Une illustration des thèses camusiennes sur la « seconde carrière d'Adolf Hitler » au travers de déclarations de néo-résistants ayant participé au happening panurgique d'hier : les arrestations de clandestins sont des rafles, les rafles nous rappellent Vichy, les sans-papiers sont les juifs d'aujourd'hui et Sarkozy c'est Pétain. Bien sûr, ces gens doivent avoir une très haute idée d'eux-mêmes puisqu'ils se prennent pour les Moulin, Tillon, Aubrac d'aujourd'hui.
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Sans-papiers : à Paris, l'"acte de désobéissance civile" des bénévoles
LEMONDE.FR | 08.04.09
Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées, mercredi 8 avril, dans 90 villes de France à l'appel d'un collectif d'associations dont Emmaüs, la Cimade et la LDH pour exiger que l'aide aux sans-papiers échappe à toute notion de "délit de solidarité". Témoignages de manifestants, à Paris.
Pascal Bonhomme, retraité.
"Je ne suis pas un militant. J'ai 67 ans et c'est ma quatrième manifestation !". Il se dit "chrétien" – sa paroisse accueille des sans-papiers – et assure qu'il n'est pas un habitué des manifestations, loin s'en faut. Mais là, Pascal Bonhomme ne pouvait pas ne pas en être. " Les méthodes utilisées aujourd'hui me rappellent celles employées quand j'étais enfant. Ces méthodes divisent la population, suscitant la délation", frémit-il. Il raconte ainsi l'appel de la police judiciaire reçu par une des ses amies, qui aide les enfants de sa femme de ménage sans papiers à faire leurs études. Le film Welcome, qui met en scène un homme aidant un sans-papiers, Pascal Bonhomme en est "sorti en pleurant".
Céline, 37 ans.
Depuis les manifestations en faveurs des sans papiers de Saint-Bernard en 1996, Céline n'était pas redescendue dans la rue. Mais "aujourd'hui, c'était important que l'on soit le plus nombreux possible", explique-t-elle. "Je me sens concernée", dit Céline, même si elle n'a jamais aidé des sans-papiers, si ce n'est en donnant quelques coups de main à des voisins dans son immeuble. "Ce rassemblement c'est plus fort qu'une manifestation, c'est le signalement d'un engagement. En étant là, je signale que je suis prête à aider et à assumer mon geste de solidarité. C'est un acte de désobéissance civile de gens qui se disent prêts à être solidaires envers des sans-papiers."
Anne, retraitée.
" C'est honteux ce qui se passe. Quoi qu'en dise M. Besson [le ministre de l'immigration], il y a bien des traques de sans-papiers. Dans une démocratie c'est intolérable !", lâche Anne. Cette retraitée essaie, en vain, d'aider un Camerounais de 35 ans, arrivé en France il y a dix-sept ans, à obtenir des papiers : "Il a fait des études, parle parfaitement français, a tout un réseau d'amis français." "S'il s'agit d'immigration choisie, dit-elle ironiquement, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas choisi… "
Paquita Ines, 56 ans.
"Depuis 1968, c'est ma première manifestation", explique Paquita, chargée de gestion locative. Aujourd'hui, elle se sent "directement concernée". Car depuis le début de l'année, elle s'est "investie" et aide des Roms ayant un campement dans sa commune. "J'ai été sensibilisée, j'ai appris à les connaître", raconte-t-elle. "Il y a aujourd'hui une prise de conscience des gens, dit-elle. Au départ, dans mon boulot, je ne parlais à personne de ce que je fais pour les Roms. Mais maintenant, mes collègues me donnent des habits, de la nourriture pour eux."
Odile Maury 66 ans
"C'est ma première manifestation parce que cela commence à être trop répressif. C'est normal d'avoir la main tendue et il est inadmissible que cela soit réprimé", dit Odile... qui a vu le film Welcome. Un film qui, relève-t-elle, "montre bien toutes les tracasseries auxquelles on peut être soumis quand on commence à aider des sans-papiers". "On agite aujourd'hui le spectre de la peur devant les gens pour qu'ils restent bien tranquilles chez eux", dénonce-t-elle.
Madeleine Debaecker
Bénévole chez Emmaüs, Madeleine n'avait jusqu'alors jamais manifesté. Mais la mise en garde à vue, "honteuse, inadmissible" d'un responsable de la communauté à Marseille, ne l'a pas fait longtemps réfléchir : cette fois, elle ne pouvait pas ne pas se joindre au rassemblement. "Ils font n'importe quoi. Pourquoi moi, dans la rue, on ne m'arrête jamais, alors que les immigrés, ils n'y échappent pas, interpelle-t-elle. Ce n'est pas normal."
Bénédicte, 54 ans
"J'ai des enfants et je n'ai pas envie de leur dire que je ne savais pas", lâche Bénédicte dont la famille a caché des personnes pendant la guerre. L'année dernière, dans son petit village de Lozère où elle a une maison de famille, elle est allée voir le maire pour une famille kosovare sans papiers. Elle a été stupéfaite que l'édile lui montre une circulaire du ministre de l'immigration d'alors, Brice Hortefeux, rappelant que l'aide aux personnes en situation irrégulière était passible de cinq ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Bénédicte ne supporte pas d'entendre le ministre, Eric Besson, dire que cela ne concerne pas les bénévoles mais seulement les passeurs. "C'est de la manipulation, du mensonge, s'emporte-t-elle. On joue sur le mental des gens. C'est intolérable. Car il y a bien une pression." "S'il le faut j'accueillerai des gens chez moi… Enfin j'espère que j'en aurais le courage. Mais je crois que je l'aurais."
Propos recueillis Laetitia Van Eeckhout