"A la surprise - Une précaution à ne jamais négliger lorsqu'on est sur le point de lancer la ligne, c'est d'observer la rivière d'un coup d'œil afin de se rendre compte si, fait qui se présente souvent, des gardons ne sont pas tout contre la berge. Avant d'essayer d'atteindre ceux qui sont au large, s'efforcer de prendre ceux qui sont au bord.
A cette intention, raccourcir la ligne, manoeuvre facile avec un moulinet.
Ceci fait, se reculer légèrement pour n'être point vu des adversaires et poser délicatement la mouche, la mouche seulement, devant le museau de l'un d'eux.
C'est la pêche "à la surprise" avec ses fortes émotions.
Il arrive en effet qu'à la place du gardon visé surgisse brusquement un gros chevesne avec lequel il faudra batailler longtemps avant de s'en rendre maître.
Cette lutte demande du sang-froid, de la patience, un poignet souple et une canne flexible."
[...]
"Vous avez ferré, le poisson est accroché, il cherche à reconquérir sa liberté, il s'efforce de fuir, il défend sa vie. Il se débat. Du calme et du sang-froid. Sans nervosité ni brusquerie, mais d'une main ferme, amenez-le lentement à la surface. Il y arrive, il se débat de plus belle ; ayez le poignet souple, laissez-le s'agiter, il sera fatigué avant vous. Tachez de lui maintenir la tête hors de l'eau.
C'est fait. Marquez un temps d'arrêt. Voilà la victime immobile. Elle respire de l'air. Elle se pâme. Elle ne bouge plus du tout. Doucement, sans secousse, progressivement, enlevez-la. Elle vient sans un mouvement, inerte comme une planche ; déposez-la dans le pré ou dans le fond de la barque ; cessez de tenir la ligne tendue, pour éviter qu'au cours des soubresauts du poisson la ligne casse.
Si la pièce est trop grosse pour être enlevée ainsi d'autorité, dès que vous l'aurez immobilisé à la surface comme je viens d'indiquer, passez-lui prestement l'épuisette en dessous et attirez à vous."
[...]
"Pour produire des larves en abondance en vue d'amorcer, deux moyens sont à la disposition du pêcheur.
1° Suspendre dans un local accessible aux mouches une tête de mouton (sans la cervelle ni la langue), sous laquelle sera placé un seau contenant du son de blé.
Les mouches viendront pondre sur cette charogne. Au bout de quelques jours apparaîtront des centaines de petits vers blancs qui choieront dans le vase destiné à les recevoir et lequel contiendra un peu de suif et des débris de viande qui les nourriront et les engraisseront.
Veiller à ce que la tête de mouton ne parchemine pas. Pour écarter cet inconvénient, qui réduit la production des larves, ne pas la suspendre dans un endroit exposé aux rayons du soleil, ni dans un courant d'air."
Le Gardon,Sa Pêche En Toutes Saisons Fernand Biguet (1942)