Hypothèse convaincante en effet. Il m'est tombé dans ma BAL il y a quelques jours un courrier d'un "professionnel de la traduction" me proposant d'acheter ses TM, à 5 euros la TM. Savez-vous ce que sont les TM, Orimont ? Ce sont des "translation memories", soit des "mémoires de traduction". Tout "professionnel" de la traduction se devant d'utiliser aujourd'hui un logiciel TAO (traduction assistée par ordinateur), le modèle dominant le marché étant celui de SDL Trados
qui "génère" des bribes de traductions textuelles standard, par milliers par millions/that generate fragments of standard text translation by the thousand or the million, vous avez ci-dessus, en gras, un exemple de TM. Une TM peut être de la longueur de paragraphe, parfois d'une demi-page.
Vous pouvez donc, dès ce matin, vous Orimont, acheter avec 5000 euros, mille TM anglais-français qui feront de vous, instantanément, si vous savez vous servir de SDL Trados, un "professionnel de la traduction" de l'anglais, un traducteur presse-bouton. N'importe quelle ménagère titulaire d'un BTS de secrétariat peut donc ainsi, dans l'heure, se lancer sur le marché mondial de la traduction et si elle est persévérante et soignée, acquérir une indépendance financière réelle grâce à ce système.
Où est donc le problème me direz-vous ? Et bien dans le fait que les sphères créatrices et intellectuelles qui jadis pouvaient être sollicitées par ces métiers, architectes, traducteurs, concepteurs de ceci ou de cela, actionnant désormais des logiciels que d'autres ont pensés pour eux, plus rien ne se passe. Tout est mort, tout est simulacre, la mémoire a fondu, elle a été, comme disent les étudiants en management,
externalisée. Ces faux professionnels sont devenus des immémoriaux, des sauvages, des primitifs à l'image de ceux qui, dans les îles, n'ayant rien conçu du sac en plastique que leur envoie la civilisation occidentale, l'enterrent bêtement dans le sable des plages, n'ayant pas le cerveau/la mémoire/le logiciel pour
concevoir une suite recyclable à l'objet qui leur est fourni par d'autres voies conceptuelles que celles de leurs neurones.
C'est ainsi que l'innovation se meurt, elle migre vers les
innovateurs professionnels; le professionnel d'autre chose que de l'innovation (pharmacien, ingénieur, linguiste, scripteur, etc.) en est dépouillé, déserté; il se rapproche insensiblement du trisomique, lequel devient fondé à faire valoir ses droits à ces métiers. Cette dépendance des acteurs jadis créatifs à des fonctions mémorielles externalisées sonne la mort des métiers, de ceux qui faisaient la charpente de la civilisation.