Je partage l'opinion de Virgil selon qui ce qui est enseigné dans les collèges et les lycées sous le vocable "latin" ou / et "grec" est tout ce que l'on voudra, sauf un enseignement suivi, régulier, systématique (bref un enseignement) des humanités ou des langues anciennes.
Le "texte" / "pétition" dans lequel des membres du jury du CAPES expliquent pourquoi ils ont démissionné de ce jury est effectivement faux et plein de mauvaise foi, ce qui n'augure rien de bon de la défense "passionnée" des humanités qu'il est censé susciter. La raison est simple : les démissionnaires font porter sur la réforme des épreuves du concours (placé à Bac + 4 au lieu de Bac + 3 : une année d'études supérieures supplémentaire est exigée des candidats) et sur la "mastérisation" (donc sur le Président de la République, alors que la réforme a été voulue par M. Darcos, que l'on ne peut pas soupçonner de détester les lettres anciennes) la responsabilité du désastre dans lequel s'abîment les humanités (langues anciennes, lettres, langue française, grammaire).
Le débat est récurrent. Il a opposé au XVIIe siècle les jésuites et les jansénistes, alliés de circonstance et pour qui les élites du royaume et de la chrétienté devaient être impérativement formées aux humanités ou par les humanités, aux salésiens, qui jugeaient ces connaissances inutiles dans le cadre d'une instruction de base destinée à tous les croyants ou fidèles, même les plus humbles. Le débat s'est terminé sur un partage des domaines : aux collèges les humanités; aux écoles de paroisse, la lecture, la morale, la religion.
Il a repris au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle, opposant cette fois-ci ceux qui jugeaient que les élites devaient recevoir dans les lycées une formation "moderne", fondée sur les sciences, les mathématiques, les techniques, jugées plus utiles que les lettres pour faire de la France un grand pays industriel, aux partisans des humanités (les lettres, la culture générale, les humanités sont mieux à même que les sciences pour aider de jeunes esprits à maîtriser les langages d'une culture ou d'une société). Ce débat s'est terminé par un partage à peu près équitable de la formation des "élites", suivant le domaine dans lequel celles-ci devaient exceller : sciences, techniques, ingénieries d'une part, lettres, droit, médecine d'autre part.
Ce partage est devenu caduc dans les années 1970. On en connaît les raisons idéologiques : "démocratisme", "égalité de tous devant la culture" (comprendre : puisque la culture est inégalitaire, il n'y a qu'à la réduire au minimum), "haine de soi", "fascination pour la table rase", "pédagogisme", non pas pour apprendre, mais pour formater les apprenants à la nouvelle société "ouverte", "partageuse", "multiculturelle" en gestation, etc. Cette idéologie s'est traduite en lois, consignes, règlements, réformes : 10% Fontanet, lois Haby, réforme Legrand, lois Jospin... En trente ans, le résultat a été le remplacement des humanités par les sciences dans les processus de sélection et les humanités ont été réduites à rien.
Le cocasse de l'affaire est que la plupart des démissionnaires ont approuvé par leur vote ou leur silence ou leurs choix syndicaux ce processus de destruction. Il est probable que certains y ont même participé allègrement en soutenant Jospin, Aubry, Royal, Le Pors, mamère, Voynet ou même Besancenot.