Il se pourrait même que ce rouage en gigogne du Mal et du Bien -- le Bien ne saurait se distinguer, s'affirmer sans le Mal qui lui est asservi comme dans un mécanisme d'horlogerie où toute roue à pignons est entraînée par une autre roue à pignon -- rende compte de la nature
inclusive du pardon chrétien. Est en effet pardonnable chez les chrétiens ce qui sert ou est susceptible de servir à l'affirmation de la certitude escatologique -- c'est ainsi que le péché, toujours
incomplètement déterminé comme Mal absolu (la trahison, l'adultère, le mensonge, la duplicité, ne sont pas absolus, sont relatifs, exploitables par le Bien, enfants déchus du Bien, par nature récupérables dans la mansuétude d'un Créateur bricoleur et ritualistique (cf. Lévis-Strauss), est
utile au Bien et la forte probabilité de son pardon en devient indispensable à la doctrine de la rédemption. Le pardon (et avant lui le péché lui-même!) serait donc un maillon, un rouage de ce montage métaphysique chrétien. L'adultère, chez les mahommétans est impardonnable parce que le mahométisme ressort à une autre métaphysique, celle de l'exclusif partage du Mal et du Bien. Ce partage non dynamique y rend le pécheur, au sens strict, irrécupérable, maudit de toute éternité.
Pour le pécheur chrétien, parce que la rémission probable de ses péchés est prévue, non pas dans le code mais par le rite (pénitence et prière), rien ne s'arrête, la vie continue (la vie spirituelle, la vie éternelle, la Vie que la prière nettoie et relance ainsi), si bien qu'il jouit d'une liberté particulière, que l'on pourrait dire
à postériori, que seule confère le pardon, même partiel, du péché toujours partiel, jamais considéré péché absolu contre Dieu, départ diabolique contre Dieu. L'incomplétude du péché, l'incomplétude du pardon, voire son caractère conditionnel, font source paradoxale d'une plus grande liberté d'agir et de choix que l'absolu du péché, l'absolu du choix et l'absolu de la pénitence (lapidation pour la femme adultère) des musulmans. La liberté de choix absolue (ayant pour corollaire le découplage absolu du Mal et du Bien) dans un système où Dieu ne reconnaît pas le pécheur comme sien, fait courir un danger de mort (mort spirituelle) au pécheur si bien qu'elle en est, elle aussi paradoxalement, paralysante, qu'elle fait cage, niqab, etc.