Le site du parti de l'In-nocence

Sur Jean Genet

Envoyé par Francis Marche 
30 août 2009, 15:56   Sur Jean Genet
Le site de la SLRC, où je n'interviens jamais, au moment où j'aurais voulu placer un message, déclare se fermer aux interventions pour cause d'obscures frictions de personnalités, si j'en crois son annonce. C'est dommage. Une vidéo de Renaud Camus s'exprimant dans un colloque où le thème central paraît être l'oeuvre de Jean Genet, avait été mise en ligne tout récemment. On y voyait l'auteur de Tricks nous livrer sa perception, ou sa totale absence de perception, selon son propre aveu, du thème de "l'homosexualité" chez Genet.

Renaud Camus l'écrivain est quelquefois intervenu sur le site de la SLRC en référence à nos débats sur le Forum de l'In-nocence dont le site web lui était inaccessible. Je ne sais si j'ai le droit de l'imiter dans l'autre sens, lorsque la SLRC ferme ses portes. Je ne résiste pas cependant à le faire en réaction à cette vidéo. Que ceux qui ne voient dans l'oeuvre de Genet aucune urgence à le faire veuillent me pardonner:

À l’écoute de cette intervention : une distinction s’impose. Renaud Camus est un gay, un insouciant, un homme de peu de cas. Jean Genet est un homosexuel, un réprouvé, un homme des profondeurs. M. Hercé devrait se taire lorsqu’il s’agit de Monsieur Genet. Il ne sait aucunement parler de Genet, ni de l’homme, ni du texte ni surtout de la douleur. La « douleur » de M. Hercé est une douleur de « gay », parfaitement mineure devant celle de Genet, homme du crime et de l’extrême qui lui est si manifestement étranger. M. Hercé, qui semble à cette occasion se faire le porte-parole de l’institution gay, ne sait évidemment pas de quoi nous parle Genet. On ne le lui fait pas dire.

Un mot sur la sexualité : elle passionne, elle fascine parce qu’elle est un intérieur extérieur, une impossible vision de soi par les autres. Ce que nous dit M. Hercé de ce phénomène : elle est un extérieur, un parlé, un soi-disant, un jeu de cirque absolument sans douleur ni sans aucune peur. Pouah !!!!

Notre-Dame-des-Fleurs est un texte opaque à M. Hercé. C’est que Notre-Dame-des-Fleurs est un texte sur le péché et le fou désir. On se réjouit que le gai M. Hercé n’y comprenne rien. Parler extérieurement, et donc contradictoirement, de son fou désir… Allons allons… ne demandons pas à M. Hercé l’impossible, puisqu’on vous répète que M. Hercé est un gay. Un type bien quoi, un beau paradeur, un type équilibré, un « moderne » enfin, un splendide et convaincant repousse-crime !
30 août 2009, 17:33   Record d'Héfème
"Un mot sur la sexualité : elle passionne, elle fascine parce qu’elle est un intérieur extérieur (...)"

Il est clair que le va-et-vient y joue un rôle non-négligeable.
30 août 2009, 17:39   Un de plus
Bien cher Orimont, si vous vous y mettez... enfin, je veux dire, si vous vous en occupez...
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 17:47   Re : Sur Jean Genet
Un insouciant, Renaud Camus, un homme de peu de cas ?...
Cher Francis, il ne me semble pas que le refus de voir en la sexualité (homo ou hétéro peu importe) un lieu et un motif de transgression fasse de cet auteur un homme sans affres ni profondeur, pas plus que la volonté de montrer la sexualité en pleine lumière et en toute transparence annihile la réflexion et les différents degrés d'interprétation, de jugement et de "conscientisation" afférents.
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 19:07   Re : Sur Jean Genet
M. Labeuche a raison, je ne vois vraiment pas pourquoi le fait d'être homosexuel aurait pour corollaire immédiat la réprobation, la douleur, la peur et la fréquentation des bas-fonds (si c'est bien ainsi qu'il faut comprendre la définition de Genet comme "l'homme des profondeurs"). Si Renaud Camus ne ressent pas les choses ainsi et n'accepte pas que Genet soit considéré comme l'alpha et l'oméga de tout discours sur la sexualité, cela ne fait nullement de lui "un beau paradeur" et "un homme de peu de cas"... Il y a chez certains homosexuels un attrait plus ou moins affiché pour la brutalité, l'humiliation et les malfrats, cela ne signifie pas que ceux que ce stéréotype érotique laisse indifférents sont forcément des êtres superficiels et narcissiques. Par ailleurs, je ne pense pas que l'auteur de Tricks se revendique comme "gay", terme qui apparait très peu dans ses textes ; ce n'est pas pour rien qu'il a inventé le terme d'"achrien".
30 août 2009, 19:12   Genet et Camus
Bien cher Francis,

Je suis assez de l'avis d'Alexis. La face noire de Genet n'est pour moi pas spécifiquement homosexuelle, il aurait très bien pu écrire sur le masochisme passif.
30 août 2009, 19:24   Re : Sur Jean Genet
« Je ne sais si j'ai le droit de l'imiter dans l'autre sens, lorsque la SLRC ferme ses portes. »

Pourquoi pas, même si ce forum-ci est de nature politique. Mais je déteste le ton de cette intervention, d'autant que sur le fond, elle apparaît bien fragile, comme le montrent les contributions qu'elle a suscitées.
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 19:35   Re : Sur Jean Genet
« Pourquoi pas, même si ce forum-ci est de nature politique »
Monsieur Meyer, votre intervention me rassure et me fait plaisir. J'ai toujours trouvé les fossés entre ce forum et celui de la SLRC déplorables, même si je respecte les raisons qui font que certains refusent de contribuer à l'un ou l'autre de ces forums (je n'ai pas connu 2002).
30 août 2009, 20:41   Re : Sur Jean Genet
J'ai conscience que je n'aurais pas dû. Pourtant, l'air de fruit autorisé que se donne Renaud Camus dans ce, quoi ? panel '(?) de 1993, sur l'oeuvre de Jean Genet, et singulièrement Notre-Dame-des-Fleurs, un des plus beaux, et pas seulement beaux, textes littéraires français que je connaisse, m'a poussé à réagir. Cela dit, si le vaguemestre de ce site souhaite effacer cette arborescence, je serais le dernier à m'en plaindre.
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 20:46   Re : Sur Jean Genet
Pourquoi n'auriez-vous pas dû ?
30 août 2009, 21:03   Re : Sur Jean Genet
Il y a trop d'humeur dans ma réaction. Par ailleurs, les arguments d'Alexis sont valides, évidemment. L'intervention de R.C. sur cette oeuvre littéraire est purement de politique. C'est l'intervention d'un militant politique, plus précisément, d'un militant gay. C'est fondamentalement ce qui me gêne et me déçoit. La littérature, celle de Genet, mérite mieux, de la part de R.C., qui apparaît ici comme piètre militant d'une cause toute relative (en 1993), et comme critique absent, gardant son intelligence dans sa poche. On se demande bien pourquoi. Ne trouvant aucune réponse à cette question, je dis ma déception. Je n'ai rien d'autre à ajouter pour ma défense. Je jury peut à présent se retirer pour délibérer.
C'est ce qu'avait écrit Genet à la fermeture du bagne de Cayenne. Ce qui veut dire que toute perspective de libération, ou même d'allègement de la peine, sera vécue comme une mutilation.
Or cette profondeur dont parle Francis a effectivement besoin du motif de la réprobation et du sceau de l'infamie pour être : ce n'est qu'une sexualité, une homosexualité ainsi lestée qui pourra être douée d'un champ gravitationnel créant l'effet de perspective et l'abîme.
L'improbation si jalousement revendiquée par Genet apparaît comme un moyen de mise en relief, et en ce sens comme procédé véritablement bathmologique.
Alors que l'achrien, encore plus que le gay (un peu trop ostensiblement joyeux et satisfait de son état tout de même), est de ce point de vue parfaitement lisse, placide, réconcilié avec soi et le monde.
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 21:28   Re : Sur Jean Genet
« On se demande bien pourquoi. »
Pour rester fidèle à sa ligne de conduite concernant la transparence de la sexualité et sa parfaite innocuité (et son corollaire : la banalité), même entre gens du même sexe, peut-être, non ? N'a-t-il pas écrit Tricks pour montrer qu'il n'y avait pas de quoi en faire un livre ?
C'est cette position que je trouve admirable, moi, en-dehors de tout militantisme de chapelle, justement.
La sexualité transparente m'est opaque. Tout joyeux promoteur de gay pride m'est opaque. Il n'y a pas de sexualité en dehors de l'inconnu et de son puissant et discret pouvoir de révélation. Le "pas de quoi en faire un plat" au sujet de l'(homo)sexualité me désespère, m'ennuie lourdement, comme, au fond, m'ennuie toute classique hypocrisie.
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 21:38   Re : Sur Jean Genet
Il me semble que nous sommes ici pour discuter et non pour juger ; les termes que vous employez ("jury", "délibérer") sont par conséquent plutôt déplaisants pour vos interlocuteurs... Pour en revenir au débat, j'aimerais replacer dans son contexte l'intervention de Renaud Camus : l'un des intervenants vient de dire que, selon lui, Genet "a épuisé le sujet de l'homosexualité". R.C. lui répond en reconnaissant la grandeur du style de Genet et son génie d'écrivain qui l'a "impressionné" et même "ébloui", mais il précise qu'il ne se reconnait nullement dans l'image que ce dernier donne de l'homosexualité, ses thèmes de prédilection (les folles, les traîtres, les malfrats, les marins, les matons...) lui apparaissant même, dit-il drôlement, comme "le comble de l'éculé". Il ne s'agit donc pas pour lui de nier la beauté de l'art de Genet ; il refuse simplement d'y voir "le" discours ultime et définitif sur la vérité de l'homosexualité. Il n'y a rien de scandaleux dans tout cela, même pour les admirateurs de ce grand écrivain qu'est Jean Genet.
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 21:40   Re : « On nous châtre de l'infamie »
Alors que l'achrien, encore plus que le gay (un peu trop ostensiblement joyeux et satisfait de son état tout de même), est de ce point de vue parfaitement lisse, placide, réconcilié avec soi et le monde.

Tous ses lecteurs auront certainement reconnu ici le portrait fidèle de Renaud Camus.
Pour ma part, j'avoue trouver un certain plaisir à une sexualité disons non de placard, mais du moins d'une certaine discrétion (d'autant que mon fétiche risquerait de s'effaroucher d'une homosexualité visible).

Pour vous donner une image, c'est une sexualité à la Isherwood, première époque.

Je comprends donc assez bien ce que veut nous dire Francis, tout en trouvant qu'il va trop loin, comme il le reconnaît, dans la vivacité. Un fois de plus, je vise au milieu, je m'en aperçois.
30 août 2009, 21:46   Re : Sur Jean Genet
"le comble de l'enculé" ?
Lisant le dernier Genet (Un Captif), c'est moi qui suis déçu de ce kitsch de l'extrême, de cette esthétique de la terreur un peu réchauffée. Le cygne aurait dû se taire après les indéniables grands romans... enfin, c'que j'en dis...
30 août 2009, 21:48   Dans le temps
Bien cher Bruno,

Le Genet famélique de la Libération pouvait tenir un langage neuf. Le Genet vieilli, d'apparence révolté mais dans les faits repu d'honneurs, lui-même transformé en "sugar-daddy" pour adolescents maghrébins, ne peut plus avoir la même force.
30 août 2009, 21:53   Re : Sur Jean Genet
"sugar-daddy" pour adolescents maghrébins ? Je peux l'utiliser ? Puis-je vous citer, cher Jean-Marc ? Et sous quel nom ?
30 août 2009, 21:59   Citation
Bien cher Bruno,

Amateur de la photographie de Renaud Camus, je préfère l'éclairage rasant de l'aube et du crépuscule à la lumière du plein midi : mes vices doivent rester cachés pendant que mes vertus sont publiques.

Je compte donc rester enveloppé d'un brouillard de bon aloi. Mettez que cela vient d'un lecteur de Renaud Camus.
30 août 2009, 22:03   Re : Sur Jean Genet
Mais tout de même, quel sens de la formule, modeste Jean-Marc...
» Tous ses lecteurs auront certainement reconnu ici le portrait fidèle de Renaud Camus.

« De ce point de vue... », c'est à dire du point de vue de sa sexualité, enfin...
Il n'y a pas de problème, pas de quoi en faire un plat, pas de remous, on en viendrait presque à baiser comme on se brosse les dents (j'exagère)... Tout se passe, doit se passer, sans heurt, le plus harmonieusement du monde, dans une confraternité virile et parfaitement huilée.
On fait l'amour à la Brahms, si j'ose dire.
De toute façon, il est évident qu'il n'y a pas, qu'il ne peut y avoir de juste façon de vivre sa sexualité : ce sont des esthétiques sexuelles différentes, voilà tout, sans qu'il n'entre dans ces considérations aucune sorte jugement moral ou esthétique, ce qui serait un comble.
Nabokov avait fort justement écrit que « La sexualité est la petite sœur ancillaire de l'Art », et Renaud Camus m'apparaît avant tout comme un auteur classique.
Tout concorde, donc.

Disons tout de même que l'aspect subversif de la chose s'introduit, chez Renaud Camus, par un biais inattendu, et qui peut être extraordinairement gratifiant : c'est la bonté qui devient subversive.
30 août 2009, 22:48   Re : Sur Jean Genet
"à la Brahms"??????
Utilisateur anonyme
30 août 2009, 22:55   Re : Liebe und Frühling
Tout se passe, doit se passer, sans heurt, le plus harmonieusement du monde, dans une confraternité virile et parfaitement huilée.

Vous devriez lire le "Journal de Travers".
31 août 2009, 01:06   Re : Sur Jean Genet
Une sexualité brahmsienne ? Je ne suis pas absolument sûr de ce que cela peut signifier mais c'est une image très attirante. Je me demande d'ailleurs si Renaud Camus la récuserait, lui qui aime à la fois Brahms et l'amour en musique, l'amour accordé à la musique.
Utilisateur anonyme
31 août 2009, 01:28   Re : Sur Jean Genet
« Tout joyeux promoteur de gay pride m'est opaque »
Comment, Cher Francis, pouvez-vous comparer cette mise en application de l'homo festivus murrayen qu'est la gay pride avec la volonté camusienne de montrer que l'(homo)sexualité n'a rien de sacré ni donc de sacrilège ? Et en quoi cette position vous paraît-elle hypocrite ? J'avoue ne pas comprendre.
31 août 2009, 03:21   Re : Sur Jean Genet
Je vous sais gré d'abonder dans mon sens, cher Marcel, d'autant que sur le moment, "l'amour à la Brahms", Arak aidant, m'avait paru d'un bel effet, mais après...
31 août 2009, 07:09   Re : Sur Jean Genet
Elle me paraît hypocrite parce que toute sexualité emporte une part de souffrance, et que toute quête sexuelle, à commencer par la quête d'un(e) partenaire qui retient la mise à terme de cette souffrance pour fin (et finalité), ne saurait être entreprise ordinaire. Ne serait-ce que pour cela, la "banalisation" du sexe m'apparaît comme hypocrite -- hypocrite négation de cette souffrance. Si l'(homo)sexualité était chose ordinaire, elle n'existerait plus depuis longtemps et l'espèce humaine se serait éteinte d'ennui.

L'homosexualité, parce qu'elle est sexualité (qu'elle n'est pas du touche-pipi) est, précisément, sacrée. Mon désaccord avec votre proposition est donc total. Mais n'étant pas le mieux placé ici pour parler de l'homosexualité (non plus que de la sexualité en général, il va sans dire), cette réponse sera ma dernière sur ce fil. Le sacré, de toute façon, invite à se taire.
31 août 2009, 09:25   Re : Sur Jean Genet
Sacré Francis, va !
Le sacré de toute façon, invite à Cythère ? Hein ? Comment ?
Utilisateur anonyme
31 août 2009, 10:59   Re : Embarquement
"Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort."
31 août 2009, 13:04   Frégate
Dans le cas d'espèce, "toutes voiles dehors !".
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