Il m'a été donné au cours de ces deux dernières semaines d'entendre des personnes parfaitement honorables employer les mots "racisme" et "raciste", et ce dans des contextes singuliers.
D'abord, une vieille dame, très digne, pratiquante et très démocrate-chrétien : le patronyme de son mari, d'origine étrangère (européen), porte un tréma. Or, son petit-fils, il y a quelques années, quand il était en CE 2, refusait d'écrire son nom avec un tréma. La raison avancée : "il n'y a que moi et Saïd qui écrivons notre nom avec un tréma". La remarque de la dame : Dieu sait si, dans notre famille, on n'a rien à voir avec le racisme.
Ensuite, un médecin (femme,
miresse, disait-on en ancien français), qui "vote à gauche", se vante-t-elle, reconnait candidement que, quand elle voit des Chinois, ils lui semblent tous pareils et elle n'est pas capable d'en distinguer un seul. Sa remarque : "on va dire sans doute que je suis raciste" ou bien : "c'est peut-être que je suis raciste".
Enfin, un bobo, "marathonien" de la montagne, 50 ans environ, né à Saint-Denis (autrefois dans le département de la Seine) et établi dans le Val d'Oise ("ouf", dit sa femme, soulagée), n'a plus rien reconnu quand, par hasard, il est revenu récemment dans sa ville natale. Sa remarque : "on se demande où on est; il n'y a plus, dans la ville (ou dans le département ?) que deux boucheries : tout le reste est halal. Et ce n'est pas du racisme que de dire cela".
Autrement dit, à trois reprises et dans des circonstances très différentes (diner amical dans un petit village loin de tout, apéritif dans le Luberon et excursion en haute montagne), des individus, de convictions différentes et même opposées, ont fait référence au racisme et aux racistes, mais de façon totalement inappropriée, et ont donné à ces deux mots un sens "fantasmatique". Aucun de ces Français (de souche) ne croit à la supériorité de sa "race", religion (deux n'en ont pas), culture, civilisation, peuple sur les autres races, religions, cultures, civilisations, peuples... Aucun n'est xénophobe. La haine d'autrui est un sentiment qui leur étranger. Tous les trois portent des jugements bienveillants sur les étrangers, que ceux-ci vivent dans leur pays ou qu'ils soient établis en France.
Et pourtant, ils se croient obligés, fût-ce en mots, de se défendre de toute suspicion de racisme, quand ils évoquent des étrangers ou des musulmans; ils sont, non pas sur leurs gardes, mais sur une position de défense ou de pré-repentance; avant même que quiconque les accuse, ils devancent d'éventuelles accusations, en affirmant leur innocence ou leur bonne volonté. Ils campent déjà, verbalement du moins, dans la position des vaincus, qui courbent la tête et rasent les murs.
Il faut donc croire que la propagande antiraciste massive a atteint ses véritables buts, à savoir culpabiliser un peuple, le stigmatiser, le marquer au fer rouge du nouveau péché originel.