Le site du parti de l'In-nocence

On peut avoir vingt ans et dire que la France est belle, et qu’elle mérite d’être vécue.

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Oui un peu, mais toujours très subjectivement. L'objet n'étend son règne sur nous qu'en empruntant à notre subjectivité. C'est le cas fameux de l'électron qui n'est nulle part, qui est nuage, champ et qui, quand l'observateur se penche sur sa localisation, le pense, l'appréhende, l'entend comme nature corpusculaire, le voilà qui apparaît, se localise et fait disparaître le nuage de ses possibilités.
Oui, oui même pas besoin de transitivité pour ça. Que dites-vous de ce seul mot VIVRE... écrit au-dessus d'un yaourt au bifidus ?

Oui en effet: VIVRE s'accole alors physiquement à l'objet physique yaourt au bifidus qui n'a plus même besoin d'être nommé.
Je voulais dire, cher Eric Veron, que l'essentiel me paraît, surtout dans le cas d'un parti comme celui de l'in-nocence, d'essaimer les esprits tant qu'il est encore temps, de "se reproduire" comme, en un certain sens, le maître se reproduit par le disciple. Mais l'emploi de ce verbe dans ce sens figuré me semble tout bien réfléchi assez malheureux... Il m'évoque tout compte fait une sorte de clonage, alors que j'avais tout autre chose en tête. L'essentiel, à l'heure où nous parlons, à mon sens, est de porter le doute et la polémique là où l'idéologie a fait taire tous les pourquoi.
15 novembre 2010, 15:18   Re : La Négresse blonde
Citation
Renaud Camus
M. de Consigny (sans doute descend-t-il du maréchal d'Ancre...) n'a pas dit que l'Occident négressait, Francis Marche, vous exagérez (ou bien vous voulez le faire manger tout cru par le Cran, après le hors-d'œuvre Guerlain) (c'est dommage, c'était joli, l'Occident négresse).

Il me semble que Francis Marche a commis ce que Freud appelait "lapsus révélateur"...
Il y a trente ans, la promesse politique qui s'affichait sur les murs des villes de France avait nom "Changer la vie!". Voilà. C'est fait. Les artisans de ce changement, les amis du président d'alors, était tous des publicitaires. Ils sont parvenus à altérer la vie au point que cette altération se trouve désormais consignée dans le langage ("la France mérite d'être vécue" et autre pataquès)
Finalement, nous ne sommes que des touristes égarés.
En tout cas, Francis Marche, vous méritez vraiment d'être vécu.
Cher Francis Marche, voici une définition que donne le Littré pour "respirer" :
6°Activement. Attirer par la respiration. Le premier air que nous respirons nous sert à tous indifféremment à former des cris, BOSSUET, Gornay. De quel front cet ennemi de Dieu Vient-il infecter l'air qu'on respire en ce lieu ? RAC. Athal. III, 5.
Il y a donc apparemment un sens de respirer, mais qui n'est pas celui auquel vous faisiez allusion (et que le Littré donne en premier) qui peut fonctionner en régime direct. Mais veuillez m'excuser si je me trompe.
(Pour vivre, en revanche, le Littré est catégorique : "7°Il se construit avec certains noms de temps et d'une manière qui pourrait faire croire qu'il a un régime direct ; mais il n'en est rien : c'est une ellipse de pendant, durant". et "19°Il s'emploie quelquefois activement, avec le mot vie ou un nom de temps pour régime. ").
Oui, vous avez raison cher Jean, et bien sûr avec Littré, il est difficile d'avoir tort. "Respirer" corrompt déjà, dès son premier souffle, la vie qui fait avec lui ses premiers pas et qui, à cause de lui, commence à absorber l'impureté d'un complément d'objet direct, ne fût-il autre que celui de la neutre et immédiate atmosphère.
(J'oubliais : le Littré donne "vivre" comme deuxième sens de respirer).
(Et le septième sens (et d'autres) que donne le Littré, "exhaler" (sens attesté dès le XIIIe siècle), permet aussi le complément d'objet direct si je ne me trompe pas : "Mes crimes désormais ont comblé la mesure ; Je respire à la fois l'inceste et l'imposture" Racine - mais voici la page (Littré) (je n'ai pas la chance d'en posséder la version papier)).
Avec Je respire à la fois l'inceste et l'imposture nous sommes dans le verbe racinien, pétri de métonymie, très loin de la physiologie du verbe commun. Je respire intransitif veut dire, dans toutes les nobles civilisations du vivre et de la pensée, la grecque, la chinoise: je vis, je me tais, je vis, je tiens la corde de l'être, je me réserve pour la pensée, tout mon être est en état de réserve et d'entretien..

Ce respir est le qi ( 氣 ) chinois, immense et invisible réserve de la pensée.
Cher Jean, c'est peine perdue, Francis ne veut absolument pas mettre le pied hors le noueux et puissant principe d'identité, faisant tenir l'être tout entier comme une promesse dans le creux de la main, déçue si jamais tenue.
En rapport avec la cigarette : A vingt ans on est immortel, alors arrêter de fumer à cause d'une éventuelle maladie dans 30 ou 40 ans....

Il faut savoir ce que l'on préfère, le preux chevalier ou le freluquet hypocondriaque. Je ne fais en aucun cas l'apologie de la nicotine, mais je préfère des arguments tels que la perte de goût (c'est gênant quand on est gourmet) et de souffle au développement éventuel d'une maladie. Dans tous les cas que sont ces conseils face à la fougue de ce jeune ?
Le défaut de se croire immortel, en effet, n'est pas un défaut, mais il le devient quand cette croyance s'étend à ceux que l'on contraint à "respirer" votre poison en leur prêtant la même inconsciente bonne santé qu'à soi-même.
Oui mais là vous me parlez d'un problème d'éducation et de vivre ensemble.

Les gaz des pots d'échappement et des avions, les insecticides, les produits ménagers, les engrais, les hormones etc... sont tout aussi nocifs que la cigarette, et eux aussi nous entourent continuellement.
Cher Francis Marche et Alain Eytan,
Je soutiens la pertinence du maintien de ce principe d'identité ! En tout cas le Littré est catégorique pour le mot vivre, donc le point de départ de cette discussion (la contestation du régime transitif direct de "vivre" par Francis Marche) est rigoureusement exact (suite à quoi je propose de changer le sujet de ce fil, voire supra). Quant à respirer, le premier sens, le sens principal - le sens originel ? - est bien celui que vous nous proposiez.
Je vous propose une petite histoire en vue d'une audacieuse synthèse des différents messages de ce fil : il y a dix ans, Francis Marche était entré boire un café dans un café. Sorti de là, un fâcheux lui tint à peu près ce langage : "C'est vrai que vous avez mal vécu ce café ?", ce à quoi il répondit du tac au tac : "Oh, je me suis contenté d'y vivre. Cela dit, j'y ai respiré d'infâmes fumées de cigarette, mais à présent que je suis au bon air, je respire enfin".
Chère Nemesia,
Je suppose que votre compliment s'adresse à Charles Consigny, mais ma vanité se l'arroge sans autre forme de procès. Cependant, je me permets de préciser que ma perspective est toute contraire à celle que vous proposez ! C'est parce que j'ai toujours à l'esprit le "memento mori" qui donne "l'exacte vitesse à suivre en son existence" que je fume ! Ce n'est pas parce que je vivrai toujours, c'est parce que je mourrais demain - si la vie le veut.
(Je ne me rends pas bien compte de la perte de goût, peut-être parce que je suis un faux gourmet. La perte de souffle est en revanche un vrai problème. Fumer oblige celui qui s'en soucie à vivre avec un ennemi logé en lui, qu'il faut fréquemment combattre, ce qui n'a pas que des inconvénients...)
Pourquoi au catalogue des nocences (pots d'échappement, hormones dans les aliments, etc..) vouloir ajouter une nocence aussi gratuite que celle-là ? Pardon pour cette question en forme de répartie de syndicaliste ("pourquoi consentir à niveler nos revendications vers le bas ?") mais votre réponse n'en appelle aucune autre, pour l'heure.

On fume du tabac parce qu'on a un jour commencé à en fumer. Je ne connais pas de nocence plus gratuite et plus absurde. Le cannabis a, au moins, dit-on quelques vertus thérapeutiques pour certains malades; l'alcool à très faible dose est bénéfique au coeur (et l'éthanol stimule l'irrigation du cerveau); les hormones font des boeufs culards, les éoliennes (qui transforment la campagne à vaches en décor de tragédie) alimentent le four à micro-ondes (autre objet de ravissement) où réchauffe doucement le chapon hormoné, etc..

La clope ? ben rien. La clope et ses milliers d'additifs tue, sans plus; elle tue le coeur, le cerveau et le goût du chapon aux petits pois.
Cher Francis Marche, si vous me permettez cette question un peu directe, êtes-vous un ancien fumeur ? Ou n'avez-vous jamais fumé ? La première alternative m'étonnerait, il me semble que je ne suis pas le seul à ressentir un grand plaisir à fumer (en ce moment même, d'ailleurs - mais celle-ci n'a pas si bon goût. Je vais finir par me gâcher ce plaisir à force d'ainsi le discuter !)...
16 novembre 2010, 17:42   Jean le prudent
"Ce n'est pas parce que je vivrai toujours, c'est parce que je mourrais demain - si la vie le veut."

Ah ! L'habile dosage de futur simple et de conditionnel dans cette phrase...
"Le défaut de se croire immortel, en effet, n'est pas un défaut, mais il le devient quand cette croyance s'étend à ceux que l'on contraint à "respirer" votre poison en leur prêtant la même inconsciente bonne santé qu'à soi-même"

A méditer.

"En tout cas le Littré est catégorique pour le mot vivre, donc le point de départ de cette discussion (la contestation du régime transitif direct de "vivre" par Francis Marche) est rigoureusement exact"

Eh bien non, le Littré et autres dictionnaires admettent une construction transitive pour "vivre", dans certains cas. Il s'agit, j'en conviens, de ne pas en abuser. Le sens de ces abus a été on ne peut mieux analysé par Francis — même si le prohibitionnisme absolu de Francis peut paraître excessif.

A mon avis :
Dans "le bébé n'a vécu que (pendant) deux heures" on peut parler de fausse transitivité.
C'est plus difficile dans "J'ai vécu deux heures éprouvantes" ou "Vous allez vivre un enfer".
Au risque de paraître m'entêter: "vivre un enfer" ou "vivre des heures éprouvantes" sont à distinguer de "vivre son PEL à 3,75%" ou "vivre sa Peugeot 205". Le PEL, la Peugeot, La Baule en avril, le Musée des Arts Graphiques de Sainte-Trifouille sont des objets ou des quasi-objets qui ne sont pas ma vie, dont l'existence est publique, indifférenciée, in-appropriée à ma vie ou à la vie propre et personnelle de Beckford, de Jean ou Thomas Claude. Ce sont, le plus souvent, des objets de série proposés à la consommation de masse, des "produits" (comme disent les banquiers en parlant du PEL).

"Vivre un enfer" veut dire" "vivre un moment ou une tranche de ma vie qui sera douloureux comme peut l'être un séjour en enfer"; "vivre des heures éprouvantes" veut dire "vivre des heures de ma vie qui me seront éprouvantes" ou qui nous seront éprouvantes si l'expérience est celle d'une collectivité donnée, d'un groupe limité. La vie de chacun constitue une expérience sacrée de la subjectivité qui se trouve réifiée, ou qui s'expose à un fort danger de réification, si on la ligote à une transitivité quelconque, publique, commune et impersonnelle, butée à un objet.

Mon apparente intransigeance n'en est pas une. Elle est celle de quelqu'un qui vous rappelle que la nuit doit être noire et le soleil brillant pour que la lumière, l'ombre, la pénombre et toute gradation ou nuance puissent continuer d'être perçues.
Francis,

Je suis bien d'accord avec vos critiques, plus philosophiques que grammaticales du reste.
Je contestais l'intransitivité "absolue " du verbe vivre. Nous mourons en zone noire mais vivons en zone grise. Et puis, ce que je vis, à travers mon PEL à 3,75, c'est l'espoir de vivre un jour dans ma "maison à vivre".
Cher Beckford, voici l'extrait du Littré que je rapportais :
Citation
Jean
("7°Il se construit avec certains noms de temps et d'une manière qui pourrait faire croire qu'il a un régime direct ; mais il n'en est rien : c'est une ellipse de pendant, durant". et "19°Il s'emploie quelquefois activement, avec le mot vie ou un nom de temps pour régime. ").
Si je comprends bien ce point, l'emploi actif du dix-neuvième sens (les exemples que donne le Littré en sont : "Cette distance infinie que vos crimes avaient mise entre le Seigneur et vous, et que des siècles de pénitence, quand vous les auriez vécus, n'auraient pu remplir eux-mêmes, MASS. Confér. Jubilé. Beaucoup n'auront vécu leur vie chétive.... É. LITTRÉ, Revue de la philosophie positive, t. IV, p. 319.") diffère du septième (je veux dire : dans la première citation - vivre des siècles de pénitence - ce ne serait pas une ellipse de pendant, durant ? En fait cela me convainc).

La conclusion est donc, si je comprends bien - je n'ai que survolé ces définitions que j'ai lues hier - que le verbe vivre admet, comme "faux" régime direct un nom de temps elliptique de pendant, durant, et comme vrai régime direct le mot vie ou un nom de temps. (Je m'embrouille dans toutes ces notions...). Ne pourrait-on pas dire que l'exception confirme la règle ? Le Littré signale ces exceptions pour bien montrer que "normalement" le verbe vivre ne s'emploie pas ainsi, et on ne peut donc effectivement pas vivre la France (c'est déjà une chance de pouvoir y vivre !)

(L'intransitivité du mot vivre n'est donc peut-être que relativement absolue, mais sa transitivité est absolument relative !)
16 novembre 2010, 22:15   Une repasse
L'avaleur de cendriers pleins


L'avaleur de cendriers pleins pénètre chez vous autour de minuit. C'est sa première tournée. Si vous êtes encore debout, il ne vous dérangera pas, pas plus qu'il ne vous réveillera à l'aube, pour son deuxième passage.
L'avaleur de cendriers pleins est plus discret qu'un toussotement intérimaire. D'une rétractation d'huître, il saisit le cendrier plein, mélange cendres et mégots avec le tour de main des amateurs de grands crus mais c'est cul-sec qu'il s'efforce d'avaler le tout. Il y parvient rarement. La plupart du temps, débris de mégots, fragments d'allumettes ou rognures de bouts-filtres tombent de part et d'autre de ses lèvres. De pulvérulentes cendres viennent chatouiller ses narines et s'il parvient à réprimer l'éternuement, c'est au prix de quelques postillons de tabac froid et de nicotine mêlés. Bien sûr, il ramasse et gobe tout ça scrupuleusement, poussant le zèle jusqu'à un ultime coup de langue au fond du cendrier car il aime le travail bien fait.

Son irruption dans un cercle d'amis installe aussitôt un malaise indicible - et quand on est seul…! La dernière lampée surtout paralyse. Pour autant, personne ne le chasse. Sa mission accomplie, l'avaleur de cendriers pleins s’éclipse comme si de rien n’était. A peine a-t-il disparu, soulagement général. Alors, histoire de bien marquer la décrispation, l'un des convives allume une cigarette. Après coup on se demande toujours qui a commencé, mais comme chacun a tôt fait d'imiter ce premier fumeur, l'avaleur de cendriers pleins a toujours du pain sur la planche et c'est heureux pour lui.
21 novembre 2010, 04:34   Les grandes langues
Ah le goulu...
J'en connais qui lapent de cette façon indécente les reliefs d'une assiette de houmous ou de mouton aux haricots.
Il paraît que Georges Steiner, puisqu'il a été question de lui sur un autre fil, dévore des gâteaux au chocolat, des Schwarzwaldtorte, comme un malpropre.


Mange des chocolats, fillette ;
mange des chocolats !
Dis-toi bien qu'il n'est d'autre métaphysique que les chocolats,
dis-toi bien que les religions toutes ensemble n'en apprennent pas plus que la confiserie.
Mange, petite malpropre, mange !
Puissé-je manger des chocolats avec une égale authenticité !


Pessoa, Le Bureau de tabac
21 novembre 2010, 08:14   Re : Les grandes langues
Citation
dévore des gâteaux au chocolat, comme un malpropre

Pfui !
Ce petit texte, cher Orimont Bolacre, vous a un petit côté Michaux qui n'est pas pour me déplaire.
21 novembre 2010, 11:35   Re : Les grandes langues
Ah, Le Bureau de tabac ! Quelle grande chose !
Citation
Florentin
En général, pour faire vite, on désigne par Chouannerie les résistances vendéennes, bretonnes, normandes. Aux Chouans de Balzac je préfère Le Chevalier Destouches voire L'Ensorcelée de Jules Barbey d'Aurevilly.


C'est fort bien, à vingt ans, de lire du Barbey d'Aurevilly, il y a de la verve là en quantité et en qualité et ça fait carburer les neurones. Les Mémoranda et la correspondance (en particulier avec Trébutien) sont prodigieux, les phrases giclent comme des fusées, "Bois ton sang Beaumanoir, la soif te passera !" cela vaut la phrase de La Rochejacquelein.
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