Je répondais à la fois à la remarque de Francis et à la vôtre, de façon, il est vrai, un peu sibylline. La rigueur syntaxique et grammaticale, qui atteint son apogée avec la langue utilisée de 1850 à 1950 et que quelques rares olibrius cultivent encore, ne me paraît absolument pas, en soi, devoir entraîner la sécheresse. Secs, les écrivains français qui, de Flaubert à Renaud Camus, en passant par Hugo, Maupassant, Verlaine, Rimbaud, Proust, Larbaud, Gide, Valéry, Mauriac, Aragon, Malraux, et consorts, ont utilisé la langue la plus pure, la plus élégante, la plus rigoureuse qui se soit jamais parlée et écrite en France ?
Mais bien entendu, cela ne fait pas non plus en soi de ceux qui ont eu cette langue en apanage de grands stylistes ni de grands écrivains. Et, bien évidemment, mais est-il vraiment nécessaire de l'écrire, Montaigne ou Balzac, écrivant une langue moins pure, moins rigoureuse, moins dégrossie sont parmi les plus grands génies de la littérature mondiale.
On peut sans doute se demander si la liberté qu'avait Rabelais d'inventer, d'explorer en matière langagière ne lui permettait pas une luxuriance particulièrement savoureuse qui a pu se ternir ensuite. Ce n'est pas mon avis. D'abord parce que je trouve Rabelais savoureux, certes, comme tout le monde, mais il me semble aussi parfois se complaire dans un pittoresque langagier un peu facile (aïe, je sens que je vais me faire incendier). Par ailleurs, je trouve chez Renaud Camus beaucoup d'invention, de fantaisie dans le maniement de la langue, et d'abord dans les mots mêmes, qui me ravissent souvent.