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Décès d'Eric Rohmer

Envoyé par Florentin 
11 janvier 2010, 19:24   Décès d'Eric Rohmer
Je l'ai découvert très tard. Son Perceval est remarquable, son adaptation du texte de Chrétien de Troyes en français actuel est ce que j'ai entendu de mieux. Je recommande L'Anglaise et le duc pour les décors. On a l'impression qu'il a été tourner son film au XVIIIème siècle. Enfin son adaptation de l'Astrée est très bonne. Mais Rohmer n'a pas fait que cela.
11 janvier 2010, 21:24   Re : Décès d'Eric Rohmer
L'œuvre de Rohmer est un de mes soutiens.

« Je ne cherche pas à faire des films, plutôt une oeuvre cohérente. Un par un, mes films sont plus critiquables, disons inégaux, que dans leur ensemble. Ils se soutiennent les uns les autres et ils gagnent à être rapprochés. J'aime bien que mes films soient revus comme on relit un livre, ils sont faits pour ça. C'est la part d'écrivain qui est en moi. »
11 janvier 2010, 19:16   Eric Rohmer est mort...
... ce matin après une semaine d'hospitalisation.
Il avait 89 ans.
11 janvier 2010, 19:32   Re : Eric Rohmer est mort...
J'écrivais mon message pendant que vous postiez le vôtre. On peut, peut-être fusionner.
Utilisateur anonyme
11 janvier 2010, 21:03   Re : Eric Rohmer est mort...
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Utilisateur anonyme
11 janvier 2010, 22:45   Re : Eric Rohmer est mort...
Je ne connais que deux ou trois de ses films, mais je leur trouve un charme certain, délicieusement désuet.
12 janvier 2010, 00:30   Re : Eric Rohmer est mort...
Ne pourrait-on pas dire que Rohmer fut le créateur francais par excellence ?
Je l'exprime mal mais à mes yeux il possédait cette subtilité, cette légéreté, cet esprit particulier, cette intelligence, ce sens de la beauté que seul un cinéaste francais pouvait avoir.

"Er war der letzte seines Standes" comme on dit en allemand !
Utilisateur anonyme
12 janvier 2010, 07:17   Re : Eric Rohmer est mort...
....................................................
L'ancien ministre de la Culture Jack Lang a salué la mémoire d'Eric Rohmer, décédé lundi, en évoquant "l'un des maîtres du cinéma français" et "l'homme de toutes les découvertes".

"Son écriture et ses créations sont placées sous le signe de l'exigence et de la rigueur. Il aura été l'homme de toutes les découvertes: un art cinématographique à nul autre pareil, la révélation d'acteurs encore inconnus, la prospection d'univers philosophiques et esthétiques insoupçonnés", écrit M. Lang dans un communiqué.

"Son oeuvre dominera l'histoire cinématographique française par sa stature originale et révolutionnaire", conclut l'ancien ministre.
.............................

Pour une fois nous sommes tous d'accord.
12 janvier 2010, 09:10   Hommage à Rohmer
On notera que Rohmer ne négligea jamais le cinéma populaire et ses acteurs, qu'il tenait en haute estime.
12 janvier 2010, 09:18   Re : Hommage à Rohmer
On aimerait lire un communiqué du PI sur ce décès !
12 janvier 2010, 09:53   Re : Décès d'Eric Rohmer
Si communiqué ou hommage il doit y avoir, il faudrait, à mon sens, insister sur trois faits ou séries de faits qui peuvent éventuellement rendre compte avec justesse (outre le talent et l'art de rédiger des dialogues semblant improvisés) de l'oeuvre singulière de Roehmer : a) le fait qu'il a produit lui-même ses films, refusant de passer sous les fourches caudines des commissions lambda, très "éclairées", qui ne distribuent jamais "aveuglément" (ne les reçoivent que les alignés) les subventions publiques; b) son indifférence totale à la bonne pensée, aux bons sentiments, au ce qui va de soi, aux doxas en tout genre et médiatiques, etc.; c) sa familiarité avec les grandes oeuvres de la littérature et de la pensée, entres autres Pascal, Marivaux, d'Urfé, etc.
Bien cher JGL,


Je me permets d'ajouter que Rohmer fit des films intelligents sans sombrer dans l'intellectualisme.
12 janvier 2010, 12:21   Re : Décès d'Eric Rohmer
Oui je partage l'admiration des participants de ce forum pour Eric Rohmer et pour les mêmes raisons qu'eux .
Son avant dernier film ' L'anglaise et le duc " a été, je crois, démoli par la critique car il donnait une image négative de la révolution française.
12 janvier 2010, 12:56   Une opinion différente
« Nous incluons ici un film d’Eric Rohmer par pure concession à la mode et aussi à titre documentaire puisque, des quelques vint mille longs métrages parmi lesquels nous avons choisis ceux qui figurent ici, « Le rayon vert » est sans doute l’un des plus mauvais, sinon le plus mauvais. A l’intérieur de la série dite « Comédie et Proverbes », peuplée comme le reste de l’univers de Rohmer de midinettes et de Marie-Chantal plus ou moins esseulées, bavardes, nombrilistes, il n’y a guère de différence entre le meilleur titre (« La femme de l’aviateur ») qui a ouvert la série et le pire (« Le rayon vert »). On remarque seulement que les séquences tournées à l’intérieur de Paris avec des acteurs masculins seraient plutôt légèrement supérieures aux séquences tournées hors de Paris avec des personnages féminins. Sur le plan de l’intrigue, « Le rayon vert », pourrait être décrit comme l’histoire d’une héroïne antonionienne effectuant à travers la France des randonnées à la Wim Wenders, et se retrouvant à chaque fois plongée dans un univers à la Michel Lang. Un cauchemar. Les « Comédies et proverbes » reflètent une riche tradition littéraire où se sont illustrés par exemple Carmontelle et Musset. Il y faut une fantaisie, une invention, une légèreté, un mordant dont Rohmer n’a pas l’idée, ou plutôt n’a que l’idée. On a rarement vu un cinéaste mettre autant d’obstination à inscrire son œuvre dans un cadre totalement étranger à ses capacités. Dans cette tradition, le texte, le dialogue, ont beaucoup d’importance. Ceux des films de Rohmer oscillent entre deux excès également haïssables : le texte trop écrit, logorrhée rhétorique qui peut plaire à certains acteurs car ils y voient l’occasion d’un « tour de force » (cf. les tirades d’André Dussollier dans « Un beau mariage ») et le texte trop improvisé qui n’est pas un texte mais une succession fastidieuse d’hésitations, d’approximations, de redites, héritées des expériences du « cinéma-vérité » des années 60 et que rejettent même aujourd’hui les réalisateurs de télévision travaillant sur le direct. Le seul intérêt d’un film comme « Le rayon vert » est qu’il permet de mesurer jusqu’où le cinéma peut tomber dans les domaines de l’improvisation creuse, de l’autocomplaisance et de l’inexpressivité. Il y a notamment dans le film de longues fins de plan si vides, si embarrassantes pour le spectateur, qu’un cinéaste digne de ce nom, s’il les avait par malchance laissées s’enregistrer, ne les auraient jamais fait tirer ni a fortiori incluses dans un premier montage. Rohmer, lui, les présente au public avec une impavidité et une inconscience qu’il faut renoncer à qualifier. […] Filmés avec des moyens inférieurs à eux d’un cinéaste amateur moyen, fondés sur des personnages rudimentaires privés de relief, de contour, évoluant au sein d’un contexte social dérisoirement pauvre quand il n’est pas d’une criante fausseté, les films de Rohmer « existent » dans une absence de stylisation, un au-delà du bâclage qui appartiennent en propre à la Nouvelle Vague, mouvement auquel, quoi qu’on dise, Rohmer reste inébranlablement fidèle. »
Jacques Lourcelles, in « Dictionnaire du Cinéma » (1992).
Utilisateur anonyme
12 janvier 2010, 13:05   Re : Décès d'Eric Rohmer
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
12 janvier 2010, 21:36   Re : Décès d'Eric Rohmer
Mort, le même jour, d'Eric Rohmer et de Daniel Bensaïd. Du premier, j'ignorais qu'avant de devenir l'un des cinéastes français les plus intéressants et les plus originaux (avec Godard, mais en se foutant quand même nettement moins du monde), il avait été un intellectuel brillant, critique d'art et auteur d'une thèse de cinéma publiée (sur Murnau, crois-je). Dix, cent coudées au-dessus du marécage, il m'aura enchanté, pendant trente ans, par son intelligence, sa culture, son humour; et réactionnaire, avec ça, paraît-il, ce qui ne gâte rien. Un seul film: Les nuits de la pleine lune, que je me souviens d'avoir vu un soir de l'automne 1984, dans un cinéma du quartier Odéon; le charme, la grâce à l'état pur. Du second, j'aimais l'érudition et l'accent; il est dommage que, par fanatisme, il ait cru bon de rester fidèle jusqu'au bout à des lubies dont son intelligence, éminemment acérée, devait bien lui montrer qu'elles n'embrayaient plus sur rien; il aurait pu, sans cela, être utile.
Utilisateur anonyme
13 janvier 2010, 12:13   Re : Une opinion différente
J'apprécie beaucoup Rohmer et le tiens pour un grand auteur mais paradoxalement la critique de Jacques Lourcelles que vous rapportez, cher jfbrunet, m'enchante !

Cher Pascal Ottavi,
diriez-vous la même chose le jour de la mort de Badiou ?
Utilisateur anonyme
13 janvier 2010, 13:39   Re : Une opinion différente
diriez-vous la même chose le jour de la mort de Badiou ?

Euh... Badiou n'est plus ? vraiment ?!...
Badiou est immortel.
13 janvier 2010, 15:18   Re : Une opinion différente
Pour Badiou, c'est en effet ce qu'on peut craindre.

Puisqu'il a été question de Perceval et de Badiou, voici ce dernier décryptant ("Quel est le sujet de Parsifal ?") Parsifal de Wagner. Pour lui, Wagner s'attachait à illustrer en 1882 la thèse de Mallarmé sur la possibilité d'une cérémonie contemporaine, produite par ce dernier en 1895. Bref, du Badiou, qui, en vieillissant, présente une uncanny resemblance avec Michel Piccoli. Par ailleurs, Badiou, chose troublante, a dans cette vidéo la voix, les intonations, les tics de langage de Giscard d'Estaing. Encore un coup de la transcendance. Gageons que tous trois rejoindront Ben Saïd en même temps. Dieu, comme ça, fait des lots.
I C I
Utilisateur anonyme
13 janvier 2010, 15:58   Re : Une opinion différente
Parsifal de Wagner. Pour lui, Wagner s'attachait à illustrer en 1882 la thèse de Mallarmé sur la possibilité d'une cérémonie contemporaine, produite par ce dernier en 1895


[Rires] Parsifal présente avant tout une série de situations diverses qui sont là à seule fin de déterminer dans l'âme du héros, du héros "pur et inconscient", une situation miraculeuse : au fil du tempsParsifal devient conscient de lui-même. Pour le dire autrement, la durée et la suite du drame sont déterminés par la durée et la suite du développement psychologique du héros au lieu de dépendre des évènements eux-mêmes. Il semble donc que Maître Badiou soit passé à côté - mais qui s'en étonnera ? - de la dimension initiatique du drame de wagnérien.
13 janvier 2010, 19:43   Re : Décès d'Eric Rohmer
Je ne connais pas ce Badiou mais quand il parle de bric-à-brac, il n'a pas tort. Ce personnage de puceau obstiné passe à côté de toute initiation. Pour en revenir à Chrétien de Troyes, je crois que le vrai roman initiatique est Erec et Enide que Reto Bezzola à résumé par le sous-titre, Du couple d'amants au couple royal.
13 janvier 2010, 21:53   Re : Une opinion différente
Cher Guillaume Audrige, je vous comprends : j’avais beaucoup apprécié « Le rayon vert » à sa sortie, et je goûte infiniment les critiques de Jacques Lourcelles. Par contre, les efforts du communiqué du PI pour faire passer Rohmer —un des chouchoux, pendant plusieurs décennies, de toute l’intelligentsia cinéphile française (forcément de gauche)— pour le martyr d’une quelconque doxa, me paraissent un peu, comment dire, subtils.
Rohmer n'avait pas besoin de la Doxa pour être martyrisé, il avait des tortionnaires intimes, si je puis dire : son frère, René Schérer et son fils, René Monzat...
14 janvier 2010, 13:28   Re : Décès d'Eric Rohmer
Bric-à-brac sans doute, mais aussi tentative de cérémonie. Ce diable de Badiou n'a pas entièrement tort. Croyez-en l'opinion d'un non-spécialiste: Parsifal est la première, mais aussi, la première des dernières, tentatives en Occident de création d'un théâtre Noh. Le théâtre Noh est ainsi: théâtre du mystère et de la participation au sacré, cérémonie renouvelable, inséparable du lieu de sa création, mais aussi inséparable de sa fluide audience toujours renouvelée, venant de n'importe où et que l'on ne connaît pas. Tout le bric-à-brac thématique de la refondation du sacré occupe le Noh comme il occupe, peuple, et même, meuble, les trois heures de Parsifal. Comme dans le Noh, l'ennui y est un impératif, car l'ennui est la plus sûre préparation au trépas.
Utilisateur anonyme
14 janvier 2010, 14:03   Re : Décès d'Eric Rohmer
En tout cas, mon cher Francis, Claude Lévi-Strauss n'avait pas du tout l'air de s'ennuyer, lui. Je dirais même qu'il était... comme fasciné.



« Le temps ici se confond avec l’espace » déclare le Parsifal de Wagner. Pour Claude Lévi Strauss cette phrase était la meilleure définition du “mythe”, les sociétés nourries des mythes, dites “sociétés sauvages” étant justement celles qui abolissent le temps, celles chez qui, par des rites incessants, le présent est “un passé revivifié sans arrêt“.



En bon arrière petit fils d’un grand musicien collaborateur d’Offenbach, Isaac Strauss, Claude Lévi Strauss était un amoureux de musique… Cette dernière nourrit sa pensée, l’aide à construire ses ouvrages, l’obsède lorsqu’il exilé au fond de la forêt amazonienne. Interrogé par Catherine Clément, le compositeur Jean Zygler explique la fascination du penseur « des mythes » pour une musique qui se développe indéfiniment, sans jamais se terminer si ce n’est avec la mort (la musique wagnérienne par excellence).
14 janvier 2010, 14:04   Re : Décès d'Eric Rohmer
La civilisation japonaise est celle que j'admire le plus après la nôtre. Cependant, s'il faut chercher des équivalences, je ne regarderais pas du côté de Wagner mais, et cela se vit aujourd'hui dans certains lieux privilégiés, du côté de notre liturgie monastique, les heures de matines à complies, à quoi j'ajouterais les processions, les danses et les mystères dont certains, loins d'être désuets, offrent un support convenable à une participation au sacré. Et, comme dans le théatre Noh, tout cela peut paraître bien élitiste.
25 janvier 2010, 18:48   Re : Décès d'Eric Rohmer
Il y a quelque temps (ici), j'avais évoqué un film assez méconnu de Rohmer, L'Arbre, le Maire et la Médiathèque. Certaines gens s'étaient montrés assez curieux de le voir. En ont-ils eu l'occasion ?
25 janvier 2010, 19:12   Re : Décès d'Eric Rohmer
Oui, en effet, suite à votre billet, j'ai loué le film, pour me rendre compte... que je l'avais déjà vu. Cela a pour moi, très personnellement, valeur de jugement : j'aime beaucoup Rohmer, mais ce film ne m'a (donc) pas laissé un souvenir impérissable. Peut-être est-ce pour la même raison que vous le trouvez méconnu. Peut-être aussi est-il trop proche de la réalité...
25 janvier 2010, 19:20   Re : Décès d'Eric Rohmer
Comme Bernard j'ai emprunté le dvd à la médiathèque et j'ai découvert une histoire vécue. J'imagine que je ne suis pas le seul.L'art de Rohmer fait de ce décalage entre les politiques, les décideurs, et la réalité une métaphore consternante de notre démocratie.
25 janvier 2010, 19:22   Maire et médiathèque
Pour ma part, j'avais vu le film à sa sortie, et j'avais eu une mauvaise impression. Je ne tiens pas à le revoir, et je suis pour une fois moins enthousiaste que Florentin !
25 janvier 2010, 19:57   Re : Décès d'Eric Rohmer
Selon Freud, on se réveille d'un rêve quand il touche au réel. Peut-être est-ce le même phénomène : le film touche au réel, on se réveille dans la réalité, et l'on oublie le rêve...
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