Le site du parti de l'In-nocence

Numéro de mars de la revue "L'Histoire"

Envoyé par Henri Bès 
C'est souvent par acquit de conscience que j'achète L'Histoire chaque mois, sûr d'y retrouver un conformisme idéologique sans faille et donc, bien des banalités. Je recommande toutefois le numéro de mars, consacré en partie à l'assassinat d'Henri IV : on trouve dans ce dossier les signatures de Jean-Christian Petitfils et de Joël Cornette, qui sont des historiens "dix-septièmistes" de grande valeur. Jean-François Dubost réhabilite la période de la Régence de Marie de Médicis (1610-1617), en montrant que sa mauvaise réputation est un fait de propagande politique peu fondé. On pouvait espérer plus et mieux de l'article de Michel Cassan sur la légende d'Henri IV : l'histoire de l'histoire, l'histoire des représentations d'un personnage à travers les âges, est un domaine passionnant (voir la vie de Marguerite de Valois l'Eliane Viennot, dont le livre est consacré pour moitié à la légende de cette reine qui ne s'est jamais appelée Margot).

Une page de Michel Winock sur Céline (à l'occasion de la parution de sa correspondance dans la Pléiade) n'a guère attiré mon attention, ni le récit de Christian Sorel de l'annexion de la Savoie, ni l'étude de Paul Payan du dogme de l'Immaculée Conception. Reste à lire l'article de Yann Rivière sur le métier de délateur à Rome.

Une question enfin aux In-nocents que cela intéresserait : Maurice Sartre rend compte d'un livre de Jan Assmann paru en 2009, La mémoire culturelle, écriture, souvenir et imaginaire politique dans les civilisations antiques (Flammarion) : l'auteur, se fondant sur Levi-Strauss et Halbwachs, oppose deux types de sociétés, les "sociétés froides" dont la préoccupation permanente est de neutraliser tout changement (l'Egypte antique), et les "sociétés chaudes" qui favorisent le changement, même si elles le condamnent en parole (la Grèce antique). D'après l'auteur, toutes les sociétés sont fondées sur un corpus de textes (écrits ou non) et se distinguent selon leur capacité à le commenter, à savoir, à l'actualiser en y trouvant de nouvelles significations valables pour le présent, ou bien à le préserver ne varietur, afin de le soustraire au temps.

« ... Il existe un fossé insondable entre ceux qui notent les événements pour établir une chronologie et des généalogies, et ceux qui tentent de comprendre dans le déroulement des faits ce qui fait sens dans une histoire en mouvement, qu'elle soit l'oeuvre de Dieu (Israël) ou des hommes (les Grecs). Pour Jan Assmann, le caractère sacerdotal de la culture égyptienne lui a sans doute permis de résister mieux que toute autre à la rupture majeure que constitua l'hellénisation de la Méditerranée orientale, mais le refus de l'exégèse la figea en lui interdisant de s'adapter aux conditions mouvantes de l'histoire... Culture close, en quelque sorte, et donc deveue inaccessible aux autres avant de le devenir pour les Egyptiens eux-mêmes. » (p. 90)

Je me demande ce qu'un historien de profession ou un philosophe pourraient penser de cette question et de cettte distinction entre chaud et froid.

Enfin, un petit texte très hostile signale la recension par la revue Esprit de janvier 2010 du livre de Christopher Caldwell, dont le titre vient d'Edmund Burke, Reflections on the Revolution in Europe, consacré à l'islamisation de l'Europe. Il en a été question ici. Conclusion indignée : « Pour Caldwell et ses semblables, il est dit une fois pour toutes que l'on ne peut être à la fois musulman et européen. »
Citation
« Pour Caldwell et ses semblables, il est dit une fois pour toutes que l'on ne peut être à la fois musulman et européen. »

Pauvres andouilles !

Non il est impossible d'être sincérement musulman et européen à la fois. Mais ces fossoyeurs de l'Europe nient depuis très longtemps le principe de non-contradiction !
26 février 2010, 14:36   Chaud et froid
Bien cher Henri,


Ce qui est dit là est fort pertinent : la grande caractéristique des sociétés occidentales est cette idée du mouvement, qui est d'ailleurs curieusement niée mais cependant mise en pratique.

Vous aviez la même chose dans la religion romaine, si finement étudiée par Dumézil et Grimal, notamment.

Rappelez-vous l'histoire des poulets buveurs que Cicéron nous rappelle dans le "De Natura Deorum".
Citation
Rogemi
Non il est impossible d'être sincérement musulman et européen à la fois.

Vous pouvez argumenter ? Je vais encore m'attirer les foudres de nombreux membres de ce forum, mais tant pis ! Je pars toujours du principe qu'il est important de séparer la religion - sphère privée ou qui devrait l'être - et la vie publique, citoyenneté comprise.
En ce qui concerne l'histoire, il est difficile de mettre la religion entre parenthèses. Donc relire ce petit livre très clair de Philippe Nemo, même si on n'est pas d'accord sur tout: Qu'est-ce que l'Occident ?
C'est cela même, Nemo voit bien ce côté évolutif (je crois que la période des grandes évolutions est de l'ordre de quatre cents ans).

Pour ce qui est de la religion, et de son rôle dans ce qui est la construction de l'occident et sa structuration-même, cela fait partie, à mes yeux, des évidences.
Quand même, j'ai du mal à avaler cette histoire de sociétés froides, avant même d'avoir lu le livre en question. Quatre mille ans de civilisation égyptienne ne peuvent pas se concevoir, me dis-je a priori, comme le résultat d'un pur immobilisme, et à propos de civilisations immobiles, je me souviens que certains discours savants tendaient à justifier la colonisation par là, négligeant de ce fait la dynamique propre des civilisations envisagées. On a dit cela du monde arabo-musulman, par exemple, et pourtant l'islamisme, sous couleur de restauration et de retour au passé pur, innove grandement.

Cher Jean-Marc, vous surestimez mes connaissances, et les poulets de Cicéron ne me disent rien du tout. Pouvez-vous rafraîchir la mémoire de certains, et meubler la mienne ?
Citation

Je pars toujours du principe qu'il est important de séparer la religion - sphère privée ou qui devrait l'être - et la vie publique, citoyenneté comprise.

Et en ce qui concerne l'islam, il est difficile de faire ce que vous dites, justement.
26 février 2010, 15:24   Religion romaine
Une des activités religieuses préférées des romains était de conjurer les présages ("Va porter tes présents aux autels des Furies, Conjure leurs serpents prêts à te déchirer", nous disait Voltaire. Les furies ne sont pas trop à leur place, mais je garde cette jolie formule).

Ils faisaient preuve d'une très grande créativité en ce domaine, montrant que leur système religieux s'adaptait aussi vite que le reste de leur société, elle-même très mobile.

Venons-en au sujet.

A la veille d'une bataille contre Carthage (celle de Drepanum), Publius Claudius Pulcher fit, suivant l'usage, présenter du grain aux poulets. Or, ces poulets étaient bien des poulets et non des canards, et ils avaient le mal de mer sans doute (leur usage était habituellement terrestre et c'était une des rares batailles navales). Ils refusèrent les grains.

Publius Pulcher ne se démonta pas ; il les fit jeter à l'eau en disant : Bibant, quoniam esse nolunt.

Les In-nocents les plus conservateurs diront que Pulcher fut battu, et que donc toute innovation est mauvaise.

Je leur dirai de regarder plus loin, car Rome finit par détruire Carthage.
26 février 2010, 16:17   Re : Religion romaine
Citation
Je pars toujours du principe qu'il est important de séparer la religion - sphère privée ou qui devrait l'être - et la vie publique, citoyenneté comprise.

Cher Rodolphe,

Il est absolument impossible pour un musulman sincére, j'insiste sincére d'accepter la prééminence d'un Etat laique cad d'une entité non-divine qui serait placée au-dessus de Dieu et dont la souveraineté ne viendrait pas de Dieu (Allah) mais du peuple comme chez nous en occident.

C'est simple très simple à comprendre et ceux qui nient cette évidence sont des menteurs pour ne pas dire des traitres qui participent à la destruction de leur civilisation.

Cette histoire de confiner le religieux dans la sphére privée est très sympathique mais les musulmans en rient dans leur barbe.
La pratique rigoureuse de l'histoire peut seule faire douter certains musulmans de leur religion. J'entends par certains les esprits ouverts à l'esprit scientifique.
Il n'y a pas si longtemps notre pays n'était pas laïque et il me semble que les bonnes œuvres de l'inquisition n'avaient pas grand chose à envier - si j'ose dire - aux pratiques actuelles de certains pays islamistes... J'espère une sorte de nouveau coran comme les chrétiens ont eu leur nouveau testament... C'est une simplification abusive mais vous aurez compris l'idée. Enfin [PARTIE DU MESSAGE SUPPRIMÉE] (et encore).
26 février 2010, 17:51   Lamentable !
CITATION SUPPRIMÉE

Vous devriez avoir honte d'écrire des choses pareilles ! Je suis extrêmement surpris de trouver ce genre d'incises dans un lieu tel que celui-ci !
26 février 2010, 17:53   Re : Lamentable !
Je me demande vraiment QUI est intolérant et injurieux !!!
"J'espère une sorte de nouveau coran comme les chrétiens ont eu leur nouveau testament"

Je ne comprends pas, cher Rodolphe, ce que vous voulez dire. Pour certains historiens, l'Islam serait issu d'une secte judéo-chrétienne. C'est bien là le noeud du problème. La lecture musulmane de la Bible nous paraît totalement irrationnelle, la Bible étant pour nous un livre d'histoire avant tout. Impossible d'éluder cette question. Et s'il doit y avoir débat, il est souhaitable que ce soit public et largement diffusé.
26 février 2010, 18:45   Re : Lamentable !
Si vous supprimez une partie de mon message - ce que je comprends fort bien même si je ne renie pas ce qui était écrit - il faudrait faire de même pour le message de Monsieur de Falveras.
Citation
Florentin
"J'espère une sorte de nouveau coran comme les chrétiens ont eu leur nouveau testament"

Je ne comprends pas, cher Rodolphe, ce que vous voulez dire. Pour certains historiens, l'Islam serait issu d'une secte judéo-chrétienne. C'est bien là le noeud du problème. La lecture musulmane de la Bible nous paraît totalement irrationnelle, la Bible étant pour nous un livre d'histoire avant tout. Impossible d'éluder cette question. Et s'il doit y avoir débat, il est souhaitable que ce soit public et largement diffusé.

Je pensais seulement, ou plutôt j'espérais, je rêvais d'un second Coran (formulation sans douté mal choisie mais que j'aime assez malgré tout). Autrement dit je rêvais que l'Islam puisse sortir de l'obscurantisme comme les chrétiens - enfin la plupart - ont su le faire. De nombreux musulmans ont évolué en ce sens depuis longtemps, même si cette idée n'est pas vraiment partagée en ce lieu.
Citation
Autrement dit je rêvais que l'Islam puisse sortir de l'obscurantisme comme les chrétiens - enfin la plupart - ont su le faire. De nombreux musulmans ont évolué en ce sens depuis longtemps, même si cette idée n'est pas vraiment partagée en ce lieu.

Pourriez-vous préciser de quel obscurantisme vous voulez parler car ni les textes de l'ancien testament ni ceux du nouveau testament n'ont été changés. En outre la modernité occidentale est la fille de la chrétienté.

Sans christianisme pas d'occident !

Le seul moyen pour les musulmans d'évoluer c'est soit de devenir chrétien soit d'abandonner leur religion mais tout musulman croyant et fervent ne peut en aucun cas confiner sa croyance dans la sphère privée et ne peut faire allégeance à une entité mécréante.
26 février 2010, 19:28   Re : Lamentable !
Citation
Rodolphe Braud
ce que je comprends fort bien même si je ne renie pas ce qui était écrit

Ah oui, c'est bien d'assumer... Si vraiment vous ne voyez pas ce qu'il y a de honteux à écrire cela, je ne peux rien pour vous.


Ajout tardif : Ce qui est bien, maintenant, avec toutes ces suppressions sans explications, c'est qu'on n'y comprend plus rien. C'est très déprimant d'être traité comme ça.
Vous faites, cher Rodolphe, un parallèle que, pour ma part, j'ai du mal à admettre, le trouvant même impossible. Le Christianisme a engendré quantité de sectes et vécu son histoire à coups de schismes. Aujourd'hui, Catholiques, Orthodoxes, Luthériens, sans franchement fusionner, n'ont pas de désaccord majeur. Reste quantité de groupuscules ou branches séparées comme les Coptes, les Anglicans, etc, et, si on remonte plus haut (les Coptes monophysites se séparent en 451 au concile de Chalcédoine) il y a l'Islam, religion issue d'une branche doublement dissidente, d'avec le Judaïsme et d'avec le Christianisme. La question est complexe, ce que je dis là est vraiment pour faire bref.
Après vingt ans de lecture assidue, je me suis désabonné de cette revue, le jour où ils (elles, en fait : car les femmes ont pris le pouvoir à L'Histoire...) ont fait une couverture, en 2007, en pleine campagne électorale, sur "Ces femmes qui ont pris le pouvoir", et où figurait la photographie de Ségolène Royal.
Une autre façon de faire bref est de se souvenir que le christianisme mettait partout ses pattes dans la vie publique jusqu'au XIXème siècle, et de façon tellement acharnée (allant par exemple, dans le pays catalan avec lequel j'ai quelque accointance, jusqu'à interdire, par un puritanisme tout talibanesque, certaines antiques réjouissances religieuses un peu trop réjouies à son goût) qu'il a joué un rôle non négligeable dans la déchristianisation des campagnes françaises. Le pari d'un décalage temporel entre l'évolution du christianisme et de l'islam n'est jamais fait ici, probablement parce qu'il combine un regard critique sur le christianisme et une sorte d'optimisme paradoxal sur l'islam (basé sur la perspective de son affaiblissement séculier), également tabous.
Citation
jfbrunet
Une autre façon de faire bref est de se souvenir que le christianisme mettait partout ses pattes dans la vie publique jusqu'au XIXème siècle ... Le pari d'un décalage temporel entre l'évolution du christianisme et de l'islam n'est jamais fait ici, probablement parce qu'il combine un regard critique sur le christianisme et une sorte d'optimisme paradoxal sur l'islam (basé sur la perspective de son affaiblissement séculier), également tabous.

Je vous rejoins dans une certaine mesure : le temps joue un grand rôle dans l'affaire, le temps historique en particulier. Dès l'Antiquité et au Moyen-Age, les missionnaires chrétiens convertissaient par le haut, en baptisant les rois et les élites qui, pensaient-ils, se chargeraient bien tous seuls de terminer le travail dans le peuple. Cela est merveilleusement raconté dans le livre de Bruno Dumézil, Les racines chrétiennes de l'Europe, conversion et liberté dans les royaumes barbares, V°-VIII°s. Le temps historique joue aussi son rôle dans la longue expérience que nous avons de multiples états "césaro-papistes" chrétiens, de leur naissance à leur mort. Ce qui me surprend un peu, c'est que le monde arabo-islamique a fait les mêmes expériences historiques à son niveau et dans son aire propres (empires, émiettement en états-nations, confusion et distinction du temporel et du spirituel (dans l'état ottoman, où le Sultan imposait ses rescrits aux religieux), schismes, guerres de religions, laïcisation, etc), sans que l'on parvienne dans cet univers-là aux mêmes conclusions que dans le monde chrétien. Peut-être faudrait-il invoquer le rôle de la colonisation, ou plutôt du discours tiers-mondiste revanchard sur la colonisation, parmi les causes de cet aveuglement fondamentaliste. Qui sait ?

Cher Didier, je me souviens de cette couverture de la revue L'Histoire : comme je suis naïf, j'avais cru que Ségolène Royal figurait avec Elizabeth I et Catherine II, parce qu'elle était présidente de Poitou-Charentes. De toute façon, un bon numéro de cette revue mérite d'être signalé, car cela n'arrive pas tous les mois.
Utilisateur anonyme
26 février 2010, 22:20   Re : Numéro de mars de la revue "L'Histoire"
Je vous rejoins dans une certaine mesure : le temps joue un grand rôle dans l'affaire, le temps historique en particulier

Et si nous, chrétiens et post-chrétiens, étions fanatisés par ce temps historique... ?

Je me permets de dériver un peu : la conception islamique du temps, plus précisément celle de l'Islam chiite, est essentiellement fondée sur la régénération cyclique de l'histoire humaine par l'apparition de différents prophètes (et imams, cachés ou pas) pour aboutir finalement à la venue du Mahdi. L'harmonie et la paix dans le monde seront ainsi rétablies par une intervention divine directe, et non par des changements d'ordre séculier provoqués par des agissements purement humains.
Question : la nature même et la signification de l'histoire (l'Histoire) en tant que but ultime de l'action humaine insérée dans le temps historique ne fut-elle pas le premier défi de l'Occident lancé au monde islamique ?
Cette idée selon laquelle l'islam étant apparu six siècles après le christianisme, il ne nous resterait plus qu'à attendre six siècles pour qu'il nous rattrappe me paraît fallacieuse.
Cette idée suppose, en effet, que : 1) toute religion serait programmée pour progresser ; 2) pour progresser de façon linéaire ; 3) pour progresser de façon linéaire vers toujours plus de "droits-de-l'homme" et 4) de mettre deux mille ans à y arriver. Autrement dit toute civilisation serait programmée pour se développer sur le modèle de la chrétienne. Moyennant quoi on transforme arbitrairement une religion unique en son genre, en étalon universel, et evec elle la culture qui en découle que par ailleurs on prétend relativiser mordicus. De toutes façons, si nous étions six siècles en avance sur la civilisation islamique, ce serait une raison de plus, comme dirait monsieur de la Palisse, pour considérer notre civilisation comme plus "avancée" et par conséquent l'islamique comme plus "arriérée" ce qui est, encore une fois, une manière de nier l'idée d'un relativisme des cultures.
Or, il suffit de constater que beaucoup de religions plus anciennes que le christianisme, sans doute même la majorité, n'ont guère changé, soit qu'elles n'en ont pas eu besoin, soit qu'elles sont inmodifiables : l'animisme, le shamanisme, le bouddhisme, entre autres, pour que la loi d'une évolution universelle inévitable ne tienne pas debout . Certaines sont en voie de disparition, ce qui n'est pas la même chose. Quant à l'hindouisme qui existe depuis plus de trois mille ans, il a fallu Gandhi pour que les Hindous essaient d'avoir un peu plus de considèration à l'égard des personnes de basse caste et des intouchables, et c'est loin d'être gagné. En fait l'observation de l'histoire et du contenu des religions montre qu'il faut que deux conditions soient réunies pour qu'une religion évolue ou change : l'une néccessaire, l'autre contingente. La nécessaire est que cette religion CONTIENNE EN GERME dans ses fondements LA POSSIBILITE d'un changement. C'est par exemple le cas du christianisme. C'est le Christ lui-même qui a jeté les bases de la séparation du religieux et du politique ; c'est le Christ lui-même qui a montré de la considèration pour les femmes ; c'est le Christ lui-même qui a prôné le respect de l'esprit plutôt que de la lettre ; c'est le Christ qui a donné l'exemple du refus de la violence, etc. Il suffit de lire le Coran, d'étudier le droit musulman et d'observer la vie de Mahomet pour comprendre que l'islam n'a en germe aucune possibilité d'évolution vers plus de droits-de-l'homme (et de la femme).
Toutefois cette condition nécessaire n'est pas suffisante, ou pas toujours. Il en faut une autre : des circonstances favorables. Ces circonstances favorables peuvent se produire N ' IMPORTE QUAND dans la vie d'une religion. Pour le christianisme cela a été, à la renaissance, en plus des grandes découvertes, les retrouvailles avec la culture antique et AVEC LE TEXTE EXACT DES EVANGILES. Par contre les circonstances ne servent à rien s'il n'existe pas en germe la possibilité d'un changement, à preuve encore une fois, l'islam. Notons, d'ailleurs, que loin d'être une évolution linéaire vers plus de modernité humaniste, l'islam a suivi le parcours inverse. C'est peut-être la seule civilisation qui ait commencé par une sorte d'apogée pour ne cesser de régresser ensuite. Ce sont les premiers siècles de l'islam qui ont été brillants parce que, longtemps minoritaire, hésitant, et peu affermi sur ses bases, il n'avait pas les moyens d'étouffer la culture greco-sassanide dont un petit nombre de musulmans à l'esprit encore ouvert s'est nourri au début . Aujourd'hui où tant de millions de musulmans vivent au contact de la modernité occidentale et des droits de l'homme, jamais les circonstances n'ont été aussi favorables à une évolution de cette religion. Pourtant c'est exactement le contraire qui se produit et se produira de plus en plus, tant que l'islam se tournera vers ses fondamentaux, dont celui qui interdit depuis le douzième ou le treizième siècle toute nouvelle interprétation des textes , nouvelle interprétation qui vaudrait à son auteur d'être accusé d'apostasie. D'autre part l'islam n'ayant pas d'autorité religieuse unique et incontestée pourrait difficilement évoluer.
Dès l'Antiquité et au Moyen-Age, les missionnaires chrétiens convertissaient par le haut, en baptisant les rois et les élites qui, pensaient-ils, se chargeraient bien tous seuls de terminer le travail dans le peuple.

Certes, mais ce Moyen-Âge faisaient suite à une période d'évangélisation par le bas qui avait été dominante dans l'Antiquité; en dépit des baptêmes de puissants, la christianisation vise les humbles. La stratégie de christianisation montre une remarquable constance, qui s'est du reste répétée toute les fois que les Chrétiens se sont trouvés outremer confrontés à des peuples neufs au Christianisme: on évangélise d'abord les gueux, les désespérés, les malades, les condamnés, on "miraculise" les mourants, puis, de proche en proche, on séduit les princesses, lesquelles, régulières courroies de transmission, séduisent leurs princes à la religion nouvelle. Dans les tentatives d'évangélisation menées en Extrême-Orient, soit longtemps après le Moyen-Âge -- et cette configuration chronologique révèle ce qui est constant du logiciel de la christianisation --, les malheureux jésuites qui finirent en croix à Nagasaki ou dans des chaudrons en Chine, avaient commencé par rallier les plus humbles parmi les plus malheureux, le baptême des "rois" ne venant qu'hypothétiquement, et bien plus tard, couronner (justement) l'entreprise. La christianisation du monde a emprunté mille voies parmi les plus criticables, voire les plus condamnables, mais fondamentalement, quand tout est à faire, ou que tout est perdu, et ce quelle que soit l'époque historique, les évangélisateurs se sont immanquablement tournés, pour tout reconstruire, vers l'inépuisable source de la pauvreté et de l'espérance des désespérés.

En ce sens, le christianisme n'a cure du temps; l'évolution historique, s'il lui plaît (et il lui a plu souvent) de l'infléchir, il n'infléchit jamais son coeur non plus que son principe de propagation.
J'apprécie beaucoup l'analyse et les remarques de Cassandre (en particulier sa critique des préjugés progressistes), bien que je sois moins sûr qu'elle de la capacité intrinsèque des religions à changer par elles-mêmes. Il est juste que le message de Jésus se présente comme une rupture violente, et une innovation radicale, dans une société travaillée par deux ou trois traditions concurrentes (cf Dan Jaffé, Jésus sous la plume des historiens juifs du XX°s, Cerf). Mais ce message est censé inaugurer un nouveau temps sacré, où l'attente de son retour et du jugement universel, où le millénarisme, ne sont pas moins présents que dans l'islam chiite. Il me semble que c'est de l'extérieur, de la nécessité historique, qu'est venue l'impulsion de réforme, non des textes, qui auraient très bien pu rester lettre morte pendant de longs siècles. A bien des égards, la Réforme se présente comme un intégrisme textuel dans l'Europe du XVI°s, porteur d'explosions millénaristes qui ressemblent beaucoup à ce qui travaille le monde musulman aujourd'hui. Ce qui a calmé le jeu, si j'ose dire, c'est la politique (répression, instauration d'un protestantisme d'état, etc), et la collaboration des grands spécialistes du texte avec les princes. Dans cet ordre d'idées, j'ai été très frappé de la description des relations entre l'état et le "clergé" dans l'empire ottoman : que ce soit au temps de Soliman (appelé le législateur en turc, ce qui frôle le blasphème islamique à mon avis) ou à l'ère des Tanzimât (XIX°s), des occasions historiques se sont présentées d'apparition d'une sphère laïque en islam, et même d'une espèce de laïcisation du pouvoir faite par force et venue de lui. Mais cet état, à l'époque des Tanzimât, était déjà bien affaibli et incapable de réaliser ce qu'il souhaitait. Peut-être les occasions historiques ont-elles manqué à l'islam de se réformer. Peut-être les états islamiques de l'histoire n'ont-ils été jamais assez forts pour s'imposer, comme si cet univers-là était constamment exposé à l'anarchie socio-religieuse.

Les stratégies de conversion sont multiples dans la longue histoire chrétienne, vous avez raison de le signaler, Francis. Le message chrétien semble fait pour parler directement au coeur des malheureux. Cependant le programme de conquête germanique de l'église antique visait d'abord la tête (les Germains dans l'empire formaient, selon les historiens, une sorte de caste militaire), comme ce fut aussi le cas en Arménie, en Russie et peut-être en Ethiopie (à vérifier). J'ai bien des regrets de partir à la campagne et de ne pouvoir suivre un fil si intéressant.
Le Christianisme s'édifie et se maintient par un pari politique à la fois audacieux et particulièrement judicieux, judicieux parce que bâti sur un pessimisme foncier et lucide, un terrifiant constat: ayant posé une fois pour toute que le malheur et la misère des humains sont infrangibles et revêtent partout des formes immuables, quelle que soit l'agitation naïve des hommes qui vise à y remédier, c'est lui, le malheur universel et ses cortèges de souffrances ordinaires, qui vont lui servir de stepping stone, de base de conquête, de machine de guerre et de place forte. Ainsi, le renversement du christianisme devient proprement impossible; il ne peut être vaincu puisque la misère et le malheur des hommes assurément ne peuvent l'être; le christianisme, tel le chat jeté du balcon dans le jardin, retombe toujours sur ses pieds, qui ne tardent jamais à rebondir sur le tremplin de la misère humaine partout régnante et contre le pouvoir de laquelle les principautés ne peuvent rivaliser. Le roi chrétien, le roi pieux, est celui qui a eu la grande finesse politique de comprendre la nature de cette toute-puissance et de s'agenouiller en prière avec les lépreux. Si l'on s'amuse à formuler cela dans la sous-parlance politicarde du jour, l'on dirait que le christianisme demeure la plus formidable machine à gagner que les hommes aient jamais conçue, machine à renaître de ses cendres avec le retour du malheur. Le dernier grand chrétien à l'avoir rappelé aux Puissances est sans doute Jean-Paul II.
Merci Francis de cet éclairage.
Je me permets, sans faire diversion, d'ajouter un lien qui illustre mon propos ci-dessus, lien que je viens de retrouver:

ici

N'étant pas spécialiste du sujet, je le présente comme thèse à vérifier.
Je suis d'accord, cher Francis, mais il n'empêche que ce christianisme ne trouve aucun écho dans les sociétés islamisées. le Père de Foucauld qui a vécu au milieu des populations déshéritées du sud algérien et était considéré par elles comme un saint homme n'a pas réussi à faire une seule conversion.
C'est l’argument de Cassandre, déjà maintes fois exposé ici, qui me paraît fallacieux. Pour s’en tenir à un point, l’effacement de l’Église dans l’espace public en France au XIXème siècle et au début du XXème n’a rien à voir avec un quelconque « retour au Christ ». Cet argument se retourne d’ailleurs contre lui-même. Si le « germe » de la séparation de l’Église et de l’État a pu rester si longtemps dormant, c’est bien la preuve que les institutions religieuses, laissées à elles-mêmes, peuvent faire ce qu’elles veulent avec leurs textes sacrés (la Bible a été utilisée pour justifier l’Apartheid), et on voit mal pourquoi l’on dénierait au seul Islam le talent de se trahir. (Si, on voit très bien pourquoi, mais c’est une autre histoire).
Les conversions en nombre ont plus de chance de réussir, comme c'est le cas en Kabilie de nos jours; les menaces subsistent et les brimades sont nombreuses.
" et on voit mal pourquoi l’on dénierait au seul Islam le talent de se trahir. "
Je ne comprends pas le sens de cette phrase. Où voyez-vous, cher Jfbrunet, que l'islam a ce talent ?
Il faut savoir que dand toute société islamique, encore aujourd'hui, y compris dans nos banlieues musulmanes, il est impossible de se déterminer comme athée ou agnostique : vous êtes obligatoirement assigné à une religion que ce soit l'islam, le christianisme, le judaïsme, le zoroastrisme, le bouddhisme etc . Si l'individu ne peut s'y concevoir sans religion, il paraît difficile de pratiquer une politique qui se conçoive, elle aussi, comme a-religieuse.
Et si le germe laïc , comme vous dites, est resté si longtemps dormant dans nos sociétés c'est que le besoin de laïcité ne s' y était pas encore fait sentir. mais quand ce fut le cas, ce germe a facilité les choses. D'ailleurs le conflit entre la royauté et la papauté avait sans doute déjà préparé la voie.
A mon sens, le débat est biaisé par la fausse symétrie établie entre le christianisme et l'islam ou leur équivalence en religion, si je puis m'exprimer ainsi.

L'islam est din, et pour les musulmans, il n'y a qu'une seule din : c'est, évidemment, l'islam. Ce qui fonde cette din, c'est le Qoran (mot qui dérive du verbe signifiant lire), "texte" étrange fait d'une litanie d'injonctions ou d'intimations (fais ceci, ne fais pas cela), dont la répétition devrait nous amener à nous interroger sur le statut "religieux" qui est généreusement accordé à ce "texte", qui a tout d'un code de licéité ou d'illicéité. Allah n'a rien en commun avec Dieu, et encore moins avec le Christ : c'est la loi écrite qui descend de l'Empyrée. On ne sait pas quand le texte du Qoran, celui qui fait force de loi, a été établi - sans doute un siècle et demi après la mort de Mahomet (mouhammad en arabe est un adjectif ou un participe, pas un nom : l'identité de Mahomet n'est pas assurée, sinon par la légende et la propagande califale), et sur l'ordre du pouvoir politique de Bagdad, pouvoir totalitaire, impérialiste, colonial et dont la seule légitimité est le sayf : le sabre qui coupe les têtes qui dépassent.

L'islam n'est donc pas une religion (telle que nous l'entendons), mais un ordre social, juridique et politique.

Il est de toute évidence non seulement en totale contradiction avec tout qui a été inventé, élaboré, construit en Occident depuis 25, 20, 15, 10, 5, 2 siècles, mais hétérogène, incompatible, mutuellement exclusif.

Bien entendu, on peut se voiler les yeux, vouloir ne rien voir et ne rien savoir, ignorer toutes ces réalités : c'est, pour parodier l'admirable livre de Brague, Europe, la voie romaine, la voie qu'ont choisie l'Europe et l'Occident - une grande partie des Européens. Gomez Davila : (234) « La violence ne suffit pas pour détruire une civilisation. Chaque civilisation meurt de notre indifférence devant les valeurs particulières sur lesquelles elle est fondée ». L'aveuglement, même s'il risque de changer l'Europe, au point d'en faire l'exact contraire de ce qu'elle est (et ne veut plus être), ne change pas la réalité de l'islam.
Mercic JGL et à bon entendeur salut ...
Mardi prochain à 21 heures sur France-Culture, l’émission Les racines du ciel aura pour sujet La spiritualité du coran avec Youssef Seddik. Je serais reconnaissant envers les participants au présent forum qui auraient la disponibilité et la patience d’écouter cette émission de bien vouloir nous faire part de leurs réactions.
Chère Cassandre,

Je ne vois pas qu'il a ce talent, je ne vois aucune raison de le lui dénier dans un avenir peut-être pas si lointain. Et, symétriquement, je ne vois guère de raison de créditer le christianisme de sa propre rétraction dans l'espace public en France, il y a environ un siècle. Cet assez soudain cantonnement de l'institution religieuse à son espace "propre" (qu'elle n'a jamais conçu comme tel spontanément) fut la conséquence d'une véritable guerre civile larvée. Il y a beaucoup de foi, véritablement religieuse, dans cette façon de ramener la modernité (la laïcité, les droits de la femme et toutes ces choses très en vogue sur ce forum dès qu'on parle d'islam) à des qualités latentes du christianisme qui n'auraient eu qu'à éclore au soleil du "besoin" que nous en aurions eu. Si l'argument est que christianisme et modernité sont éclos dans le même lieu, autant créditer le premier de deux guerres mondiales aussi.
Le sermon de M. JGL manifeste avec candeur la religiosité (le plus souvent cryptique) qui imprègne ce débat et, partant, l'inanité de toute contradiction: l'islam est basé sur un texte (ou plutôt, pardon me: un "texte") "étrange", ce n'est pas une religion, il n'a pas de véritable Dieu, l'identité de Mahomet n'est assurée que par une "propagande", etc...

Mais bon, on fait des gammes...
Citation
Le sermon de M. JGL manifeste avec candeur la religiosité (le plus souvent cryptique)

Ce n'est bien sûr pas faux mais ce qui me fascine chez les sectionnaires tels que Jfbrunet [surtout après la trainée de sang qu'ils ont laissé derrière eux depuis 1789] c'est qu'après tout cà ils continuent à se draper dans la robe du juge impartial habilité à trancher avec condescendance sur ceux qu'ils considérent comme restés accrochés à l'obsurantisme le plus ringard.
Ecoutez, cher Jbrunet, le mouvement se prouve en marchant : les musulmans ne sont " que "10 pour cent de la population française et audessous de ce pourcentage par rapport à l'ensemble de l'Europe de l'ouest, et ils ne sont pas encore aux commandes de l'état. Pourtant au lieu que ce soient eux qui, au contact de la modernité laïque profitent de celle-ci pour s'émanciper de leur carcan totalitaire idéologico-religieux , ce sont eux, qui, en une génération à peine, ont réussi à compromettre gravement la liberté d'expression dans notre pays, la laïcité, et à favoriser les comportements rétrogrades et obsciuantistes que l'on voit se multiplier. Que vous faut-il de plus ?

En ce qui me concerne je suis entièrement d'accord avec JGL. Je conçois que vous ne le soyez pas,mais encore sur quoi vous basez-vous pour contredire ce qu'il avance et qui d'ailleurs correspond, en partie à ce que pensent les musulmans eux-mêmes. pour qui l'islam repose avant tout sur une "inverbation" : le Coran censé "incréé" , comme le chritianisme repose sur une incarantion : celle du christ en homme. Et ce Coran incréé a en effet tout d'un code de licéité ou d'illicéité, le fameux "mode d'emploi" comme a dit si bien Orimont.
L'islam n'est donc pas une religion (telle que nous l'entendons), mais , en effet, un ordre social, juridique et politique.
Cher Rogemi
Vous êtes complètement à coté de la plaque. La Révolution Française aussi bien que l'Église sont pour moi des "objets froids".
Si j'apprécie parfois la science qui se déploie ici, je me retrouve mal dans la logique de renchérissement, la jouissance du "comble" qui lui sert le plus souvent d'écrin.
Si j'apprécie parfois la science qui se déploie ici, je me retrouve mal dans la logique de renchérissement, la jouissance du "comble" qui lui sert le plus souvent d'écrin.

Vous avez oublié de dire que vous trouvez le débat nauséabond.
Et vous, vous avez oublié de dire.
Citation

L'islam n'est donc pas une religion (telle que nous l'entendons), mais , en effet, un ordre social, juridique et politique.

Vous savez combien je suis d'accord avec vous pour l'essentiel, mais notons tout de même qu'il y eut des mystiques (et des poètes mystiques) dans la sphère musulmane. Sans doute eussent-ils été pareils à eux-mêmes sous n'importe quel régime...
Et, pour faire encore plus compliqué, ajoutons que tous les praticiens de la religion catholique (par exemple) ne furent (ni ne sont) des "mystiques", et qu'eux aussi eussent été pareil à eux-mêmes sous n'importe quel régime. Peut-on estimer à 90%, comme ça à la louche, la proportion des catholiques pour qui leur religion n'aura été qu'un code de licéité ou d'illicéité, un mode d'emploi, un calendrier de rituels et un ordre social? En tous cas certainement tous ceux que j'ai connu de la génération de mes grands-parents. Ils n'avaient pas de religion, au sens exigeant de JGL ou de Cassandre.
Eh oui... Les religions (surtout monothéistes) ont presque en tout temps été des outils de domination politique, et avant tout une réponse toute faite à la question du permis et du défendu. Le "aime, et fais ce que tu veux", de saint Jean ou saint Augustin n'est pas souvent souligné... Vous êtes fort généreux, à mon avis, en avançant 90 %. Notons aussi que les mystiques chrétiens, comme Maître Eckart, ont souvent eu maille à partir avec l'autorité religieuse... Mais je crois que le "un pour dix mille", présent en tout homme, peut ou non être valorisé, même chez les non-religieux...
Citation
En tous cas certainement tous ceux que j'ai connu de la génération de mes grands-parents. Ils n'avaient pas de religion, au sens exigeant de JGL ou de Cassandre.

Mais qu'en savez-vous ?

Voilà un constat typiquement subjectif. Quand on voit le succès, avant guerre, des livres de Bernanos, Claudel et d'autres on peut dire qu'une partie importante des catholiques francais avaient des préoccupations autres que celles de liceité ou de son contraire. Les problèmes métaphysiques les concernaient aussi.
Très subjectif, bien entendu, je ne crois pas que l'on prétende à autre chose. Ce que vous dites est vrai, et Claudel eu un peu de succès. Mais même ainsi, sur 50 millions de Français, quelle était la proportion des amateurs de Claudel ? Un formidable best-seller de 500.000, certainement très surestimé, nous ramènerait aux 10 %, n'est-ce pas ? Et la proportion de ceux qui le raillaient ? Et parmi les amateurs, qui y voyait autre chose qu'une poésie originale dans un cadre de Moyen Âge conventionnel ?
Citation

En tous cas certainement tous ceux que j'ai connu de la génération de mes grands-parents. Ils n'avaient pas de religion, au sens exigeant de JGL ou de Cassandre.

Mais qu'en savez-vous ?

Je ne suis pas du tout d'accord non plus avec cette "impression".
Citation
Et parmi les amateurs, qui y voyait autre chose qu'une poésie originale dans un cadre de Moyen Âge conventionnel

Mais, Bernard, depuis quand la quantité remplace la qualité ? De toute facon vous savez bien que dans toutes les sociétés quelles qu'elles soient le conformisme fut toujours irrésistible !
Mais oui, Rogemi, vous avez entièrement raison, bien entendu, ces pourcentages n'ont absolument aucun sens. C'est pour dire... (Mais vous-même, avec la notion de "succès", êtes tombé dans le même travers, en vous mettant sur le même plan que votre objecteur.) Il faut dire que toute religion, du fait de son aspect "pratique" (au sens de la raison pratique kantienne) touche à la mystique – mais alors quelle action humaine n'y touche pas ?

Comme disent avec condescendance certains sages indiens, considérant les pratiques de la "bakti", ou même des divers hatha yogas : au moins cela peut calmer un peu les esprits...
Je ne comprends absolument pas à quoi rime ce débat, nourri de statistiques spontanées et qui invoque, je ne sais trop pourquoi, les "mystiques" (ou plutôt, je devine : il y a eu des mystiques dans l'islam, voici déjà une façon de redorer le blason du mahométisme).

Les arguments de M. Brunet sont, pardonnez-moi d'être brutal, ceux de l'individu moyen, sans connaissances particulières, et qui se fie à l'opinion commune. Je résume :

1. Argument ("pari", écrit M. Brunet) du décalage chronologique : toutes les religions auraient le même potentiel de développement, à la même vitesse, l'islam souffrirait seulement du fait qu'il est plus jeune. Bizarre, ce n'est pas ce qu'on m'a enseigné en histoire des religions. C'est d'ailleurs manifestement erroné si on examine les grandes religions de l'humanité.

2. Impossibilité de la séparation des deux autorités, spirituelle et temporelle (et donc, finalement, de la laïcité), le christianisme ayant, si je résume, une vocation totalitaire. Bizarre aussi. Ce n'est pas ce qu'on m'a enseigné en histoire des institutions.

3. Le christianisme réel, celui de la population générale non instruite ou faiblement instruite, ne serait ni plus ni moins un code de licéité ou d'illicéité que l'islam. Bizarre encore. D'abord parce que le Christ a intégralement consacré les trois années de sa brève et tragique carrière publique à violer sciemment et avec le plus parfait aplomb le code de licéité de sa société. Ensuite parce que la notion néotestamentaire de péché abandonne la notion de souillure pour parler d'états psychologiques (faiblesse de l'âme, mort de l'âme). Objection : oui, mais cela, les gens ne le savaient pas ; ils marmonnaient superstitieusement leurs patenôtres. Réponse à l'objection : ici aussi la grande crétinisation est une chose récente (moins de quarante ans). Avant, les catholiques étaient correctement instruits de la doctrine.
Citation
Réponse à l'objection : ici aussi la grande crétinisation est une chose récente (moins de quarante ans). Avant, les catholiques étaient correctement instruits de la doctrine.

On ne pourra pas dire que Chatterton manifeste avec candeur une religiosité cryptique.

Bravo !
Citation

le Christ a intégralement consacré les trois années de sa brève et tragique carrière publique à violer sciemment et avec le plus parfait aplomb le code de licéité de sa société

C'est vrai, mais vous savez bien que cela n'a qu'un rapport indirect avec la religion instituée par Paul de Tharse... Il faut lire aussi les texte dits "apocryphes", et non seulement ceux que le canon a retenu comme conformes...
Je suis entièrement d'accord avec, vous, cher Chatterton.
Si on estime valide le parallélisme chronologique de l'évolution des religions, en jetant un oeil sur le monde chrétien de 1430 (année de l'Hégire qui correspond à 2009), on a du mal, et même en cherchant bien, à y apercevoir quoi que ce soit de semblable au "niqab", à la polygamie institutionnalisée ou à la lapidation, nonobstant l'indéniable et générale rugosité des moeurs et des châtiments.
J'accorde volontiers aux uns et aux autres que cette conversation a perdu tout intérêt. Je n'ai jamais parlé de parallélisme chronologique s'étendant sur des millénaires ou autres schéma bébêtes du même acabit que semble me prêter M. Bolacre. Je ne pense pas que L'Église catholique se soit "développée" au cours des deux derniers siècles, comme me le fait curieusement dire M. Chatterton. Je n'ai pas caricaturé la foi populaire en "marmonnements de pâtenotres" (j'ai parlé de code de conduite, d'ensemble de rituels, de règle sociale). Je rappelais, je répète et je m'en tiendrai là, faute de réponse argumentée —sauf brièvement par M. Bès qui disait "me rejoindre dans une certaine mesure"— que la place de l'Église catholique dans l'espace public s'est brutalement atrophiée au XIXème siècle, en France, par des mécanismes où ne figurent, contrairement à ce qu'"on" semble avoir enseigné à M Chatterton, ni un retour à la parole du Christ, ni une évolution organique de cette Église.
"Le pari d'un décalage temporel entre l'évolution du christianisme et de l'islam n'est jamais fait ici, probablement parce qu'il combine un regard critique sur le christianisme et une sorte d'optimisme paradoxal sur l'islam (basé sur la perspective de son affaiblissement séculier), également tabous."

C'est cette phrase qui m'a conduit dans un "schéma bebête".

Je pensais que ceux qui, ailleurs qu'ici, font ce "pari d'un décalage temporel" et caressent la "perspective de [l'] affaiblissement séculier" de l'Islam raisonnaient un brin en termes de chronologie et manifestaient la très très vague tendance à vouloir établir un parallèlle entre christianisme et islamisme, du point de vue de l'évolution dans le temps. J'ai donc fait entièrement fausse route.
Il me semble que le "retour à la parole du christ s'est faite par les chrétiens de gauche qui veulent accueillir toute la misère du monde, tous les étrangers, tendre en permanence l'autre joue, gagner leur salut par les souffrances endurées du fait d'une immigration africaine inassimilable, au lieu de porter comme au bon vieux temps le cilice. Ils observent à la lettre les enseignements du christ. Ce sont eux les vrais intégristes et non les adeptes de Monseigneur Lefèbure ni ceux qui fréquentent saint Nicolas du Chardonnet. Mais ces chrétiens oublient au passage ce précepte de Jésus que lui même a mis en pratique, selon lequel " la lettre tue et l'esprit vivifie " . En fait, c'est tout le "surmoi" occidental quiprend sa source dans cet intégrisme chrétien. Il est le surmoi du surmoi.
Citation
En fait, c'est tout le "surmoi" occidental quiprend sa source dans cet intégrisme chrétien. Il est le surmoi du surmoi.

Nos amis chrétiens de gauche se donnent une bonne conscience sur les dos des gens simples de leur propre peuple et oublient le viel adage "charité bien ordonnée commence par soi-même".

Voila à ce que j'écrivais au premier trimestre 2009.

Les Eglises chrétiennes (protestantes et catholiques) portent une responsabilité écrasante dans l'invasion-immigration puisqu'elles ont répété à satiété que le devoir du bon chrétien est d'accueillir l'Autre. Mais attention ca continue car tous les dimanches dans les prêches on entend les mêmes propos édifiants et lénifiants. D'ailleurs chez les protestants la chose est encore pire.

Depuis 40 ans les Eglises ont réduit la révélation à un simple humanisme plat et béat et elles sont en partie devenues des institutions de charité dans lesquelles la spiritualité jouent un rôle mineur.

Malheureusement je n'ai pas le temps de développer mais le sujet est brûlant. L'évolution actuelle vient de loin et elle a ses racines au 18 ème siècle il suffit pour s'en convaincre de lire l'oeuvre de Jean de Viguerie.


L'écrivain suisse-roman Ramuz écrivait:

"Les hommes d'aujourd'hui renient leurs familles de chair, et ils renient jusqu'à leur chair, ayant souffert à cause d'elle. Ils se cherchent des frères d'esprit par-dessus les frontières terrestres, et ne se reconnaissent plus eux-mêmes dans ceux qui les entourent. Ils se veulent des frères d'idées et mettent leurs espoirs dans des parentés d'abstraction. Ils se sont réfugiés dans les régions de la pensée par crainte et dégoût de la réalité. Ils méconnaissent toute espèce de sol et toute espèce d'attache charnelle comme si leur pensée tirait sa substance d'elle-même et se nourrissait de son propre fonds"

N'est-ce-pas une description pertinente de l'Occident/Europe d'aujourd'hui, celle des artistes, écrivains, journalistes, profs de lycées et de je ne sais plus qui, de ceux qui préférent aller à la rescousse d'un squat de 600 africains noirs plutôt que de défendre les gens de leur propre peuple ?

C'est épouvantable car, aujourd'hui, on assiste au triomphe absolu de l'idéologie cad à la négation féroce du réel
Cher Rogemi, je suis entièrement d'accord avec votre analyse.

Je suis sûre aussi que l'on retrouve le dolorisme chrétien dans cette volonté ne s'intéresser qu'aux étrangers qui pourrissent ta vie des Français de souche. Je ne plaisante qu'à demi quand je dis que qu'ils sont une sorte de substitut au cilice et à la discipline de jadis. Au moins, jadis, ceux qui s'y adonnaient ne faisaient-ils souffrir qu'eux-mêmes, alors qu'aujourd'hui ces chrétiens new look cherchent à gagner le salut de leur âme sur le dos de millions de gens qui n'en n'ont que faire et qui ne leur ont rien demandé. .
Cassandre et Rogemi, permettez-moi de vous faire observer que vous ne parlez ici du christianisme que sous son aspect de morale. Et c'est bien normal puisqu'il s'agit pour vous de voir ses implications sociales face à l'islam. Peut-être est-ce justement l'insistance sur cet aspect qui vide les églises (la morale républicaine suffit à se faire une conduite, après tout). Il me semble que les églises ont commencé à se vider quand l'Église a atténué le côté mystique de la religion (rite latin, chant grégorien, patrimoine artistique séculaire) pour se rapprocher (soi-disant) du peuple, peut-être en s'éloignant de son Dieu et de son mystère : langue profane, chants nouveaux et maigres sur le plan artistique, bons sentiments repris des "exemples" évangéliques... Alors que le précepte d'amour, par exemple dans saint Jean où c'est très explicite, n'est proposé que pour "connaître Dieu", et non pour conduire à une morale d'obéissance...
Cher Orimont Bolacre,
Non, vous n'avez pas fait entièrement fausse route : vous avez radicalisé, généralisé et porté jusqu'à l'absurde ma proposition pour la discréditer. L'idée que l'islam puisse connaître, dans un avenir peut-être proche, un affaiblissement politique comme celui qui a affecté brutalement l'Église catholique — sans rapport, le point est crucial, avec un quelconque développement interne, mais par une vulnérabilité de toute religion à la modernité— n'implique pas de chercher des parallèles temporels dans tous les détails et à l'échelle des siècles.
Citation
Alors que le précepte d'amour, par exemple dans saint Jean où c'est très explicite, n'est proposé que pour "connaître Dieu", et non pour conduire à une morale d'obéissance...

Vous voyez avec beaucoup d'acuité, cher Bernard, les raisons de la catastrophe dans laquelle Vatican II a précipité l'Eglise catholique.

Pour ce qui me concerne je suis convaincu que les parentés de chair ne peuvent pas être sacrifiées sans constituer une trahison du message biblique car que vaut l'amour s' il ne sert pas d'abord à aimer ses proches.

Je me suis plongé depuis quelques temps dans la lecture des Evangiles re-traduit par le Père Bruckberger et Simonne Fabien, en particulier celui de Saint Jean et je dois avouer que de se colleter avec ce texte n'est pas de tout repos.

Je conseille aux liseurs de ce forum de se procurer un petit livre exceptionnel écrit par le Père Bruckberger qui s'appelle LE BACHAGA et de le lire d'urgence. On le trouve en occasion à partir de 2,50 €.

A sa lecture on comprend entre autres comment la France a pu pendant plus de cent ans maintenir l'ordre francais sur des territoires 20 fois plus grands qu'elle avec 3 gendarmes et deux soldats. C'était un temps où l'honneur était dans notre pays encore vécu comme une vertu essentielle et on comprend mieux pourquoi le discours des Amis du Désastre sur la colonisation-extermination-exploitation est complétement érroné.
" Si on estime valide le parallélisme chronologique de l'évolution des religions, en jetant un oeil sur le monde chrétien de 1430 (année de l'Hégire qui correspond à 2009), on a du mal, et même en cherchant bien, à y apercevoir quoi que ce soit de semblable au "niqab", à la polygamie institutionnalisée ou à la lapidation, nonobstant l'indéniable et générale rugosité des moeurs et des châtiments. "

N'empêche, cher Orimont, que votre raisonnement se tient et que je m'en servirai à l'occasion.
Comme disait je ne sais plus qui, l'Histoire ne repasse pas les plats. Comparez la Civilisation de l'Indus, celle de l'Egypte et celle de l'Europe du Nord: même avec des chronologies décalées nous avons des résultats fort différents.
Il y a de modestes miracles, comme ça. Je me targue d'avoir inspiré à Orimont, of all people (il n'est d'habitude pas le plus disert sur le sujet, et représenterait même à lui tout seul, en ces lieux, une sorte d'oasis Islam-free ) un argument inédit que Cassandre of all people (on l'imaginait avoir fait le tour de la question) va ajouter à son petit livre rouge.
Pour ma gouverne, et bien que la question soit absolument inutile à mon argument initial: est-ce que le quinzième siècle chrétien est si célèbre pour ne figurer aucune trace de violence religieusement correcte, à l'échelle de la lapidation en terre d'Islam au XXIème siècle?
02 mars 2010, 22:58   Les joies du XV°s
Je crois que le prêtre tchèque Jan Hus fut brûlé vif au Concile de Constance, malgré le sauf-conduit que l'Empereur lui avait accordé : histoire qui permet de mesurer ce que dut ressentir Martin Luther, un siècle plus tard, allant quand même à la Diète de Worms muni d'un sauf-conduit de l'Empereur... L'on se rendit compte par la même occasion de John Wyclyf avait été hérétique, ce qui fit qu'on brûla ses restes et quelques-uns de ses disciples. Ceci dit, je ne suis pas sûr que les cultures et les religions soient scandées par des rythmes universellement valables, ni bien sûr que le XV°s musulman puisse se comparer au XV°s chrétien. Votre idée, cependant, m'a intéressé, car elle m'a rappelé la thèse dominante du roman d'Anatole France Les dieux ont soif, publié pour le second centenaire de Rousseau, en 1912. Anatole France, qui avait une connaissance approfondie de la Révolution et de la Terreur, les présente dans ce roman comme une religion nouvelle détrônant l'ancienne : le catholicisme n'est plus qu'une aimable et vaguement ridicule superstition, alors que la foi des Terroristes, leur foi jeune et nouvelle, dans toute l'énergie de son avènement, a encore besoin de beaucoup de sang humain avant de s'assagir d'elle-même. Je ne sais si un penseur plus sérieux que ce romancier avait déjà avancé cela en termes plus théoriques, et en se fondant sur des recherches historiques (Renan, peut-être ?), ni si Anatole France s'est inspiré de ces philosophies de l'histoire peu fondées sur l'expérience dont le XIX°s était si friand. A plus forte raison, j'ignore quel crédit on doit apporter à la thèse selon laquelle un système religieux aurait ses phases de croissance, de maturité et de mort, si de tels termes sont plus que des métaphores commodes. En tous cas, le terrorisme musulman, le millénarisme iranien, et l'intégrisme qui se donne libre cours dans les medinas d'Europe, concernent des êtres jeunes, énergiques, prêts à tuer et à mourir, rêvant plaies et bosses et respirant la volonté de puissance et de domination : cela donne presque envie de considérer ce nouvel islam comme une religion nouvelle, un jeune Moloch réclamant ses sacrifices humains. Tout ceci peut nous paraître terriblement jeune.
02 mars 2010, 23:20   Re : Les joies du XV°s
" cela donne presque envie de considérer ce nouvel islam comme une religion nouvelle, un jeune Moloch réclamant ses sacrifices humains. Tout ceci peut nous paraître terriblement jeune. "
Mais, il me semble que l'injonction au jihad, à savoir tuer les infidèles qui ne veulent pas se soumettre, premier devoir du musulman, est aussi vieux que l'islam. c'est considéré comme le meilleur moyen d'entrer au paradis, une perpétuation, en effet, des sacrifices humains . Le paradis est à l'ombre des sabres dit un haddith.
03 mars 2010, 10:43   Re : Les joies du XV°s
Je ne suis pas très compétent en matière d'histoire de l'islam et de l'Islam mais il me semble bien qu'ils ont connu des renouveaux conquérants, des "secondes" jeunesses en quelque sorte, avec les vagues de conquêtes et d'islamisation successives réalisées par les différents peuples ayant repris le flambeau : après la conquête arabe, la conquête ottomane, les bâtisseurs de l'Empire moghol, et, aujourd'hui, les colonisateurs de l'Europe. Et, entre ces vagues agressives, des périodes d'assoupissement où, trop occupé à fumer le narghilé en contemplant les odalisques, on fichait un peu la paix aux Roumis et autres infidèles.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter