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Un témoignage d'enseignante édifiant dans le Monde du 3 Décembre

Envoyé par Alexandre Benfredj 
"Prof éphémère", ou la grande galère d'une remplaçante en banlieue

Pas simple de gérer sa classe lorsqu'on est une "prof de passage". Véronique Pot a 29 ans. Elle enseigne le français. C'est sa cinquième année de remplacement. Témoignage de sa dernière mission.

Après la Toussaint, me voilà dans le Val-d'Oise. Lundi, mes élèves de 4e rentrent au compte-gouttes. Certains arrivent par grappes, en se catapultant contre la porte d'entrée de la salle de classe, qui s'ouvre sous le choc. Ils jettent leur sac, changent deux ou trois fois de place. Continuent à parler comme si je n'existais pas. Ne daignent pas sortir feuille, ou stylo. Un élève cherche à rouler une pelle ("embrasser" serait un terme inapproprié) à sa copine du moment, fait semblant d'être étonné que je lui demande des comptes. Un autre petit couple se tripote assidûment sous la table.

Une gueulante. Les élèves s'assoient, mais n'arrêtent pas de s'interpeller. Une élève remarque mon désarroi et sourit à pleines dents "Elle va chialer !" Comme je rétorque vertement, ce n'est pas (encore) la curée.

En sortant, je dois avoir l'air hagard car un élève de la classe me dit : "Vous inquiétez pas, madame, ils sont comme ça avec tout le monde." Un autre a vu que je boitais, et me demande avec bienveillance ce que j'ai. C'est ça qui manque de me faire pleurer! Mardi, le deuxième cours avec eux est à l'avenant. Comme je me plains en salle des profs, on me dit qu'il y a pire ailleurs... Ici, les profs tiennent le coup "en attendant d'avoir des points".

Jeudi et vendredi, je prends un carnet. "Madame, vous êtes sûre vous voulez me mettre un mot ?" Menace à peine voilée, qui sera réitérée le lendemain. Une exclusion de cours est impossible, l'équipe de "vie scolaire" (surveillants et conseiller d'éducation) est débordée, et on me l'a expressément interdit.

Week-end infernal. Leurs tentatives d'intimidation commencent à fonctionner. Je pense à eux, tout le temps. J'essaie d'imaginer des stratagèmes, je refais des cours, en plus simple, toujours plus simple, des leçons"à trous" pour éviter d'avoir à écrire trop au tableau, car leur tourner le dos est souvent source d'agitation, de jet d'objets.

Le lundi suivant, comme j'attends le silence depuis vingt minutes, mon cours leur manque en bruit de fond. Ils sont gênés. "Madame ça s'fait pas, continuez à parler, vous écoutez pas nos conversations !" Alors que je m'avance dans l'allée pour chercher à capter leur attention, R. s'aperçoit que je boite légèrement. "Ouah elle boite, elle s'est fait enculer ou quoi ?"

J'hésite entre découragement et rage. Je lui demande de répéter. S., peut-être pour détourner l'attention, m'accuse d'avoir peur de R., de faire semblant de ne pas entendre ses réflexions. Je file directement dans le bureau de la principale adjointe. Je fais un rapport. Je ne sais pas jusqu'où ils sont capables d'aller. La principale m'assure que la violence physique contre un prof advient seulement quand le prof est méprisant. J'espère que les élèves sont au courant de cette règle... La principale finit sur cette petite touche d'humour édifiante : "Vous savez, un de nos collègues s'est fait tabasser, il a eu une très bonne mutation."

Une semaine jour pour jour après ma rentrée dans cet établissement, j'en appelle au gouvernement. Il faut agir. Il faut des profs, oui, des profs, mais pas n'importe lesquels, et pas dans n'importe quelles conditions.

Propos recueillis par Maryline Baumard
Ella n'a qu'à s'adresser à M. Dubet, il sait comment s'y prendre lui.
03 décembre 2009, 13:02   Evolution positive
Ma foi, si le Monde publie ce genre de chose, je ne peux que l'en féliciter.
Utilisateur anonyme
03 décembre 2009, 13:21   Re : Un témoignage d'enseignante édifiant dans le Monde du 3 Décembre
Notez toutefois le traitement prescrit par cette malheureuse :
"Il faut agir. Il faut des profs, oui, des profs, mais pas n'importe lesquels, et pas dans n'importe quelles conditions. "
Je traduis : " Plus de profs, oui, des profs expérimentés, mieux payés et aussi plus de moyens, de tables, d'ordinateurs, de sorties éco-rupestres..."
Tout va bien.
03 décembre 2009, 13:26   Le mal partout
Mais pourquoi ne voulez-vous voir que ce qui est moche ?
03 décembre 2009, 13:56   Re : Le mal partout
Le lundi suivant, comme j'attends le silence depuis vingt minutes, mon cours leur manque en bruit de fond. Ils sont gênés. "Madame ça s'fait pas, continuez à parler, vous écoutez pas nos conversations !"

Alors ça...
Oui, c'est du même tonneau que la pétition pour changer de prof parce qu'elle voulait interdire l'usage des portables en classe.
Utilisateur anonyme
03 décembre 2009, 21:58   Re : Un témoignage d'enseignante édifiant dans le Monde du 3 Décembre
Jeudi j'assiste au premier conseil de classe de mon fils 2d. Grand lycée d'Orléans, avec filière européenne, pas vraiment de cité à problèmes dans les environs, bons résultats au bac. Tour de table des profs : classe paresseuse, réclamant le droit de ne pas travailler, indisciplinée. Certains professeurs essayent de sauver les meubles : classe toutefois agréable en demi-groupe, certains élèves travailleurs et curieux. Les bras m'en tombent. Ces jeunes ont 15 ou 16 ans, ils ont normalement gagné le droit d'être là puisqu'un premier "écrémage" est fait à la sortie de 3ème, et pourtant leur attitude démontre un manque de maturité flagrant. La faute à qui ? A nous tous. A la société médiatique qui vampirise leur univers et leur assène que la vie, la vraie c'est celle du paraître, celle du futile, celle du "je consomme, donc je suis". La faute à nous les parents qui redoutons les affrontements, baissons la tête face à leur arrogance d'adolescent (je sais, j'ai été comme ça, mes parents c'étaient que des vieux cons, mais cette réflexion, je me la gardais pour moi), nous les parents qui voulons tellement que surtout nos tous petits ne manquent de rien et qu'ils nous aiment, oh oui ! surtout qu'ils nous aiment, qu'ils nous trouvent géniaux, modernes, cool, qu'ils nous kiffent. La faute à l'Ecole qui chaque jour baisse curseur, qui argumente qu'il n'est pas nécessaire de savoir, il faut juste comprendre. L'école qui peste contre les parents absents (nous étions 5 parents à la réunion des professeurs pour 33 élèves) mais qui nous renvoie à nos bégonias lorsqu'on ose émettre la moindre critique sur leur boulot. Un exemple : depuis le début de l'année pas une semaine ne s'est passée sans l'absence d'au moins un professeur. J'ai écrit au proviseur en demandant d'en être informée. Je ne peux accepter que mon gamin de 14 ans divague pendant 4 heures la bride sur le cou pour cause d'absence des enseignants. Jusqu'à preuve du contraire et jusqu'à ses 16 ans voire 18, j'ai a répondre devant la loi des actes de mon fils (mais non mon grand garçon est un amour, jamais il ne commettrait un délit... enfin c'est ce que je pense). On ma vertement remise à ma place en m'expliquant que ce n'était pas leur problème. Ah bon alors c'est le problème de qui ? Lorsque je signale l'absentéisme hallucinant des enseignants dans ce lycée, la FCPE m'explique que : professeurs surmenés, manque de moyens,... etc. Pourtant c'est un lycée sans population "difficile" équipée d'ordinateur dans chacune des classes, locaux neufs, bref le rêve. Bon j'arrête là parce que sinon je vais y passer la nuit.
"L'école qui peste contre les parents absents (nous étions 5 parents à la réunion des professeurs pour 33 élèves) mais qui nous renvoie à nos bégonias lorsqu'on ose émettre la moindre critique sur leur boulot."

Tout juste. Ils rêvent d'un public acquis, qui les laissent continuer à parler entre eux. Ce n'est pas sans une certaine ressemblance avec ces élèves qui demandent au professeur de continuer à faire son cours "en fond sonore" pour continuer à parler entre eux.

On y passerait la nuit, en effet. L'école a pu être une source de plaisir, de soulagement ou d'espoir, la "scolarisation" ferait regretter d'avoir eu des enfants.
Chère Madame, votre témoignage est touchant et je reconnais bien là une ambiance que je fréquente d'assez près et qui devient chaque mois plus délétère. Néanmoins : « La faute à qui ? A nous tous. » Permettez-moi de ne pas souscrire. Je ne suis pas responsable de l'état de fait que vous décrivez et refuse de me faire assimiler au « nous les parents » selon le portrait que vous en brossez même s'il est, je vous l'accorde, largement dominant aujourd'hui.
Utilisateur anonyme
03 décembre 2009, 22:44   Re : Un témoignage d'enseignante édifiant dans le Monde du 3 Décembre
Bien sûr, de façon individuelle nous trouverons des contre-exemples : le professeur d'histoire-géo de mon garçon ne lâche rien, quitte à se faire détester de la part d'une majorité d'élèves, et même de ses collègues qu'il force à se bouger et à ne pas accepter l'inacceptable. Je pense que vous l'avez compris je ne confonds pas ma relation de "maman" avec celle de la "bonne copine". Mais j'ai toujours des scrupules à pointer les renoncements des autres sans me poser la question : et moi, j'ai fait quoi ?
Je crois que je vous ai compris, chère Madame. Que la nuit vous soit douce.
Citation
nous les parents qui voulons tellement que surtout nos tous petits ne manquent de rien et qu'ils nous aiment, oh oui ! surtout qu'ils nous aiment, qu'ils nous trouvent géniaux, modernes, cool, qu'ils nous kiffent.

Trop vrai, chère Marie-Roy, mais cette "cool-attitude" est aussi le résultat d'une démission en rase campagne engendrée par une société horizontale dans laquelle l'égalitarisme gangréne tous les rapports humains et sociaux.

Nous n'avons, en fait, pas d'arguments sérieux à opposer à ces gamins et comme je le disais il y a quelques jours - pardon de me citer moi-même - :

"Pourquoi voulez-vous que les éleves d'une classe qui sont des citoyens comme les autres n'aient pas le droit d'exercer leur souveraineté ! La tête de leur professeur d'anglais ne leur revient pas alors on la renvoit chez elle.

Saperlipopette nous sommes en démocratie et nous avons le droit de changer d'avis tous les jours. Au nom de quoi cette femme a-t-elle l'insolence d'exiger de nous que nous fermions nos portables ou pire encore de vouloir que nous écoutions attentivement son cours.

Nous nous plaignons mais nous avons tort car nous sommes en retard d'une génération. Ces éleves sont eux de leur temps et ils ne font qu'exercer légitimement leur droit souverain."
« Kiffer », c'est de l'arabe, je crois ?
Cher bernard, c'est du Sutherland.
Merci qui ? Merci Wiki !

Le Sutherland est un comté des Highlands en Écosse. Les émigrants écossais utilisèrent ce nom pour d'autres régions dans le monde.

Sutherland est aussi un nom de famille provenant du clan écossais des Sutherland :

* Alan Sutherland (1944-), ancien joueur de rugby à XV néo-zélandais ;
* Donald Sutherland (1935-), acteur canadien, père de Kiefer ;
* Earl Wilbur Sutherland, Jr., physiologiste américain, prix Nobel de médecine 1971 ;
* Edwin Sutherland (1893–1950), criminologue américain ;
* Graham Sutherland (1903-1980), artiste anglais ;
* Ivan Sutherland (1938-), chercheur en informatique américain, pionnier de l'internet ;
* Joan Sutherland (1926-), soprano australienne ;
* Kiefer Sutherland (1966-), acteur canadien, fils de Donald ;
* Kristine Sutherland (1955-), actrice américaine ;
* Peter Sutherland (photographe), photographe américain
* Peter Sutherland (1946-), homme politique irlandais ;
* Peter Sutherland, physicien spécialiste du nucléaire ;
* Thomas Sutherland (1834-1922), banquier de Hong Kong ;
* Trevor Sutherland (1946-), vrai nom du chanteur de reggae jamaïcain Ijahman ;
P.-S. J'ai compris "southerland", c'est bien le sens que vous y mettiez, n'est-ce pas ?
À vrai dire j'avais pensé au sens triple : au prénom, donc, à l'Écosse, et au "southerland", en effet. Un triple pun, quoi...
05 décembre 2009, 03:35   Satisfecit
Au fait, "kif" (كَيْف), qui est également employé en hébreu par emprunt (se prononce alors "keif"), veut dire "plaisir", "plaisanterie", mais tout cela d'après un dictionnaire hébreu.
"Kif" veut aussi dire dire "comment", du reste (kif halak ? comment vas-tu ?).

Il reste donc à établir un lien entre la façon et l'agrément, ou l'interrogation et le plaisir, si vous voulez...
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