elle sert, l’une et l’autre tout aussi sanglantes, c’est le camp de la Révolution de 1792 ; les Maquis de la Résistance provençale en 1944, c’est la Réaction, c’est le camp du respect d’un ordre séculaire qui a été renversé quatre ans auparavant par les forces du sanglant idéalisme de la Révolution, et que ce camp s'emploie à restaurer. Le bord politique des Maquis de 1944, nonobstant l’ambiguïté de ceux d'obédience communiste, c’est celui qui, en 1792, représentait l’intérêt des marquis ! et secondairement, celui de l’Angleterre et des Anglais. La Résistance, c’est la fidélité à l’ordre établi, contre la Révolution européiste d’Hitler qui l’a subverti avec l’aide de ses fantoches vichystes illuminés ou séniles. Et Philippe Henriot de Radio Paris (sur les ondes de laquelle la chronique militaire quotidienne commencée le 4 janvier 1942 par Jean-Hérold-Paquis du comité d’honneur de la Waffen SS se ponctuait du slogan : « Et l'Angleterre comme Carthage, sera détruite »), c’est Marat de l’
Ami du Peuple.
Dans ce document, on retrouve un autre trait commun aux méthodes et « systèmes de valeur » des autorités d’Occupation de 1944 et des jacobins de la commune de Paris en 1972 : l’importance accordée au décompte exact des cadavres des victimes. Pourquoi donc y accorder pareille importance ? Parce que le souci de tenir un compte juste des cadavres des victimes massacrées atteste l’humanité du massacreur : les bêtes ne savent pas compter.
Communication allemande en 1944 : "(…) Pour l’Anglais, le rassemblement de Thoard n’est qu’un jeu, il a trompé quelques jeunes et sans la modération des Autorités allemandes, il y aurait un village de moins en France et quelques centaines de jeunes de morts
[nous sommes mi-mai, avant le Débarquement, un mois plus tard, cette « retenue » des Allemands sera plus incertaine, un frein aura lâché, comme on l’a vu à Valréas le 12 juin].
Les Anglais ne compteraient certainement pas les morts français, mais seulement avec satisfaction les quelques Allemands qui seraient morts dans l’attaque."
Extrait du témoignage de Jourdan sur les massacres de Septembre 1792, responsable du comité des Quatre-Nations qui, avec défiance, déclare dans un dialogue avec un commissaire septembriste qu'il a pu sauver des vies de blessés victimes des massacreurs :
"Ces gens-là (les massacreurs) savaient le nombre de leurs victimes et que s'il leur en manque quelques-unes, la tête du président (Jourdan) en répond". Exactement le cas de conscience que présente à Valréas le sauvetage de quatre des 53 fusillés : il faut, pour que le compte soit bon, aller se procurer à la morgue les corps de victimes de combats (ou d'une autre tuerie) dont le nombre compensera ceux qui font défaut pour avoir été sauvés, et qui, sinon, manqueraient au décompte final des cadavres. Si le compte n'est pas exact, le sang doit couler de nouveau. L'exactitude du décompte macabre est garante de la retenue et de l'humanité des bourreaux. Mais aussi : c'est le caractère indifférencié de la masse cadavérique qui permet ces réparations comptables, au point que l'humanité que confère l'exactide est au prix de l'inhumanité qu'introduit l'indifférentiation.
-- à suivre : facsimilé du communiqué allemand de mai 1944 ; facsimile d'extraits du témoignage de Jourdan, notamment dans son volet complotiste ; la nouvelle de la prise de Verdun par la 1ère Coalition équivalente pour les septembriseurs parisiens à celle de la prise de Mossoul pour l'Etat islamique en débandade --