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P. Djian : "écrire pour 150 lecteurs ne m'intéresse pas ".

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
23 janvier 2009, 09:02   P. Djian : "écrire pour 150 lecteurs ne m'intéresse pas ".
En gros, très en gros, voilà à quoi ressemble, aujourd'hui, un "grand técrivain"...


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Libération, le 22/01/09.
«La littérature est intéressante aux extrême" L'écrivain Philippe Djian, qui vient de publier les «Impardonnables» (Gallimard), a répondu jeudi à vos questions.


Zahra. Après le très intéressant interview paru dans Le Monde, il y a une question que je me pose qui n'a pas été soulevée.- Pourquoi avoir écrit les textes des chansons de Stephan Eicher?


Philippe Djian. J'ai écrit les textes de Stephen Eicher parce que, quand j'ai écouté Stephen Eicher pour la première fois, il avait beau parler en français, je ne comprenais pas ce qu'il disait. Donc, j'ai pensé que moi, auteur français, il me revenait de combler cette lacune.

Marc. Salut Philippe, amusant de te voir ici exposé aux questions de tes lecteurs! Si tes romans sont autobiographiques, ce que je crois, tu ne caches pas ton désintérêt profond à propos des opinons sur ce que tu écris ou des discussions bouquins d'une façon plus générale, en particulier avec des confrères. Ton éditeur t'aurait-il menacé de représailles atroces ? Raconte... ! Que peux-tu apprendre à tes lecteurs dans ce chat qui ne figure pas déjà dans tes romans ?

Mes romans me servent de tribune, les seules choses qui m'intéressent c'est de parler de la littérature, et en particulier de la langue. Je m'arrange pour que chacun de mes personnages principaux soient des écrivains, donc tout ce que j'ai à dire d'intéressant se trouve dans mes romans, et je n'ai rien à ajouter sur le travail de mes collègues.

Patrick. A la fin de Doggy bag, on a cette impression que le monde bascule, que plus rien ne sera pareil. Pensez-vous avoir pressenti ce qui allait nous arriver pour de bon, à savoir une économie mondiale renversée depuis quelques mois avec tout un monde à repenser ?

Bien sûr, je ne suis pas voyant, mais chaque fin de mes livres m'apparaît comme une fin du monde, et j'ai l'impression qu'au moment du point final un monde se referme. Cette fois, je crois que nous y sommes, et j'ose à peine déclarer que je trouver ça intéressant. Nous dormions, non?

PatrickBaucamps
. Bonjour monsieur Djian, Ce petit mot juste pour lever une légère inquiétude. Je sais que vous ne répondez pas aux lettres de vos lecteurs et je respecte tout à fait votre choix. Je voulais juste savoir si monsieur Eicher avait eu l'amabilité de vous remettre le courrier que je vous ai adressé ? Pour mémoire, il contenait une lettre et deux livres. Ceci n'est pas du tout du harcèlement mais juste l'anxiété d'un jeune auteur concernant la lecture de son travail.

Je pense que je reçois à peu près deux manuscrits par jour. Quand je travaille, je ne me jette pas sur ces manuscrits, ce qui fait qu'à la fin d'un roman j'ai à peu près 50 manuscrits qui attendent sous mon bureau. Si bien qu'à la fin du roman, je pars en courant, comme si le feu avait pris à la corbeille à papier. Plaisanterie à part, je suis sans doute le dernier écrivain auquel on doit envoyer un manuscrit, parce que je n'y connais rien.

Dodcoquelicot. J'ai lu votre interview dans les "Inrockuptibles". Pourquoi toujours autant de cynisme (de mémoire, par exemple, "écrire pour 150 lecteurs ne m'intéresse pas "... )? Une volonté de se mettre en marge de la marge, ou voulez-vous vendre à tout prix ?

Il ne s'agit pas de 150 lecteurs, mais de 10. Quoi qu'il en soit, 150 seraient encore insuffisants. Ce n'est pas la volonté de vendre à tout prix, mais le désir de penser que la littérature est partagée par le plus grand monde.

Artz. Olivier Adam se réclame de votre "parrainage littéraire" en invoquant votre souci de proximité des préoccupations quotidiennes, triviales, des "gens ordinaires". Qu'en pensez-vous ?

Je trouve qu'il est toujours flatteur d'être choisi comme parrain par un jeune auteur. Cela dit, je ne suis pas sûr d'être absolument intéressé par le côté trivial de la vie quotidienne, sinon à prendre ces choses de la vie quotidienne comme étant un reflet de la vie du présent. L'époque que nous vivons me semble proposer aux écrivains une énorme matière, d'où mon problème avec les livres qui traitent de la guerre de 14-18, ou pire encore.

Nico. Bonjour Philippe et merci pour le plaisir que j'éprouve à chacun de vos livres. Parmi tous ceux-ci, quel est celui (ou ceux) pour lequel vous avez le plus d'affection ?

Je les aime tous.

Olivier. Dans vos premiers romans dont le personnage était un auteur, on le découvrait avant le succès, dans l'attente de la reconnaissance. Dans les romans plus récents, le personnage auteur est un type fini, lessivé. Doit-on par conséquent considérer que vous pensez qu'un auteur dans sa plénitude est un personnage sans intérêt?

Plus simplement, je pense que la littérature est intéressante aux extrêmes, et qu'un écrivain bien installé dans sa besogne est à tout coup totalement inintéressant.

Eric. D'où vient ce monde parfois si pur, souvent illisible et toujours hasardeux ?

J'ose avancer qu'il prend naissance dans mon esprit.

Pierre. Je vous remercie pour les délicieuses heures d'évasion que la lecture de votre oeuvre enfante. De "50 contre 1" au monumental "Doggy bag", vos mots nous entraînent, nous vrillent les tripes et nous laissent KO de bonheur ! Vous êtes de ceux qui donnent envie!

Merci.

Votre pseudo. Un écrivain de votre trempe doit-il prendre position dans les conflits qui agitent le monde ?

Oui, mais il y a différentes manières de prendre position, dès lors qu'on n'est pas un spécialiste. Tenter de mettre au point une langue, un point de vue, un style en adéquation avec le monde me semble être une réponse relativement appropriée aux problèmes que nous rencontrons. L'écrivain doit être en mesure de proposer aux lecteurs un objet (la langue est un objet) pour décrypter le monde dans lequel nous nous trouvons, et si ce n'est pas prendre position par rapport aux grands problèmes auxquels vous faites allusion, qu'est-ce que c'est? Pour le reste, il y a des philosophes, des historiens, des sociologues etc.

Florence. vous avez écrit Doggy Bag en référence aux séries américaines (Soprano, Six Feet Under). Pensez-vous, comme Tristan Garcia, qu'on ne peut plus écrire pareil après ces séries? Si oui, pourquoi, ou en quoi sont-elles une rupture dans la manière de raconter des histoires? Accessoirement, pouvez-vous nous dire quelle série retient votre attention en ce moment et pourquoi?

Bien entendu, l'écriture des séries ne peut pas changer radicalement la manière d'écrire une histoire, simplement elle permet divers petits ajustement qui, éventuellement, peuvent contribuer à l'impression d'une narration différente. Mais la marge est très faible, surtout quant il s'agit de l'écriture proprement dite. Je pense tout au plus qu'on peut y trouver un rythme différent, ce qui est déjà beaucoup. Qu'on peut également accélérer les événements, mais est-ce suffisant pour penser que l'apparition des séries a révolutionné les structures de la narration?

Ce qui était surtout surprenant durant la découverte des Soprano, par exemple, ou de Six Feet Under, c'était l'incroyable qualité des dialogues et le soin inconnu sous nos lattitudes à réfléchir à l'endroit où l'on place la caméra. Et un écrivain doit toujours s'interroger sur cette fameuse place, Quant aux dernières séries que j'ai regardé dernièrement, il s'agit de Dexter et de The Riches.

Odrade. Je trouve que vous savez saisir notre époque beaucoup mieux que ne le font les sociologues. Y a-t-il des philosophes que vous avez lus, qui vous ont intéressé ?

Je ne lis plus de philosophie depuis que j'ai mis les pieds hors d'un lycée.

Toto. Nabokov pensait que le style et la structure étaient plus importants que l'histoire: qu'en pensez-vous ?

J'applaudis des deux mains.

Diapo. Que pensez-vous de l'arrivée de Barack Obama?

J'ai porté le badge «Hope» pendant un mois.

Chris. Soyez franc : vous avez un complexe vis-à-vis des écrivains américains, champions du monde du quotidien, et vous ne l'avez toujours pas surmonté. Vrai ou faux ?

Vrai.

Céache. Quels écrivains français contemporains conseilleriez-vous à un lecteur de Philippe Djian?

Echenoz, Modiano, et Tanguy Viel. Sans oublier Marie Darrieussecq qui m'en voudrait à mort, sinon.
Tanguy Viel et Marie Darrieussecq : question style, c'est cohérent, tant c'est nul et grammaticalement approximatif.
« Bonjour monsieur Djian, Ce petit mot juste pour lever une légère inquiétude. Je sais que vous ne répondez pas aux lettres de vos lecteurs et je respecte tout à fait votre choix. Je voulais juste savoir si monsieur Eicher avait eu l'amabilité de vous remettre le courrier que je vous ai adressé ? Pour mémoire, il contenait une lettre et deux livres. Ceci n'est pas du tout du harcèlement mais juste l'anxiété d'un jeune auteur concernant la lecture de son travail. »
Utilisateur anonyme
23 janvier 2009, 12:49   Re : P. Djian : "écrire pour 150 lecteurs ne m'intéresse pas ".
"le désir de penser que la littérature est partagée par le plus grand monde."


Non !, pas ça !!!...
Utilisateur anonyme
23 janvier 2009, 13:24   Re : P. Djian : "écrire pour 150 lecteurs ne m'intéresse pas ".
"le désir de penser que la littérature est partagée par le plus grand monde."

Le partage de la pensée que la littérature est un désir du plus grand nombre
Cher Renaud Camus, ce type ne vous arrive pas à la cheville...vous êtes trop bon...
Le partage du désir que le plus grand nombre pense la littérature

La littérature du désir de partage à laquelle pense le plus grand nombre

Le plus grand nombre qui pense que le désir se partage dans la littérature

La plus grande littérature, celle que se partage le plus grand nombre dans le désir de la penser

Le plus grand des désirs, celui que le nombre des partages soit pensé dans la littérature

La plus grande littérature, celle qui pense dans le désir partagé...

etc...
Utilisateur anonyme
23 janvier 2009, 15:33   A VOUS DE JOUER.
"Je ne lis plus de philosophie depuis que j'ai mis les pieds hors d'un lycée."


Je ne lis plus hors d'un lycée depuis que j'ai mis les pieds dans la philosophie.

Depuis que j'ai mis les pieds hors de la philosophie je ne lis plus au lycée.
23 janvier 2009, 17:23   Re : A VOUS DE JOUER.
Depuis que je me suis pris les pieds dans la philosophie, je ne me suis plus lissé le pli, etc...

Depuis que je me suis lissé les pieds, je n'ai plus rien lu hors de la philosophie...

Hors des plissés philosophes, la philosophie qui se lit perd pied, etc...
Marrez-vous, faites les dédaigneux : il n'empêche qu'AUCUN écrivain n'a envie d'écrire pour 150 lecteurs. Y compris parmi les meilleurs. Vous savez à quel point Proust s'est démené pour obtenir le prix Goncourt ? Pourquoi, à votre avis ? Parce qu'il voulait ÊTRE LU. Ce n'est pas plus malin que ça.
Utilisateur anonyme
23 janvier 2009, 23:46   Re : P. Djian : "écrire pour 150 lecteurs ne m'intéresse pas ".
Oui, peut-être, M. Goux, mais lorsque l'on pousse aussi peu la discipline, la contrainte, la pureté littéraire que P. Djian l'on se doit de réviser à la baisse ses petites prétentions !
Il y a bien des écrivains qui seraient bien contents de les avoir, les cent cinquante lecteurs...
24 janvier 2009, 10:35   Faits de langue
J'ai lu quelque part que la langue et le style étaient la vérité profonde, si l'on veut, le sens secret, des énoncés proférés ou écrits. Cela me revient à la mémoire à la lecture de cet article sur Les Impardonnables. Qui sait si la vérité (ou une vérité, un ancrage social, que sais-je) de ce titre et de l'homme qui l'a choisi, ne résident pas dans le pluriel de cet adjectif substantivé, et dans la forme de cet adjectif formé sur un privatif, im-, et sur un suffixe de capacité, -able, et dans l'inversion bien connue d'un défaut proclamé en qualité ("j'ai un grand défaut, je suis très franc") ? Cela ne pousse-t-il pas à jeter un regard méfiant sur Les Inrockuptibles (à vrai dire, ce n'est pas seulement pour des raisons grammaticales qu'on est fondé à se tenir éloigné de ce journal), Les Infréquentables, et autres ? Dans le cas de Djian, d'autres faits plus visibles permettent de se faire une idée de lui, mais en des situations plus complexes, plus fausses ou plus embrouillées, la méfiance grammaticale et stylistique peut être un bon instrument d'évaluation. C'est pourquoi je ne me suis jamais scandalisé de voir naître de fines analyses de langue en ce forum aux moments les plus inattendus, analyses parmi lesquelles je ne range pas cette remarque, née d'une réaction de lecteur. Il n'est guère possible de combattre le désastre dans sa propre langue, pas plus qu'on ne pourrait supporter une image de soi qui serait imposée par ses ennemis : on ne peut accepter d'être "converti en eux, changé en leur langage, traduit en leur idée du monde..." (K. 310 p. 252).
25 janvier 2009, 10:15   Re : Faits de langue
J'avais lu jadis l'un de ses livres, Lent dehors, exactement dans le même état d'esprit, eu égard à la littérature, où j'étais quand j'entrai furtivement dans la salle de cinéma où l'on jouait "cris et suçotements".
Las! dans les deux cas je suis resté jusqu'à la fin.

Car "lent dehors", cela vous fait penser à "lendore", mot charmant...
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