Intouchable crédit

Une chose m'étonne, dans le parcours du combattant qu'est devenu la location d'un appartement. Les pièces à fournir, justificatifs de toute sorte, n'ont cessé d'augmenter. Outre des bulletins de salaire attestant d'un CDI (et quelquefois un CDI depuis un an), des déclarations d'impôts, on demande à présent jusqu'à des photocopies de fiches d'état civil, y compris celles du garant ! Il est bien sûr définitivement établi que la parole, l'engagement moral sont devenus aussi efficaces dans ces tractations que la danse de la pluie pour combattre la sécheresse et il faut endurer d'être considéré a priori, au mieux comme un irresponsable, au pire comme un escroc en puissance. Les agences immobilières justifient ces mesures plus que contraignantes par, disent-elles, la multiplication des impayés. Mais comment se fait-il, puisque l'obligation d'établir des dossiers "en béton" pour louer le moindre deux-pièces est une pratique qui a cours depuis maintenant des années, que les-dits impayés restent un grave problème ?

On s'aperçoit alors que dans ce déluge de paperasse censé établir la solvabilité d'un locataire une pièce justificative n'est pas demandée, au motif que ce serait enfreindre la loi, pièce qui, pourtant, me semble pour un propriétaire une garantie au moins aussi rassurante que toutes ces sacro-saintes fiche de paye. En effet, on ne demande pas d'exciper un document bancaire établissant qu'on n'a aucun crédit en cours, aucune dette. Ainsi, un locataire qui souhaite déménager et cherche une nouvelle location, qui a toujours su organiser sa vie en fonction de ses revenus, fussent-ils modestes, qui ne traîne après lui aucun crédit ni dette, qui a toujours été rigoureusement exact dans le paiement de son loyer et possède le sésame d'un CDI, se verra préféré un autre impétrant qui présente des revenus supérieurs mais à qui on ne demandera nullement si ces revenus ne sont pas mensuellement obérés par toute sorte de crédits.

C'est tout à fait vrai, Orimont. Mais il y a aussi tout un parc de logements réservés aux prestataires de l'APL pour lesquels les propriétaires sont assurés de toucher une bonne partie du loyer. Les marchands de sommeil en profitent un maximum en louant des taudis qui ne sont même pas contrôlés.

En effet, Ostinato. Malheur aux gens simples, qui règlent encore leur vie, par une sorte d'atavisme, sur des idées vieillottes qui n'ont plus cours mais qu'ils ne peuvent renier, qu'ils rêvent de renier mais ne peuvent, qui s'obstinent à s'étonner comme au premier jour, et en dépit de l'expérience acquise, qu'on ne les rappelle pas si on leur a dit qu'on allait les rappeler sans faute, qui s'étonnent comme au premier jour que la mendicité sociale à base de surendettement inconséquent et d'étalage d'argent gagné dans des métiers indignes vaillent compassion et respect, en tout état de cause soient plus reconnus comme attitudes contemporaines que la mesure, la réserve et, surtout, l'ambition d'être à peu près libre et si le crédit, la dette, sont les vraies valeurs du siècle, c'est d'abord parce qu'ils entérinent l'assujettissement encouragé, organisé et que le toxicomane et son dealer sont désormais le modèle de référence des rapports humains.

« […]le toxicomane et son dealer sont désormais le modèle de référence des rapports humains »
Bien vu, je retiens, merci, cher Orimont.

Très vrai, cher Orimont, et aussi très émouvant.

Ah, oui ! Orimont, vous ne pouvez savoir à quel point, vos idées rencontrent souvent les miennes ! J'ai toujour pensé que la logique de la société de consommation ressemblait à celle qui lie, comme vous dites, le toxico à son dealer. Je crois d'ailleurs que cette idée n'a rien de très d'original, mais vous avez l'art de trouver l'angle inédit et la formule qui la met particulièrement bien en valeur.

Ah pardon, pardon, en bonne théorie cassandrienne il ne sagit pas des rapports du toxico à son dealer mais de la pute à son mac ! Si vous maintenant vous voulez procéder à une révision doctrinale radicale allez-y, mais...

Les rapports toxico-dealer sont pour l'économie, de la pute au mac, pour la morale.

Je me permets de rappeler que la formule inversée "du mac à sa pute" vaut, elle, pour la soi disant protection des minortiés religieuses en terre d'islam : elles ne doivent leur survie qu'à condition de filer doux, de contribuer à la subsistance des musulmans par leur labeur et de supporter les pogroms récurrents de ces derniers à leur encontre. De la même façon, le mac "protège" sa gagneuse à coup de torgnoles et la tue si elle se rebiffe. Persécuter constamment les minortiés religieuses sans les exterminer, est ce que les musulmans appellent les protéger.

Et si c'est pas eux, c'est leur cochon...

Le forum comporte plusieurs experts en cassandrisme : seule la théorie "du mac à la pute" est actuellement validée et bénéficie de l'onction cassandrienne.

Je vois avec consternation qu'une branche dissidente est en train de pousser du côté de Plieux, risquant de créer une scission grave. Je vous dirai donc, bien cher Maître, qu'en parlant de la théorie "pute à son mac" vous enfourchez un dangereux cheval (voir la thèse de F. Marche "Horses and Cassandrism", Troy University, NY). Et vous connaissez tous les travers que présente un cheval lorsqu'il est mal monté.