Chère Ostinato,
Je suis très près de penser qu'
avant de faire lire La Princesse de Clèves aux adolescents, il conviendrait de leur enseigner à rédiger de petites notices techniques ou à corriger celles existantes. Le test de réussite consisterait à fournir la notice et l'objet à un ou plusieurs autres élèves chargés de monter ou mettre en marche l'appareil ou la procédure.
Autre expérience édifiante: demander son chemin à quelqu'un dans la rue et tâcher de démêler le réel (le plus tangible des réels, le topographique!) dans la bouillie d'indications vagues et contradictoires, assaisonnée de gesticulations inutilisables qu'il vous sert sur le mode du "je-me-comprends".
Partout, lorsqu'il s'agit d'être précis avec le fait technique, on barbote dans l'inarticulé, le babil, le jargon.
La haute finance, ou prétendue telle, a coulé comme le Titanic
aussi parce qu'on y avait atteint un stade où plus personne, y compris les acteurs situés au coeur de cette industrie, n'était plus très sûr de ce dont parlait dans l'hyperjargon ambiant.
Le réel est effrayant; le dire est devenu impossible: on tourne autour, on l'
évoque, sans plus.