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la mère à Neuilly

Envoyé par Mélophile 
01 septembre 2009, 09:22   la mère à Neuilly
Sur l'impulsion d'une réaction épidermique j'attire votre attention sur un épisode, certes mineur, mais pas indigne d'examen. J'aurais pu le titrer: on n'est jamais si mal servi que par soi-même. C'est dire que je pense que mis à part les faits guerriers purs, si je puis dire, l'instauration d'une domination est en forte partie la conséquence de certains abandons de terrain chez les futurs dominés, voire de certaines attirances secrètes.

On nous bassine depuis bientôt un mois avec un film en passe (dit-on) de concurrencer les films US. Tout est déjà dans le titre, délicatement ciselé, "Neuilly, sa mère !". Thème: la France (c'est à dire les Blancs ex-colons), ramenée à la caricature de sa bourgeoisie, et les immigrés trans-méditerranéens valorisés au point, totalement délirant, que leurs pires souillures verbales (bizarrement censées, comme la religion réputée majoritaire chez eux, être l'usage de toute la "communauté") sont reprises avec gourmandise, comme si dans leur cas seulement l'insulte par salissure de la femme ou de la mère était chose anodine, admissible au langage civil, voire follement tendance, comme le consensus médiatique ne manque aucune occasion de nous en faire l'article.

La bande-annonce, complaisamment resservie aux infos télé, n'étonnera personne: sauce dégoulinante, sentimentalisme et populisme, Prévert et Mao, mélange Amélie Poulain/Marius et Jeannette, pesante copie de comédies récentes sur le thème de l'authenticité populaire déboulant dans un monde factice. Bref, gros sabots habituels, mais ce film qui sent si fort la fabrique n'est qu'une pièce d'un appareil idéologique multi-fonctions (quoique mono-maniaque).

Je reviens à son titre, qui m'a fait bondir à la première annonce, et qui donnera, inversement, de multiples décharges de plaisir à la foule des complaisants, à chaque occasion de le répéter.

On notera que l'expression est abrégée (elle l'est souvent dans l'usage de la rue), mais qu'il manque les points de suspension mis ordinairement pour un bout de phrase essentiel mais pudiquement oublié: le bon bout ici, celui du verbe, le désormais indispensable "niquer". Vous savez, ce verbe que tout le monde médiatique vous redit à chaque phrase, entre deux "kiffer" - son pendant édulcoré, où comment s'y préparer aimablement…
Nous avons appris à nous en accommoder voici quelques lustres déjà, quand NTM avait mis sur orbite cette phrase, intégrale à l'époque (donc plus honnête), dans son intégrité de frappe durable, son principe de cancer sans retour. C'était à l'époque de Jack Lang, quand l'avènement d'une dictature morale d'un genre nouveau était sanctifié par la pose anti-censure de ses victimes désignées - triste héritage.

À mon avis ce n'est pourtant que le vecteur langagier de l'entreprise. Le même train charriait d'autres batteries, dont la balistique était moins repérable. Il y avait aussi l'humour, faussement anodin, mais surtout la culture "hip hop", déployée sur plusieurs champs: vocifération quasi-monocorde sur rythmique de combat, gymnastique ramasse-poussière, vêture relâchée jusqu'au scatologique, maculations acryliques murales. Dès ce moment où les bonnes consciences, à qui mieux mieux, ont laissé sortir par leurs bouches ce "niquer", elles assuraient aussi le service complet en exposant (sacrifiant) à cette pollution leur musique (etc.), leur langage et jusqu'à leur accent, leur mode vestimentaire, et les murs de leurs villes (et campagnes).

Le long fleuve tranquille de cette conquête a trouvé son lit tout fait. Pourtant si les chanteurs et les musiciens, pour ne parler que d'eux, avaient osé mépriser ouvertement cette entreprise anti-mélodique formellement dédiée à la propagande haineuse (par sa formule même et quelque soit le contenu verbal), ou seulement s'en démarquer, une autre partition se serait jouée. Il fallait marginaliser le rap, laisser ses harangues et sa vindicte à cette engeance malveillante (comme y prédestinaient tous les traits de la culture populaire et avant tout sa double assise harmonique/mélodique). La chose est tellement fruste qu'ils s'en seraient lassés eux-mêmes, et tellement dépendante d'un large public masochiste à fustiger, qu'elle aurait duré moins longtemps, sans les opportuns relais idéologiques spontanément offerts par le monde artistique (ô servitude volontaire). Mais les valeureux récalcitrants se compteront sur les doigts d'une main, et tout le star-system s'est entiché de cet exotisme virulent, s'enracaillant comme on s'encanaillait jadis. Ceux qui ont suivi le mouvement sans plaisir se sont gardés de le dire. On sait qu'en général le monde politico-médiatique cherche à la fois l'audience et la tranquillité.

Phase deux, l'euphémisation, dont ce film témoigne: c'est passé dans les mœurs, tout le monde "kiffe" et "nique", au point qu'on peut lancer des versions "familiales", manière de bien refaire la leçon, mais édulcorée, pour tromper les plus vieilles générations et les personnes sensibles. "Sa mère" donc. Tout le monde a intégré quel verbe délicat cette mère mérite, et sait que c'est une insulte infâmante, sexiste, mais que compte tenu d'où ça vient c'est licite, voire valorisant (racisme donc, bien involontaire mais flagrant, qui consiste à normaliser un tel langage, contrairement aux usages, en raison de sa provenance).

On se souvient de récentes affaires de rappeurs aux propos inqualifiables, certains invités par des festivals. Édulcoré ou pas, chers artistes, vous en portez la responsabilité. Qu'on laisse Villon tranquille, ce n'est pas une affaire de censure, c'est un point d'honneur artistique. Tout se tient. N'importe quel chanteur ou danseur qui se tient à l'écart (dans tout son être artistique) de cette gangrène fait œuvre de résistance, ou simplement de probité - ce qui suffit bien - bien au-delà de ce qu'il en pense lui-même. De même quiconque, qui refusera d'employer ou de trop entendre certains mots, ou d'aller voir certains films.

Rapide coup d'œil sur Internet: "niquer" est le plus souvent donné comme équivalent de "faire l'amour" ou "pratiquer l'acte sexuel". Encore l'euphémisation, d'un verbe dont la vraie charge est clairement la domination sexuelle masculine (ou de rôle actif), et par extension la domination tout court. Dans l'expression "sa mère", c'est le viol - ou, ce qui revient au même, la stigmatisation par excellence, le ravalement de la mère de l'autre comme putain, sa mise hors humanité - avec cette aggravation que la mère ainsi souillée est ravalée du même coup en simple vecteur du déshonneur d'un mâle de référence (son fils), seul véritable sujet humain.

(Au fait, la partie éludée du titre pouvait aussi bien être "la putain de", mais
bon...).

In l'article de wikipédia:

• Au mois d’octobre 2008 a eu lieu dans New York un festival nommé "I Kiffe NY–French Urban Cultures", festival organisé par les Services Culturels de 'Ambassade de France aux Etats-Unis en partenariat avec le magazine TRACE et regroupant pas moins de 32 événements autour du thème des cultures urbaines.
Utilisateur anonyme
01 septembre 2009, 09:53   Re : la mère à Neuilly
l'authenticité populaire déboulant dans un monde factice.

Vous remarquerez que c'est un poncif déjà très ancien au cinéma puisqu'on le retrouvait chez Renoir dans Boudu sauvé des eaux et plus tard dans La Vie est un long fleuve tranquille, où un petit "desouche" banlieusard déniaisait une famille entière de bourgeois, les Le Quesnoy. On a maintenant en prime (si je puis dire) l'exotisme de la "diversité"...
01 septembre 2009, 11:24   Re : la mère à Neuilly
Il faudrait revoir Renoir. Cela paraîtrait peut-être très différent aujourd'hui. Merci à Mélophile pour son intéressante analyse. Quelqu'un ici a-t-il été voir cette chose ?
01 septembre 2009, 11:34   Chose
Pour ma part, non, et je n'irai pas voir cela.
Utilisateur anonyme
01 septembre 2009, 14:37   Re : la mère à Neuilly
On dirait que la "France d'après" de N. Sarkozy se met en place plus facilement, et plus tôt que prévu...
01 septembre 2009, 14:43   Tout vient à temps...
Moi, vous savez, tant que je garde mes files séparées, elle peut venir quand elle veut, la France d'après...
Utilisateur anonyme
01 septembre 2009, 14:51   Re : Une lueur d'espoir
On dirait que la "France d'après" de N. Sarkozy se met en place plus facilement, et plus tôt que prévu...

Justement, ce qui me rassure un peu dans les extraits que j'ai pu voir de ce film, c'est que Sarkozy y est présenté comme le repoussoir absolu, le symbole de la France-qu'il-faut-détester : le jeune beur de banlieue qui débarque à Neuilly est horrifié de se retrouver dans "la ville de Sarkozy" et le petit desouche antipathique et prétentieux qui prête mal volontiers sa chambre au beur interdit à ce dernier de toucher aux affiches UMP et aux portraits de Sarkozy qui en tapissent les murs : "Ma chambre, tu l'aimes ou tu la quittes !" lui dit-il.
01 septembre 2009, 14:59   Moscoutaire
En fait, bien cher Alexis, je pense que certains intervenants sont des communistes masqués : ils n'aiment pas notre Président, Chef de l'Etat, Premier personnage du pays. Surtout, j'ai mis à jour leur haine de classe : ceux qui ne supportent pas les files séparées, la première classe dans les trains, le fait qu'on ne parle pas aux serveurs dans les restaurants, les comportements inégalitaires sont forcément communistes...
01 septembre 2009, 15:03   Re : Moscoutaire
» ... sont des communistes masqués : ils n'aiment pas notre Président, Chef de l'Etat

Quel amalgame !
01 septembre 2009, 15:06   Majuscules
Bien cher Bernard,


Je cherchais à placer des majuscules multiples... j'avais envisagé le Pape...
01 septembre 2009, 15:29   Re : Majuscules
Oui, je comprends : la haine du bas de casse...
Utilisateur anonyme
01 septembre 2009, 15:51   Besoin d'amour.
, c'est que Sarkozy y est présenté comme le repoussoir absolu, le symbole de la France-qu'il-faut-détester

Tous les efforts de ce pauvre Sarko seraient donc vains, irrémédiablement vains... ?
01 septembre 2009, 15:54   Khâgne
Hé oui, bien cher Bernard, il y a des lettres supérieures...
01 septembre 2009, 16:36   Re : Khâgne
... pas à "jmarc", malheureusement...
01 septembre 2009, 16:48   Nobody's perfect
Hélas, trois fois hélas...


Que pensez-vous des excellentes définitions suivantes du Merriam-Webster relatives à certaines situations américaines :

Brahman, usually Brahmin: a person of high social standing and cultivated intellect and taste <Boston Brahmans>.


Pundit: a person who gives opinions in an authoritative manner usually through the mass media.
01 septembre 2009, 17:29   Re : la mère à Neuilly
Les brahmanes, en Inde, sont parfois très pauvres, ce qui ne les empêche pas d'être respectés. Et les "intouchables", peuvent être très riches (comme les marchands de bois à Bénarès...) Mais on voit bien l'idée, évidemment.

Au fait, vous n'avez jamais répondu, à propos de la relation entre la classe "brahmin" et les "Wasp", nouvelle (?) définition...
01 septembre 2009, 17:57   Question
An fait, je n'ai pas vu la question...


Pourriez-vous la reformuler ?


Par ailleurs, pour faire suite à des messages précédents, j'avais oublié la cuisine végétarienne des Tamoul, que je trouve aussi exceptionnelle.

Vous connaissez sans doute cette chaine de restaurants de Madras, dont j'ai gardé un excellent souvenir (je n'aurais jamais pensé que la cuisine végétarienne puisse être aussi variée et aussi bonne, en France elle est triste...) :

[www.saravanabhavan.com]
Utilisateur anonyme
01 septembre 2009, 18:00   Re : Question
je n'aurais jamais pensé que la cuisine végétarienne puisse être aussi variée et aussi bonne, en France elle est triste...) :

Et à Shanghai ? hein ? elle n'est pas bonne la cuisine végétarienne ? non mais... !
01 septembre 2009, 18:21   Etranger
Que voulez-vous, il faut bien qu'il y ait des Français qui travaillent à l'international... juste pour faire rentrer un peu d'argent pour le refiler aux autres...

Je crois d'ailleurs que nous sommes plusieurs parmi les liseurs à faire de temps en temps nos valises et à nous taper dix heures d'avion...

Francis est-il en train de déguster une sorte de bougna-roussette à Bornéo ? cela se consomme-t-il là bas ?
01 septembre 2009, 18:29   Re : la mère à Neuilly
Alexis écrivait:
-------------------------------------------------------
> l'authenticité populaire déboulant dans un monde
> factice.
>
> Vous remarquerez que c'est un poncif déjà très
> ancien au cinéma puisqu'on le retrouvait chez
> Renoir dans Boudu sauvé des eaux et plus tard dans
> La Vie est un long fleuve tranquille, où un petit
> "desouche" banlieusard déniaisait une famille
> entière de bourgeois, les Le Quesnoy. On a
> maintenant en prime (si je puis dire) l'exotisme
> de la "diversité"...

Nous sommes d'accord. C'est un peu, si je m'en souviens bien, l'argument de Houellebec dans sa charge contre Prévert. Mais parfois c'est réussi (les films), en partie parce que parfois le poncif - très opportunément pour lui - se vérifie quelque peu (dans la réalité), et qu'une certaine délicatesse du traitement peu sauver un scénario pas trop forcé ; même il arrive que ça "passe" parce que tout est à fond les manettes, et que la force narrative transcende les catégories. Reste que la situation inverse, un bourgeois transformant le populaire, n'est pas fréquemment risquée par la plume ou par la caméra.

On peut dire que cette veine populaire, populiste, ou pseudo-populaire est largement mise à profit pour réaliser l'accession de nouveaux personnages à la sphère symbolique/fantasmatique, ces derniers se substituant en tant que nouveau peuple symbolique à l'ancien, sauf que l'ancien n'était à vrai dire plus du tout symbolique (à ses propres yeux), mais plus vraiment réel non plus, c'est à dire capable d'attachement, car absorbé lui aussi - quoique piètrement - par la technique ludique, ses dérivatifs diaboliques et le chant des sirènes de la modernité efficace (sans compter la surprise de ne plus être un acteur de l'action se jouant sous ses yeux, ni les culpabilités diverses).

De là ma conviction que, parallèlement aux données (et au vécu) socio-historiques, le terrain a été lâché artistiquement (esthétiquement, symboliquement) - en tenant compte que ce lâchage était aussi partiellement un effet classique de l'essoufflement cyclique des formes après leur moment de vivacité (années 1980). Ajoutez là-dessus le cynisme et tout ce qu'on voudra de pas bien beau, le premier un peu gonflé qui passe emporte la mise.

Il faut croire que "quand c'est plus l'heure"... Mais il faut dire les choses, car il n'est jamais trop tard.
Notez, bien cher Mélophile, qu'il n'y a pas besoin d'être de gauche pour aborder ce genre de sujet. Voici quelques exemples du style "classes supérieures odieuses" :

Autant-Lara, dans "La Traversée de Paris", nous délivre à la fois une charge contre le commerçant "Jambier, 45, rue de Bolivot", et un peu plus tard contre les petites gens (la fameuse scène "Salauds de pauvres"). Il récidiva lors du montage final du film (il devait s'arrêter à la scène du camion amenant Bourvil). La censure ayant trouvé la fin trop immorale, Autant-Lara ressuscita Martin mais le fit ployer sous les valises à la gare d'Austerlitz.

De même, Francis Blanche et Jean Yanne provoquèrent plusieurs réactions très vives, circa 1965, en organisant le sketch suivant : Francis Blanche, guidé par Jean Yanne, se garait avec une énorme voiture américaine et percutait sans merci une vieille petite quatre-chevaux, avec Jean Yanne disant : "Vas-y, c'est une voiture de pauvre".
Utilisateur anonyme
01 septembre 2009, 19:02   Re : la mère à Neuilly
On peut dire que cette veine populaire, populiste, ou pseudo-populaire est largement mise à profit pour réaliser l'accession de nouveaux personnages à la sphère symbolique/fantasmatique, ces derniers se substituant en tant que nouveau peuple symbolique à l'ancien

Vous avez raison, et on pourrait citer de nombreux exemples pour illustrer ce que vous dites ; je pense tout particulièrement à un film récent, Adieu Gary, lointain héritier dans son esthétique du "réalisme poétique" à la Prévert ou à la Duvivier (La Belle équipe). On peut y voir une petite communauté d'ouvriers et d'employés (en majorité des immigrés) vivotant tant bien que mal dans une petite ville de l'Ardèche progressivement vidée de ses habitants à la suite de la fermeture de plusieurs usines. Le film s'achève sur la transformation du local syndical de la Maison du peuple en mosquée...
01 septembre 2009, 19:29   An Outcast in the Islands
Non Jmarc. A Bornéo, on goûte au renoncement culinaire. Par exemple, le porc n'existe guère, la volaille y est très maigre. Mais le choix de poisson y est luxueux et parfaitement décadent (à Kuching au Sarawak, si vous y passez, montez à "Food Court" à deux pas de la fontaine aux Chats: deux douzaines de restaurants de poisson où l'on choisit sa victime vivante, sous un grand chapiteau où trois à quatre cents ripailleurs se bousculent en permanence comme sous les hangars de la gare de Lyon un vendredi de départ en vacances... On "fait son marché" dans les étals des légumes, que l'on vous préparera à la façon que vous souhaiterez, et on vous comprend à mi-mot, à mi-geste dans ce vacarme, et tout ça est copieux et recouvre les tables pliantes, le crabe, par exemple, bleuté vivant, rosit en trépassant pour vous et se barbouille la gueule comme un chat de sauces sombres, aux huîtres, à la pâte de crevette si vous le voulez, et même à la patte de crevettes si vous insistez. A se pâmer, n'eût été la concurrence des gros mangeurs chinois qui festoyent autour de vous dans des scènes brugueliennes - les chiens et les enfants sous les tables, les matrones de service à poitrine lourde qui vont et viennent entre les tablées, les travées, en beuglant les commandes aux cuisines, les chopines de Milo entre les doigts, comme des bagues aux chatons démesurés; il n'y manque que les joueurs de luth, mais pas les mendiants).

Mais Bornéo reste pour moi le paradis du fruit inconnu. Pardon, aucun autre qualificatif plus simple ne me vient sous la langue non plus qu'au palais: le sawo, invraisemblable prune oblongue, velue comme un kiwi, d'un brun terne, et qui se révèle dans la bouche être une poche de nectar au moka, le sirsak, qui macère dans la glace pour produire un jus à aspect de latex, qui désaltère, rafraîchit et nourrit légèrement mais parfaitement, etc..

Ah que non, les Tropiques ne sont pas tristes ici ! (dans l'avion, je relisais Lévi-Strauss dans son Brésil, sur la ligne Rondon, en 1938, à qui l'on servait un breuvage au maïs dont je n'ai pas retenu le nom et qu'il définit comme "à mi-chemin entre la bière et la soupe" -- peuchère..!)

Le nom de Kuching (en hakka, je crois) signifie, "chat", du coup, la ville a un musée du Chat, un fontaine où trônent des moulages de chats de quatre toises, etc.. Les chatonnes sont partout.
01 septembre 2009, 20:12   Re : la mère à Neuilly
C'est simple, vous affirmiez que Wasp ne voulait pas dire Wasp. Comme on dit chez Wiki : « Cet article ou cette section est sujet à caution car il ne cite pas suffisamment ses sources »... Je vous avais fait remarquer que le Webster ne soufflait mot de votre interprétation de l'acronyme...
01 septembre 2009, 20:13   Re : la mère à Neuilly
Le Cave se rebiffe sur Paris-Première.
01 septembre 2009, 21:14   Wasp
Bien cher Bernard,

Je n'ai pas recherché mon message mais je vais vous dire ce qui m'était venu à l'esprit. WASP signifie pour moi Anglo-Saxon protestant de la côte est et de milieu très aisé.

Prenons un autre exemple d'Anglo-Saxon protestant (baptiste celui-là) des collines du sud et du centre. Il est qualifié de redneck, et en aucun cas de WASP. Plus péjoratif encore, vous avez le "White trash", pour lequel je vous livre cette analyse de l'oeuvre de Faulkner :


The biblical Pharisees were shut off from the kingdom of God because of their self-righteousness and spiritual arrogance. Christ's indignation at such action is echoed in "The Kingdom of God" and in the concluding section of The Sound and the Fury, both of which contain Faulkner's parabolical warning against modern pharisaism. This idea is fully developed in the novel, when Frony objects to Dilsey's bringing the idiot to the Negro church on Easter Sunday.4

"I wish you wouldn't keep on bringin him to church, mammy," Frony said. "Folks talkin."
"Whut folks?" Dilsey said.
"I hears em," Frony said.
"And I knows whut kind of folks," Dilsey said, "Trash white folks. Dat's who it is. Thinks he aint good enough fer white church, but nigger church aint good enough for him."
"Dey talks, jes de same," Frony said.
"Den you send um to me," Dilsey said. "Tell um de good Lawd don't keer whether he smart er not. Don't nobody but white trash keer dat."

Dilsey's "white trash" are the modern Pharisees, whose self-righteous hypocrisy prevents them from accepting Benjy and thus excludes them from the kingdom of heaven. Dilsey alone seems to understand the meaning of the Easter sermon, which is filled with reference to children ("Look at dem little chillen settin dar. Jesus wus like dat once. . . . Ma'y settin in de do' wid Jesus on her lap, de little Jesus. Like dem chillen dar, de little Jesus"), pride and arrogance ("I hears de boasting en de braggin"), and humility ("de meek Jesus"). Dilsey, in her simple faith and enduring humility, says to Benjy, "You's de Lawd's chile, anyway. En I be His'n too, fo long, praise Jesus."



Faulkner est encore plus explicite dans "Requiem for a nun", où il nous écrit : "as even Ratcliffe, son of a long pure line of Anglo-Saxon mountain people and — destined — father of an equally long and pure line of white trash tenant farmers who never owned a slave and never would since each had and would imbibe with his mother's milk a personal violent antipathy not at all to slavery but to black skins"

Vous voyez-là qu'il y a une fracture parmi les Anglo-Saxons même (Faulkner était presbytérien je crois, et regardait de haut les baptistes).

Cette notion de White trash, dans ce sens du protestant Anglo-Saxon dévoré de préjugés petit-blancs a été créée par Harriet Beecher Stowe, quand elle écrit en 1852 le fameux chapitre "Poor White Trash" de "La Case de l'oncle Tom".

[books.google.com]

Harriet Beecher Stowe était très exactement une dame WASP, fille du fameux pasteur Lyman Beecher, l'homme qui lança le "Second Great Awakening".
01 septembre 2009, 21:19   Wasp
Bien cher Bernard,

Je n'ai pas recherché mon message mais je vais vous dire ce qui m'était venu à l'esprit. WASP signifie pour moi Anglo-Saxon protestant de la côte est et de milieu très aisé.

Prenons un autre exemple d'Anglo-Saxon protestant (baptiste celui-là) des collines du sud et du centre. Il est qualifié de redneck, et en aucun cas de WASP. Plus péjoratif encore, vous avez le "White trash", pour lequel je vous livre cette analyse de l'oeuvre de Faulkner :


The biblical Pharisees were shut off from the kingdom of God because of their self-righteousness and spiritual arrogance. Christ's indignation at such action is echoed in "The Kingdom of God" and in the concluding section of The Sound and the Fury, both of which contain Faulkner's parabolical warning against modern pharisaism. This idea is fully developed in the novel, when Frony objects to Dilsey's bringing the idiot to the Negro church on Easter Sunday.4

"I wish you wouldn't keep on bringin him to church, mammy," Frony said. "Folks talkin."
"Whut folks?" Dilsey said.
"I hears em," Frony said.
"And I knows whut kind of folks," Dilsey said, "Trash white folks. Dat's who it is. Thinks he aint good enough fer white church, but nigger church aint good enough for him."
"Dey talks, jes de same," Frony said.
"Den you send um to me," Dilsey said. "Tell um de good Lawd don't keer whether he smart er not. Don't nobody but white trash keer dat."

Dilsey's "white trash" are the modern Pharisees, whose self-righteous hypocrisy prevents them from accepting Benjy and thus excludes them from the kingdom of heaven. Dilsey alone seems to understand the meaning of the Easter sermon, which is filled with reference to children ("Look at dem little chillen settin dar. Jesus wus like dat once. . . . Ma'y settin in de do' wid Jesus on her lap, de little Jesus. Like dem chillen dar, de little Jesus"), pride and arrogance ("I hears de boasting en de braggin"), and humility ("de meek Jesus"). Dilsey, in her simple faith and enduring humility, says to Benjy, "You's de Lawd's chile, anyway. En I be His'n too, fo long, praise Jesus."



Faulkner est encore plus explicite dans "Requiem for a nun", où il nous écrit : "as even Ratcliffe, son of a long pure line of Anglo-Saxon mountain people and — destined — father of an equally long and pure line of white trash tenant farmers who never owned a slave and never would since each had and would imbibe with his mother's milk a personal violent antipathy not at all to slavery but to black skins"

Vous voyez-là qu'il y a une fracture parmi les Anglo-Saxons même (Faulkner était presbytérien je crois, et regardait de haut les baptistes).

Cette notion de White trash, dans ce sens du protestant Anglo-Saxon dévoré de préjugés petit-blancs a été créée par Harriet Beecher Stowe, quand elle écrit en 1852 le fameux chapitre "Poor White Trash" de "La Case de l'oncle Tom".

[books.google.com]

Si vous souhaitez que je précise mon idée sur ce qu'est exactement un WASP, n'hésitez pas. Je souhaiterais par ailleurs savoir si d'autres partagent mon analyse.
01 septembre 2009, 21:23   Re : Wasp
Oh dans le contexte, disons, "colonial", il y a pire que le "White Trash", je veux parler du "Poor White Trash" désargenté et méprisé par les natifs autant que par ses congénères de la métropole.

En dessous encore, mais dans un registre humoristique, il y avait, et il y a toujours, à Hong Kong, le... non, je n'ose pas le nommer. Les Indiens ont leurs Intouchables, Hong Kong a ses... non, décidément, je n'y parviens. Vous devez m'aider Jmarc.
01 septembre 2009, 21:45   Hong Kong
Par ordre croissant de discrimination et de préjugé, je dirais pour Hong Kong le Chinois du continent, la servante des Philippines, l'Indien et surtout le noir.

Un homme est effectivement méprisé partout : le blanc qui se laisse aller, le blanc que les créoles appellent justement le "blanc gâté" et qui ne doit attendre aucune commisération et aucune pitié. Vous en avez dressé un portrait fort crédible lorsque vous nous avez raconté une certaine séance au tribunal.

Je reviens au Baron Samedi un instant : si vous vous promenez en costume (je les prends généralement clairs sous les tropiques, je déroge à la mode américaine, je donne dans le costume de lin difficile à entretenir, mais le Seigneur dans Sa Bonté a créé les lavandières) en Amérique latine, vous aurez le respect des commerçants, de la police et de votre chauffeur car vous serez en taxi, paierez des pourboires et ne ferez dix mètres que pour entrer dans tel ou tel bâtiment, comme le font les autochtones d'un certain milieu. Les enfants jeteurs de pierre les réservent pour les chiens et les mendiants, car leur nuque est fort adaptée à la poigne des policiers et des multiples vigiles qui défendent l'ordre établi, c'est à dire l'argent, et par là même les autochtones et étrangers d'aspect décent. Vous serez surpris du nombre "d'uniformados" dans les villes latino-américaines.

Pour notre ami Zendji qui cite souvent Montherlant, je rappellerai le conseil que celui-ci donna à Peyrefitte après avoir été pris en flagrant délit avec un jeune garçon dans un hôtel miteux de Marseille : faites ce genre de chose dans un hôtel cher, la police vous respectera.
01 septembre 2009, 22:04   Los ninos de la calle
Tous les mioches des rues, sur tous les continents, aiment à lancer des pierres aux épouvantails. Mais je n'ignore rien, enfin, je n'ignore pas tout, de ce à quoi servent les vigilantes partout où les riches suent sous le soleil tropical à se garder des pauvres qui, eux, vous le remarquerez, contrairement aux clichés, ne transpirent jamais.

Oui, l'homme de bien tropical, s'il veut tenir son rang, non seulement ne doit pas courir, comme le disent les Anglais, mais encore, ne doit pas marcher. Ainsi se forme, ordinairement, le mythique oeuf tropical des joueurs de bridge sous les ventilateurs, le flacon de Bombay Saphire à portée de mains.

Revenons à Hong Kong: a crop of newcomers commença à y faire son apparition il y a une génération environ, sur le veston et la lavallière desquels vous n'auriez risqué de frotter des diamants de crainte de les abîmer, selon le mot d'un amis anglais. Les Chinois virent ainsi débarquer sur leur sol, pour la première fois en près de deux siècles, l'indécrottable accent cockney qu'ils n'entendent pas. On nomma cette pépinière de désespérés économiques en apprentissage d'ambition les FILTH, de Failed in London, Try Hong Kong. Ils tinrent leur rôle remarquablement, allant tête basse prendre leur ferry du soir car ne pouvant se financer un logement sur l'ïle principale ou seulement Kowloon, la cravate défaite, la chemise douteuse débordant du pantalon, le soulier lourd, la serviette fatiguée, ou neuve, ce qui est pire, bourrée de cahiers de malheureux écoliers que des écoles chinoises piètrement avisées avaient confiés à leur anglais d'égoutier. Ils devaient révéler, par le mépris dont ils étaient l'objet de la part des Britanniques établis comme des Chinois, que Hong Kong ne fut jamais une "colonie", seulement le lieu d'une entente provisoire entre deux Empires hautains, mariés par convenance.
Bien cher Francis,

Je vois que nous arrivons à peu près au même point quant au white trash.

Juste un mot pour Bernard : attendant une fois à Cochin (on va me haïr, je le sens) un office en la petite église anglicane de Saint-François-Xavier, je vis qu'un petit groupe de soldats indiens armés s'assemblait au dehors.

Quelques minutes plus tard, je vis arriver une jeep armée d'une mitrailleuse browning de calibre 50, précédant deux vans. De ces minibus descendit un groupe de très vieux Anglais, davantage de dames que de messieurs, fort bien mis mais de cette façon qui n'appartient qu'aux Anglais d'un certain milieu. Ces personnes, ces blancs qui tenaient leur rang et qui avait décidé de finir leurs jours dans l'Inde qu'ils aimaient à leur façon, étaient à l'évidence très respectés des Indiens.

Je suis en cela profondément raciste : le Blanc doit tenir son rang, sinon il n'est plus rien. Il est pour moi inimaginable, dans un pays tropical, de sortir dans la rue, voire de sortir de ma chambre à l'hôtel, sans m'être rasé et sans avoir mis un pantalon long au pli marqué et une chemise repassée (on peut dans certains cas se contenter d'un pantalon clair du jour, d'une chemise claire et se dispenser de la veste et de la cravate tant que la nuit n'est pas tombée, je deviens dangereusement moderne).

Cela suppose du Blanc (parfois qui est un Blanc Japonais, les Nippons étant reconnus historiquement blancs en Amérique latine ou en Afrique du sud, il ne viendrait pas à l'idée d'un Zoulou de dire qu'un Japonais est jaune, il est blanc, évidemment blanc) qu'il n'exige pas trop exactement son droit, qu'il emploie du personnel auquel il ne demande pas des efforts démesurés, qu'il ait une oreille attentive aux demandes de congés ou de secours, et qu'il accepte de se faire rouler dans des proportions raisonnables, en tout cas sans qu'il montre qu'il le sait, bien qu'on sache très bien qu'il le sait.

A ce prix, le diable étranger auquel les étrangers reconnaissent les qualités qu'ils n'ont pas, peut faire du yuan, de la piastre, des dollars exotiques, du real, du sol, des différentes roupies, et surtout, pour un Français, du dirham, du dinar ou du CFA.
01 septembre 2009, 23:32   Re : Wasp
» WASP signifie pour moi Anglo-Saxon protestant de la côte est et de milieu très aisé.

Donc, WASP signifie bien White Anglo-Saxon Protestant, ou je ne connais plus rien aux mathématiques des ensembles. Ce qui m'a perturbé est que vous affirmiez, dans un message passé : « Bien chers amis, Contrairement à une idée répandue, l'acronyme WASP ne signifie pas, en réalité, White Anglo Saxon Protestant ». Je suis tout à fait rassuré.
02 septembre 2009, 03:16   Re : Wasp
Message effacé.
02 septembre 2009, 08:29   WASP encore
Bien cher Bernard,


Je m'étais en effet très mal exprimé, je le reconnais volontiers. Je voulais simplement dire, et cela aurait été mieux que je le dise ainsi, que les WASP étaient de façon très majoritaire des Anglo-Saxons protestants (avec quelques rares exceptions qui confirment la règle comme les DuPont et les Rockefeller) et qu'en revanche tous les Anglo-Saxons protestants n'étaient pas WASP au sens de l'école sociologique qui avait défini la notion de WASP.
02 septembre 2009, 08:52   Waspism
Bien cher Bernard,


Voici un texte de 1969 (donc avant l'apparition de la Correction Politique) qui montre assez bien les différentes interprétations que peut avoir le mot WASP, en indiquant clairement les acceptions étroites (la mienne, qui voit les WASP façon brahmane, c'est à dire une caste, qui n'a pas forcément le pouvoir économique mais qui a le pouvoir intellectuel et la "légitimité de l'ascendance") et les acceptions larges (celle préférée par l'auteur qui considère plutôt une notion de majorité). Ce texte nous montre aussi comment on peut être assimilé aux WASP.

Je le recopie en entier, j'espère ne pas être lassant.


Voici cependant deux citations que je mets en exergue :

Ultimately, Waspism may be more a state of mind, a pattern of behavior, than a rigid ethnic type. Some non-Wasps display all the characteristics normally associated with the most purebred Wasps. Consciously or not, they are Waspirants. Many people were surprised to learn that Edmund Muskie, who talked and looked like a Down East Yankee, was actually of Polish descent. Edward Brooke, who was successfully promoted for the U.S. Senate by civic-spirited Wasps, has all the attributes of a well-bred Wasp, as does Whitney Young Jr. One doesn't have to be white, Anglo-Saxon and Protestant to be a Wasp in spirit. The Wasp aura is created by the right education, style, social position, genealogy, achievement, wealth, profession, influence or politics.


Thus Roman Catholics like William Buckley, Sargent Shriver and Ted Kennedy are pushed toward Waspdom by their associations, professions and life styles.



Puis :



"The perfect candidate," wrote Harvard Professors Edward Banfield and James Wilson, "is of Jewish, Polish, Italian or Irish extraction and has the speech, dress, manners and the public virtues—honesty, impartiality and devotion for public interest—of the upper-class Anglo-Saxon."

Ironically, it was a member of a Roman Catholic dynasty, John F. Kennedy, who added new luster to Wasp ideals. He was such a model Wasp with his dry humor, his laconic eloquence and his lack of sentimentality, that he set a style which encouraged many authentic upper-class Wasps to take heart and to run for political office. John D. Rockefeller IV was one. He was followed by George Bush in Texas, William L. Saltonstall and John Winthrop Sears in Massachusetts and Bronson La Follette in Wisconsin. "In previous times, you had to be born in a log cabin to be elected to office," notes John Jay McCloy, who has been called the board chairman of the U.S. Wasp Establishment. "Now, to be born with a silver spoon in your mouth often means you have a distinct advantage. This would seem to indicate that the tradition of the Adamses, Elihu Root and Henry Stimson is perhaps even greater today."



Voici maintenant le texte dans son intégralité :



IT is a low-key intuition, not spiteful or malicious, but pervasive: in the minds of most Americans the incoming Nixon Administration seems to represent the comeback of the Wasp: the white Anglo-Saxon Protestant. True enough, the new President's Cabinet, with three Roman Catholics, is statistically no more Waspish than most in recent decades, even though it stirred comment for including no Negro or Jew. But people sense about Nixon's appointments, and his style, a tone of reassuring Wasp respectability and good manners. The forces that elected Nixon—those who most avidlv supported him—are Wasp to the core; the "ethnic blocs" voted for Humphrey. With Nixon's accession, noted Norman Mailer, it is "possible, even likely, even necessary that the Wasp enter the center of our history again."

Exactly who it is that will take over the center is a problem of definition. Wasps are not so easily characterized as other ethnic groups. The term itself can be merely descriptive or mildly offensive, depending on the user and the hearer; at any rate, it has become part of the American idiom. In one sense, it is redundant: since all Anglo-Saxons are white, the word could be Asp. Purists like to confine Wasps to descendants of the British Isles; less exacting analysts are willing to throw in Scandinavians, Netherlanders and Germans. At the narrowest, Wasps form a select band of well-heeled, well-descended members of the Eastern Establishment; at the widest, they include Okies and Snopeses, "Holy Rollers" and hillbillies. Wasps range from Mc-George Bundy and Penelope Tree to William Sloane Coffin Jr. and Phyllis Diller. Generously defined, Wasps constitute about 55% of the U.S. population, and they have in common what Columnist Russell Baker calls a "case of majority inferiority."

A Quiet Retreat

Sometimes Wasps are treated like a species under examination before it becomes extinct. At the convocation of intellectuals in Princeton last month, Edward Shils, professor of social thought at the University of Chicago, announced: "The Wasp has abdicated, and his place has been taken by ants and fleas. The Wasp is less rough and far more permissive. He lacks self-confidence and feels lost." Other observers feel that the growing dissension in American life is a clear sign that the Wasp has lost his sting, that his culture no longer binds. The new radicals and protesters are not in rebellion against Wasp rule as such, but they deride the Wasp's traditional values, including devotion to duty and hard work.

Although it is possible to exaggerate the decline of the Wasp, who has never really left the center of U.S. power, he is indisputably in an historical retreat. The big change came with the waves of migration from Europe in the 19th century, when many of his citadels—the big cities—were wrested from his political control. In a quiet fallback, the Wasps founded gilded ghettos—schools and suburbs, country clubs and summer colonies.

Lately, the non-Wasps have pursued them even there. A few years ago, Grosse Pointe, a Wasp suburb of Detroit, was notorious for rating prospective homeowners by a point system based on personal characteristics; Jews, Italians and "swarthy" persons almost invariably got so few points that they could not buy houses. Now all that has been abandoned, and Grosse Pointe has many Roman Catholic and Jewish residents. Downtown private clubs remain bastions of Wasp exclusiveness, but doors are opening. One recent example: Jews gained admission to the Kansas City Club in Kansas City, Mo., after an uproar over exclusionary policies; a rumor got out that the Atomic Energy Commission refused to locate a plant in the city because of private-club discrimination.

Non-Wasp groups are far better represented in Ivy League schools than they used to be: Jews, for instance, constitute about 25% of the student bodies. So traditional an Episcopal prep school as Groton now includes some 25 Roman Catholics, a dozen Negroes and three Jews. Jews stand out sharply in the nation's intellectual life, and Jewish novelists are beginning to overtake the fertile Wasp talent. Scarcely a single Wasp is a culture hero to today's youth; more likely he is the bad guy on the TV program, where names like Jones and Brown have replaced the Giovannis and O'Shaughnessys. The banker who made Skull and Bones is no model for undergraduates, writes Sociologist Nathan Glazer in FORTUNE. "Indeed, often the snobberies run the other way—the white Anglo-Saxon Protestant, generally from a small town or an older and duller suburb, is likely to envy the big-city and culturally sophisticated Jewish students."

Proper Wasps still rule in tight little enclaves of high society that are rarely cracked by newcomers. Yet anyone with a will—and money—can find a way to outflank Wasp society, which is often haunted by a sense of anachronism. Such is the hostility to the Veiled Prophet parade, an annual Wasp event in St. Louis, that the queen and her maids of honor last year had to be covered with a plastic sheet to protect them from missiles tossed from the crowd.

A Certain Security

But the Wasp retreat has by no means gone so far as to destroy his basic power—particularly strong in business and finance, considerable in politics, battered but tenacious in the social and moral field. Irishmen, Italians and Jews may have established themselves in construction, retailing, entertainment, electronics and light manufacturing, but big business and big banks belong to the Wasp. Almost 90% of the directors of the 50 largest corporations are Wasps. Similarly, about 80% of the directors of the ten largest banks are Wasps.

Wasps dominate the governing bodies of the richest universities in a ratio of four to one. More than four-fifths of the directors of the largest foundations are Wasps; of the 37 officers and directors of the Council on Foreign Relations, only one is non-Wasp. Under pressure of law and of the meritocratic "cult of performance," Wall Street law firms and brokerage houses are making room for more Jews and Catholics, but they are still overwhelmingly Wasp-controlled.

The Federal Government has always been the domain of the Wasp. Until John Kennedy, every U.S. President was a Wasp, and so was every Vice President except Charles Curtis (1929-33), who was the son of an Indian. Last fall's candidates, Nixon, Hubert Humphrey and George Wallace, were quite predictably Wasps. Although the civil service has been a traditional path of advancement for non-Wasps (half of Post Office workers in the large cities are Negroes), the prestigious departments, such as State, are still run by Wasps. Congress is a Wasp stronghold: the newly elected one consists of 109 Catholics, 19 Jews, 10 Negroes, 3 Greek Orthodox, 4 Orientals and almost 400 Wasps. Committee chairmanships are largely in the hands of Wasps. Enlisted men in the armed services are an ethnic mix, but the officers are heavily Wasp. Even in the cities they no longer control politically—Chicago or Cleveland—Wasps have much behind-the-scenes power. In several cities, Wasp business leaders have mobilized to aid the blacks, including the militants in the ghettos. Other ethnic politicians fear the erosion of their own power as the result of Wasp-Negro deals.

A Divided Majority

As for the Wasp's moral authority, it is clearly waning, but he still has an inimitable asset: the inner security inherited from his Protestant background and his expansive American experience. "If you are a Wasp, you have the confidence that the Establishment is yours and that you are on the top," says Novelist Herbert Gold. "There is the feeling that the love of a horsy woman comes to you as a birthright," Hollywood may be filled mainly with non-Wasps, but they still usually take Wasp names and act out Wasp fantasies in films. In Jewish novels, the central character is often driven to live a Wasp-like life. Herzog finds his ultimate solace in a little bit of land he owns in the Berkshires: "symbol of his Jewish struggle for a solid footing in white Anglo-Saxon Protestant America."

Wasp power is obscured by the divisions natural to a majority, which keep Wasps from coalescing into the kind of cohesive blocs that other groups have formed. The Republican Party is preeminently Wasp; yet it has been rent for generations by deep-seated disagreements. Norman Mailer characterized the alienated delegates lusting for liberal blood at the 1964 convention. In a typical Mailer caricature, he evoked a "Wasp Mafia where the grapes of wrath were stored. Not for nothing did the white Anglo-Saxon Protestants have a five-year subscription to Reader's Digest and National Geographic, high colonies and arthritis, silver-rimmed spectacles, punched-out bellies and that air of controlled schizophrenia which is the merit badge for having spent one's life on Main Street. Indeed, there was agreement that the war was between Main Street and Wall Street."

To some extent, Wasps are presiding over the dissolution of their own dominion, and they are proud of it. In a book he wrote four years ago, The Protestant Establishment, Sociologist E. Digby Baltzell criticized upper-class Wasps for establishing a caste system in many places. Today, he gives them credit for being neither "arrogant nor insensitive. They are the least prejudiced people as far as intermarriage is concerned. Catholics are much more prejudiced and Jews are the worst of all." The great assimilating Presidents of this century—the two Roosevelts—were quintessential Wasps.

The well-bred Wasp who rebels against the snobbishness and starchiness of his background is an almost classic figure in American life. Prominent Wasp families have contributed to the ranks of the current youthful revolutionaries.

Ultimately, Waspism may be more a state of mind, a pattern of behavior, than a rigid ethnic type. Some non-Wasps display all the characteristics normally associated with the most purebred Wasps. Consciously or not, they are Waspirants. Many people were surprised to learn that Edmund Muskie, who talked and looked like a Down East Yankee, was actually of Polish descent. Edward Brooke, who was successfully promoted for the U.S. Senate by civic-spirited Wasps, has all the attributes of a well-bred Wasp, as does Whitney Young Jr. One doesn't have to be white, Anglo-Saxon and Protestant to be a Wasp in spirit. The Wasp aura is created by the right education, style, social position, genealogy, achievement, wealth, profession, influence or politics.

Thus Roman Catholics like William Buckley, Sargent Shriver and Ted Kennedy are pushed toward Waspdom by their associations, professions and life styles. Though German Jewish, Walter Lippmann is still a Waspirant. His clubs (Metropolitan, Cosmos, River) and his influence on opinion give him undeniable Wasp power. Wall Street Dynasts John Schiff and John Loeb may qualify, if they want, as honorary Wasps. So may Walt Whitman Rostow, who has been a top aide of Lyndon Johnson and beats most Wasps at tennis.

"The perfect candidate," wrote Harvard Professors Edward Banfield and James Wilson, "is of Jewish, Polish, Italian or Irish extraction and has the speech, dress, manners and the public virtues—honesty, impartiality and devotion for public interest—of the upper-class Anglo-Saxon."

A Sense of Public Service

Ironically, it was a member of a Roman Catholic dynasty, John F. Kennedy, who added new luster to Wasp ideals. He was such a model Wasp with his dry humor, his laconic eloquence and his lack of sentimentality, that he set a style which encouraged many authentic upper-class Wasps to take heart and to run for political office. John D. Rockefeller IV was one. He was followed by George Bush in Texas, William L. Saltonstall and John Winthrop Sears in Massachusetts and Bronson La Follette in Wisconsin. "In previous times, you had to be born in a log cabin to be elected to office," notes John Jay McCloy, who has been called the board chairman of the U.S. Wasp Establishment. "Now, to be born with a silver spoon in your mouth often means you have a distinct advantage. This would seem to indicate that the tradition of the Adamses, Elihu Root and Henry Stimson is perhaps even greater today."

At his worst, the Wasp has been too repressive and rigid. At his best, he has stood for a certain selflessness, a sense of public service, a disinterestedness in the face of brawling passions. A feeling is growing that in this time of ideological rancor these are qualities worth reviving.

02 septembre 2009, 18:21   Et vive les Philippines !
Par ordre croissant de discrimination et de préjugé, je dirais pour Hong Kong le Chinois du continent, la servante des Philippines, l'Indien et surtout le noir.

A Hong-Kong, nous avions une domestique philippine. Un jour qu'elle accompagnait ma femme et nos filles à la piscine du club, ma femme:

- Allons Incarnacion, faites trempette avec les enfants, l'eau est bonne on dirait, et il fait si chaud...
- Ah non ! Madame, aujourd'hui je ne peux pas !
- Ah oui, bien sûr, je comprends Incarnacion.
- A non Madame ! vous ne comprenez pas du tout !
- ???
- Je ne peux pas Madame, avec tous ces Indiens dans cette eau je ne peux pas ...!
03 septembre 2009, 10:55   Re : Imaginaire cinématographique
jmarc écrivait:
-------------------------------------------------------
> Notez, bien cher Mélophile, qu'il n'y a pas besoin
> d'être de gauche pour aborder ce genre de sujet.
> (...)

Cher jmarc,

(Veuillez excuser mon retard)

Je sais bien. Le populisme se partage assez bien des deux côtés, avec ses variantes. En plus il se différencie aussi par les proportions de son mélange, selon tout un nuancier de motivations qui va de la quasi-pure attirance pour le populaire à la quasi-pure exécration du bourgeois (chacun défini par le regard du vis-à-vis). En fait tant que le peuple ne devient pas lui-même populiste (ce qui suppose déjà un écart, une schizophrénie), c'est qu'il existe à ses propres yeux. Donc il prend sa guitare (ou ses outils de peuple) et il en joue sans se faire de cinéma, et c'est ainsi qu'il est à sa place, que nul ne lui ravirait. De même il n'est pas bon que la bourgeoisie louche sur le "populaire" en tant qu'exotisme: c'est déjà que les lieux s'écoulent hors de leurs limites, et que chaque parti bovaryse, à l'endroit ou à l'envers.

Les sociétés modernes brassent depuis longtemps tout ce qui autrefois se trouvait fondé (et fondu dans son paysage), du coup le "haut" et le "bas", perdue leur estime de soi, trop essoufflés chacun pour son compte, mêlés, en viennent à mépriser leur apparence propre et s'entr'empruntent des façons d'être qui forcément seront ridicules. Chez les individus mâles actuels la mode dérisoire des tatouages mécanisés et des boucles ou diamants d'oreille (etc.), correspondant chez ces petits-bourgeois (descendus de la bourgeoisie ou montés du peuple) à une "démarque" des archétypes populaires du marlou et du pirate (!), cette mode donc d'une virilité sur-jouée autant que surfaite se trouve curieusement souvent combinée à des vêtements très peu virils de coupe, mêlant au petit bonheur les traits du sport éminemment bourgeois (tennis et golf), du style garçonnet façon Tintin et de la tenue du ramasseur de palourdes, à grand renfort de chichis et d'accessoires superflus tels que soufflets, poches, fronçures ou cordelettes.

Bien sûr, de ce point de vue, plus moyen de distinguer le peuple de la petite bourgeoisie (et au-delà). Pour comble du brouillage tout le monde sportif (c'est à dire presque tout le monde) se retrouve dans les stades à chanter en chœur du Queen, car il ne reste plus à ces hybrides que le kitch. Mais si la part censément "bourgeoise" de la panoplie est ridicule par nature (rien de plus nul que le nouveau chic masculin, de quelque prix qu'il soit), l'attirail complémentaire du pseudo-voyou l'est à la fois en tant que déguisement raté et en tant que preuve de l'éloignement accompli depuis le temps des différences. Éloignement de soi du peuple qui se fait voler ses rites et n'est plus capable de se marquer lui-même à l'encre, mais doit recourir à un spécialiste aseptisé ; qui fait comme s'il s'était de tout temps percé les oreilles ; qui ne sait plus trouver ses propres formes dans aucun domaine. C'est ce vide que vient habiter le hip hop, qui récupère les affects naguère destinés au populaire (cristallisé en ses archétypes "dangereux" ou tout au moins "vigoureux") puisqu'il se retrouve seul capable d'en charrier les charges symboliques. Ce n'est pas faute pourtant, en sa propre mise en scène, que cet usurpateur soit lui-même frelaté (entre autres par sa vénération sans bornes du fric), et la palme de l'inconscience de soi dans l'apparence revient sans doute à ces minets rappeurs à culotte de golf blanche immaculée et mini-sacoche en bandoulière.

Comme le remarque Renaud Camus quelque part, il fut un temps où le costume bourgeois donnait le ton (en tout cas au début du XX° siècle, et ce n'était pas plus mal), et pouvait se décliner dans les marges sans trop en souffrir, voire y être l'objet d'un culte. C'est un double désastre moral et esthétique qui a suivi, tout le monde petit-bourgeois voulant se donner un peu l'air voyou, parce que tout le monde l'est devenu un peu sur les bords (sans les risques et sans la socialité inhérente au genre) par le simple fait de l'individualisation: le comportement semi-délinquant s'est normalisé comme un droit accessoire - compatible avec la défense du consommateur, et conforté par les innovations techniques - dans les actes et dans toute forme d'expression. Là encore il ne s'agit que de la déliquescence de modèles perdus, et le symbole populaire est accaparé par les "cités", avec quelque raison puisqu'il faut reconnaître à la culture hip-hop, malgré l'aversion qu'elle inspire, quelques qualités y compris artistiques relevant du réel, tandis que ne peut lui être opposé d'aussi massif qu'un festif technoïde invertébré (dont la France est d'ailleurs fièrement l'exportatrice), héritier des pires décrépitudes artistiques occidentales.

France-Culture a récemment diffusé, tôt les samedis, une série de Michel Le Bris sur l'époque d'Al Capone, la naissance de Broadway etc., intéressante en ceci que certaines rencontres entre classes sociales s'éprouvaient, par le truchement du gangstérisme et de ses liens privilégiés avec la musique et la danse (jazz et comédie musicale) et surtout de son véritable mécénat. C'est comme pour le reste, on a les gangsters qu'on mérite.

corrigé une bricole.
03 septembre 2009, 11:31   Al Capone
Bien cher Mélophile,

J'avais effectivement écouté cette série avec intérêt (du moins plusieurs émissions).

Je crains cependant qu'on n'observe que les défauts de la petite bourgeoisie sans en voir les indéniables qualités.

C'est la France petite-bourgeoise des instituteurs socialistes, des notaires radicaux, des rentiers et petits industriels conservateurs qui, proche du peuple, a su mener celui-ci à la victoire en 1918, une part de la noblesse refusant toujours le ralliement à la gueuse, et la grande bourgeoisie étant assez absente du tableau.

De même, dans l'Angleterre des années 40, c'est sur cette petite bourgeoisie, peut être étriquée mais consciente de ses devoirs, que Churchill s'appuya.
03 septembre 2009, 13:05   Re : Al Capone
jmarc écrivait:
-------------------------------------------------------
> Bien cher Mélophile,
>
> J'avais effectivement écouté cette série avec
> intérêt (du moins plusieurs émissions).
>
> Je crains cependant qu'on n'observe que les
> défauts de la petite bourgeoisie sans en voir les
> indéniables qualités.
>
> C'est la France petite-bourgeoise des instituteurs
> socialistes, des notaires radicaux, des rentiers
> et petits industriels conservateurs qui, proche du
> peuple, a su mener celui-ci à la victoire en 1918,
> une part de la noblesse refusant toujours le
> ralliement à la gueuse, et la grande bourgeoisie
> étant assez absente du tableau.
>
> De même, dans l'Angleterre des années 40, c'est
> sur cette petite bourgeoisie, peut être étriquée
> mais consciente de ses devoirs, que Churchill
> s'appuya.


Cher jmarc,

En vitesse: vous avez raison, mais je parlais surtout de son état actuel (ou récent), disons après l'abandon du costume.
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