Le site du parti de l'In-nocence

A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
10 juillet 2010, 13:06   A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Extrait d'un article de J. Baudrillard à propos de l'"affaire Heidegger", et dont la portée dépasse de loin le "cas Heidegger" :


"La vaine querelle autour de Heidegger n'a pas de sens philosophique propre, elle est seulement symptomatique d'une faiblesse de la pensée actuelle qui, à défaut de se trouver une énergie nouvelle, revient obsessionnellement sur ses origines, sur la pureté de ses références, et revit douloureusement, en cette fin de siècle, sa scène primitive du début du siècle. Plus généralement, le cas Heidegger est symptomatique du revival collectif qui s'est emparé de cette société à l'heure du bilan séculaire : revival du fascisme, du nazisme, de l'extermination - là aussi tentation de réinstruire la scène primitive de ce siècle, de blanchir les cadavres et d'apurer les comptes, en même temps fascination perverse du retour aux sources de la violence, hallucination collective de la vérité historique du mal. Notre imagination actuelle doit être bien faible, notre indifférence à notre propre situation et à notre propre pensée bien grandes pour que nous ayons besoin d'une thaumaturgie si régressive."

Jean Baudrillard, Ecran total, éd. Galilée, p. 25.
Citation
revient obsessionnellement sur ses origines, sur la pureté de ses références, et revit douloureusement, en cette fin de siècle, sa scène primitive du début du siècle.

Baudrillard vaut toujours le détour.

La querelle sur Heidegger est étrange car celui-ci s'est un temps profondément compromis dans l' idéologie du Blut und Boden et a à un moment de sa carrière utilisé vicieusement ses connexions auprès du NSDAP pour se débarrasser de concurrents qui lui faisaient de l'ombre.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2010, 18:03   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
La querelle sur Heidegger est étrange car celui-ci s'est un temps profondément compromis dans l' idéologie du Blut und Boden et a à un moment de sa carrière utilisé vicieusement ses connexions auprès du NSDAP pour se débarrasser de concurrents qui lui faisaient de l'ombre.

... la philosophie est parfois limitée si elle ne s'ouvre pas à ce qui pourrait détruire, à ce qui doit détruire (ici le national-socialisme) la frontière qu'elle pose, le socle sur lequel elle repose. C'est pourquoi - je cite Bataille approximativement mais sans le trahir - il faut tenter d'ouvrir la pensée à son Autre, à ce qui lui est radicalement étranger, à ce qui peut s'appeler provocation, terreur, chaos.
Cher Rogemi,
Je ne sais quelle est votre connaissance du dossier Heidgger, mais je vous mets au défi de me citer un seul texte de Heidegger, traduit ou non, où il défende l'idéologie du Blut und Boden. Le Volk, c'est par la notion de Geist qu'il le définit. Il rejette tout biologisme, dès le début.
Quant à ses connexions pour faire avancer sa carrière, faut-il vous renvoyer à son article intitulé "Pourquoi nous restons en province ?" publiée en réponse à la proposition, pour la deuxième fois, de la chair de philosophie de l'université de Berlin, historiquement la chair de Hegel, la plus prestigieuse d'Allemagne ! Curieux, pour un arriviste, de refuser ainsi le poste le plus prestigieux. Badiou n'a pas refusé le poste à l'ENS, lui, tout maoiste qu'il est.
Quand on accuse les gens de choses aussi grave que le nazisme, il faut des faits : ceux que vous avancez ne sont que des racontars que des faits contredisent.
Citation
Quand on accuse les gens de choses aussi grave que le nazisme, il faut des faits : ceux que vous avancez ne sont que des racontars que des faits contredisent.

Quelle véhémence ...

Citation
mais je vous mets au défi de me citer un seul texte de Heidegger, traduit ou non, où il défende l'idéologie du Blut und Boden

Heidegger était trop malin pour se compromettre directement. Il agissait par sous-entendus.

Lisez-vous l'allemand, cher Virgil ?

Dans l'affirmative je mettrais ici en ligne un texte qui vous dégrisera. Ma connaissance du dossier Heidegger est modeste. A son propos je me fie avant tout à mes intuitions.
Cher Rogemi,
les arguments de virgil : les deux refus de la chaire de Berlin, sont de poids, à eux seuls ils coupent court à des allégations bien inutiles.

Quant aux deux articles en allemand, pourquoi ne les avez vous pas résumé en en donnant la référence ?
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 08:06   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je regrette, l'argument du refus de la chaire de Berlin n'a pour moi aucun poids.

Ci-aprés un article paru en mars 1999 dans le Süddeutsche Zeitung avec l'extrait d'une expertise demandé à Heidegger sur le philosophe Richard Hönigswald.

Titre de l'article: Comment le philosophe Hönigswald fut contraint de quitter l'Allemagne. J'ai mis l'extrait de l'expertise de Martin Heidegger en caractéres gras. On remarquera qu'il utilise l'expression Blut und Boden.

Quoiqu'il en soit le journaliste souligne la prudence d'Heidegger qui avance à pas de loup pour injecter avec fourberie son venin mortel. Ce texte est vraiment symptomatique du personnage. Pour le reste je n'ai ni le temps ni la force de traduire cet article. Bien sûr cette expertise ne disqualifie en rien l'oeuvre d'Heidegger mais elle laisse peser de lourds doutes sur l' intégrité de l'homme et comment croire une seule ligne de quelqu'un capable d'écrire un tel texte.

Süddeutsche Zeitung FEUILLETON Mittwoch, 31. März 1999, Seite 19
Sokrates in München

Wie der Philosoph Hönigswald 1939 Deutschland verlassen mußte

Lange wartete er bis zur Auswanderung. Als der 64jährige Richard Hönigswald Ende März 1939 mit seiner Frau Hilde und seiner vierjährigen Tochter in der Schweiz eintraf, endete eine Zeit des Leidens, die mit seiner Zwangspensionierung im August 1933 begonnen hatte. Hönigswald war am Ende der Republik in Deutschland ein bekannter Philosoph gewesen und hatte seit dem Sommersemester 1930 den angesehenen Lehrstuhl für Philosophie in München innegehabt. Zu Hunderten strömten damals die Studenten in seine Vorlesungen. Und wen er im Hörsaal nicht erreichte, für den schrieb er Essays in Zeitungen wie den Münchner Neuesten Nachrichten.

Doch nur drei Jahre war es ihm gegönnt, an der Isar dem kantischen Ideal zu folgen und von der Philosophie den Schul- wie den Weltbegriff zu geben. Richard Hönigswald war Jude, und als im April 1933 das „Gesetz zur Wiederherstellung des Berufsbeamtentums“ erlassen wurde, verlor er sein Amt. Das Gesetz mit dem harmlosen Namen war auch geschaffen worden, um politisch Unliebsame aus dem Staatsdienst zu drängen. Vor allem aber definierte es, wer als „arisch“ oder „nicht arisch“ zu gelten hatte: „Beamte, die nicht arischer Abstammung sind, sind in den Ruhestand zu versetzen. “ Der „Arierparagraph“ war der erste Schritt zur Entrechtung der deutschen Juden und der Widerruf ihrer Emanzipation von 1871.

Hönigswald versuchte nun, sich als Privatgelehrter durchzuschlagen. Seine Wohnung in der Kaulbachstraße 11 a wurde ihm genommen. Doch stoisch und diszipliniert schrieb er weiter seine Bücher, etwa „Philosophie und Sprache“, das 1937 in Basel erschien. Die Isolation schien ihm wenig anzuhaben. Das Denken war wichtig, nicht der Denker. Trotz aller Widrigkeiten fühlte Hönigswald sich aufgehoben in einer unabschließbaren philosophia perennis, die keinen Helden, sondern nur „ewige Aufgaben“ kennt. Darin vergrub er sich, während der Rassenstaat ihm Stück für Stück seine Lebensgrundlage zerschlug. Erst wurde ihm die Pension gekürzt, dann mußte er von dem angeblich zuviel empfangenen Ruhegeld einen Großteil zurückzahlen. Doch einige Kollegen hielten zu ihm; so der Philosoph Kurt Huber, der später hingerichtete Widerstandskämpfer der „Weißen Rose“, oder der Romanist Karl Voßler, der sich als Rektor 1933 erfolglos gegen Hönigswalds Ausgrenzung gestemmt hatte.

Heideggers Gutachten

In der „Kristallnacht“ 1938, nicht lange, nachdem ihm sein Doktorgrad aberkannt worden war, wurde Hönigswald ins KZ Dachau verschleppt. Drei Wochen mußte er dort verbringen. Dabei wurde ihm bewußt, daß er emigrieren müsse, zumal „Deutschlands Wiedereingliederung in die Zivilisation“, wie er in den „Germanica“ des Exils notierte, so schnell nicht zu erwarten war. Nach einem Aufenthalt in der Schweiz ging er nach Amerika.

Noch 1933 war die bayerische Kultusbürokratie, als sie Hönigswald loswerden wollte, auf Widerstand gestoßen. Die philosophische Fakultät, ein Teil der Studierenden sowie etliche Gelehrte protestierten. Zwölf von ihnen setzten ihren Namen unter eine von dem Greifswalder Theologen Rudolf Hermann verfaßte Erklärung, in der Hönigswalds „vaterländische Gesinnung“ sowie sein „unanfechtbares Wesen“ beschworen werden.

Der Minister holte Gutachten ein, um einen Anschein von Gerechtigkeit zu wahren. Das wichtigste kam vom Rektor der ersten deutschen „Führeruniversität“ in Freiburg, Martin Heidegger:

„Hönigswald kommt aus der Schule des Neukantianismus, der eine Philosophie vertreten hat, die dem Liberalismus auf den Leib zugeschnitten ist. Das Wesen des Menschen wurde da aufgelöst in ein freischwebendes Bewußtsein überhaupt und dies verdünnt zu einer allgemein logischen Weltvernunft. Auf diesem Weg wurde unter scheinbar streng wissenschaftlicher Begründung der Blick abgelenkt vom Menschen in seiner geschichtlichen Verwurzelung und in seiner volkhaften Überlieferung seiner Herkunft aus Blut und Boden. Damit zusammen ging eine bewußte Zurückdrängung jedes metaphysischen Fragens, und der Mensch galt nur noch als Diener einer indifferenten allgemeinen Weltkultur. Es kommt aber hinzu, daß gerade Hönigswald die Gedanken des Neukantianismus mit einem gefährlichen Scharfsinn verficht. Die Gefahr besteht vor allem darin, daß dieses Treiben den Eindruck höchster Sachlichkeit erweckt und bereits viele junge Menschen getäuscht und irregeführt hat. Ich muß auch heute noch die Berufung dieses Mannes an die Universität München als einen Skandal bezeichnen. Heil Hitler! Ihr sehr ergebener Heidegger. “

Im Unterschied zu anderen Gutachtern, die den Philosophen als „jüdischen Denktypus“ zum Abschuß freigeben, vermeidet Heidegger jede antisemitische Ausfälligkeit. Er bedient sich lieber der Anti-Sokrates-Strategie, die er später bei der Denunziation des Freiburger Chemikers Staudinger wieder anwenden sollte: Er beschuldigte Hönigswald, die Jugend zu verderben. Tatsächlich konnte der Unterschied zwischen den beiden Professoren größer nicht sein. Heidegger trimmte seine Studenten am lodernden Feuer der „Wissenschaftslager“ auf Gefolgschaft, Hönigswald suchte in der Lehrer-Schüler-Beziehung eine Verständigung unter Gleichen.

Heidegger war der namhafteste Gutachter im Fall Hönigswald; er mußte wissen, wie schwer sein Wort wog. Sicher wußte er auch, daß „Versetzung in den Ruhestand“ nichts anderes bedeutete als Berufsverbot. Seine sozial wie intellektuell vernichtende Abrechnung hatte aber mehr als nur ein Motiv. Mit dem politischen Ressentiment vermengte sich akademischer Egoismus. Zu verlockend war die Gelegenheit, den prominenten Vertreter einer einst epochemachenden Lehrmeinung aus der Alma mater zu jagen. Der Neukantianismus mit seinem bürgerlich-republikanischen Freiheitsideal, seinem Vertrauen in einen vernunftgelenkten Fortschritt, seinem Glauben an die zivilisierende Kraft der Kultur sollte geschwächt werden.

Hönigswald betrieb Philosophie als Wissenschaft nach rationaler Methode. Vorrang hatte bei ihm die kritische Prüfung aller „Bedingungen der Erkenntnis“. Bitter blickte er im Exil zurück auf descartes- und kantfeindliche Denkmodelle der „Intuition“, die in den zwanziger Jahren die Philosophie des Nationalsozialismus vorbereitet habe. Den Kathederstar Heidegger zählte Hönigswald schon bei seinem Aufstieg zu denen, die „unbegründet“ denken.

Doch Heidegger hatte gesiegt, und mit ihm der Irrationalismus. Für Hönigswald war dieser Irrationalismus ein Produkt der „verhängnisvollen Unausgeglichenheit“ der Deutschen, ihres Schwankens zwischen „selbstlosem Streben nach sittlich-rechtlicher Kultur“ und „blinder Unterwerfung unter die Herrschaft eben gangbarer Phrasen“.

Heidegger beherrschte noch nach dem Krieg mit seinem entnazifizierten Denken die philosophische Szene. Und er stand kurz vor dem Weltruhm, als 1956 mit der Gründung des Hönigswald-Archivs (heute an der Uni Aachen) erstmals so etwas wie Wiedergutmachung versucht wurde und Band für Band die Schriften aus seinem Nachlaß erschienen. Der Philosoph war am 11. Juli 1947 in New Haven gestorben. Kaum ein Jahr zuvor hatte die Universität München ihn zu einem Gastvortrag eingeladen. Bei seinem Besuch wollte man ihn fragen, ob er nicht heimkehren wolle. Aber er wollte nicht, auch nicht als Gast. Er schrieb an Voßler, daß es dafür wohl noch etwas zu früh sei.
KURT OESTERLE
Süddeutsche Zeitung vom 31.03.1999 - Feuilleton
Cher Rogemi,
L'article que vous citez est certes très intéressant, mais il ne s'agit pas d'une texte de Heidegger.
C'est un témoignage. Or, il existe de nombreux témoignages attestant, par exemple, que Heidegger ne commençait jamais ses cours par le salut nazi, comme c'était pourtant la loi.
Vous affirmez que Heidegger était trop malin pour dire publiquement ou écrire et publier des choses ouvertement nazies. Je comprendrais cette objection si Heidegger était accusé d'avoir été nazi dans un contexte anti-nazi. Or, à partir de 1933, quiconque était nazi ne se privait pas de le dire : on assiste même à une sorte de surenchère dans l'audace doctrinale. Pourquoi Heidegger, s'il était vraiment si nazi, aurait-il pris la peine de cacher une pensée que l'air du temps non seulement ne condamnait pas, mais plutôt encourageait ? Pourquoi avoir démissionner du poste de recteur ?
Pourquoi, surtout, ceux qui chercher à soutenir un Heidegger tout à fait nazi de 1933 à 1945, comme Faye père et fils, sont-ils contraints de manipuler les textes via des traductions malhonnêtes, des décontextualisations (bien connues par les lecteurs de ce forum à propos de l'inspirateur principal de ce parti) et des amalgames ? Si les choses étaient aussi claires qu'on veut bien le dire, les preuves abonderaient et il ne serait pas utile d'en forger.
Pour information, le texte rappelle que Hönigswald était "néo-kantien" ; or, un historien de la philosophie ne peut ignorer les conférences de Davos au cours desquelles Heidegger et Cassirer (notamment) croisèrent le fer à propos de l'interprétation de la pensée de Kant : les néo-kantiens durent admettre que l'approche heideggerienne était plus puissante et plus juste. Il y avait depuis un fort contentieux philosophique et institutionnel entre les néo-kantiens et Heidegger, les premiers se révélant plutôt mauvais perdants. Ne pas mentionner cet épisode, c'est ne pas signaler ce qui peut faire que Hönigswald et Heidegger n'étaient sans doute pas de grands amis.
Le passage en gras ne met aucun mot nazi dans la bouche de Heidegger. Les guillemets qui apparaissent ensuite ne renvoient à aucune référence. Je ne trouve pas cela très probant. M.Hönigswald a toutes les raisons de conserver de la période un souvenir horrifié, mais je ne lis là aucune accusation.
Le cas de Jaspers est plus intéressant : il écrit à Heidegger pour le féliciter de son discours de rectorat, qu'on ne comprit donc pas comme un texte nazi à l'époque - ni ensuite, jusqu'à la traduction tendancieuse de Faye père. Après la guerre, Jaspers témoigna contre Heidegger au moment de la dénazification. Il regretta plus tard son témoignage dont il affirma qu'il ne s'appuyait pas sur des éléments de première main.
Je ne sais pas si Heidegger fut nazi ou non, s'il le fut combien cela dura, ce que cela signifia pour lui. Ce que je sais, c'est que toute la documentation qu'on me soumet chaque fois n'est pas probante, quand elle n'est pas tout à fait malhonnête. Et quand on veut tirer de ses textes philosophiques la preuve de son nazisme, je suis obligé de dénoncer le contresens volontaire et malhonnête là encore. Quand on sait lire et qu'on veut lire honnêtement, on ne trouve pas un seul texte célébrant le nazisme dans toute l'oeuvre publié à ce jour - pour ce que j'ai eu l'occasion d'en lire en tout cas. Mêmes les traités non publiés de son vivant, mais rédigés entre 1934 et 1945, pour ce que j'en ai lu - et compris, car ils sont terriblement difficiles - ne sont pas suspectes de nazisme.
M. Rogemi est peut-être en possession de documents (ou de copies de documents) accablants. En l'absence de tels documents, je ne me fie pas, quant à moi, à son intuition ou à la mienne : je m'efforce de lire les textes et de confronter les témoignages.
J'ai constaté que la plupart des tenants d'un Heidegger nazi viscéral, à commencer par un Roger-Pol Droit, reconnaissent ne pas lire Heidegger et trouver dans son nazisme allégué ou prouvé (de leur point de vue très peu regardant) une raison de continuer à ne pas le lire. Résumons : tant qu'il est nazi, on a raison de ne pas se donner la peine de lire ces pages difficiles.
Ils ne savent pas ce qu'ils perdent !

On trouve l'article "Pourquoi restons-nous en province ?" à cette adresse (il faut descendre un peu) :[editionenligne.moncelon.com]
Ce n'est pas là du tout le texte d'un nazi. Les nazis n'écoutaient pas le vieux, ils avaient plutôt tendance à les tuer. Ce qu'ils prisaient, c'était la jeunesse et les jeunes, comme le montre bien la thèse qui servit de point de départ au livre de Christian Combaz, "Des enfants sans foi ni loi".
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 09:13   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Allons allons Cher Rogemi, pas la peine d'en rajouter autant ! Heidegger a un temps été séduit par le nazisme, comme tant d'autres, c'est un fait, on ne va pas revenir là-dessus. L'important, à mon avis, est de recentrer le débat autour de la pensée de Heidegger, et ce, pour ne pas retomber dans la querelle autour des faits et que soit, par avance, oubliée la philosophie. Ma "thèse" sera celle-ci : si l'on se met sérieusement à l'écoute de la philosophie heideggerienne on constate que non seulement celui-ci n'a pas gardé tout le silence qu'on lui reproche, mais plus encore qu'il a éléboré une profonde critique de l'idéologie N. S. au point de vue qui est précisément le sien, celui de l'histoire de l'être. Ainsi la figure de proue de la "révolution heideggerienne", son "Führer", ne se nomme pas Adolf Hitler, mais Friedrich Hölderlin, lui que, précisément, les Beiträge désignent comme "celui qui est le plus à venir" (der Zukünftigste). Il me semble capital de replacer, aujourd'hui tout particulièrement, ce débat dans sa dimension philosophique.
Mais Virgil ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je n'ai jamais dit qu'Heidegger était nazi mais qu'il avait judicieusement profité de la situation pour aider à l'élimination professionnelle de collégues philosophes qui lui déplaisaient.

"car celui-ci s'est un temps profondément compromis dans l' idéologie du Blut und Boden et a à un moment de sa carrière utilisé vicieusement ses connexions auprès du NSDAP pour se débarrasser de concurrents qui lui faisaient de l'ombre."

L'article est trés éclairant et même si ce n'est que le jugement d'un journaliste le texte de l'expertise lui est authentique et comme le signale très justement Mr. Osterle Heidegger était, à l'époque, le recteur de l'université de Freiburg et son avis avait un poids déterminant.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 09:42   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Ouf... j'ai cru un (long) moment, Cher Rogemi, que vous alliez reproduire l'image outrée d'un Heidegger absolument et continûment nazi brossée par Farias... Rogemi is not Farias -right ?
Je crois qu'en la matière, l'essentiel a été dit par Jacques Taminiaux (dans son livre sur Heidegger et Hannah Arendt, consacré non à leur histoire mais à leur dialogue philosophique).
Quant à la polémique, je dois dire que, de plus en plus, je m'en désintéresse. En revanche, la lecture de Heidegger est pour moi réellement irremplaçable.
Ceux qui comprennent le texte allemand de cette expertise ne peuvent être qu'épouvantés par la félonie d'Heidegger. Il n'a à mes yeux aucune excuse. Mais attention c'est un point de vue moral pas philosophique !
Citation

Mais attention c'est un point de vue moral pas philosophique !

Voilà ! C'est ce qui ne m'intéresse plus beaucoup...
Avez-vous vu, cher Rogemi, le film d'István Szabó, « Taking sides », sur le « cas Furtwängler » ?
L'expertise donnée par Heidegger que cite la Süddeutsche Zeitung, si elle est exacte, donne de lui une image extrêmement déplaisante : écrire, dans le cadre d'une enquête officielle destinée à justifier le renvoi d'un professeur d'université, que l'habileté et l'apparence d'objectivité de celui-ci aboutissent à tromper de nombreux jeunes gens en les entraînant vers l'universalisme (je simplifie mais c'est en gros ce qu'il écrit), et qualifier de scandaleux le fait qu'il ait été recruté comme professeur à l'université de Munich, cela se passe de commentaire.

Certes, les vilenies commises ou écrites par Wagner ou Brahms ne disent absolument rien de leur musique ; on peut aussi très bien imaginer que les victimes du brigand Villon eussent pu malgré tout rendre hommage au talent du poète ; je conserve cependant l'ombre d'une réticence à qualifier d'insignifiante à l'égard de sa philosophie une vilénie commise par un philosophe lorsqu'il la fonde philosophiquement.
Je suis en plein accord avec Marcel et je suis accablé par cette lecture.

Cela confirme une idée qui m'est chère (voir le débat avec Alain Eytan) : on peut être un grand penseur et un pauvre type.

Prenez maintenant les ouvrages de Klemperer : on voit que bien des Allemands aryens n'ont pas tourné le dos aux Klemperer, et même qu'ils les ont aidés. C'étaient soit des gens du peuple, soit des chrétiens convaincus.

Prenez, toujours dans le même ouvrage, le cas de ce jeune nazi qui vint le visiter, lorsqu'il fut expulsé de ses fonctions, et qui garda le contact avec lui. Après guerre, Klemperer le rencontra, crevant de faim, et lui dit qu'il le connaissait bien, qu'il irait voir les autorités et les Russes en se portant garant de lui, et que les choses allaient s'arranger car il était évident qu'il n'avait rien fait de mal. A cela le jeune homme lui répondit en substance : "Monsieur le Professeur, je vous remercie, mais ce n'est pas possible, car je crois encore en Lui".

Comme quoi on peut être nazi et avoir des principes, et être un grand philosophe et une nullité du point de vue humain.
Nombre de grands philosophes, cher Marcel, dès l'antiquité, ont rêvé de régenter la cité. Dans cet esprit, peut-être faut-il entendre ce témoignage, si lui-même n'est pas suspect de règlement de compte d'une manière ou d'une autre (ce qu'il est difficile d'éviter quand il s'agit de ce personnage), comme plaçant Heidegger un peu au dessus de la simple rivalité carriériste. Ce qui n'atténue pas les tendances totalitaires qu'il suggère, au contraire. Ce qui compte, c'est évidemment l'expérience de la lecture des grands textes de Heidegger.

Je pense aussi à la Prova d'orchestra, de Fellini...
La question que j'aimerais poser aux philosophes connaissant bien l'œuvre de Martin Heidegger, cher Bernard, est celle-ci : trahit-il sa propre philosophie lorsqu'il fonde philosophiquement l'acte de tyrannie totalitaire dont il est ici question ?
Cher Marcel Meyer,
Je crois connaître un peu la philosophie de Martin Heidegger. Or, il ne fonde jamais de tyrannie totalitaire dans ses textes.
Citation
trahit-il sa propre philosophie lorsqu'il fonde philosophiquement l'acte de tyrannie totalitaire dont il est ici question ?

Merci Marcel et votre interrogation est essentielle mais l'autre question qui se pose est la suivante:

Comment se fait-il que presque toute la classe intellectuelle occidentale qui rejette, pour des incartades bien moins graves que cette expertise de Heidegger, tout dissident soupconné de sympathie pro-hitlérienne dans l'insignifiance et l'isolation ait pu pardonner à Heidegger de telles forfaitures ?
Citation
Marcel Meyer
La question que j'aimerais poser aux philosophes connaissant bien l'œuvre de Martin Heidegger, cher Bernard, est celle-ci : trahit-il sa propre philosophie lorsqu'il fonde philosophiquement l'acte de tyrannie totalitaire dont il est ici question ?

Je ne crois pas qu'il y ait rien de tel dans sa philosophie, cher Marcel. Qu'il trahisse sa philosophie par sa vie (encore une fois, il ne fut pas un héros, mais il ne fut pas non plus un monstre), j'aurais tendance à répondre "oui et non". Je pense que le mécanisme est de cet ordre : Heidegger est un grand philosophe, il le sait, il sait qu'il est visionnaire. Cela engendre chez lui un certain mépris des autres, et le désir de régenter le monde n'est pas loin. Cela peut être vu comme une sorte de trahison, sans doute, comme s'il n'était pas assez grand pour laisser totale liberté aux autres...
Bien cher Bernard,


Comment peut-on être visionnaire et faire ce qui est démontré par le texte de Rogemi ?
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 14:40   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".

Car Heidegger, comme chacun sait, a été nazi. Il a, dans les premières années du régime, interprété la révolution nationale-socialiste comme une rupture profonde dans le temps. Il y a vu l’occasion d’échapper à l’ensemble fatal des menées modernes. Il a cru que l’Allemagne réveillée allait soustraire l’Europe à l’étau de ses deux versions « de la même frénésie sinistre de la technique déchaînée de l’organisation sans racine de l’homme normalisé » qui étaient à ses yeux l’Amérique et la Russie, comme il l’écrivait en 1935 dans Introduction à la métaphysique. Revenu de cette illusion ou de cette croyance à « la réalité historique d’un mouvement collectif d’abandon de la demeure d’acier de la modernité », il s’est remis à son travail philosophique sans tenir compte de l’approbation ou de la désapprobation du parti. Comme l’écrit son meilleur biographe Rüdiger Safranski : « Il n’avait pas caché sa distance critique envers le système, il l’avait même affiché dans ses cours, et en un sens il était moins coupable d’avoir soutenu le système que la très large majorité des scientifiques qui s’étaient adaptés au contexte sans qu’on engage la responsabilité d’aucun d’entre eux. En quoi les crimes du système le concernaient-il ? Le parcours de sa pensée, dont il avait rendu compte publiquement, le réhabilitait à ses propres yeux. Il n’éprouvait pas de culpabilité ni au sens juridique ni surtout au sens moral ».

On peut légitimement déplorer cette attitude. On est surtout en droit de juger alarmante l’incapacité heideggerienne à faire une place à part au crime du national-socialisme dans le vaste panorama des misères modernes. Michel Haar parle avec raison de la blessure que nous inflige la critique radicale de tous les systèmes politique contemporains. D’où cette question lancinante : le fait de ne pas s’être laissé affecter par Auchwitz invalide-t-il la méditation de Heidegger ?

Je réponds par la négative, car ceux qui jettent sur Heidegger l’opprobre de son passé et de son impensé nazi sont tous des heideggerriens sans le savoir. La technique façonne leur appréhension des êtres et des choses au point de les conduire à faire de la transformation de n’importe quoi en n’importe quoi l’idéal de l’humanité et a célébrer, au nom du « plus jamais ça ! » la liquéfaction du monde.

Alain Finfielkraut
Philosophie et modernité
Les éditions de l’école polytechnique. (Janvier 2009)
Pages 82-83.
11 juillet 2010, 15:03   L'homme et la Pensée
En fait, Finkielkraut pose la question suivante :

D’où cette question lancinante : le fait de ne pas s’être laissé affecter par Auchwitz invalide-t-il la méditation de Heidegger ?

Et y répond par la négative.

Je crois que la question de Rogemi, et en tout cas la mienne, portent sur l'homme, non sur ses autres écrits.
11 juillet 2010, 15:19   Re : L'homme et la Pensée
Citation
Je crois que la question de Rogemi, et en tout cas la mienne, portent sur l'homme, non sur ses autres écrits.

Oui et non car que valent les écrits d'un homme qui s'adonne à de telles bassesses ?

Je crois que si l'intelligentsia a aussi vite pardonné à Heidegger ses compromissions temporaires avec la tyrannie nazie c'est aussi en raison de sa profonde hostilité au christianisme.
11 juillet 2010, 16:11   Re : L'homme et la Pensée
Vous avez peut-être raison, Rogemi, mais la sociologie m'intéresse peu en cette matière. Il y a une expérience à faire, qui n'est pas à la portée de tout le monde pour des raisons diverses : lire Parménide, lire l'interprétation de Heidegger, lever les yeux et admirer. Que ceux qui n'y voient que de l'histoire ancienne fassent de la sociologie !
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 16:16   Re : L'homme et la Pensée
Citation
Rogemi
Oui et non car que valent les écrits d'un homme qui s'adonne à de telles bassesses ?

Depuis quand une Œuvre est-elle ce qu'elle est à l'aune de la vie de son auteur ?
Mozart n'était pas un modèle de vertu, le concerto K 622 (concerto pour clarinette) ne peut pas être entendu.
Dostoievski a été condamné au bagne, quelle valeur pour « souvenirs de la maison des morts » ?
Ne parlons pas de François Ferdinand Céline... et la liste serait longue.


« Fureur et mystère » sont-ils l’œuvre de René Char ou du résistant "capitaine Alexandre" ?
Réné Char était sans doute un homme qui savait juger les hommes. Chacun connait les relations entre Heidegger et Char.

Citation
Rogemi
Oui et non car que valent les écrits d'un homme qui s'adonne à de telles bassesses ?

Valent, valeur, compter, calculer, … faut-il peser, compter, mesurer l’œuvre d’un philosophe ? Là encore le langage nous trahit.
J’ai le souvenir d’une lecture époustouflante d’un chapitre sur ce thème. C’était dans Questions I ou II je crois.
11 juillet 2010, 18:19   Re : L'homme et la Pensée
Citation
Depuis quand une Œuvre est-elle ce qu'elle est à l'aune de la vie de son auteur ?

Bien sûr que tout se pèse mais peut-on pardonner à Heidegger ses bassesses simplement parce qu'il a écrit des choses formidables sur les philosophes grecs ?

Je pense que si les défenseurs d' Heidegger sur ce forum lisaient l'allemand ils seraient tétanisés par la teneur du texte comme l'ont été aujourd'hui Marcel et Jean-Marc et moi-même à la parution de l'article.

Cette expertise d'Heidegger a servi à détruire la carrière universitaire et la vie d'un honnête homme simplement parce qu'il était juif.

Je vous avoue que depuis 11 ans je n'arrive plus à lire une seule ligne de cet auteur.
11 juillet 2010, 18:29   Re : L'homme et la Pensée
simplement parce qu'il était juif

Permettez-moi, cher Rogemi, de rectifier : Heidegger condamne Hönigswald à cause de ses idées, il ne s'appuie nullement sur le fait qu'il est juif et il ne qualifie pas ces idées de "juives" comme l'aurait fait un vrai nazi.
11 juillet 2010, 18:44   Re : L'homme et la Pensée
S'il n'appréciait pas le néo-kantien Hönigswald, et peut-être bien avait-il de bonnes raisons pour cela, devait-il mentir lors de la demande d'expertise (condamnée d'avance, semble-t-il, par le journaliste dans son feuilleton), sous prétexte qu'il y avait des lois allemandes contre les juifs ? Il ne suffit pas d'être honnête homme pour que l'on fasse votre promotion universitaire, et peut-être y avait-il d'autres avis que celui du grand philosophe. Je n'en sais rien. Le fait même de la demande d'avis semble montrer que la décision ne lui appartenait pas.
Si j'étais méchant, mon cher Rogemi, je vous dirais : gardez le mauvais Heidegger, moi je garderai l'autre... Je ne pardonne rien à Heidegger, et ce n'est pas ce qu'il y aurait à pardonner qui m'intéresse chez lui. Ce que dit Heidegger à propos de Parménide, par exemple, c'est forcément en moi que je le lis, et, oui, je lui en suis reconnaissant, c'est tout ce que je puis dire.
Bien cher Bernard,


Ou bien je ne comprends plus l'allemand, ou alors la phrase Ich muß auch heute noch die Berufung dieses Mannes an die Universität München als einen Skandal bezeichnen est bien une ignominie. Par ailleurs, employer "Mann" dans ce cas-là est insultant.

Je constate avec tristesse qu' Heidegger présente cette personne comme pervertissant la jeunesse (cela a été employé, dans l'antiquité), et que plusieurs de ses idées, dans ce court texte, sont en accord avec la phraséologie nazie.
Je ne connais pas Hönigswald, mais je connais des gens dont je dirais volontiers qu'ils pervertissent la jeunesse et que leur nomination est un scandale... Pas vous ? Et puis, il me semble que cette lettre n'était pas destinée à être publiée, n'est-ce pas ? Mais encore une fois, cette affaire ne m'intéresse pas beaucoup.
Je ne connais pas Hönigswald non plus, mais la lettre me semble claire : il est reproché à Hönigswald d'être néo-kantien, et surtout d'être un néo-kantien habile, qui heurte les "valeurs" "populaires" "du sol et du sang". Il ne lui est pas reproché de s'adonner à quelque perversion que ce soit, ni d'avoir commis telle ou telle vilénie.

Dans le contexte de ces années-là, c'est une condamnation à mort universitaire. On peut mépriser les gens, on n'est pas obligé de les abattre. Le fait que cette lettre soit un rapport non public ne change rien à l'affaire.
Citation
Permettez-moi, cher Rogemi, de rectifier : Heidegger condamne Hönigswald à cause de ses idées, il ne s'appuie nullement sur le fait qu'il est juif et il ne qualifie pas ces idées de "juives" comme l'aurait fait un vrai nazi.

Cher Marcel,
Bien sûr mais ne trions pas les lentilles. Comme le fait remarquer l'auteur de l'article Heidegger s'est bien gardé d'évoquer la question de la race dans cette expertise contrairement à d'autres. D'ailleurs revenez sur mes premiers posts je le reléve tout de suite.

Mais pour Heidegger qui est un malin cela redouble son plaisir de fin gourmet. Je veux dire de faire comme si cela ne comptait pas. .
Citation
je ne connais pas Hönigswald non plus

Les nazis ont réussi à faire disparaitre de la mémoire collective pas mal de grands penseurs, dont Hönigswald qui avait une renommé mondiale avant 1933. Bravo !
Sans compter qu'ils ont réussi à faire disparaître pas mal de gens tout court.
Citation

Il ne lui est pas reproché de s'adonner à quelque perversion que ce soit, ni d'avoir commis telle ou telle vilénie.

C'est cela qui eût été scandaleux, à mon avis : alléguer des arguments extra-universitaires. Cela complète le portrait "non philosophique" que je me fais de cet homme : cela ne lui aurait pas déplu de régenter la philosophie allemande. C'est à cela, à mon avis, qu'œuvre cette lettre, si elle est authentique, et à rien d'autre. Bref, elle ne m'étonne(rait) pas, étant donné l'époque.
Bien cher Bernard,


Régenter la pensée, dire aux autres comment il faut penser, n'est point cela, le totalitarisme ?
Pardon, petite erreur de manipuilation...
Je me disais bien que vous étiez manipuilateur...
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 21:45   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Bien cher Didier,

Je ne vois pas du tout ce que vous voulez dire : Rogemi n'est pas à l'origine du fil...
» trahit-il sa propre philosophie lorsqu'il fonde philosophiquement l'acte de tyrannie totalitaire dont il est ici question ?

Cher Marcel , je crois qu'il y a dans la pensée de Heidegger un élément essentiel auquel le totalitarisme s'achoppe, cela dit beaucoup trop rapidement et sommairement, et j'espère qu'on me reprendra s'il y a lieu : il concerne un aspect fondamental de l'être du Dasein, qui est que celui-ci est toujours un avoir-à-être, il n'est jamais déjà donné et accompli, en aucune façon.
Cela veut dire que ce qui constitue le mode d'être propre à l'homme est une perpétuelle procrastination de sa réalisation, ontologiquemeent caractérisée par l'ouverture à ses possibles, une reconduction contingente de soi que Heidegger a je crois appelée Faktizität der Überantwortung, ce que l'excellente Françoise Dastur a traduit par "facticité de la remise du Dasein à lui-même".
De cela résulte la singularité et l'unicité absolues du Dasein comme expérience "chaque fois mienne", car ce qui n'est pas encore ne peut procéder d'un genre commun, ordre des choses ou essence, dont il ne serait que la manifestation particulière conforme au modèle préétabli.
C'est exactement cette "contingence de l'être-jeté dans le monde", et son caractère incommensurablement personnel, qui préserve la pensée heideggerienne du totalitarisme, car celui-ci n'est jamais que l'imposition d'une conception déjà toute faite de l'homme et de ce que doit être sa vie, fondue, c'est le moins qu'on puisse dire, dans le genre commun auquel les individus sont contraints de s'agglomérer.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 22:26   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
On en lit certains, ici comme ailleurs, qui, en bons représentants de la conscience contemporaine, ne sont toujours pas parvenus à en finir avec l'humanisme - plus exactement avec l'humanitarisme. Mais le lancinant discours moral de notre temps, son conformisme carcéral, sonne désormais comme un discours crépusculaire... Les "intellectuels", toujours attachés aux problématiques de l'idéal moral, sont à la fois conscients de s'y trouver enfermés et qu'en sortir leur serait insupportable. L'attachement à la moraline humanitaire, en philosophie des valeurs comme en politique, prend alors tout son sens : celui d'une conscience malheureuse, inquisitrice, déçue, gégnante, désireuse de se trouver des coupables, spectatrice coléreuse et larmoyante de l'évaporation de ses utopies. En termes heideggériens, cette attitude de la conscience peut-être analysée comme une incapacité "historiale" à franchir un nouveau palier d'existence.
» on peut être un grand penseur et un pauvre type.

Il reste à savoir, cher Jean-Marc, si l'exercice de la pensée incite davantage à être un pauvre type que ne le peuvent être des médiocres ou des imbéciles ; vous semblez avoir là-dessus un avis plus catégorique que le mien...
Citation

Régenter la pensée, dire aux autres comment il faut penser, n'est point cela, le totalitarisme ?

Jean-Marc, il est tentant, lorsque l'on connaît bien l'histoire de la philosophie, que l'on est de surcroît un philologue hors pairs, que l'on se sait à juste titre visionnaire, au-delà de cette histoire conceptuelle, et porteur d'une intuition géniale, de favoriser l'enseignement de ce que l'on croit juste, et de défavoriser les autres. Si vous voulez connaître le fond de ma pensée, je pourrais dire, au risque d'en irriter quelques uns dans l'assemblée, c'est de la petite bière à côté de ce que nous ont concocté au cours des siècles les divers monothéismes. Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : je ne parle pas du nazisme, et pour cause.

Je demande pardon à Didier de réagir au troll, mais, en effet, ce sont les vacances...
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 22:55   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
on peut être un grand penseur et un pauvre type.



... j'aimerais bien en rencontrer plus souvent des "pauvres types" comme Heidegger, moi.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2010, 23:08   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
c'est de la petite bière à côté de ce que nous ont concocté au cours des siècles les divers monothéismes

Vous vous égarez Cher M. Lombart. Quel rapport peut-il y avoir entre un philosophe comme Heidegger, lequel fonde ses prétentions à la grandeur philosophique sur un éventuel dépassement (Überwindung) de la tradition philosophique occidentale, et les divers monothéismes ?
Citation
C'est à cela, à mon avis, qu'œuvre cette lettre, si elle est authentique, et à rien d'autre. Bref, elle ne m'étonne(rait) pas, étant donné l'époque

Mais cher Bernard il ne s'agit pas d'une lettre mais d'une expertise demandée à Heidegger pour justifier aux yeux du monde la révocation d'un philosophe (à l'époque) de renommée mondiale.

Cette expertise est absolument authentique. Il n'y a pas le moindre doute la-dessus. L'article date de 1999 et n'importe qui peut le retrouver sur le site du journal "Die Süddeutsche Zeitung".

Bon je crois qu'avec cette révélation des plus désagréables je me suis mis et cette fois pour de bon pas mal de forumistes à dos.

Qui aurait cru qu' Il y ait des vaches sacrées sur le forum du PI ?
Je lis l'allemand et suis d'accord avec Marcel Meyer. C'est le néokantisme qui paraît condamnable à Heidegger, à en juger par le passage cité - et dont l'article ne donne pas la source, malheureusement.
Il ne suffit pas de lire l'allemand, il est aussi nécessaire d'avoir une connaissance des débats philosophiques et philologiques de l'époque pour comprendre certaines inimitiés entre les philosophes.
Les haines tenaces qu'on constate dans l'université d'aujourd'hui n'ont rien à envier à celles de l'époque : je les crois même pires.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 00:24   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Il ne suffit pas de lire l'allemand, il est aussi nécessaire d'avoir une connaissance des débats philosophiques et philologiques de l'époque pour comprendre certaines inimitiés entre les philosophes.

Merci de le rappeler.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 00:26   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Qui aurait cru qu' Il y ait des vaches sacrées sur le forum du PI ?

Té té té, les vaches sacrées c'est le truc de M. Lombart ! Fô pas toucher.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 00:28   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
C'est un faux débat et ça incite à beaucoup de réflexion ! Heidegger au commissariat ! Mais qu'elle est cette nouvelle tendance à aller chercher chez les philosophes ce qui peut les incriminer ? Je vois venir une vraie tradition redoutable: La création d'une police discursive qui aura pour but de soumettre les philosophes aux investigations judiciaires. Qu'est ce qu'il y a derrière cette procédure ? Faut-il soumettre les penseurs aux procès judiciaires depuis les pré-socratiques ? Où peut être que cela ne signifie qu'une décadence de la pensée contemporaine ? Mais au-delà de tout ça un but s'est déjà réalisé: Un homme qui a cherché à se faire valoir en ébruitant ce faux problème est maintenant très connu; bravo et félicitation pour lui et pour la machine médiatique qui l'a aidé. Baudrillard l'avait déjà dit: L'hypper réalité, la mort du réel, la souveraineté du virtuel a gagné. C'est MESQUIN !
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 00:38   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Heidegger au commissariat ! Mais qu'elle est cette nouvelle tendance à aller chercher chez les philosophes ce qui peut les incriminer ?

Une nouvelle tendance ? Une nouvelle tendance ??? Euh... vous plaisantez ?
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 00:43   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Non je plaisante pas monsieur K, c'est bien une nouvelle tendance, suivez un peu les polémiques et débats actuels et vous verrez cette nouvelle tendance !
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 07:56   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
suivez un peu les polémiques et débats actuels et vous verrez cette nouvelle tendance !

Oh moi, vous savez, je suis comme tous les vieux "réacs", il n'y a que les débats d'avant qui m'intéressent.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 08:18   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Tant mieux !
Citation

je me suis mis et cette fois pour de bon pas mal de forumistes à dos.

Pas moi, en tout cas, mon cher Rogemi, je vous l'assure. Mais j'avoue que le fait que ce document soit publié dans un journal (et même sous le titre de "feuilleton") ne m'intimide pas. Pour me résumer : je ne crois pas le document invraissemblable, mais, comme souvent, mal interprété par une sorte de bonne conscience facile. On n'a même pas pris en considération qu'en 1933 (est-ce bien la date du document ??), le régime n'était évidemment pas ce qu'il a laissé dans nos mémoires ! Heidegger a sans doute caressé l'idée, à un certain moment, de profiter d'un régime qui lui permette d'avoir une plus grande influence dans le monde universitaire, ce qui ne peut en tout cas pas annuler ce qu'il apporte aux lecteurs admiratifs de sa pensée, dont je suis.

À Monsieur K. : vous pensez que je m'égare car c'est vous, et non moi, qui établit un lien « entre un philosophe comme Heidegger, lequel fonde ses prétentions à la grandeur philosophique sur un éventuel dépassement (...) de la tradition philosophique occidentale, et les divers monothéismes ». Je ne visais, en l'occurrence, pour répondre à Jean-Marc, que le fait, pour un système totalitaire, de régenter la pensée.

Quel est le professeur qui, lors d'une délibération d'engagement d'un collègue, ne favorisera pas ses propres idées ?

À Virgile : « Résumons : tant qu'il est nazi, on a raison de ne pas se donner la peine de lire ces pages difficiles. Ils ne savent pas ce qu'ils perdent ! » C'est, cher Virgile, exactement ce que je pense. Même chose pour bien d'autres grands penseurs, suivez mon regard... À l'économie de lecture ainsi réalisée s'ajoute le plaisir vulgaire de faire trébucher un grand homme... (Au fait, vous m'en apprenez de belles sur Roger-Pol Droit ! Comment avez-vous appris cela ?)
Citation
virgil
Je comprendrais cette objection si Heidegger était accusé d'avoir été nazi dans un contexte anti-nazi. Or, à partir de 1933, quiconque était nazi ne se privait pas de le dire : on assiste même à une sorte de surenchère dans l'audace doctrinale.

À contrario, il y a, dans le film que je citais sur Furtwängler, cette réflexion de l'inquisiteur américain, au temps, donc, de la dénazification : « comment se fait-il que tant de gens, qui prétendent avoir sauvé des Juifs, disent en même temps qu'ils ne savaient pas ce qui se passait à leur égard ? »

Citation

Pour information, le texte rappelle que Hönigswald était "néo-kantien" ; or, un historien de la philosophie ne peut ignorer les conférences de Davos au cours desquelles Heidegger et Cassirer (notamment) croisèrent le fer à propos de l'interprétation de la pensée de Kant : les néo-kantiens durent admettre que l'approche heideggerienne était plus puissante et plus juste. Il y avait depuis un fort contentieux philosophique et institutionnel entre les néo-kantiens et Heidegger, les premiers se révélant plutôt mauvais perdants. Ne pas mentionner cet épisode, c'est ne pas signaler ce qui peut faire que Hönigswald et Heidegger n'étaient sans doute pas de grands amis.

Grand merci pour cette précision.

Citation

Je ne sais pas si Heidegger fut nazi ou non, s'il le fut combien cela dura, ce que cela signifia pour lui. Ce que je sais, c'est que toute la documentation qu'on me soumet chaque fois n'est pas probante, quand elle n'est pas tout à fait malhonnête. Et quand on veut tirer de ses textes philosophiques la preuve de son nazisme, je suis obligé de dénoncer le contresens volontaire et malhonnête là encore.

C'est exactement mon sentiment.
A Bernard Lombart : Je lis le Monde des livres depuis bien longtemps et Roger-Pol Droit, qui tint la rubrique philosophique pendant des années, presque tout seul, nourrit une détestation de Heidegger telle que cela altère un peu son jugement et qu'il juge exemplaire le livre de Faye. Il s'est aussi signalé par son éloge du livre de Gouggenheim dont la rigueur philologique, historique et philosophique était aussi défaillante.
Roger-Pol Droit se vante souvent de ne plus lire les livres de Heidegger : il les reçoit toujours, rédige parfois une compte-rendu d'où il ressort chaque fois que Heidegger était un dangereux nazi avant, pendant et après la période, que le livre publié soit un cours sur Héraclite, sur Platon ou des conférences portant sur la technique.
L'article de journal ne m'impressionne pas beaucoup non plus : reprocher à un néo-kantien son néo-kantisme ne me paraît pas faire aveu de nazisme frénétique. La formule finale est regrettable et on la trouve sous la plume de Heidegger à plusieurs reprises pendant la période du Rectorat. On ne la trouve plus après 1934 !
Ne pas lire Heidegger parce qu'on l'accuse d'être nazi sans d'être fait une idée de sa pensée, en lisant au moins les textes qui, du fait de leur date de publication, sont de toute façon insoupçonnables de nazisme, est à mon avis une bêtise. Lire "Être et Temps" est une expérience merveilleuse et unique.
Citation
Pas moi, en tout cas, mon cher Rogemi, je vous l'assure.

Je ne pensais pas à vous, cher Bernard, rassurez-vous.

Citation
Résumons : tant qu'il est nazi, on a raison de ne pas se donner la peine de lire ces pages difficiles. Ils ne savent pas ce qu'ils perdent !

C'est certainement vrai mais mon rejet est affectif, viscéral. Pour ma part j'aurais tendance à ne respecter que les penseurs qui ont souffert sang et eau pour écrire leurs oeuvres. Je pense à Pascal, à Nietzsche ou à Bernanos. Heidegger a mené une bonne petite vie, tranquille dans sa forêt noire idyllique et parcouru pépére ses Waldwege. Il n'a jamais pris le moindre risque. Alors ...
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 09:07   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Je ne visais, en l'occurrence, pour répondre à Jean-Marc, que le fait, pour un système totalitaire, de régenter la pensée.

J'ai presque envie de dire que par définition, un système, quel qu'il soit, est toujours totalitaire, et que donc, par définition (encore), il régente toujours la pensée, comme mécaniquement. Ainsi le soft totalitarisme liquidant tout vrai débat par excès de consensus fait disparaître la démocratie du même coup : l'excès de consensus est antidémocratique d'une autre façon.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 09:18   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Citation
Rogemi
Pour ma part j'aurais tendance à ne respecter que les penseurs qui ont souffert sang et eau pour écrire leurs oeuvres. Je pense à Pascal, à Nietzsche ou à Bernanos. Heidegger a mené une bonne petite vie, tranquille dans sa forêt noire idyllique et parcouru pépére ses Waldwege. Il n'a jamais pris le moindre risque. Alors ...

Holzwege cher Rogemi.
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 09:21   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
une bonne petite vie, tranquille dans sa forêt noire idyllique et parcouru pépére ses Waldwege

Ah parce que bouleverser de fond en comble le cours "naturel" de la philosophie occidentale vous appelez ça mener une petite vie bien pépère ??? Vous en avez de bonnes vous !
Merci, Virgil, pour ces informations. Je n'ai pas les même lectures que vous, et je ne connais, en somme, de Roger-Pol Droit que ses écrits sur l'Inde (notamment l'Oubli de l'Inde, qui n'est pas très bien écrit mais qui touche juste). À chacun ses allergies : Vladimir Jankélévitch, après la guerre, s'est châtré de toute la culture allemande, et comme Roger-Pol Droit, notre ami Rogemi, qui a pourtant beaucoup d'atouts dans son jeu, ne lit pas Heidegger...

Quand au "Heil Hitler", mon Dieu ! En 1933 ! Ce sont des formules administratives obligatoires ! Bien entendu, le jounaliste dans son feuilleton se gardera d'aller dans ce sens, on connaît la musique...

(J'ai passé beaucoup de temps, il y a quelques semaines, sur l'article de H. consacré à la Moira...)
Pour faire écho à Rogemi,

J'ai souvent imaginé Heidegger en train de s'attabler, après une promenade sylvestre, dans une riante auberge et de commander du chevreuil sauce aux airelles, avec des petites pâtes, suivi d'une Forêt noire, et d'un petit verre de vieil alcool, alors que le monde plongeait dans le chaos. Si ça se trouve Heidegger était végétarien...
Citation
Holzwege cher Rogemi.

Le Holzweg c'est le chemin sans issue, sans aboutissement cad être dans l'erreur. Waldwege ce sont les chemins de montagne par lesquels il faisait de la randonnée avec ses étudiants ou amis.
Citation
Ah parce que bouleverser de fond en comble le cours "naturel" de la philosophie occidentale vous appelez ça mener une petite vie bien pépère ??? Vous en avez de bonnes vous !

Oui pour arriver à la fin de sa vie et constater que pour que l'humanité s'en sorte il lui faudrait un Dieu pour la sauver !

Quel bouleversement ...quelle nouveauté ...

Citation
Die Philosophie wird keine unmittelbare Veränderung des jetzigen Weltzustandes bewirken können. Dies gilt nicht nur von der Philosophie, sondern von allem bloß menschlichen Sinnen un Trachten. Nur noch ein Gott kann uns retten. Uns bleibt die einzige Möglichkeit, im Denken und im Dichten eine Bereitschaft vorzubereiten für die Erscheinung des Gottes oder für die Abwesenheit des Gottes im Untergang; dass wir im Angesicht des abwesenden Gottes untergehen.
Comme quoi on peut lire un texte dans des sens radicalement opposés...
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 12:59   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Oui pour arriver à la fin de sa vie et constater que pour que l'humanité s'en sorte il lui faudrait un Dieu pour la sauver !

Le fruit d'une "lecture endurante"(J. Beaufret)...
Une majuscule qui en dit long...
A Rogemi,
Ce n'est parce que Heidegger ne se plaint pas qu'il n'a pas "souffert" pour écrire son oeuvre. Je me permets de vous signaler que ses oeuvres complètes une fois publiées devraient atteindre autour de 120 volumes, ce qui est considérable. Même si Heidegger avait des facilités de plume - ce qui n'est pas avéré - cela représente des heures de travail, et, auparavant, de méditation, car ce qu'il pense est souvent tout à fait original - notamment sa lecture de Kant ou de Platon, pour ne rien dire de celle de Nietzsche dont nous sommes tous redevables, souvent sans le savoir.
Quant au Holzweg, il ne signifie pas "être dans l'erreur", ,mais il s'agit d'un chemin forestier dont on ne sait où il mène et qu'on n'emprunte pas pour aller quelque part, mais pour aller, tout simplement.

Les traducteurs ont fait grand tort à l'auteur, à mon avis, en rendant l'expression par "chemins qui ne mènent nulle part". Ce qu'ils voulaient souligner, je crois, c'est que ce qui comptait c'était moins la destination que le cheminement : c'est au fond une manière de retrouver la vieille tradition de la promenade qui ne vise pas une destination, mais est à elle -même sa propre fin. Cette expression est à rapprocher de l'expression testamentaire de Heidegger : "Wege, nicht Werke" (des chemins, pas des oeuvres). Voilà ce qu'il espérait avoir laissé après lui.


A Jean-Marc, si vous voulez échapper à votre fantasme et nourrir utilement votre imagination, je vous recommande le livre de Frédéric de Towarnicki publié dans la collection TEL, chez Gallimard, il y apparaît au quotidien, sans cliché.
A Bernard Lombart, tous les noms (communs ET propres) prennent une majuscule en allemand. Celle que vous lisez relève d'un choix du traducteur, tout à fait défendable, mais tout à fait critiquable aussi.
Citation
virgil
A Bernard Lombart, tous les noms (communs ET propres) prennent une majuscule en allemand. Celle que vous lisez relève d'un choix du traducteur, tout à fait défendable, mais tout à fait critiquable aussi.

De même, certains auteurs ou traducteurs n'hésitent pas à mettre une majuscule au mot Dieu même lorsque celui-ci désigne une divinité païenne. La distinction entre dieu (pour les religions polythéistes) et Dieu (pour les religions monothéistes) fait partie de ces explications simplistes qu'affectionnent les instituteurs, mais que maints usages démentent (un peu comme la distinction entre deuxième et second).
Cher Virgil,

Rien de plus commun en allemand que le mot "Holzweg". Quand on vous dit "Du bist auf dem Holzweg" cela signifie que vous vous trompez que la voie choisie ne méne à rien.
Citation
Même si Heidegger avait des facilités de plume - ce qui n'est pas avéré - cela représente des heures de travail, et, auparavant, de méditation, car ce qu'il pense est souvent tout à fait original - notamment sa lecture de Kant ou de Platon, pour ne rien dire de celle de Nietzsche dont nous sommes tous redevables, souvent sans le savoir.

Mais je n'ai jamais mis en doute, cher Virgil, la force de sa pensée et de sa puissance de travail et je pense même qu'il a dû être un des 3 hommes les plus intelligents du 20 ème siècle.

L'aversion que j'éprouve pour l'homme est viscérale mais aussi liée à la déception de voir un intellectuel d'une telle envergure se laisser aller dans sa vie de citoyen à la facilité, à rester neutre et pire à collaborer avec la tyrannie.
Citation

tous les noms (communs ET propres) prennent une majuscule en allemand. Celle que vous lisez relève d'un choix du traducteur, tout à fait défendable, mais tout à fait critiquable aussi.

Je sais bien, of course, mais justement, Rogemi a mis la majuscule, ce qui tire Heidegger vers le christianisme ("à la fin de sa vie"...), là où, sans la moindre hésitation, je mets la minuscule et pas autre chose, ce qui le place d'emblée sur son terrain de prédilection, la Grèce antique (et même quand il s'agit de Hölderlin).
Ah non cher Bernard je ne tire nullement Heidegger vers le christianisme.

J'ai trouvé la pilule assez amère pour Heidegger. Etre obligé de constater à la fin de sa vie que seul un Dieu pourrait sauver l'humanité après avoir vitupéré toute sa vie contre le christianisme c'est fort de café.

Mais il se trouvera sur ce forum assez de gens pour me prouver par a + b que je n'ai strictement rien compris à cet entretien.
Mais alors, pourquoi la majuscule, Rogemi ? Dieu, avec la majuscule, c'est le monothéisme. Sinon, ce sont les dieux, sans majuscule, où "dieu " est un terme générique, comme pour "les hommes". Un dieu : parmi d'autres. Les hommes et les dieux : nous sommes dans l'antiquité...
12 juillet 2010, 17:47   Holzweg
Bien cher Virgil,


Le mot Holzweg est, en allemand littéraire, associé à l'idée d'erreur, voyez ce qu'en dit Martin Luther : "Die Welt wil doch der Wege keinen recht, sondern imerdar den Holzweg gehen."
12 juillet 2010, 17:48   Re : Holzweg
Ma Foi, bien cher Bernard, vous en seriez donc avec Dieu là où en est la ligne du Parti avec le Président ?

Et le Moine-bourru ? vous y croyez, au Moine-bourru ?
Citation
Bernard Lombart
Mais alors, pourquoi la majuscule, Rogemi ? Dieu, avec la majuscule, c'est le monothéisme. Sinon, ce sont les dieux, sans majuscule, où "dieu " est un terme générique, comme pour "les hommes". Un dieu : parmi d'autres. Les hommes et les dieux : nous sommes dans l'antiquité...

Et en allemand ? Quelle différence entre Gott et Gott ?
Citation
Dieu, avec la majuscule, c'est le monothéisme.

C'était inconscient cher Bernard il n'y avait aucune intention dans cette majuscule. Il a parlé d'un Gott (un dieu) pas de Dieu. La majuscule était de trop.

Il vaudrait mieux en ce moment que je n'intervienne pas car j'ai trop de travail.
12 juillet 2010, 19:13   Polythéisme
Bien cher Bernard,

Pour vous taquiner, je vous inviterai aux noces du polythéisme et de la typographie...

Que pensez-vous de cette couverture ?

[www.amazon.fr]
"Bete sie nicht an und diene ihnen nicht. Denn ich, der HERR, dein Gott, bin ein eifriger Gott" (2. Moses 20:5, Lutherbibel 1912)

"Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car c'est moi le SEIGNEUR, ton Dieu, un Dieu jaloux" (Exode 20:5, T.O.B.)

Comme quoi....
» Mais je n'ai jamais mis en doute, cher Virgil, la force de sa pensée et de sa puissance de travail et je pense même qu'il a dû être un des 3 hommes les plus intelligents du 20 ème siècle.

Juste par curiosité, cher Rogemi, qui seraient les deux autres ?
Bien cher Alain,


Je vais vous faire une révélation : il s'agit de vous et moi.
Bien cher Jean-Marc, vous avez un message privé. Que le reste de l'assemblée veuille m'excuser. La lecture de ce sujet est passionnante et très enrichissante mais je dois pour le moment me cantonner à un rôle de spectateur, me refusant à celui de sectateur.

Je voudrais néanmoins citer ce passage de Jean Wahl présentant la pensée de Heidegger, s'agissant notamment des rapports qu'entretient cette pensée avec celle des Présocratiques chers à Bernard (je trouve ce texte très beau):

Donc, tous les étants que sont les êtres humains sont sortis d'eux-mêmes et s'avancent dans le cercle de leur ouverture. Et ce caractère qu'ils sont d'ores et déjà auprès des choses doit donc s'accompagner du caractère d'être toujours d'ores et déjà avec les autres; tout être humain, en tant qu'il existe, partage avec checun de ses semblables le cercle d'ouverture qu'il apporte avec lui. Il est donc de l'essence de l'être humain d'exister comme un être avec, et de livrer aux autres ce qui lui est révélé du monde. Nous retrouvons ainsi les deux modes de découverture que nous avons distingués: les choses nous sont ouvertes, les choses sont trouvables pour nous, parce que nous sommes nous-mêmes ouverts. Donc, nous allons du caractère ouvert des choses au caractère ouvert de nous-mêmes. Il n'y a donc qu'un étant de notre genre, une eccéité fondamentale, qui puisse découvrir des choses manifestées, et à plus forte raison maniables; donc toute découverte de quelque chose de manifesté est en même temps partagée avec d'autres. Ici, dans des termes assez inhabituels, ce que nous retrouvons c'est une idée au fond ancienne de la vérité, à savoir que la vérité est communication, communion. Ce que dit Heidegger d'une façon très compliquée, c'est ce que disait Héraclite quand il parlait du logos et qu'il disait que le logos est commun. Ce qui distingue les hommes qui veillent des hommes qui sommeillent, disait-il, c'est que les hommes qui veillent ont un monde commun les uns aux autres.

Francis
Bien cher Francis,

Vous avez une réponse (malgré les apparences, je suis encore à mon bureau, ayant dîné de sushis).

Vous avez même deux autres messages !
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 21:09   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Mais je n'ai jamais mis en doute, cher Virgil, la force de sa pensée et de sa puissance de travail et je pense même qu'il a dû être un des 3 hommes les plus intelligents du 20 ème siècle.

Dire d'Heidegger qu'il est extrêment "intelligent" c'est un peu comme de dire que Wagner, c'est très joli... Heidegger, Cher Rogemi, c'est autre chose.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter