Chère Cassandre, mon intervention dans ce fil se bornait à critiquer l'argumentaire d'Elisabeth Lévy, où j'avais cru discerner justement, du sophisme ("une histoire faite de récits ne pèse rien"). Cette critique se voulait, si vous me permettez, d'ordre strictement philosophique, d'où ma citation de Spinoza: je n'ai aucune méthode à proposer pour connaître les faits, seulement la volonté de contenir certains raisonnements et démarches proposés par les uns et les autres dans cette discussion et qui me paraissaient critiquables du point de vue philosophique.
Cela étant, et pour clarifier ma position, très mal comprise par M. Meyer, je pense que les juifs sont des hommes et des femmes comme tous les autres, c'est à dire qu'ils ont le droit à l'erreur, et même, si vous m'invitez à vous dire le fond de ma pensée, que, parce qu'il n'est pas un surhomme, le soldat israélien
a droit à la bavure (et, le cas échéant, le devoir d'offrir des excuses et de sanctionner les responsables).
Je suis intimement convaincu que si cet enfant a été tué par des balles israëliennes,
aucun soldat israëlien n'a voulu cette mort, n'a voulu ainsi supplicier cet enfant comme on l'a vu supplicié. Ce point est absolument fondamental, il devrait à lui seul écarter tout soupçon d'antidreyfusisme de ma part, d'autre part il fait ressortir un autre point lui aussi fondamental: si, comme nous en sommes, je crois, tous convaincus, il n'y a pas eu intention de supplicier cet enfant chez les tireurs israëliens, l'odieuse équation de Catherine Nay dont l'autre terme est l'enfant juif supplicié des camps nazis (
délibérément supplicié par des bourreaux requis à cette unique fin) est scandaleuse au sens le plus étroit et girardien du terme.
Le double bind d'Israël dans cette affaire est le suivant: en se privant de reconnaître une
éventuelle erreur balistique, Israël se situe au-delà de la faillibilité humaine, et, pour s'établir ainsi, la blancheur israëlienne a besoin de Palestiniens plus noirs qu'ils ne sont déjà, savoir de Palestiniens qui auraient, pour les caméras, supplicié eux-mêmes cet enfant, fait qui ne peut être établi. D'où le double flottement paranoïaque et l'affolement des récits.
Lorsque des soldats américains en Irak tuent (par mégarde, par méprise, par excès de violence, par faiblesse, par "coup de sang", etc. ) des civils arabes, l'état-major reconnaît l'erreur, s'excuse, enterre les morts, stoppe la machine à récits, annonce une enquête.
Qu'est-ce qui empêche Israël d'en faire autant?