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Du désert, qui porte à n’aimer simplement et seulement que l’esquisse des choses

Envoyé par Francis Marche 
Lévi-Strauss toujours, qui dans cette conclusion à l’antépénultième chapitre de son Tristes Tropiques nous soumet cette proposition : la fréquentation de la thébaïde, donc de soi et de sa culture emportée comme gourde contre la soif et la mort, induit une économie particulière, celle de la graine. Ainsi, Lévi-Strauss découvre dans Chopin une esquisse suffisante de Debussy, dont le Pelleas l’avait, avant son départ d’Europe, enchanté, ébloui. Dans le creux de l’être, dans l’oubli et le radical dépaysement, la forme épanouie, l’efflorescence, n’ont plus court : seules comptent et seules valent, la graine, la primitive esquisse; l’amour et la reconnaissance de l’esquisse par excès, contiennent et enfilent les jours, cette reconnaissance, par son chant simple et têtu, tient tête au désert, nous suggère Lévi-Strauss.

Lévi-Strauss, dans ce chapitre XXXVII du livre, émet une étrange glose sur ce penchant : j’accomplissais un double progrès.

Le retour à la graine ainsi vaudrait double progrès. Qu’est-ce qu’un double progrès ? Y a-t-il de double progrès qui ne soit involution, qui soit pour de bon progrès ? Le progrès, s’il existe, et s’il lui plaît de ne pas être linéaire, sera saltatoire, chaotique, mais s’il est double, n’est-il pas régression ? De la plante à la graine, quel progrès ? Jugeons-en : de la plante à la graine, il n’y a progrès guère que pour le peuplement, la communauté végétale, qui indiscutablement en bénéficient, cependant que l’individu, qui dit adieu à ses fleurs, régresse. L’individu épanoui dans sa forme florale retombe dans la graine, n’y progresse aucunement. Tel est l’aveu de Lévi-Strauss, qui, dans cette réflexion, se leurre à bon compte mais pourrait-on dire, en sachant nous faire complice d’un leurre qu’il a percé pour nous et avec notre aide de lecteur. A vrai dire, il n’est nul leurre dont cet auteur ne soit le conscient auteur, semble-t-il, ce qui fait sans doute de lui, ce monstre particulier, esprit surconscient, relativiste sage qui, malgré ses multiples jeux de masque ne sait pas ne pas surplomber notre pensée. Voici, au chapitre XXXVIII, que nous est livré l’aveu du maître des leurres, le découvrement du maître des masques sur cette erreur qu’il place entre nos mains pour nous regarder en jouer : En ayant deux fois raison, nous confessons notre tort.

Je reproduis ci-dessous ce message essentiel du livre, celui du chapitre XXXVII, caché, faussé, livré aux mains du lecteur qui en rétablira l’ordre juste et logique avec les clés du chapitre XXXVIII et en restituera le sens. Avant cette lecture, détachée et précieuse comme celle de toute vérité inversée, il faudra se souvenir que le retour à la graine, à la graine qu’abritent, que conservent, que réservent et que couvent les déserts, qui pourrait passer pour un retour aux racines, est une catastrophe, car ce retour s’effectue bien à l’inclinaison de l’autre versant du désastre, celui que nous apportent les déserts, et qui a conduit et ramène au fondamentalisme primitif dont la culture occidentale, plante dressée dans les marais des siècles, n’a que faire mais que, graine de désert, issue du désert et semant le désert, la spiritualité par défaut – Claude-Lévi Strauss dit que dans le désert et contre le désert, il faut, et l’on n’a d’autre choix que d’aimer Chopin par excès, et non plus par défaut comme un qui ne connaîtrait pas l’avenir, qui ignorerait Debussy – a vocation d’anéantir, de rappeler aux sables, à la poussière stérile d’avant toute création, d’avant toute levée végétale et hypothèse d’abondance visible et sensible.

Ainsi le fondamentalisme, aujourd’hui musulman, fière affirmation de la primauté de la graine, n’est qu’un double progrès, savoir une régression dans les faits, un appel à l’involution, cependant que le conservatisme qui lui fait face est l’ami de la belle et juteuse plante, de la grande et somptueuse efflorescence menacée par la souterraine et souveraine graine des morts, des momies et des déserts. La plante est fragile, la graine ne l’est pas : ainsi, contrairement à ce que se figurent les esprits irréfléchis, le conservatisme est du côté de la fragile et aérienne plante ; le conservatisme est du côté de Debussy, et repousse la graine des siècles antérieurs dans le domaine des sols et des puissances hypothétiques et chtoniennes, nécessairement dormantes et nécessairement invisibles, que notre présente existence, qui secrètement, et selon ses besoins, s’autorise à s’en nourrir, pour autant, soucieuse d’ordre et de hiérarchie des horizons, n’appelle au jour aucunement.

Le texte-masque:

Pendant des semaines, sur ce plateau du Mato Grosso occidental, j’avais été obsédé, non point par ce qui m’environnait et que je ne reverrais jamais, mais par une mélodie rebattue que mon souvenir appauvrissait encore : celle de l’étude numéro 3, opus 10, de Chopin, en quoi il me semblait, par une dérision à l’amertume de laquelle j’étais aussi sensible, que tout ce que j’avais laissé derrière moi se résumait.

Pourquoi Chopin, vers qui mes goûts ne m’avaient pas particulièrement porté ? Elevé dans le culte wagnérien, j’avais découvert Debussy à une date toute récente, après même que Noces, entendues à la deuxième ou troisième représentation, m’eurent révélé en Stravinski un monde qui me paraissait plus réel et plus solide que les savanes du Brésil central, faisant s’effondrer mon univers musical antérieur. Mais au moment où je quittai la France, c’était Pelleas qui me fournissait la nourriture spirituelle dont j’avais besoin ; alors, pourquoi Chopin et son œuvre la plus banale s’imposaient-ils à moi dans le désert ? Plus occupé de résoudre ce problème que de me consacrer aux observations qui m’eussent justifié, je me disais que le progrès qui consiste à passer de Chopin à Debussy se trouve peut-être amplifié quand il se produit dans l’autre sens. Les délices qui me faisaient préférer Debussy, je les goûtais maintenant dans Chopin, mais sous une forme implicite, incertaine encore, et si discrète que je ne les avais pas perçues au début et que j’étais allé d’emblée vers leur manifestation la plus ostensible. J’accomplissais un double progrès : approfondissant l’œuvre du compositeur le plus ancien, je lui reconnaissais des beautés destinées à rester cachées de qui n’eût pas d’abord connu Debussy. J’aimais Chopin par excès, et non par défaut comme fait celui pour qui l’évolution musicale s’est arrêtée à lui. D’autre part, pour favoriser en moi l’apparition de certaines émotions, je n’avais plus besoin de l’excitation complète : le signe, l’allusion, la prémonition de certaines formes suffisaient.

Du désert, qui porte à n’aimer simplement et seulement que l’esquisse des choses

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Alors on se contentera de ceci, en version light: le retour aux prédécesseurs exige l'établissement préalable du désert, la destruction des fleurs de la culture; c'est ce que réalise par exemple l'ensauvagement consumériste actuel qui doit installer le terrain de prédilection de la graine fondamentale, celle par exemple, de la foi musulmane.
la graine fondamentale

Vous voulez dire la graine fondamentaliste... ?
Portes ouvertes sur les sables, portes ouvertes sur l’exil,
Les clés aux gens du phare, et l’astre roué vif sur la pierre du seuil
Les deux mon général, sur les plans parallèles de la métaphore filée.

La vocation du conservateur est celle de protéger les fleurs: le fondamentaliste, l'éradicateur des fleurs, promeut le désert, conservatoire naturel de la vieille et primitive graine, soit chez nous, aujourd'hui, l'Islam, tabula rasa des jardins d'Occident.
Le double progrès de Levi-Strauss est un progrès antérieur, considéré du point de vue d'où un futur simple est déjà donné.

Mais, cher Francis, il y a un autre point qui me chiffonne, et qui est que le fondamentalisme musulman n'est pas la graine, entendue comme simple esquisse grosse de tous les possibles qui pourraient s'ensuivre, comme une potentia aristotélicienne toujours infiniment plus riche que toute actualisation qui n'en sera que la limitation (bien que l'acte soit d'un degré de perfection supérieur à la puissance) : le fondamentalisme musulman est un soulignement grossier de l'obvie, la portion congrue du littéral déjà réalisé à l'exclusion de toute autre possibilité, nullement un commencement donc avec ce qu'il recèle de développement et d'enrichissement ultérieur, mais un enfermement inaugural.
C'est la volonté du retour à l'accouchement du mort-né.
Ce double progrès est un progrès à-rebours, à n'en pas douter, seul possible dans un milieu où la graine triomphe. L'état de graine, de potentia est consécutif à une dévastation: celle de la fleur et du fruit; elle consacre la régression et la déchéance de l'individu-plante. Certaine religion, née du désert, installe le désert pour la graine qui ne boit pas, à laquelle l'esquisse sèche des formes suffit. Son caractère fondamental est indubitable.

La culture en Occident est l'expression des formes apicales de la plante-civilisation. Il importe de reconnaître que le conservateur s'attache aux émanations apicales, et donc souvent récentes de la culture. La graine quant à elle n'a nul besoin d'être protégée, cultivée et aimée: le désert y pourvoit: le fondamentaliste révolutionnaire est insensible aux efflorescences, aux sommités, qu'il écrase en arasant les sols. La graine est un mal terrible: quand elle apportée en un lieu, elle exige de lui qu'il se fasse d'abord désert; elle exige le dépaysement de la terre qui la reçoit.

L'expérience de L.S. est celle du dépaysement et d'un approfondissement-appauvrissement de sa culture: il approfondit Debussy dans Chopin, puis décide que les formes qu'il aime, présentes à l'état d'esquisse chez Chopin, au fond, lui suffisent: à la graine, la goutte d'eau suffit.
Certes, mais le désert, qui ne se jardine pas, qui est "moderne" donc comme ces matériaux synthétiques qui économisent les efforts d'entretien, facilitent la vie, n'exigent aucun arrosage (un seul livre suffit pour tout), est un redoutable concurrent des jardins. L'Islam est un beau glacis moderne et commode comme se prend parfois à en rêver l'Occident depuis l'invention du béton armé. "L'enfermement inaugural", la graine qui se dispense de germer, la graine-diamant, qui s'économise toute actualisation, exerce un fort pouvoir séducteur: son règne économiserait les efforts du vieux jardinier usé par le labeur des siècles. La tentation dès lors, de rendre son culte à la graine, est forte.
Je bute toujours sur le rapprochement entre l' "esquisse", fût-elle sèche, et les fondements auxquels le fondamentalisme veut revenir, lesquels me paraissent en être le contraire : une esquisse promet et appelle toujours ce qu'elle préfigure vaguement et possiblement, alors que les fondements littéraux de l'islam sont eux déjà parfaitement constitués, figés dans une forme réalisée et définitive.
Retour à une graine stérile alors ? Si vous voulez, parce que la métaphore de la désertification comme arasement des cultures pour y planter des graines qui ne germeront pas est séduisante.
Le signe, l’allusion, la prémonition de certaines formes suffisaient, écrit L.S. Dès lors, tout est possible -- mais soulignons-le encore: L.S sait pertinemment de quoi il retourne; le chapitre suivant, Apothéose d'Auguste, où il retranscrit une esquisse de pièce de théâtre née et avortée dans le désert, est là pour en témoigner: à vrai dire, cette nourriture de signes, cette culture du désert sont profondément insuffisantes, sont bel et bien sans valeur, et l'esquisse d'oeuvre enfantée dans le désert restera mort-née -- tout renversement de mondes deviendrait envisageable si désormais, il était vrai que la goutte d'eau, la rosée, la prémonition d'une éclosion devaient nous satisfaire comme la datte par jour le chamelier; de vie épanouie, il ne serait plus besoin; la seule dormance des graines s'y substituerait avantageusement comme dans l'espace la nourriture lyophilisée des voyageurs interplanétaires. Le désert comme solution à la panne de créativité des civilisations est donc lui-même mirage.
En effet cher Alain, il est certaines graines de désert qui ne propagent que le désert.
Votre élaboration mentale, mon cher Francis, pêche par son abstraction même de la réalité. Vous oubliez ce que vous connaissez pourtant mieux que d'autres, et qui nous tanne tous les jours que Dieu fait : la mondialisation. Il n'y a plus de désert, et toutes les plantes sont transgéniques.
Puisqu'on en est aux métaphores, mois je vois plutôt l'islam, fondamnetaliste ou pas, comme l'algue tueuse -verte qui plus est- qui investit tous les fonds marins, en détruit l'équillibre écologique et la diversité pour imposer son uniformité stérile.
La vocation du conservateur est celle de protéger les fleurs: le fondamentaliste, l'éradicateur des fleurs, promeut le désert, conservatoire naturel de la vieille et primitive graine, soit chez nous, aujourd'hui, l'Islam, tabula rasa des jardins d'Occident.

Je ne sais pas si c'est une coïncidence, cher Francis, mais c'est un thème et des accents qui rappellent les Falaises de Marbre de Ernst Jünger.
Je crois que Renan, à notre époque, aurait pu inventer cette image. (Je pense à ce qu'il dit de la Judée, jadis verdoyante...)
Non cher Bernard, les déserts gagnent, ils gagnent à la surface de la planète sur tous les autres écosystèmes. Soixante-dix pour cent des forêts tropicales sont des forêts dégradées, donc des déserts. Le mot français désert correspond aussi au terme anglais wilderness qui n'est pas une absence de végétation.

La métaphore est indispensable car désert du paysage et sécheresse spirituelle se superposent naturellement. Revenons à ce qui définit le conservatisme: le jardinier ne s'attache ni aux pointes, aux formations apicales de la plante ni, dans son action culturale, directement aux racines ou aux graines: son action sur le paysage floral porte sur les ramures moyennes; c'est d'elle qu'il cultive les formes. Les ramures moyennes ne s'accommodent pas du désert, qui conserve les graines et tolère les grands fûts nus des baobabs mais se passe de ramures. La ramure moyenne, celle du moyen étage qui, si elle est saine, donnera la canopée, produira ainsi à la fois l'écran et la médiation entre le ciel et les hommes; alors que le désert ("Dieu sans les hommes" comme l'avait dit si fameusement Balzac) se passe de cette médiation et interdit que l'on lève la tête vers les cieux sous peine de s'y brûler. On va au désert pour s'unir à Dieu et dans le même élan, devenir poussière (relire ce très beau texte de Jacques Lacarrière, Marie l'Egyptienne). La ramure moyenne, qui passionne le jardinier, c'est la bourgeoisie, la middle-class de la formation végétale: sans la graine de la foi, elle ne serait pas présente, certes, mais ni cette graine, ni l'avant-garde apicale qui pousse devant elle ne motivent le jardinier à continuer son oeuvre -- cet oeuvre qui rend l'existence des hommes possible sous le ciel, entre terre et ciel.

Le désert, contrairement à ce que se figurent les snobs qui ne l'ont jamais risqué, n'est nullement source d'inspiration. Le terreau de la sauvagerie est d'une pauvreté affligeante pour la création. Claude Lévi-Strauss en fait l'expérience, qu'il commente pour nous sur le vif. Le désert ne donne rien, il ne conduit vers aucune essence. Notre civilisation, notre jardin, se fout de la quintessence des choses: il lui faut de la chair, des jeux d'ombre et de lumière, une atmosphère tempérée, des jeux d'eau, de beaux livres, riches, nombreux et contradictoires comme une chevelure défaite, une charmille, le quatuor en ut de Fauré.
Permettez-moi de poursuivre la métaphore, cher Francis. Vous parlez du bon jardinier. Mais le botaniste de pointe ne s'intéresse pas à la ramure moyenne. Il s'intéresse exclusivement au bit du bout du bourgeon. Voyez-vous ? Il peut y avoir beaucoup de choses invisibles dans un désert.
Je crois qu'on ne s'entend pas, cher Bernard. Mais ça n'est pas grave.
Pourtant le moteur de la geste bédouine, que cesoit celle des Hébreux ou des Arabes n'a-t-il pas été le rêve de terres verdoyantes, de pays où coule le lait et le miel, de jardins d'eden ?
Ces mythes sont nés avec la désertification de la région, processus progressif mais très irrégulier qui a commencé avec la fin de la dernière glaciation, il y a une douzaine de millénaires, et se poursuit toujours, de façon toujours aussi peu linéaire, avec des variations à moyen terme (pluriséculaires) et d'autres, incluses dans les précédentes, à court terme (décennales), le tout de part et d'autre d'une tendance constante.

Cette progressive désertification de l'espace tropical de l'Afrique septentrionale et de la péninsule arabique, jusque-là occupé par une savane verdoyante, a entraîné le regroupement des populations dans les vallées où coulaient encore des fleuves : le croissant fertile comprenant les vallées du Nil, du Jourdain et la Mésopotamie. C'est là que sont nées les civilisations historiques, constamment menacées d'être envahies par de nouvelles tribus fuyant à leur tour le désert.
Si bien sûr, mais comme le dit Bernard, regardons les faits. L'herbe est toujours plus verte ailleurs: pour ceux nés et grandis dans la civilisation, c'est dans le désert que l'herbe est la plus verte, quand ils prêtent à ce lieu des "richesses cachées" ou je ne sais quelle "prégnance de l'absolu".

Tout n'est pas relatif: le désert est bien aussi pauvre qu'il en a l'air. L'approfondissement, la remontée, la descente qu'il induit dans les couches de la culture (de Debussy à Chopin, puis à Bach (?) et ainsi de suite jusqu'au Créateur du ciel et de la terre ou la graine primitive du monde) travestit un appauvrissement de l'esprit dans les faits. Je connais certains qui depuis des années se nourrissent l'esprit de ce leurre, vivant dans de hautes collines, se nourrissant de rien, remplissant des cahiers d'élucubrations où, dépouillés des oripeaux de la civilisation, ils témoignent de leur union avec la quintessence des choses: on ne lit rien dans leurs griffonnages (Lévi-Stauss) qu'une bouillie mentale de dégénéré.

Pour ceux qui sont issus du désert (les "Bédouins" donc) le rêve d'herbage verdoyant devient dans les faits propagation du désert, du caillassage à froid, du béton (Abou Dhabi).

Il faudrait s'attarder sur ce point: la primitivité des pierres et l'absolu de leur minéralité épousent aujourd'hui le béton moderne, la sauvagerie en Nike, le tag, et le monstre qu'ils enfantent forme une menace nouvelle pour la culture des jardins que souhaitait Voltaire.
18 novembre 2009, 06:43   à Bernard
Un dernier mot tout de même sur ce sujet, car je n'aime pas clore une conversation sur un malentendu. Il existe une maladie très répandue qui affecte les arbres des forêts tropicales: le dépérissement. Ce terme français n'est pas évocateur des symptômes du mal; le terme anglais l'est davantage: dieback and decay. Qu'est-ce que le dieback and decay phenomenon ? Très précisément le phénomène que nous rapporte Lévis-Strauss au prise au désert qui désertifie l'esprit: les parties apicales de l'arbres sont les premières atteintes, les premières à se flétrir, à jaunir, à mourir, puis le mal gagne la ramure en descendant. Il descend peut à peu dans les profondeurs de la couronne et quand il a atteint le collet, quand tout le petit bois est mort (le petit bois de la ramure moyenne qui est la "bourgeoisie" qui procure l'hypocrite et nécessaire écran entre le Ciel et nous) ne reste plus que le tronc et les fondations du sujet, qui finiront en chicot...

Cette maladie a des causes diverses, mais les experts s'accordent généralement pour l'attribuer à une défaillance des mycorhizes du sol, ou à une incompatibilité des organes souterrains de l'arbre avec les mycorhizes associées à des espèces environnantes. Mais peu importe les causes. La désertification des massifs forestiers s'opère ainsi; le désert opère ainsi: d'abord on laisse Debussy se nécroser au profit de Chopin, plus profond, puis on descend plus profond encore, et encore et toujours plus profond, pour par exemple considérer un jour qu'il n'y a plus de philosophe depuis Platon, ou affirmer qu'un seul livre vaut la peine d'être lu, par exemple le Coran. Le désert, alors, aura accompli son oeuvre de désertification et de mort.
18 novembre 2009, 10:13   Re : à Bernard
Oui, c'est bien triste. Very sad story. Comme disent les philosophes, bien avant Platon : tout ce qui nait doit mourir. Le plus désolant est que c'est ici par la main de l'homme prédateur et ignorant (avant lui, la forêt, après lui, le désert).

Mais notre discussion pourrait se caricaturer en celle de l'optimiste et du pessimiste. La Terre en a vu d'autres, l'entropie n'est qu'une face des choses, la diversité n'est pas toujours visible, et pas par n'importe qui, etc. Les scientifiques vous montreront que les déserts ne sont jamais déserts. De plus, certains pays rendent la vie au désert... Les universités françaises vont à vau-l'eau, mais il y en a d'autres...

Mais je radote comme un vieux sage... Si l'on veut démontrer que l'« homme d'un seul livre » est à craindre, la cause est entendue.
18 novembre 2009, 11:46   Re : à Bernard
Je pense aussi , en lisant Francis, à cette autre métaphore : dans le désert, et seulement dans le désert, au Sahara plus précisément, existent des forêts pétrifiées. J'en ai ramené quelques morceaux en cachette parce que c'est interdit . l'aspect en est réellement étonnant : les cellules ligneuses ont été progressivement remplacées une par une par des cellules de silice, je crois, et le bois tout en gardant à la vue l'exact aspect de la branche ou du tronc avec comme une légère patine marbrée est en réalité de la pierre, de la plus dense et de la plus lourde qui soit, au point qu'un morceau de de 30 centimètres de diamètre sur quarante de haut pèse au moin quatre vingt kilos.
Dans la Quatuor d'Alexandrie, Durrell démystifie la fameuse prétendue sagesse des bédouins et leur non moin sprétendue spiritualité. Il dit, engros, que leur univers mental est extraordinairement pauvre . Malheureusement , je ne saurais retrouver ce passage à moins de relire toute l'oeuvre (ce qui d'ailleurs ne serait pas un pensum, car je l'ai adorée quand je l'ai découverte il y a plus de quarante ans).
18 novembre 2009, 11:55   Re : à Bernard
En parlant de désert et de spiritualité, l'on vise, il me semble, celui qui y va, pour retrouver l'essentiel, comme Jésus, et non de celui qui y est né et y a passé sa vie, à l'écart du monde civilisé...
Chère Cassandre, voilà donc bien un de ces mystères synchronisistes comme il en traverse parfois nos écrans: j'ai passé une bonne demi-heure cet après-midi au musée d'histoire naturelle de Kuching dans le Sarawak, qui possède une de ces collections de billots fossiles comme vous les décrivez, certains datant de l'éocène. On caresse ces monstres, on tente à coups de pichenettes de les faire sonner comme on le ferait du bois naturel. On discerne les parenchymes, intacts, convertis en pierre. Pis encore: les vaisseaux larges béent dans les tranches longitudinales comme le fait le bois de coco fraîchement découpé dans le sens du fil. Par quel affreux miracle cette matière vivante s'est-elle pétrifiée dans son intimité?

Et dire que certaines parties non encore mortes de ces arbres connurent un temps où elles se réjouissaient de suffire seules à la vie de l'arbre, en attendant sa fin, comme dans ce texte de Lévi-Strauss où l'auteur feint de se réjouir de son double progrès: qu'on me retire le poumon droit et voilà mon poumon gauche qui s'enorgueillit de respirer plus pleinement et plus efficacement qu'il ne l'avait jamais fait... Voilà sans doute un poumon que Bernard qualifierait d'optimiste.
18 novembre 2009, 12:17   Re : à Bernard
Que vous soyez né dans le désert ou que vous vous y rendiez, le désert s'en fout, il demeurera désert, ne donnera pas plus. Chacun avec ce rien s'illusionne comme il peut comme chacun s'illusionne au sujet de la mort: celui qui y est né en rêvant de rivages herbeux, l'autre en levant le visage et en tournant les paumes vers le ciel. Le désert en demeure immuable; il continue de ne signifier que son inexorable rien.
18 novembre 2009, 12:29   Re : à Bernard
» le désert s'en fout

Je suis pleinement, absolument, résolument en plein accord avec vous.

N'oublions pas, tout de même, que le désert le plus désert, même intersidéral, est toujours susceptible de variations quantiques, ce qui permet tous les espoirs...
Utilisateur anonyme
18 novembre 2009, 14:24   Re : à Bernard
Durrell démystifie la fameuse prétendue sagesse des bédouins

C'est toujours faux mage et désert.
18 novembre 2009, 15:46   Disert
A la prochaine bretzel on change d'autoroute.
19 novembre 2009, 03:48   Divagation de veilleur
Bon. Je prends le stylo, là, je l’ai bien en main, là, voilà, la page, oui, c’est la page, ce bout de papier rectangulaire s’appelle une page, il y a des carreaux, des carreaux 5X5, cela représente une certaine quantité de centimètres carrés, oui, et même une quantité certaine qui n’a rien d’infini, qui est bornée et je suis borné, j’ignore si l’univers est infini mais je sais que cette page est finie, finie dans sa superficie mais encore inachevée dans son remplissage, ce qui est de moins en moins vrai, plus j’écris qu’elle est inachevée dans son remplissage, plus elle se remplit et voilà, à mesure que j’avance, la constatation de l’inachèvement du remplissage est de moins en moins vraie, ça va devenir faux dans très peu de temps et je n’aurais plus qu’à entamer une autre page (c’est fait) et constater que son remplissage commence à peine quoique alignant déjà deux lignes et demi et voilà, c’est déjà faux, il y a une ligne de plus, il m’est impossible de dire où en est le remplissage de la page, le remplissage de la page m’échappe perpétuellement, c'est sa nature, comme le temps qui passe et jamais / stop. C’est un long morceau de désert à traverser, sans rien de bien significatif, quelques plantes grasses, des cailloux, rien d’une jungle luxuriante, des roches volcaniques refroidies depuis longtemps, il ne faut pas compter sur beaucoup d’accidents dans ce paysage, tout juste quelques monticules, bien vagues, bien incapables d’arrêter le regard, quelques buttes en trop tout de même, qui empêchent le paysage de figurer l’absolu d’un horizon plat, propre à donner à la scène une dimension clairement métaphysique, non, on surprend même quelques traces de vie animale, un lézard qui s’enfuit, on peut parier qu’un entomologiste trouverait dans ce désert de quoi alimenter quantité de descriptions d’insectes, en un mot c’est vivant, il est impossible de ne pas constater que la vie continue et que ce désert n’est pas si désert qu’il puisse offrir l’entière liberté d’abstraites méditations, quand bien même il n’y aurait vraiment pas grand’chose à se mettre sous l’œil, si peu de choses en vérité mais ce « si peu » change tout, empêche de « faire abstraction », justement, le lézard qui s’enfuit créé son petit événement, sa petite histoire et voilà, on avance désormais dans l’éventualité d’un autre lézard, d’un autre reptile, qu’il ne reste plus qu’à imaginer venimeux pour qu’une certaine inquiétude s’en mêle et c’est de moins en moins métaphysique, ce désert, avec tous ces serpents qui n’attendent qu’un pas sur la mauvaise pierre et tel que je te connais tu n’as évidemment pas dans tes poches le sérum qu’il faudrait, on t’avait pourtant prévenu, ce désert infesté de virulents aspics mais tu as pris de la hauteur, la présence de serpents n’entrait pas dans tes vues métaphysiques du désert et maintenant tu ne cracherais pas sur un 4X4 de passage qui te ramènerait dare-dare n’importe où plus loin que toute cette suspecte pierraille qui pourrait tout aussi bien servir de refuge à des scorpions à taille d’écrevisse, moyennant quoi tu marches désormais en fixant les yeux au sol, à mille lieues de ton projet initial : te repaître d’un horizon métaphysique, tu n’en fais même plus cas, tu t'en méfierais volontiers, un piège d’horizon vers lequel s’évader, se distraire, baisser la garde et c’en est fait une mygale t’as mordu. Tu rejettes cette hypothèse. Fermement. Tout ce que tu veux bien concéder au malheur dans cette traversée d’un désert, c’est tout au plus l’ennui, une pincée d’angoisse tu veux bien l'admettre, tu veux bien admettre que tu ne brillais pas à tel ou tel moment, que tu n’en menais pas large et la monotonie du paysage, tu veux bien l’admettre aussi, mais de dénouement tragique en aucun cas, c’est un cas inenvisageable à tes yeux, crever dans un désert, piqué ou mordu par une sale bestiole, non, tu réécris le scénario, ou plutôt tu t’adresses à un professionnel, un réécrivain qui s’occupe de tout, reprend tout depuis le début, déblaye le terrain et te fabrique en un clin d’œil le désert métaphysique qu’il te faut, ni lézards, ni scorpions et même les plantes grasses, tout bien réfléchi, tu lui demandes de les enlever elles aussi et qu’au passage il en profite pour gommer les vagues monticules, qu’il aplanisse tout au cordeau et te serve dans les plus brefs délais la description idoine d’un désert en tout point métaphysique afin que tu puisses le traverser la conscience tranquille, te dissoudre sans heurts dans la contemplation d’un horizon parfait.
Il n’a rien compris. Cet imbécile m’a livré la description d’un désert complètement à côté de la plaque, oasis, palmiers, dromadaires et un groupe de Touaregs en train de boire le thé. Je ne dis pas qu’ils n’étaient pas hospitaliers. Ce n’est pas sans plaisir que j’ai accepté ce qu'ils m'ont tendu, je ne dis pas, du partage tant qu'on voudra, mais si quelqu’un voit une once de métaphysique là-dedans…
A peine rentré j’ai rappelé le réécrivain, non, non, ça ne va pas du tout ce désert que vous m’avez pondu, mais alors pas du tout, absolument pas, c’est même tout le contraire, je vous passe commande d’un désert mé-ta-phy-si-que et vous me bidouillez un désert convivial, les hommes bleus, le thé fumant, pourquoi pas une danseuse du ventre tant qu'à faire ! Alors ouvrez un dictionnaire mon vieux et dites-moi un peu si tout ce binz a quoi que ce soit de métaphysique ! Vous connaissez votre boulot ou quoi ?
J’ai attaqué en justice cet incapable et réclamé des dommages et intérêts, sûr de mon bon droit. Mal m'en a pris. Je ne m’attendais pas à devoir affronter le répondant de mon adversaire, son cabinet d'avocats, les meilleurs, jamais à court. Et non contents de nier l’évidence, ils ont contre-attaqué et c’est moi à présent qu’ils accusent, ils m’accusent de porter préjudice à la réputation de leur client. Ils ont complètement retourné la situation et prétendent que mon désert d’horizon parfait, sans monticule et sans lézard, sans rien, n’est qu’une fantasmagorie d’autiste, attendu que les plus anciens traités de métaphysique sont des dialogues, des di-a-lo-gues ! martèlent-ils en brandissant les œuvres complètes de Platon tandis que j’encaisse le coup.
J’imagine parfois que ce procès n’en finira jamais. Souvent, j’ai furieusement envie de renoncer, tout laisser tomber, prendre mon baluchon et partir sur les routes, disparaître comme Stepane Trophimovitch. L’étude de ton cas me retient. Je ne me lasse pas d’étudier ton cas. Si peu que je me penche sur lui, j’en examine la diversité avec le désir renouvelé d’approfondir la question, tirer de nouvelles conclusions, y puiser la force d’aller de l’avant. Tu es un cas de force majeure.
Donne-moi cinq pages, donne-moi dix pages et oublie-moi.
19 novembre 2009, 14:34   Re : Divagation de veilleur
Orimont, vous devriez ouvrir un blogue.
19 novembre 2009, 16:12   Re : Divagation de veilleur
Un régal, Orimont !
19 novembre 2009, 16:48   Re : Divagation de veilleur
Heureux de vous avoir distraits. (je ne suis pas certain du "s")
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Bravo. On s'y croirait.
N'empêche, Orimont, camper un russe en plein milieu du désert, un Trophimovitch à côté d'un lézard ou cuvant sa vodka sous un palmier, même si c'est en fin de traversée et en guise de disparu, vous auriez pu prévenir, car on arrive là un peu haletant quand même, regardant ailleurs et je me suis étalé de tout mon long, sonné : mais qui est Stéphane Trophimovitch ?!!
Trou de mémoire ou crasse ignorance, comme une crevasse dans votre désert en bas de page, toujours est-il qu'il m'était totalement sorti de la tête celui-là, et pas le moindre 4x4 à l'horizon pour vous sortir d'affaire et aller vous assurer de quoi il s'agit.
Francis Marche écrivait:
-------------------------------------------------------
(...) d'abord on laisse
> Debussy se nécroser au profit de Chopin (...)

Euh...
euh quoi? Je prefere vos messages longs, cher melophile. Relisez attentivement la citation de L.S. Tres attentivement s il vous plait et dites-nous si vous n y reconnaissez pas le phenomene de deperissement a rebours - soit par necrose progressive remontant vers les socles de la culture. La degenerescence ne commence pas par miner les troncs mais les pointes de la culture. La mort, y compris la mort memorielle, conquiert son terrain en remontant du plus recent au plus ancien evenement. Les grands malades de l oubli conservent souvenance des jours anciens, comme dit la chanson.

(pardon pour l absence de signes diacritiques, impossibles a produire pour cause de clavier de jungle)
Francis Marche écrivait:
-------------------------------------------------------
> euh quoi? Je prefere vos messages longs, cher
> melophile. Relisez attentivement la citation de
> L.S. Tres attentivement s il vous plait et
> dites-nous si vous n y reconnaissez pas le
> phenomene de deperissement a rebours - soit par
> necrose progressive remontant vers les socles de
> la culture. La degenerescence ne commence pas par
> miner les troncs mais les pointes de la culture.
> La mort, y compris la mort memorielle, conquiert
> son terrain en remontant du plus recent au plus
> ancien evenement. Les grands malades de l oubli
> conservent souvenance des jours anciens, comme dit
> la chanson.
>
> (pardon pour l absence de signes diacritiques,
> impossibles a produire pour cause de clavier de
> jungle)

Cher Francis Marche,

Pardonnez-moi, j'étais en retard sur ce fil-là, et sans grand temps je me suis contenté de ce petit signe d'étonnement. Je vous remercie de votre réponse.

Je suis passablement obsédé, en tant qu'amateur de musique mais aussi dans une réflexion plus large, par la question de l'archaïsme en art (je prends cette appellation mais je pourrais dire du "progrès" supposé dans les arts, ici sous la catégorie de la filiation, avec "dépassement" de la source). Cette question, il me semble, affleure dans ce passage, où Lévi-Strauss ne nous montre pas Chopin comme une simple graine de la fleur Debussy (soit quelque chose de plus simple, voire de plus fruste) mais comme une fleur antérieure, dont les couleurs et formes propres seraient par certains traits ou tendances comme une préfiguration de la suivante. Elles contiennent une potentialité, dirait-on maintenant. Pour moi il est même suggéré non pas une supériorité de Chopin, ce qui n'a pas grand sens, mais une richesse de Chopin insoupçonnée de prime abord - mais insoupçonnée du fait d'un défaut chez l'auditeur, à qui l'écoute de Debussy, puis l'éloignement de l'exil permettrait (mais c'est facultatif) un retour et une révision. Cette richesse est caractéristiquement de celles que l'on redécouvre dans la solitude, dans la douleur, ou lors de l'exil, en ceci qu'elle tient à des fibres sans doute plus enfouies en nous, moins raffinées, moins écloses, moins poussées, allez savoir, car justement ce sont ces jugements et leurs présupposés qui sont en question, mais plus sûres et plus vitales, allez savoir. Ce sont (ce sont aussi, et si l'on veut) des annonces, et quoique la filiation musicale de l'un à l'autre ne soit pas toujours flagrante (même si Debussy a dédicacé ses "Études" à Chopin), des élancements vers Debussy qui dans ce récit tiennent plus au cœur et presque au corps de Lévi-Strauss que Debussy lui-même, dont le charme particulier, aimable en la quiétude de la vie rangée et par conséquent plus curieuse, plus en quête de nouveauté, ne suffit pas à la vie rendue au risque. Enfin c'est ce que me dit ce texte.

Je vois où vous voulez en venir, avec la métaphore de la graine, mais j'ai beaucoup de mal avec cette idée de nécrose (surtout dans ce cas !). Je ne veux rien ôter à Debussy, mais parlant de Chopin… vive la nécrose !
Passons en revue les comparaisons, et nous verrons qu'elles ne font pas toujours le même effet. De Machaut à Bach on admet généralement assez facilement, en gros, le principe de la graine (que même en ce cas je n'accepterai pas, avec ses connotations univoques), mais de Bach à Mozart ? L'art roman plus fruste que le gothique, pour changer de domaine ? Cette thèse fut très commune, elle l'est peut-être encore pour certains, car les théoriciens du progrès en art ne peuvent pas penser autrement. On peut ouvrir sur cet exemple une sous-classe dite des filiations divergentes, puis en celle-ci une autre des filiations antagonistes car on peut soutenir que le gothique est, profondément, à l'opposé du roman, lui empruntant son langage pour en trahir le sens à force d'exténuation.

Mon sentiment est que des fleurs apparaissent, suivies d'autres, qui empruntent aux premières une partie de leur "patrimoine génétique", avec cette faculté capricieuse des nouvelles de se choisir une parenté composite parmi les anciennes, puis cette puissance de composer ces influences selon une marche inouïe. À ce jeu il y a peu d'élus, parmi les élus tous ne sont pas d'égale stature ni ne ramassent dans leur travail la même universalité, et les réformateurs puissants de l'envergure de Bach se comptent dans un millénaire. Ceci ne fait pas que la puissance d'évocation de fleurs plus discrètes n'ait pas voix au chapitre et ne soit pas parfois essentielle à nos vies en ce que telle parle de telle façon, qui est inimitable, et touchera certaines âmes, ou presque toutes. Il en est de même selon le temps, qui distribuerait les langages sur une flèche qui irait du plus simple au plus complexe, comme du plus enfantin (ou balourd) au plus accompli (ou raffiné). Pourtant il s'est plutôt produit des cycles, des pauses, des allers-retours, des "ressourcements" vers l'archaïque. L'on n'a pas toujours vu la subtilité ni l'audace à temps. Des mondes ont pu naître assez discrètement, que le fétichisme du nouveau n'a pas toujours vus venir - et, pourrait-on dire en quelques cas, toujours pas.

Mais l'essentiel n'est pas là. Lévi-Strauss parle d'une œuvre très connue de Chopin, très populaire, immédiatement perceptible par le plus grand nombre, pour partie de sa puissance d'évocation en tout cas et sans préjudice d'une lecture plus fine ou plus cultivée. Il peut arriver que ces morceaux deviennent des scies, certes, et il arrive que des mélomanes "ne puissent plus entendre" telle des symphonies rebattues de Beethoven, par exemple (au fait, Georges Prêtre, à plus de quatre-vingts ans, vient de donner une Septième que j'ai trouvée époustouflante, diffusée dimanche dernier sur Arte) . Mais c'est précisément autour de ce caractère qu'il établit son parallèle. Il se trouve littéralement envoûté (il dit "obsédé") par une phrase "facile", et comme il le précise bien encore "appauvrie" par son souvenir, un "air" en quelque sorte, qui joue comme une évocation de "tout ce qu'il avait laissé derrière lui". Dans les conditions de l'exil et de l'inconfort il n'est plus capable de déployer toutes les antennes nécessaires à la captation des messages ramifiés et subtils, des codages superposés qui font le prix du raffinement extrême (passons sur la difficulté de la comparaison entre Pelléas et un morceau de piano, et faisons comme si seules des œuvres pianistiques étaient en regard, ou les deux compositeurs pris chacun comme une entité musicale). Mais ce n'est peut-être pas seulement une question de complexité ("de feuilleté"), et il faut se demander si même la teneur du sentiment n'est pas en cause, non pas tant dans tel morceau contre un autre mais dans la perception différente que suscitera chaque artiste, dans sa tonalité humaine, dans sa disposition à la confidence crue ou au contraire dans une savante évocation plus en détours. Toujours est-il que ce texte est pour moi très évocateur car il rejoint ma conviction, déjà exprimée sur ces ondes, que les commencements ne sont pas de simples balbutiements grossiers. Avouez que, au moins dès que nous sommes à parler de la période "classique", il est difficile de parler de graines et de fleurs… Il faudrait chercher des "graines" avant le XIIe siècle, dans ce qui n'était "que folklore", et encore.
Les musiciens, eux, ne semblent pas toujours avoir ce schéma en tête.

L'image est encore plus parlante dans le cas des musiques populaires, qui ne vous sont pas étrangères: on peut la plupart du temps dire (c'est mon cas) que les commencements y sont bien plus forts, bien plus résistants que les accomplissements, en tout cas les derniers en date, souvent les plus "cultivés" et les plus virtuoses, lesquels finissent littéralement en quenouille à force de se tarabiscoter ou de s'abâtardir. Tout se passe comme si des cycles s'accomplissaient. J'ai déjà indiqué celui que l'on peut lire en architecture entre le paléo-chrétien, le roman, le gothique, le flamboyant etc. : on peut le plaquer sur le rock, ou la musique afro-cubaine, ou ce que vous voudrez. Moyennant quelques affinements (notions de paliers etc.).

Mais c'est un débat à rallonge. Au fait, pour en dire un peu sur moi, je ne sais pas si je suis en exil permanent, mais Chopin m'est plus essentiel que Debussy.

Aussi: je ne suis pas certain que l'on puisse dire comme le fait Lévi-Strauss "aimer Chopin par défaut, comme fait celui pour qui l'évolution musicale s'était arrêtée à lui". Si il y a chez Chopin des "commencements" de ce qui lui succédera, ils y sont, et ne peuvent être étrangers à notre amour pour lui. Peu importe finalement si nous n'allons pas plus loin dans notre mise à jour musicale. La connaissance de Debussy n'est pas, ou pas nécessairement la condition pour aimer Chopin par excès.

Je me reconnais de plus en plus comme un amateur de commencements, justement. Certes nous ne pouvons pas faire que nous n'ayons connu la suite, et il est vrai qu'il est difficile de faire la part des choses à posteriori, quant à notre regard rétrospectif. Mais quel vertige ce doit être, pour un compositeur, que d'échapper vers l'inconnu de quoi sera fait le futur (par un autre), et sans le savoir, par on ne sait quel miracle. Tout est presque déjà là, non ? Et qui s'entend, pour nous.

Pour répondre à votre question, enfin: nous ne devons pas avoir peur de remonter, d'aller à rebours. Les arts le font. Il y a une tendance humaine à la sclérose, souvent mariée aux puritanismes (religieux, révolutionnaires, ou les deux à la fois), qui confine au refus de l'art. C'est autre chose. De fait, sur cet orbite, il n'y a ni aller ni retour. Il n'y a qu'un temps linéaire de jours éternellement recommencés dans l'immuable. C'est sans doute le rêve de l'Islam, iconoclasme dont les fondamentalistes bannissent aussi la musique. Je ne pense pas être sur cette voie, ni que les "fleurs" soient à ce titre plus en danger que les "graines". Je n'ai malheureusement plus le temps, et reprendrai ceci plus tard, si vous voulez bien.

Corrigé: une espace, fautes aux noms propres.
Cher Mélophile, je vous remercie de cette réponse, qui donne de la chair à ce débat trop abstrait. Ce qui m’a arrêté dans ce fragment de L.S. est ce que l’on pourrait nommer l’ivresse de l’illusion volontaire, qui est une ivresse dans le rétrécissement : ce que l’on a rétréci pour s’en satisfaire, on se l’incorpore, on s’en pénètre et joue avec comme du caillou que l’on garde dans la bouche contre la soif. Lisez bien : Plus occupé de résoudre ce problème que de me consacrer aux observations qui m’eussent justifié, je me disais que le progrès qui consiste à passer de Chopin à Debussy se trouve peut-être amplifié quand il se produit dans l’autre sens.

Celui, qui, dans le désert, s’est rétréci par choix, comme moyen de survie – mieux vaut se concentrer, se faire petit dans la désolation où tout épanouissement vous tuerait, mieux vaut réduire sa surface d’exposition aux éléments et à leur rigueur, c’est là un réflexe de tout vivant : la surface du corps, et ici de l’esprit, exposée à l’environnement hostile, ou par trop neutre ou par trop vide de sens comme peut l’être un désert du Matto Grosso, doit impérativement être réduite sous peine d’insolation, de déshydratation aigüe, de vertige et de dissolution de son être – celui-là donc, se complaît dans cet état, s’y pelote, comme nous l’avoue l’auteur qui «renonce à se consacrer aux observations qui l’eussent justifié ».

La marche dans le désert a besoin d’une scie, de pensée simples, répétitives : on interrogea le navigateur solitaire d’Abboville qui réussit, c’était en 1991 je crois, la traversée du Pacifique à la rame, à l’huile de coude, sur une embarcation monoplace. Question des journalistes : à quoi pensiez-vous en ramant, quelles divagations poétiques sont montées en vous suivant le rythme des bordées, des coudées, quelles révélations à contempler l’immensité liquide… ? Réponse : je ne pensais à rien, pas même à la terre ferme. A rien. Je pensais : arriver, arriver… arriver… aller… droit devant… droit devant…les autres pensées, je les aurai à l’arrivée, l’arrivée, l’arrivée…

Comment donc, Chopin, et quelques autres vieilles scies ont-elles pu paraître au grand Lévi-Strauss « profondes » plus que Pelleas dans ces heures ? Il s’agit d’une illusion. Cette illusion qui est celle-là même, d'origine physiologique, qu’exploitent les sales gosses dans le jeu du foulard qui, les amenant aux portes de la mort par suffocation, leur fait entrevoir des cieux plus profonds, plus étoilés. J’ai tenté de vous faire comprendre cela avec la métaphore de l’ablation d’un poumon : jamais le poumon sain, le poumon restant, n’aura respiré plus profond qu’après l’extinction (par ablation mais tout aussi bien, par nécrose) du poumon mort.

L.S. sait cela, n’en est nullement la dupe : le poumon Chopin acquiert une profondeur nouvelle quand le poumon Debussy s’en est allé. Il n’ignore rien des mécanismes physiologiques de l’ivresse que procurent les grands espaces désolés et leur monotonie, de laquelle l’ivresse par l’alcool ou d’autres stupéfiants comme le cannabis ne sont qu’une sorte parmi d’autres : sous l’influence de ces substances, la même rengaine idiote prend un sens nouveau, profond, tout fait sens, tout se raccorde à tout par des ramifications profondes, cependant que le champ de vision latéral, et avec lui les lobes pariétaux de l’alcoolique, pour celui-là rétrécit, pour les autres dégénèrent. Et soyez-en sûr : l’amateur de ces substances, au sortir de sa gueule de bois, ne manquera pas de vous faire valoir comment, grâce à son trip, il a doublement progressé.
Cher Francis Marche,

Veuillez m'excuser pour ces réponses tardives coup sur coup, mais je vais traîner encore un peu, et ne vous répondrai que demain.
Francis Marche écrivait:
-------------------------------------------------------
(...)

> Ce qui m’a arrêté dans ce fragment de L.S. est ce que
> l’on pourrait nommer l’ivresse de l’illusion
> volontaire, qui est une ivresse dans le
> rétrécissement : ce que l’on a rétréci pour s’en
> satisfaire, on se l’incorpore, on s’en pénètre et
> joue avec comme du caillou que l’on garde dans la
> bouche contre la soif. Lisez bien : Plus occupé de
> résoudre ce problème que de me consacrer aux
> observations qui m’eussent justifié, je me disais
> que le progrès qui consiste à passer de Chopin à
> Debussy se trouve peut-être amplifié quand il se
> produit dans l’autre sens.
(...)
> La marche dans le désert a besoin d’une scie, de
> pensée simples, répétitives (...)
>
> Comment donc, Chopin, et quelques autres vieilles
> scies ont-elles pu paraître au grand Lévi-Strauss
> « profondes » plus que Pelleas dans ces heures ?
> Il s’agit d’une illusion. (...)

J’ai tenté de vous faire
> comprendre cela avec la métaphore de l’ablation
> d’un poumon : jamais le poumon sain, le poumon
> restant, n’aura respiré plus profond qu’après
> l’extinction (par ablation mais tout aussi bien,
> par nécrose) du poumon mort.
>
> L.S. sait cela, n’en est nullement la dupe : le
> poumon Chopin acquiert une profondeur nouvelle
> quand le poumon Debussy s’en est allé. Il n’ignore
> rien des mécanismes physiologiques de l’ivresse
> que procurent les grands espaces désolés et leur
> monotonie, de laquelle l’ivresse par l’alcool ou
> d’autres stupéfiants comme le cannabis ne sont
> qu’une sorte parmi d’autres (...)

Et
> soyez-en sûr : l’amateur de ces substances, au
> sortir de sa gueule de bois, ne manquera pas de
> vous faire valoir comment, grâce à son trip, il a
> doublement progressé.

Cher Francis Marche,

Je crois que l'essentiel de ce que dit Lévi-Strauss tient dans cette phrase: "Les délices qui me faisaient préférer Debussy, je les goûtais maintenant dans Chopin, mais sous une forme implicite, incertaine encore, et si discrète que je ne les avais pas perçues au début et que j’étais allé d’emblée vers leur manifestation la plus ostensible."

Ensuite ça se gâte (pour moi) dans la suivante: "J’accomplissais un double progrès : approfondissant l’œuvre du compositeur le plus ancien, je lui reconnaissais des beautés destinées à rester cachées de qui n’eût pas d’abord connu Debussy. J'aimais Chopin par excès, et non par défaut comme fait celui pour qui l'évolution musicale s’est arrêtée à lui."

Enfin ça redevient ambigu "D’autre part, pour favoriser en moi l’apparition de certaines émotions, je n’avais plus besoin de l’excitation complète : le signe, l’allusion, la prémonition de certaines formes suffisaient."

Je pense que les dites beautés chez Chopin n'étaient pas si cachées qu'un auditeur ignorant Debussy n'eût absolument pas pu les y voir: c'est selon la capacité d'écoute de chacun, sa relation à la musique, sa disposition ou sa disponibilité à tel ou tel caractère (aux audaces, à la complexité, aux dissonances, au lyrisme, à tout ce qu'on voudra). La musique classique est aussi, comme l'art ou la littérature, le terrain d'une lutte entre des perceptions: progressiste versus classiciste, révolutionnaire versus misonéiste, sans compter les options concernant son histoire (soit purement linéaire - avec ou sans sectorisation géographique - quoique plus ou moins ramifiée, soit reconnaissant des simultanéités, des foyers multiples et des influences complexes, des cycles, des retours aux archaïsmes au plus fort des envols modernistes etc.). Il se peut, surtout à cette époque, que L.S. ait baigné dans une atmosphère moderniste, ou tout au moins très inquiète du moderne (allusion à son intérêt pour Stravinsky dont le Sacre avait défrayé la chronique, et à sa formation par immersion dans un wagnérisme qu'il tenait pour quelque peu révolu au profit d'un debussysme plus récent), atmosphère propice, vous en conviendrez, à des considérations un peu désabusées sur le compte de Chopin.

Il faut dire que ce dernier ne se présente pas furieusement sur scène, et que son public ne se trie pas massivement chez les amateurs de scandale, ni chez ceux d'explorations savantes plus austères (sauf dispositions spéciales, ou… exil). Mais j'ai relu cette nuit les belles pages que Rebatet lui a consacrées, et je suis un peu confus de les refaire ici en plus terne. Tout y est dit, de la méprise sur Chopin. Et l'admiration jamais démentie de Debussy lui-même. Et ceci: "Songeons à tout ce qu'il y avait d'insolite, de prophétique, vers 1845, dans des chefs-d'œuvre tels que la Barcarolle et la Berceuse, dont les tonalités "noyées", les demi-teintes, les frissonnements devancent d'un demi-siècle toute l'école impressionniste du piano". Et la phrase de Strauss "On enseigne tout dans les Conservatoires, sauf, avec le sérieux et la profondeur nécessaires, ce qui me semble le plus important, c'est-à-dire l'art de former une mélodie… il s'agit en réalité d'un des problèmes techniques les plus difficiles qui soient". Le compositeur des "Quatre derniers lieder" savait de quoi il parlait. Ceci encore (de Rebatet): "nous avons tous pu observer, si nous avons l'oreille honnête, que les traits les plus brillants et les plus éloquents de Beethoven, lorsqu'on les entend aussitôt après ceux en doubles notes, en octaves, après les ornements chromatiques de Chopin, prennent souvent l'apparence d'éléments plus ou moins préfabriqués" (phrase qui vient après une évocation du dernier Beethoven !). Je ne vais pas tout copier et vous passerai donc l'admirable phrase de Proust qui clôt le chapitre. Ces quelques pages sur Chopin, à elles seules, justifient l'achat du livre de Rebatet. Elles sont comme un manifeste et disent au mieux ce que devrait être notre rapport à la musique et à l'art en général.

J'adhère à cette conception qui est aussi un profond sentiment, j'allais dire de reconnaissance, au point d'attribuer à des êtres comme Chopin un statut d'animal musical (voilà qui est bien périlleux), bien au-delà du plan où l'on pourrait lui adresser quelques reproches plus ou moins justifiés. Un animal un peu de la même sorte que Haydn dont Furtwängler pouvait dire "c'est de la musique en touffes". Un autre mésestimé (mais de moins en moins). Reconnaissance pour les bienfaits, mais reconnaissance de connivence, appel du même au même, reconnaître soi chez un artiste et cependant en être transporté vers quelque inconnu rendu d'abord imperceptiblement puis inaliénablement familier. C'est ce qu'a éprouvé L.-S., sans doute, mais je répète que sa formulation annexe du "par excès /par "défaut" me paraît discutable.

La phrase de Strauss sur la mélodie ne s'accommoderait pas d'une théorie de la graine et de la fleur (de l'archaïsme et du dépassement) qui s'enfermerait dans un systématisme. L'art mélodique est le plus secret et le plus essentiel. Le contrepoint et le développement ne peuvent lui être que secondaires. On a vu par ailleurs que Chopin, dans sa singularité étrangère aux écoles, dans son cantonnement au piano, ne manquait pas de subtilité, ni de cette inventivité qu'on lui aura mesurée. Est-il suffisant pour son temps, et pour notre temps ? Est-il assez "de la civilisation" ? Pour moi, hors concours. En est-il moins que Debussy, ou Schoenberg ? Pas le moins du monde. Je n'ai malheureusement pas le temps ni l'énergie de remonter ici le calendrier de la création musicale pour trouver un désert avare de germination et par conséquent de civilisation. Je suis bien certain cependant que l'heur mélodique n'a jamais été absent de cette terre, et pour moi c'est une des rares choses qui la sauvent.

Vous dites: "L.S. sait cela, n’en est nullement la dupe: le poumon Chopin acquiert une profondeur nouvelle quand le poumon Debussy s’en est allé", or il n'est pas question de duperie, car L.-S. découvre plutôt en lui, quoique selon une explication encore tributaire de sa pensée antécédente, le quotient de simultanéité entre des êtres musicaux historiquement successifs. Il se découvre un autre poumon.

corrigé: un subjonctif, des espaces...

ajouté ensuite (entre parenthèses, dans la phrase qui suit la citation de Strauss), pour éviter toute méprise sur les auteurs cités, l'attribution de la citation suivante à Rebatet: Ceci encore (de Rebatet).
29 novembre 2009, 09:37   Concerto (Matto) Grosso
Cher Melophile,

Votre intervention mérite une réponse documentée que je ne peux vous fournir à main-levée dans des circonstances (au Cambodge) où l'accès à la documentation en ligne n'est pas aussi aisé qu'en Europe. Il n'est pas question d'y apporter une réponse légère en forme de pirouette. Je vous prie par conséquent de me pardonner mon silence le temps de pouvoir produire une intervention digne de la vôtre.
29 novembre 2009, 12:19   Re : Concerto (Matto) Grosso
Francis Marche écrivait:
-------------------------------------------------------
> Cher Melophile,
>
> Votre intervention mérite une réponse documentée
> que je ne peux vous fournir à main-levée dans des
> circonstances (au Cambodge) où l'accès à la
> documentation en ligne n'est pas aussi aisé qu'en
> Europe. Il n'est pas question d'y apporter une
> réponse légère en forme de pirouette. Je vous prie
> par conséquent de me pardonner mon silence le
> temps de pouvoir produire une intervention digne
> de la vôtre.

Cher Francis Marche,

Reste-t-il à pardonner devant de si louables motifs ? Je tarde parfois moi-même à répondre et pour moins que ça. Je vous envie cette aura d'exotisme et les circonstances "de jungle" (attention aux ritournelles), vous qui pratiquez aussi l'autre côté du globe, où cependant l'on "tient" comme dit l'autre. J'irai voir de temps en temps en seconde page.
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