Le GIEC ne produit aucune « prédiction », seulement des scénarios, une fourchette de scénarios qui reposent non pas sur une « loi des séries » (comme si l’on jouait aux dés – « vous pariez ? ») -- mais sur l’intelligence des mécanismes de l’effet de serre impliquant le CO2 troposphérique, la vapeur d’eau (dont les quantités locales sont elles-mêmes fonction du réchauffement terrestre impulsé par le CO2), le méthane, etc. et l’interprétation des composantes du bilan radiatif terrestre. Dans un ouvrage qui vient de paraître (novembre 2009) et qui donc prend en compte l’état actuel des connaissances, ces mécanismes et leurs implications sont décrits par le menu.
Cet ouvrage s’intitule L
’Humanité face au changement climatique. On le doit à Robert Dautray et Jacques Lestourne. M. Dautray est membre de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies ; il a été président des comités des programmes scientifiques et du Comité d’observation opérationnelle de la Terre du CNES et haut-commissaire à l’énergie atomique. Il est notamment l’auteur de
Quelles énergies pour demains ?, nous apprend le quatrième de couverture.
Les tenants d’une primauté de la vapeur d’eau comme agent principal de l’effet de serre, ce en quoi ils n’ont pas tort, retiendront cependant que la part d’accroissement de d’effet de serre imputable à la présence de vapeur d’eau ne saurait être autre que localisée (principalement sur la zone intertropicale), vue l’instabilité d’état de ce gaz (condensation, précipitation, etc.) ; en effet la vapeur d’eau ne reste pas longtemps dans l’atmosphère après son évaporation, au plus quelques semaines, pour la plus grande partie en basse altitude, (inférieure à 4 km), se formant en gouttes autour des aérosols, en nuages, etc., tandis que le CO2, d’une demi-vie de cent ans, s’étale dans l’ensemble de la troposphère et produit un effet proprement « global ».
Au sujet de la place de la vapeur d’eau dans le phénomène effet de serre, on note dans l’ouvrage :
« La vapeur d’eau présente dans l’air provient de l’évaporation des océans, des rivières, des zones humides causée par le rayonnement solaire et par la hausse de température due à l’effet de serre. L’effet de serre de cette vapeur d’eau est d’environ le double ou le triple de celui du CO2. Mais c’est le CO2 qui, en échauffant la surface de la terre a évaporé cette eau » (p.33). Par conséquent, la vapeur d’eau, à fort coefficient d’effet de serre, est elle-même un sous-produit du réchauffement induit par le CO2. Le CO2 «
commande les conditions de l’effet de serre » :
«Les conditions actuelles d’un effet de serre commandées par une concentration d’environ 250 ppmv de gaz carbonique dans l’atmosphère existent depuis 11500 ans. Cela nous a donné un climat stable. En particulier, ce climat a contribué à permettre le développement de l’agriculture du Croissant fertile (dont Sumer), en Chine, chez les Mayas et le long de l’Indus depuis environ 8 à 10 millénaires » (p.35)
L’accroissement de l’effet de serre est la cause du réchauffement des températures terrestres au sol de 1750 à 2005 ; et ce réchauffement n’est aucunement fonction des cycles des flux lumineux solaires (après ou avant absorption par l’ozone dans la haute atmosphère) non plus que des cycles d’insolation de la planète (partiellement fonction de paramètres orbitaux). Je cite l’ouvrage :
« On peut juger de la grandeur relative de cet effet de serre. De 1750 à 2005, soit en 255 ans, l’effet de serre a augmenté d’une valeur estimée, suivant les procédés d’évaluation, à une moyenne d’environ 1,6 W/m2 suivant les laboratoires, les évaluations varient de 0,6 W/m2 et 2,4 W/m2), soit +0,7 °C en température. » (p.34)
Quant au rôle du CO2, j’ai trouvé le passage suivant, qui décrit l’intimité des mécanismes physico-chimiques complexes de l’effet de serre où intervient ce gaz, particulièrement intéressant :
« La Terre, chauffée par le flux lumineux qu’elle a absorbé, émet du flux lumineux à mesure qu’elle en reçoit. La température de la Terre chauffée par le flux lumineux qu’elle a reçu serait de 255 K (soit -18 °C). Le rayonnement émis par un corps « noir » de cette température est de 11 µm, soit le plein rayonnement infra-rouge dont l’énergie du photo est de 0,1 eV. La Terre émet donc des rayons e.m. infrarouges (IR)….(p.28)
…..Le gaz carbonique a trois types de vibrations différentes (dites «normales » car toute vibration de sa molécule peut être décomposée en une somme de ces trois vibrations). La première vibration de la molécule O-C-O est un « pliage simultané » des ailes –O autour de l’atome C, comme le battement des ailes d’un papillon. Son moment n’est pas nul. Donc la relation de conservation peut être respectée. Le gaz carbonique peut absorber les IR émis par la Terre (et par les autres atomes de l’atmosphère). La deuxième vibration est également non symétrique (O[flèche vers la gauche]C[flèche vers la gauche]O) : elle permet une absorption de photons. La troisième vibration (O[double flèche]C[double flèche]O) est symétrique et ne permet pas d’absorption de photon par ce processus.
Avec le même examen, on montre que la vapeur d’eau (H2O, soit H-O-H) est, pour toutes ses vibrations et rotations, susceptible d’absorber des photons d’IR. Il en est de même pour le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O), l’ozone (O3) de la troposphère, etc. En résumé, ce sont ces gaz très dilués (0,38%) pour le gaz carbonique, 1,7 millionième pour le méthane, etc., qui rendent la troposphère opacifiée aux IR. Soulignons que, pour que la disparition du spin de valeur 1 (en unité h/pi;) du photon soit compensée par une addition de 1 de la vibration de la molécule de gaz carbonique (ou bien des autres molécules citées), c’est la transition entre ces deux états de vibration de la molécule qui doit apporter la variation de moment dipolaire de cette molécule. La vibration de notre molécule de CO2 ne constitue pas un échauffement de l’atmosphère. Mais là intervient un nouveau phénomène : chaque molécule de CO2 est entourée en moyenne de 3000 molécules d’azote et d’oxygène en perpétuel mouvement, dont l’énergie cinétique moyenne est liée à la température du milieu. À 15 °C, cette énergie cinétique est environ de 1/40 eV. Notre molécule de CO2 subit quelques millions de chocs par seconde des molécules voisine d’azote. La très grande majorité de ces chocs sont comme ceux des boules de billard. La molécule de CO2 en vibration repart après le choc avec la même vibration et celle d’azote repart elle aussi avec sa vibration, les boules de billard ayant simplement échangé une partie de leurs énergies cinétiques, en respectant la loi de conservation des énergies avant et après le choc. Le choc est appelé élastique.
Cependant, environ une fois sur 100 000, le choc est d’une autre nature. La molécule de gaz carbonique perd son quanta d’énergie de vibration. L’énergie ainsi perdue est gagnée par l’énergie cinétique de la molécule d’azote (ou d’oxygène ou de vapeur d’eau). Ces molécules d’azote ou d’oxygène, etc. gagnent de choc en choc de l’énergie cinétique, c'est-à-dire que le milieu tout entier est chauffé. Le processus de chauffage va continuer dans toute la partie de l’atmosphère (altitude inférieure à 8 à 12 km) où il y a assez de densité massique, donc de collisions des molécules entre elles.
Ce que nous avons décrit pour les vibrations de la molécule de CO2 est vrai pour les vibrations de la molécule de vapeur d’eau (H-O-H), les vibrations de CH4, les vibrations de N2O, les vibrations des molécules compliquées dites CFC (chloro-fluoro-carbone) utilisées dans certains processus industriels et jadis dans les réfrigérateurs. Le milieu atmosphérique chaud va émettre des photons IR dont une partie sera renvoyée vers la surface de la Terre et la chauffera.
De plus, ces molécules en vibration vont se choquer entre elles et se repasser leurs vibrations de l’une à l’autre. Certaines de ces molécules en vibration vont revenir à leur état initial sans vibration en émettant un photon de rayonnement IR. Certains de ces IR iront vers la surface de la Terre et la réchaufferont encore plus. D’autres photons se dirigeront vers le haute de l’atmosphère et s’échapperont vers l’espace. Quand le flux de photons IR qui s’échappe vers le haut de l’atmosphère sera de même grandeur que celui qui avait chauffé la Terre, le système Terre/atmosphère sera en équilibre thermodynamique localement (c'est-à-dire dans les régions voisines de notre molécule de CO2 qui a interagi inélastiquement avec une molécule d’azote voisine). L’échauffement de l’atmosphère et de la surface de la Terre qu’il a fallu pour forcer le passage à travers cette atmosphère opacifiée par le CO2, la vapeur d’eau, le CH4, l’O3, le N2O, etc. est appelé l’effet de serre. » (p.30-31).
Ce livre se parcourt comme un manuel, ainsi le deuxième chapitre se clôt sur l’encadré suivant :
« Que le lecteur retienne essentiellement de ce chapitre : Sur Terre, l’effet de serre a toujours permis un ECHANGE D’ENERGIE CONTINUEL mais évolutif entre le champ RADIATIF issu du Soleil et la MATIERE de la « couche limite » de la Terre, ECHANGE auquel participe depuis longtemps le VIVANT, chacun à son TEMPO. Les hommes viennent d’y ajouter le court tempo de leurs considérables et croissantes activités. »
Je retiens pour ma part de tout cela que l'activité radiative terrestre entrant en "équilibre termodynamique" avec les flux lumineux solaires composent ensemble un système énergétique de type autonome (comme peut l'être l'auto-cuiseur qui cuit les aliments sans besoin que le feu soit continu ou prolongé)
en relation non linéaire avec la source de chaleur extérieure; autrement dit les variations de l'activité solaire ne peuvent en aucun cas se répercuter immédiatement (cycles de 30 années nous dit Marcel Meyer) non plus que linéairement sur l'état du système.
Les auteurs ont inclus dans leur ouvrage un glossaire et un appareil de notes substantiel. Je ne peux que recommander chaudement, pardon vivement, l’achat de cet ouvrage, paru aux éditions Odile Jacob, prix de vente : 26 euros.