Bien entendu, le courage, l'intelligence et le talent de Renaud Camus ne sont pas en cause mais la façon dont il a compromis la noble cause qu'il entendait défendre par une succession d'incohérences invraisemblables et de provocations délétères
1./ Pendant la présidentielle, soutenir Marine Le Pen alors que son programme anti-euro la conduisait nécessairement à l'échec et au ridicule, quand il aurait fallu l'annoncer par avance, en dénonçant ce dévoiement des aspirations du peuple français, ce qui aurait permis d'en tirer un grand bénéfice après l'échec électoral
2./ Se déclarer favorable à l'existence de l'Union européenne tout en adhérant à un groupuscule "souverainiste" dont le nom même s'interprète comme une contestation de l'existence même de l'UE, après une élection présidentielle qui avait sanctionné la ligne anti-européenne
3./ Prendre pour thème de campagne l'oxymore de la "remigration pacifique", slogan auquel même Cassandre ne parvient pas à croire et pour lequel aucun début de commencement d'explication n'a été donné (que se passe-t-il si les personnes condamnées à être remigrées c'est-à-dire déportées résistent en masse ? comment contraindrait-on les pays étrangers à accepter les remigrés ? comme les "nocents" sont en grande partie des nationaux français, en ferait-on des apatrides ? vers où les déporterait-on ?...)
4./ Côtoyer sans s'en offusquer les raclures de l'extrême droite française (jusqu'à dîner avec Henry de Lesquen), pour s'étonner ensuite que ces gens se comportent comme ce qu'ils sont (anti-sémites, haineux, sexistes, anti-gays, etc.)
5./ Choisir toujours les termes de nature à créer le plus grand trouble dans les rangs de ses propres sympathisants (Macron moins criminel mais plus grand génocidaire et plus hypocrite qu'Hitler...)
6./ S'associer à la dernière minute à des personnes incontrôlables avec le risque évident d'attirer quelques raclures propres à discréditer l'ensemble de la liste
Je hais la famille Le Pen, en tant que le père, par son racisme et son antisémitisme, et la fille, par son anti-européanisme, ont rendu impossible un débat rationnel sur les questions d'immigrations. Les membres de cette famille ont servi de faire-valoir à tous leurs prétendus adversaires (et la nièce fera pareillement, avec son programme contre le droit à l'avortement)
Mais enfin, dès lors que Marine Le Pen mettait un terme à la "ligne Philippot" anti-euro pour remettre au centre du débat la question des frontières européennes, pourquoi ne pas saisir l'occasion comme l'a fait Hervé Juvin (dont les livres sur la
Grande séparation, très proches de ceux de Renaud Camus, étaient publiés par Gallimard) ?
Les amis de Renaud Camus prétendent qu'il est un "voyant" et qu'il y a une grande continuité dans sa pensée et son action.
Une continuité paraît en effet établie, c'est celle du contre-temps politique :
1./ Dans les années 1970, il est militant au CERES, l'aile gauche chevenementiste du PS, parti qui fait campagne contre les mesures anti-immigration de VGE, lequel est contraint d'adopter les mesures sur le regroupement familial, celles qui vont déterminer toute la suite
2./ Dans les années 1980, électeur de Mitterrand malgré les régularisations massives d'étrangers et le programme du droit de vote aux non-européens (aux élections municipales)
3./ En 1993, électeur de l'union des écologistes, qui défendait le droit de vote des étrangers aux élections et qui n'avait aucun programme anti-immigration, alors que la droite parlementaire défendait elle un programme anti-immigration très ferme et a tenté de le mettre en application :
"Tendre vers une immigration zéro"
Puis c'est la Révélation, place du village de Lunel (l'équivalent du pilier de Notre-Dame pour Claudel) mais toujours le contre-temps, comme la suite l'a prouvé jusqu'à aujourd'hui.