"en dehors de toute notion de dépendance" écrivez-vous, Ostinato, alors qu'il n'y a que "rapport de dépendance" dans ce marchandage, de l'argent-lien. Le travailleur indépendant qui doit fermer boutique, parce qu'il est indépendant, retenu par personne, ni humain, ni entité, lorsqu'il a perdu la partie, que son entreprise, quelle que se soit sa taille (unipersonnelle comprise) doit fermer, ne verra jamais aucun lien de dépendance nominale et instituée lui rapporter 50000 euros de la main de personne; auprès de personne, je dis bien personne quand vous nous parlez "configuration", "entité abstraite", il se pourra négocier un tel dédommagement.
L'indépendance est à elle-même sa propre rémunération; elle est gratuite et ne rapporte aucun argent. L'obligation que ces ouvriers de "Conti" se sont imposée d'être là, tous les matins, le fil à la patte, pour que d'autres, des patrons, des contrôleurs, des agents de maîtrise, vérifient qu'ils étaient bien présents, cette obligation vaut compensation, est monnayable, ont-ils estimé, et ils ont obtenu gain de cause.
Tout ce qu'Orimont, de loin en loin, a pu écrire dans ces colonnes sur l'inutilité, la contrainte, le joug de boeuf, l'hypocrisie de la présence contrainte d'hommes à d'autres hommes; l'inutilité du mime utile, l'improductif simulacre du lien de dépendance dans le travail mimé, se trouve vérifié: c'est lui ce lien tout symbolique, c'est bien cette improductivité qui s'excuse en étant là que désormais l'on rémunère. Des manutentionnaires de pneus en gomme noire, objets les plus stupides et obsolètes qui soient au monde, vont toucher ce que bien des artistes, écrivains, penseurs, ne toucheront jamais de personne: ainsi se voient-ils dédommagés d'avoir consenti, vingt ou trente ans durant, à se plier au simulacre social de la dépendance favorablement sanctionnée par le capital et le social.
J'ai lu que l'élu Julien Dray, coupable or fortement présumé coupable de malversations financières éhontées, touche, grâce au cumul de ses divers mandats d'élus et de collectivités territoriale siégeant à diverses commissions où sa présence lui est de surcroît dédommagée par des jetons de présence, quelque 13000 euros par mois.
13000 euros par mois pour être Julien Dray, sur la cassette de la collectivité. Ce personnage assez méprisable, apôtre du "lien" social, de la dépendance généralisée se voit ainsi rémunéré nettement au-dessus de la majorité des cadres et chefs de PME que compte encore le pays.
Qu'a créé Julien Dray ? Rien. De petites officines de pourrissement de la vérité (SOS Racisme, etc.) lui ayant servi de planche à billets et c'est tout. Strictement rien d'autre. Julien Dray, qui vaut moins qu'un manutentionnaire de pneus absentéiste, gagne plus de deux fois le salaire d'un professeur agrégé d'histoire ancienne capable de disséquer les apports arabo-musulmans à l'Occident médiéval, qu'un biologiste ou qu'un mathématicien capable de modéliser des nano-particules qui soigneront le cancer ou la maladie d'Alzheimer, largement autant qu'un architecte de renom ou qu'un pilote de ligne.
Face à ces deux exemples qui illustrent la veulerie sociale dans laquelle on nous fait tremper, je me fais gloire, par exemple, d'écrire ici pour pas un rond. Pour un peu, j'en désirerais être pauvre.