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Communiqué n° 1095 : Sur les grèves et manifestations contre la réforme de retraites

Communiqué n° 1095, mardi 7 septembre 2010
Sur les grèves et manifestations contre la réforme de retraites

Le parti de l'In-nocence considère que les grèves et manifestations de ce jour contre la réforme des retraites témoignent à peu près autant de maturité politique, de la part des organisateurs et des participants, que le feraient des manifestations ou des grèves contre le cancer, le sida ou les inondations. Il lui semble évident que le volet social de la présidence de M. Nicolas Sarkozy sera jugé au succès ou à l'insuccès de cette réforme, et qu'on lui saura gré, puisque, de l'avis général elle est indispensable (quoique nécessairement amère), d'avoir réussi à la mener à bien. Quelle sagesse politique, dès lors, peut-il y avoir à essayer de l'empêcher, alors qu'on sait bien que si elle échoue elle devra être remise sur le métier par le même gouvernement ou un autre, avec plus d'urgence et plus de rigueur encore ?

Le parti de l'In-nocence est bien conscient néanmoins de la nécessité de négociations précises sur certains point de détail, qui évidemment n'en sont pas pour les intéressés ; et par exemple sur l'importante question de la pénibilité, qui bien sûr doit être scrupuleusement prise en compte, dans la mesure toutefois où l'ensemble du projet ne s'en trouve pas remis en cause.

Le parti de l'In-nocence s'étonne d'autre part de la constante mise en avant des droits prééminents des personnes qui ont très tôt dans leur vie commencé à travailler, c'est-à-dire à être salariées. On dirait, à suivre les raisonnements en leur faveur que les autres, celles qui faisaient des études, et en particulier de longues et dures études, ne "travaillaient" pas. C'est reprendre la vieille terminologie du parti communiste, pour qui il n'y avait de travailleurs que les travailleurs manuels. Une telle façon de voir est étonnante au sein d'une société qui prétend développer la connaissance et démocratiser les diplômes. On pourrait croire, à épouser ces points de vue paradoxaux, que ceux qui font des études sont des paresseux qui passent dans l'oisiveté leurs années les plus productives et que ceux qui n'en font pas, parce qu'ils n'en ont pas les moyens, pas l'envie ou pas la volonté, sont les seuls travailleurs authentiques.
« Aucune population de retraités n’est aussi riche (par rapport au salaire moyen) que les Français. En 1993, la France est parvenue à une sorte de point limite : les retraités français de soixante ans et plus avaient atteint le même niveau de richesse que les actifs qui subvenaient à leurs besoins. En 2000, les retraités français étaient de 15 à 20% plus riches en moyenne que les actifs. »
« Pour ceux nés entre 1920 et 1950, c'est un succès fantastique. Pour ceux nés entre 1950 et 1960, le bilan est mitigé. Et pour ceux nés après 1960, c'est un échec. L'Etat providence, pour eux, c'est une longue attente dans une queue à l'ANPE, des impôts, un système d'assurance sociale trop lourd et une qualité de vie inférieure à celle de leurs parents. » Timothy B. Smith
La préférence pour les retraités continue. Les retraites dorées ne seront pas touchées par la réforme. Les adultes paieront des retraites et sacrifieront les jeunes. L'immigration massive a de beaux jours devant elle. Mais les vieux votent Sarkozy, alors...touche pas à mon vieux il vote pour moi!
J'apprécie beaucoup le troisième paragraphe de ce communiqué, qui soulève en effet un point qui n'est quasiment jamais abordé...
A propos du troisième paragraphe, on pourrait rétorquer que le travail manuel est tout de même plus "usant" physiquement que les études intellectuelles, surtout si on a commencé à travailler très jeune. L'espérance de vie des ouvriers est bien moins élevée que celle des cadres ! C'est cela qui, à mon avis, pourrait justifier des droits prééminents des personnes qui ont très tôt dans leur vie commencé à travailler. Je ne pense pas qu'il faille y voir forcément un dénigrement des études intellectuelles...
On pourra aussi remarquer que ce sont ceux qui ont les conditions de travail les plus pénibles (notamment les ouvriers du bâtiment) qui font le moins souvent grève (au contraire des fonctionnaires, par exemple).
Je ferai remarquer que ceux qui ont travaillé à compter de l'âge de 14 ans ont cotisé à une caisse de retraite et que, dès qu'ils ont perçu leur premier salaire, ils ont contribué aux retraites de ceux qui avaient plus de 60 ou de 65 ans, alors que, à ma connaissance, les lycéens et les étudiants n'ont jamais cotisé à quelque caisse de retraite que ce soit pendant leurs études. L'argument avancé dans le 3e § serait recevable si les recettes des caisses de retraites étaient constituées par l'impôt. Ce n'est pas le cas - sauf pour les fonctionnaires et les bénéficiaires de régimes spéciaux. Le principe actuel est celui de la répartition et de la proportionnalité entre la pension perçue après 60 ou 65 ans et les sommes cotisées pendant x années. La référence au PCF me paraît non seulement inexacte, mais aussi contradictoire, les militants et électeurs du PCF n'étant plus ouvriers, mais fonctionnaires - c'est-à-dire que des pensions leur sont versées grâce aux prélèvements effectués par l'Etat sur le travail des autres.
Je partage l'avis de JGL : si une personne a cotisé plus tôt, elle me paraît avoir le droit de prendre sa retraite plus tôt...

J'ai fait de longues études et, pendant toutes ces études durant lesquelles j'ai beaucoup travaillé, j'ai bénéficié des impôts des contribuables, ce qui est une rémunération indirecte. Je ne trouve donc pas scandaleux que ces années-là ne soient pas mises sur le même plan que des années de travail manuel.

Par ailleurs, dans la première partie de ma carrière, j'ai travaillé dans l'industrie du BTP. Je puis vous dire qu'un ouvrier des travaux publics qui a commencé sa carrière à seize ans est usé à cinquante, et qu'on doit ensuite lui trouver une autre affectation. Il n'est pas injuste qu'il perçoive sa retraite tôt. Il en va de même pour une caissière de supermarché qui fait un travail pénible par ses horaires et ses contacts difficiles.

En revanche, un "cadre", une personne d'une profession libérale et la majorité des fonctionnaires peuvent tout à fait attendre les soixante-cinq ans.
Premier jour de rentrée en France... (Mais les Belges n'ont pas de leçon à donner, car chez eux, ce qui prête à rire leur laisse une fameuse balle dans le pied...)

Il me semble que tout se passe comme si cette réforme des retraites n'avait pas été préparée le moins du monde. La plupart des manifestants interrogés mettent en avant une injustice sociale, la pénibilité du travail de certains secteurs, etc. « Moi, Monsieur, dans l'état où je suis, je ne pourrais pas travailler deux ans de plus, j'en mourrais... », alors qu'ils ne sont pas du tout concernés puisque la règle qui s'appliquerait à eux ne le serait, si j'ai bien compris, qu'en 2018 !
Les slogans des manifestants sont imbéciles, mais cela ne veut pas dire que les ouvriers ne devraient pas avoir un droit à la retraite plus tôt que les professions intellectuelles.

On ne peut pas se lamenter que les Français ne veulent plus de ces métiers si on ne met pas en place une incitation, ou alors ne nous étonnons pas de voir ces postes de travail pris par des immigrés faute de Français.
Citation
Jean-Marc
mais cela ne veut pas dire que les ouvriers ne devraient pas avoir un droit à la retraite plus tôt que les professions intellectuelles.

Je n'ai entendu personne, absolument personne, cher Jean-Marc, mettre cela en cause. J'en conclus que ce n'est pas ce dont il s'agit, même si les slogans ne reprennent pour ainsi dire que cela, qui a un air d'évidence et de scandale.
Bernard,

Je parlais de ce passage du communiqué :

Le parti de l'In-nocence s'étonne d'autre part de la constante mise en avant des droits prééminents des personnes qui ont très tôt dans leur vie commencé à travailler, c'est-à-dire à être salariées. On dirait, à suivre les raisonnements en leur faveur que les autres, celles qui faisaient des études, et en particulier de longues et dures études, ne "travaillaient" pas. C'est reprendre la vieille terminologie du parti communiste, pour qui il n'y avait de travailleurs que les travailleurs manuels. Une telle façon de voir est étonnante au sein d'une société qui prétend développer la connaissance et démocratiser les diplômes. On pourrait croire, à épouser ces points de vue paradoxaux, que ceux qui font des études sont des paresseux qui passent dans l'oisiveté leurs années les plus productives et que ceux qui n'en font pas, parce qu'ils n'en ont pas les moyens, pas l'envie ou pas la volonté, sont les seuls travailleurs authentiques.

On ne saurait à mon sens comparer études quand on a vingt ans et travail salarié quand on a vingt ans : je n'étais pas paresseux, mais je n'étais pas exténué non plus, et j'avais beaucoup d'occasions de distraction.
Tout cela me remet toujours en tête le citation (dont je ne saurais dire au juste si elle n'est pas apocryphe...) de Péguy :

Ils ne pensent qu'à leur retraite. Leur idéal d'hôpital d'État, une immense maison finale et mortuaire. (…) Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à la retraite. (...) Toute leur vie n'est pour eux qu'un acheminement à cette retraite, une préparation de cette retraite, une justification devant cette retraite. Ils veulent aussi y préparer le monde. Toute leur pensée est de mettre l'esprit humain en état de prendre sa retraite et de jouir de sa retraite.
"Le parti de l'In-nocence considère que les grèves et manifestations de ce jour contre la réforme des retraites témoignent à peu près autant de maturité politique, de la part des organisateurs et des participants, que le feraient des manifestations ou des grèves contre le cancer, le sida ou les inondations."

Je me demande si cette équivalence est bien judicieuse car elle revient à faire passer la réforme des retraites, précisément, pour un fléau naturel contre lequel il est vain de manifester.

Il semble décidément que plus personne ne peut aborder directement ou indirectement le thème du travail sans dérailler quelque peu. A mon humble avis (et éventuel déraillage), si cette réforme jette autant de manifestants dans la rue, c'est qu'il est question de bien plus que de simple "départ à la retraite", comme avec ces référendums où l'on répond toujours à plusieurs questions sous couvert d'une prétendue simple demande en oui ou non. Le départ à la retraite n'est que la pointe de l'iceberg d'une inquiétude beaucoup plus difficile à cerner autour de la question générale du travail.
« C’est toujours le système de la retraite. C’est toujours le même système de repos, de tranquillité, de consolidation finale et mortuaire.
Ils ne pensent qu’à leur retraite, c’est-à-dire à cette pension qu’ils toucheront de l’Etat non plus pour faire, mais pour avoir fait (ici encore ce même virement de temps et de chronologie, cette même descente d’un cran, cette mise du présent au passé). Leur idéal, s’il est permis de parler ainsi, est un idéal d’Etat, un idéal d’hôpital d’Etat, une immense maison finale et mortuaire, sans soucis, sans pensée, sans race.
Un immense asile de vieillards.
Une maison de retraite.
Toute leur vie n’est pour eux qu’un acheminement à cette retraite, une préparation de cette retraite, une justification devant cette retraite. Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à cette retraite. Mais c’est pour en jouir, comme ils disent. » note conjointe sur Mr Descartes p 1417 t 3 pléiade
Jouir de la retraite et tant pis si c'est sur le dos des actifs! et tant pis si ces actifs exploités par les retraités n'ont pas d'enfants (ou si peu) . le cimetière est le seul horizon du monde post historique, mais le plus tard possible et en attendant:" Eclatons nous!"
Merci M. Bellini, merci, pour citer ici celui qui avait ouvertement et si justement accusé la fatigue de ne jamais se fatiguer. J'espère mourir à la tâche, ou à défaut de tâche, mourir indolent et las, battant à plate couture la fatigue jamais lasse, mais je me fais fort, et dans mon cas, c'est facile, de ne jamais mourir retraité, pensionné des actifs, quel que soit l'incalculable nombre de mes années de labeur et de généreuse cotisation au néant de passage.
Le texte de Péguy est de 1909. Les hommes dont il parle ainsi et qui nous apparaissent vautrés dans leur désir de petite vie tranquille le suivirent le 5 septembre 1914.
Tout de même ! Moi, je dois travailler jusqu'à 65 ans, et ce ne sera pas en 2018...
"Merci M. Bellini, merci, pour citer ici celui qui avait ouvertement et si justement accusé la fatigue de ne jamais se fatiguer. J'espère mourir à la tâche, ou à défaut de tâche, mourir indolent et las, battant à plate couture la fatigue jamais lasse, mais je me fais fort, et dans mon cas, c'est facile, de ne jamais mourir retraité, pensionné des actifs, quel que soit l'incalculable nombre de mes années de labeur et de généreuse cotisation au néant de passage."

Bravo à tous, bravo à ces chevaleresques déclarations, ces professions de foi en la vie, bravo à tous ces Molière qui s'engagent à mourir en scène mais si la conduite de ma vie va plutôt dans ce sens, je n'aurais cependant pas l'audace de la présenter comme un sort commun à tous, tout comme si, ne prenant pas de vacances, il ne me viendrait pas à l'idée de vomir sur l'existence des "congés payés". Cette façon d'être au monde façon Peguy, Marche, Bellini et celui qu'il cite (je ne sais pas), et d'autres, et moi peut-être, à quoi sert-il de s'en parer, de faire comme si elles devaient être l'ordinaire de tous ? A quoi sert-il de railler ceux qui osent prétendre vouloir, oui, mourir retraité, avec le sentiment d'un repos mérité ? Pourquoi avoir l'air de rêver à une nation de héros ?

De façon plus générale, si les gens manifestent massivement pour cette affaire de "retraite", c'est plutôt, à mon avis, contre les conditions du travail, ce que le travail est devenu, qu'ils manifestent. Depuis des lustres qu'on leur bourre le crâne avec cette idée que le travail salarié est seule source de "réalisation" de soi et ils se sentent comme qui dirait floués par cette promesse. Si, comme on le leur a seriné, ils se "réalisaient" dans ce qu'est devenu le "travail", ils applaudiraient à l'idée de ne pas quitter ce monde enchanté.
08 septembre 2010, 20:53   Tommy Cooper, le non retraité






(l'homme mourut ainsi, en feignant de s'effondrer, entretenant son public dans l'hilarité jusqu'à son dernier souffle)
Cher Francis,

N'auriez-vous pas un clip vidéo d'un cariste septuagénaire écrasé par un container, ce serait bath.
Sans vouloir désirer une "nation de héros", comme vous le dites, cher Orimont, on peut à tout le moins se permettre de souhaiter que les aspirations de la population française, qui n'apparaît pas comme la plus mal lotie au regard du sort de milliards d'autres êtres humains, fussent un peu moins exclusivement tournées vers les intérêts matériels et le souci de son confort (fût-il "mérité") ; il me semble que l'amollissement moral et physique, la veulerie que l'on croise désormais à tous les coins de rue proviennent aussi de cette attitude générale face à l'existence, et qui n'est faite que de revendications, d'exigences en tout genre et de récriminations infinies.
Cher Francmoineau,

La population française n'est pas la plus mal lotie écrivez-vous et, sans doute, comparée à la population pakistanaise, elle n'a strictement aucun droit à la ramener. Cependant, ce genre d'arguments me rappelle ces parents qui lancent à leurs enfants qui boudent devant leur soupe qu'il y en a d'autres qui meurent de faim. La population française est comme tout le monde, c'est avec les temps qu'elle a connu qu'elle compare et ces temps, pas si lointains, lui semblent incomparablement meilleurs que ceux d'aujourd'hui et spécialement au travail. Si les porteurs de poil dans la main ont pu faire sourire (ce qui n'est plus le cas), les Français ne sont pas des fainéants mais pas non plus des boeufs ni des singes. Pour ce qui est de la production, ils ne sont pas les derniers de la classe, à ce que j'ai pu comprendre.

Vous évoquez "l'amollissement moral et physique, la veulerie que l'on croise désormais à tous les coins de rue proviennent aussi de cette attitude générale face à l'existence, et qui n'est faite que de revendications, d'exigences en tout genre et de récriminations infinies." Comment expliquez-vous qu'un peuple qui n'a jamais été défini par cet "amollissement moral et physique" (hormis au moment de l'installation au pouvoir du Maréchal Pétain où "l'amollissement" avait nom "congés payés"), soit devenu tel que vous le décrivez ? Pour ma part, je crois que la population française est malade de ce qu'est devenu le travail, et que cette affaire de retraite n'est qu'une occasion de manifester cette maladie, de le manifester assez mal, j'en conviens, aussi mal, en tout cas, que toutes les aberrations qui peuvent s'entendre au sujet du travail à l'ère technique, comme cette reine de l'aberration ou du mensonge qui s'appelle le plein-empoi.

Bon, je me sens bien seul, sur ces sujets et, par conséquent, le soupçon de rabâcher prend des airs de certitude. Allez ! Tous au boulot les gars, relevez vos manches, cordonniers, forgerons, laboureurs, terrassiers, copistes et menuisiers !
Non, Orimont, vous n'êtes pas seul. Vos commentaires sur la façon de percevoir le travail aujourd'hui m'on toujours paru pertinents en particulier s'agissant du plein emploi et du rôle des machines. Ne craignez pas de poursuivre votre réflexion , si originale, sur ces sujets
(Message supprimé à la demande de son auteur)
A quand une suite d'entretiens sur le travail avec Orimont Bolacre ?

Je me sens profondément solidaire de votre pensée, Cher Orimont, mais ma voix ne compte pas car je suis fonctionnaire et j'ignore donc ce qu'est le travail.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Le travail est au fonctionnaire ce que la grossesse est à la femme : une chose qui arrive quelquefois et même un grand bonheur lorsqu'elle arrive, mais une femme sans enfant n'en est pas moins femme pour autant... (au reste, les fonctionnaires qui travaillent sont en général, et de beaucoup, les plus coûteux pour le contribuable, car leur travail créé avant tout du travail pour d'autres fonctionnaires... sans compter que leurs erreurs sont lourdes de conséquences... autant d'inconvénients que nous épargnent ceux qui dorment sagement, pénétrés qu'ils sont de la noblesse de leur fonction).
Bonsoir, cher Agrippa. Votre pensée est profonde mais vous êtes fin maïeuticien. Le bon fonctionnaire serait la femme enceinte qui n’accoucherait pas. Vous ai-je bien compris ? Que la nuit vous soit douce.
Cher Didier,

Ne dit-on pas qu'il vaut mieux s'adresser au bon Dieu qu'à ses Saints ? Renaud Camus n 'est-il pas l'auteur de certain petit livre très engageant sur le thème Qu'il n'y a pas de problème de l'emploi ? Qu'en pense-t-il aujourd'hui ? N'est-ce pas à lui qu'il faudrait poser la question ?

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Les blagues sur les fonctionnaires de la part d'un juriste : tordant.
Parler d'emploi, de travail, de fonctionnaires, c'est préférer l'abstraction aveugle et totalisante à la dure et multiple réalité du monde posthistorique. Qu'est ce qu'un fonctionnaire? un professeur, une infirmière, un agent d'ambiance dans une FIAC? Qu'est ce que le travail? autrefois c'était une transformation du monde bien identifiée, mais aujourd'hui? le consulting ? le marketing? la modélisation? le coaching?
Et l'emploi? celui d'un gendarme à Bergerac a-t-il quelque chose à voir avec celui qui a un CDD de 6h par semaine dans un service de nettoyage chez Veolia au milieu de "sans papiers" esclaves du neocapitalisme mondialisé?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Cela fait plaisir de vous lire à nouveau, cher Eric Veron ! Oui en effet, par respect pour le citoyen et pour ses collègues, le bon fonctionnaire doit avoir la délicatesse de ne pas succomber à l'ivresse dangereuse du labeur, ni d'accoucher d'idées nouvelles tous les trois jours, qui menaceraient le principe d'ordre immuable auquel il est voué. Le vrai fonctionnaire sait que sa tâche est avant tout d'ordre métaphysique et même mystique. On ne dira jamais assez les méfaits du zèle des "bureaucrates à initiative". Pour moi, le brave Adrien Deume est le vrai héros du livre d'Albert Cohen. Ô travail, Sainte loi du monde, ton miracle va s'accomplir !
M. Bellini souligne avec raison l'extrême diversité des situations recouvertes par le mot "travail". Hélas la distinction coutumière entre les secteurs publics et privés retarde la prise de conscience d'une nouvelle réalité : tous les hommes sont aujourd'hui mobilisés pour faire tourner la Machine, le plus vite possible. On n'a plus besoin du savoir-faire de l'artisan, du dévouement du fonctionnaire, du sourire du marchand, du charisme du patron : tout cela ne sert plus à rien dans le monde d'après. Les valeurs au nom desquelles l'employé du secteur privé stigmatise la fonction publique appartiennent au passé. Les fonctionnaires sont jetés aux oubliettes, conspués - souvent à juste titre - par la foule qui se lève tôt et fait tourner l'Economie; mais ils sont remplacés par un staff d'esclaves livides et de négriers sans foi ni loi. Les nouveaux "services" payants sont quick and dirty, et feront bientôt regretter les lourdes et confuses prestations des mammouths étatiques.
« Quand s'épuisera le monde classique, quand seront morts tous les paysans et les artisans, que l'industrie aura fait tourner sans répit le cycle de la production et de la consommation, alors notre histoire aura pris fin. » P.P.Pasolini. les paysans sont devenus des agriculteurs; les artisans , des installateurs, les professeurs des enseignants....Ceux qui par leur travail transformaient un monde qu'ils croyaient perfectible disparaissent sous nos yeux. L'Europe était transformation du monde, elle est devenu parc d'attraction où des présidents de la république rencontrent des futures femmes de président...devant les caméras de télé. Le monde n'est plus à transformer, seulement à consommer. Alors le travail???
La notion de pénibilité, elle aussi, recouvre une réalité infiniment plus complexe que les mesures du gouvernement ne le laissent penser. En fait, seule l'usure physique est prise en considération - et selon des normes chiffrées tout à fait simplistes.

Il suffit pour le prouver de prendre ici et là des exemples concrets.

J'ai eu pour collègue, dans la bibliothèque où je travaillais, une dame qui était tombée gravement malade suite aux agressions répétées d'une misérable chef d'équipe. Son statut ne l'avait aucunement protégée de cette "pénibilité" psychologique. Elle a survécu à son cancer et depuis l'année dernière, elle travaille dans l'entreprise de son fils qui a réussi dans l'informatique.

Le frère d'un de mes amis travaille depuis vingt ans dans un abattoir. C'est un travail très rude, et dangereux. Il ne semble pourtant pas en souffrir. Il y a trouvé son compte, prenant un peu de galon grâce à son sérieux et son expérience. Le dimanche, il se lève à 4h du matin, comme en semaine, pour aller à la pêche. Il n'est jamais fatigué, ne se plaint pas, et si le travail ne le rend pas heureux, il lui donne une stabilité.

Une année d'enfer dans une administration détruit un individu, vingt ans de bagne dans l'industrie alimentaire sont la morne et confortable routine d'un autre.
La pénibilité intrinsèque aux tâches d'un travail, inscrites dans un profil de poste, que celui-ci soit dans l'industrie ou dans le tertiaire et la fonction publique est indépendante de tout harcèlement indu, constitue un aléa non lié à la souffrance induite par le harcèlement d'un petit chef, lequel peut sévir avec le même mordant dans un abattoir insalubre que dans les locaux feutrés et climatisés de la Très Grande Bibliothèque. Le caractère non lié de ces deux aléas fait que le harcèlement cause de cancer du sein ou de la prostate chez ses victimes s'annule (puisque les chances qu'il se manifeste dans les deux milieux ou conditions sont égales) dans cet exercice de comparaison: l'on peut très bien découper des matelas d'amiante au couteau de boucher dans un atelier insalubre où l'on inhale des vapeurs de colle industrielle interdite par la nomenclature UE en étant du matin au soir ou du soir au matin si l'on fait les trois huit, accablé(es) par les gueulantes et les sarcasme bas d'un petit chef à deux doigts de la retraites et qui pourtant, par sadisme, se refuse à la prendre; et inversement, l'on peut couler des jours heureux à faire du tricot et à papoter entre les pots de fleurs d'une réception climatisée en zyeutant avec morgue le chaland égaré qui n'osera pas vous aborder de crainte de mal faire, et atteindre ainsi précocement l'âge d'une retraite de fonctionnaire plus heureuse encore. Bref, Olivier, cesser, de grâce, de nous dissimuler votre bonheur.

Quant au cancer, aléa biologique, nous l'avons tous, nous l'avons tous eu, et, parce que nous sommes encore vivants, nous l'avons tous tué dans une nuit d'amour. Les nuits d'amour servent à cela: tuer le cancer jusqu'au petit matin.

Jouissez mes petits lapins. Et ne vous cachez plus votre bonheur.
Vous auriez raison, Francis, si la réalité du travail n'était pas faite que d'aléas. Il peut même arriver qu'un homme soit maintenu en bonne santé parce qu'il pratique une activité pénible, qui sait ? Ce sont les cas individuels qui doivent nous occuper, pas une classification théorique; et c'est précisément ce que prouve la souffrance d'un individu théoriquement protégé de toute "pénibilité". Je ne dis évidemment pas que le métier de bibliothécaire doive être reconnu comme un métier à haut risque, je dis que les catégorisations du travail sont ineptes, car il n'y a que des situations singulières. Je suppose que le DRH de France Telecom considère que les conditions de travail dans son entreprise sont parfaitement "normales", qu'elles ne doivent en principe mener personne au suicide, et même, oui, qu'elles sont propices à un certain bonheur. La pression hiérarchique fera bientôt partie intégrante du monde du travail, dans tous les secteurs.

Mais peut-être n'avez-vous pas eu de petit chef au-dessus de vous depuis longtemps, M. Marche ?
"Correspondant du pôle rayonnement" : c'est un emploi? un travail? un job? en tout cas ce n'est pas un métier. Où sont passés les métiers d'antan? Tous ont été tués par la course aux gains de productivité. Il ne reste que des "correspondants du pôle rayonnement" qui tous aspirent aux grandes vacances , c'est à dire la retraite. Le mot retraite, si négatif autrefois( c'était la fin de la vie active, presque la mort) est devenu totalement positif. Pourquoi? Parceque nous n'aspirons plus qu'aux loisirs et à la mort: "Mes ancêtres européens avaient travaillé dur, pendant plusieurs siècles; ils avaient entrepris de dominer, puis de transformer le monde, et dans une certaine mesure ils avaient réussi. Ils l’avaient fait par intérêt économique, par goût du travail, mais aussi parce qu’ils croyaient à la supériorité de leur civilisation: ils avaient inventé le rêve,le progrès, l’utopie, le futur. Cette conscience d’une mission civilisatrice s’était évaporée, tout au long du XX siècle."
Avez-vous remarqué qu'aux expositions sur les vieux métiers qui fleurissent un peu partout l'été, on n'y présente jamais le plus vieux métier du monde ?

Ce n'est pas celui auquel vous pensez, mais celui d'agent de renseignement. En effet, de tout temps, pour savoir où étaient ces dames, il a fallu s'adresser à lui...
Oui, mais justement, le vrai renseignement est discret.
15 septembre 2010, 04:46   I and I
Heureux à mon tour que vous n'ayez pas pris mon commentaire un peu dingue en mauvaise part, cher Olivier.

Il y a longtemps que je n'ai pas eu de petit chef sur le dos, en effet, mais j'en ai un autre, largement aussi pénible que tous ceux que j'ai connus avant lui: un certain Francis Marche. L'avantage est que je peux lui faire fermer sa g... quand il me tarabuste un peu trop sans risquer le licenciement pour indiscipline, l'inconvénient majeur est évidemment que je ne peux m'arranger pour le faire licencier ou mettre à pied pour harcèlement moral: il est protégé par la Direction. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot: je crois savoir qu'il brigue une promotion en ce moment, et là, je l'attends au tournant..
15 septembre 2010, 05:55   Remède contre le cancer
» mon commentaire un peu dingue

On jurerait un coup des "yeux des garces".
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