Paul Yonnet a toujours porté un vif intérêt à la "culture" dite "populaire". Entendons-nous sur ces termes : aux divertissements, loisirs, goûts des milieux populaires français, ceux qui constituaient naguère l'essentiel du "peuple" français : artisans, petits employés, petits patrons, commerçants, ouvriers, paysans - ou ce qu'un autre sociologue a nommé les "gens de peu", ces loisirs étant l'accordéon, le bal musette, l'apéro, la convivialité, le camping, la chasse, le sport, les animaux, etc. C'est de ce lieu "privilégié qu'il a observé dans les années 1980 le lent abaissement de cette "classe" et de la "culture" (dans le sens de divertissements, façons d'être, sociabilité) qu'elle a sinon inventée, du moins assumée, son déclassement, le mépris que les bobos et les élites de gauche lui ont voué, etc. D'où son livre admirable "Voyage au coeur" (ou centre ?) du malaise français" - publié par Gallimard en 1989 ou 1990 (Pierre Nora ayant toujours soutenu Yonnet) - dans lequel, entre autres objets, il analyse avec rigueur et minutie l'incident bénin ou imaginaire qui est à l'origine de Sos-racisme : une vieille dame pauvre constate dans le métro que son porte-monnaie vient de lui être volé et elle regarde avec insistance (comme si elle les accusait ?) les trois jeunes gens - dont Harlem Désir et un ressortissant du Cap Vert - qui se trouvaient à côté d'elle. Voilà le fait qui a déclenché l'affaire. Désir a téléphoné à son pote Dray ou à un pote de Dray, qui a téléphoné à Bianco, conseiller de Mitterrand, qui a donné son feu vert à l'exploitation politique de l'incident. Paul Yonnet montre que Sos-racisme, fondé à cet occasion, a été le chiffon rouge agité par les potes de Mitterrand pour a) cacher le gigantesque échec de la gauche, b) détourner sur des périls imaginaires (le fascisme, le racisme, etc.) la colère du peuple français floué par Mitterrand pour qui il avait voté en 81; c) mobiliser la jeunesse dans des combats douteux contre les monstres Le Pen et autres, sortis de la naphtaline ou inventés pour l'occasion. Ce livre a fait de Paul Yonnet l'autre figure du démon.
Cela dit, cette sociologie-là ne se distingue en rien du bon journalisme. Et même si on objecte qu'elle est préférable à la sociologie ordinaire, celle de Bourdieu, Dubet, Touraine, Mucchielli, etc., rien ne justifie - sinon un pur rapport de force en sa faveur - qu'elle soit enseignée à l'université.