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Un portrait qui me semble magnifique...

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
16 novembre 2010, 08:35   Un portrait qui me semble magnifique...
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Pardonnez-moi d'être un peu insistant, mais... il ne s'agissait que de la description, au demeurant fort innocente, d'une jeune fille, non ? Monsieur Boursier pensait-il sérieusement que ce fil pût donner lieu, sur ce forum, à des "dérapages", et qu'on y dérivât lentement de l'analyse esthétique à la louange politique ? Les Deux Etendards ne sont pas publiés en contrebande ni ne circulent sous le manteau. Cela dit, je me fourvoie peut-être sur les raisons de la suppression de ce message (j'ai tant de peine à croire que soit en cause une quelconque pruderie) ; il m'arrive moi-même de regretter, mais un peu tard, d'avoir ouvert tel ou tel fil...
Utilisateur anonyme
16 novembre 2010, 09:27   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Cet innocent portrait a un moins innocent auteur. Pour éviter de donner du grain à moudre aux détracteurs du parti et pour éviter que les membres du parti ne perdent de leur temps précieux à le défendre, j'ai insisté pour que ce fil soit supprimé.
Utilisateur anonyme
16 novembre 2010, 09:59   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
R - J'ai commencé a parler du cul à quinze ans. Ca a été ma première conquête sur l'éducation bourgeoise et cléricale. Partout ou je suis passé ensuite, tant par système que par goût, j'ai parlé du cul autant qu'il était possible, quelquefois chez les dames patronnesses de la rue du Bac. Elles adorent ça, d'ailleurs.

C - Je n'en doute pas...

R - Partout où on parle de cul le Nazaréen rétrograde... Et l'on ne célèbrera jamais assez les quatre écrivains à qui nous devons notre libération des contraintes du stupide 19eme siècle, qui ont permis de reprendre l'étude du plus important des phénomènes humains : j'ai nommé Proust, Gide, Céline et notre Marcel Aymé. Il faudrait rendre justice, aussi, aux sexualistes de l'école anglo-américaine, Havelock Ellis, aujourd'hui Kinsey, et également aux psychanalyste judéo-autrichiens. C'est grâce à tous ces gens-là que l'on peut enfin écrire de quelqu'un qui bande : "il bande".


Lucien Rebatet/ Pierre-Antoine Cousteau.
Je comprends vos scrupules, cher Jean-Philippe Boursier. Cependant je doute que les intervenants de ce forum eussent eu tout de suite à coeur de défendre l'indéfendable. Cela dit, comme vous le rappelez, l'art des distinctions n'est pas pratiqué universellement ; mais que nous chaut de susciter les commentaires imbéciles et moralisateurs des non-comprenants officiels ? Ah, mais j'oubliais... il y a la campagne de 2012...
Utilisateur anonyme
16 novembre 2010, 10:53   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Cher M. Bily vous devriez savoir (mais vous le savez) que l'intellectuel "épuré" n'a plus voix au chapitre : il est moralement disqualifié, il fut socialement déclassé ; réduit à l'indignité nationale, il est rayé de l'espace médiatique. Sa "victoire" n'a durée que le temps de l'Occupation. Pourtant, on sait que l'épuration fut sélective, qu'elle eut plutôt pour tendance d'épargner les décideurs économiques et politiques. Le cas Papon est là pour nous rappeler que des réactions de solidarité de corps ont joué.- Malheur aux artistes !
Je regrettais simplement que les quelques grands liseurs participant à ce forum n'aient pas eu l'occasion de disserter savamment sur un auteur dont j'ignore presque tout, et de laisser tomber des noms, des titres et des références qu'à leur suite j'eusse ramassées pour rattraper mon retard...
Il y a en effet quelque chose de regrettable à ne pas pouvoir parler d'un livre apprécié en son temps par Etiemble et plus récemment par Angelo Rinaldi (pour ne citer que deux noms "innocents").
Il faudrait s'arrêter un instant sur cette remarque de Monsieur K.: l'épuration a largement épargné les décideurs économiques, un peu moins politiques, mais tout de même bien plus que les "penseurs", voilà pour la France. A l'échelle européenne: les "scientifiques" nazis manifestant leur bonne volonté de se mettre au service des vainqueurs se virent absoudre de tout, et reçurent leur passeport américain en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. L'épuration zigouilla deux catégories de monstres : les exécutants des camps de la mort, y compris les exécutants administratifs chargés d'appliquer les décisions, voire de les faire appliquer ou de veiller, loin dans des bureaux, à leur bonne application, et d'autre part les chantres, les bardes, les tambours et les porte-drapeaux et autres premiers fifres de l'entreprise nazie qui furent laissés libres, pendant que dura l'époque maudite, d'en louer l'efficacité, la bonté. Ecrivains, "poètes", animateurs de radio se firent ainsi refroidir froidement par les vainqueurs, cela pour deux raisons principales: 1/ on ne pouvait rien en faire puisque leur nom s'était sali; on ne pouvait leur faire entonner les chants de Libération sans que la Libération se couvre de ridicule; 2/ ils ne pouvaient être utiles à rien de concret pour la reconstruction (en France) ou la lutte contre le bolchévisme (Amérique) n'étant ni hommes d'administration ni hommes de sciences; leur exécution, donc, ne coûtait rien à personne.

A vrai dire -- Sartre avait caressé ce concept -- l'intellectuel (français) ne fut jamais plus libre que sous l'Occupation. Cette liberté, forme de vacuité glorieuse et maudite et d'apparence sans frais, quand la vague porteuse s'est retirée, et que notre "intellectuel" se trouve tout nu le cul sur le sable mouillé, il ne reste plus qu'à le cueillir du tranchant de la lame, pour l'édification des générations futures. La liberté, la vacuité et le glorieux dilettantisme sont des substance illusoires aussi enivrantes que dangereuses.
Utilisateur anonyme
16 novembre 2010, 12:49   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Il semblerait que l'immense talent littéraire de Lucien Rebatet soit un facteur moins atténuant qu'aggravant...

Sur le mur de sa cellule, Rebatet grava cette citation tirée du roman de Stendhal Le Rouge et le Noir : "Je ne vois que la condamnation à mort qui distingue un homme. C'est la seule chose qui ne s'achète pas."
Utilisateur anonyme
16 novembre 2010, 13:12   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Ecrivains, "poètes", animateurs de radio se firent ainsi refroidir froidement par les vainqueurs, cela pour deux raisons principales: 1/ on ne pouvait rien en faire puisque leur nom s'était sali; on ne pouvait leur faire entonner les chants de Libération sans que la Libération se couvre de ridicule; 2/ ils ne pouvaient être utiles à rien de concret pour la reconstruction (en France) ou la lutte contre le bolchévisme (Amérique) n'étant ni hommes d'administration ni hommes de sciences; leur exécution, donc, ne coûtait rien à personne.

la lutte contre le bolchévisme...

Intéressant de souligner juste en passant que l'attitude des "collabos", lorsqu'ils commencèrent à comprendre que l'Allemagne allait perdre la guerre, fut de souhaiter une victoire soviétique (Drieu, Rebatet, Cousteau). Ils pensèrent alors qu'une victoire soviétique serait préférable à une paix dictée par les Américains (et les Juifs). Tous admiraient secrètement (ou pas) l'ordre de Staline - Staline : l'idéal-type du despote.
Francis,

Vous oubliez les victimes des règlements de comptes de l'été 1944, qui furent souvent des petites gens et qui n'eurent pas les moyens de fuir, contrairement aux intellectuels qui partirent dans les fourgons de l'occupant désoccupant.
Certes Jean-Marc, mais mon propos visait l'épuration d'Etat, celle conduite dans la solennité des tribunaux, pas les "règlements de compte" opérés au coin des bois.
Je rentre d'une rude journée et je découvre que «Ce fil a été supprimé en accord avec son auteur.» Je crois comprendre pourquoi et c'est bien. Simplement, je me suis reproché toute la journée ma saillie facile, stérile et pour tout dire nocente à propos de ce texte qui, je ne sais trop pourquoi, m'avait déplu. Cher Jean-Philippe, si j'ai pu vous froissé, je vous présente mes sincères excuses.
Tiens, ce fil est un palimpseste...
Mais pour gratter un écran...
Justement, c'est le progrès, grattage virtuel ; dessous, on trouve les chenilles, même des scolopendres...
Utilisateur anonyme
17 novembre 2010, 07:56   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Cher Eric, aucune excuse n'est nécessaire, vraiment ! Il était utile de supprimer cette référence pour protéger le Parti d'une attaque supplémentaire à venir, puisque ce forum devrait être de plus en plus exposé.
C'est moi qui vous remercie pour votre sympathique empathie.
Il est clair que Christian Bobin et Patrick Coelho eussent été moins compromettants, de ce point de vue.
Utilisateur anonyme
17 novembre 2010, 09:50   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Ok, je propose de nous mettre tous d'accord avec une citation de Jean d'Ormesson... ? Son dernier bouquin est super-kiffant !
Vous êtes trop, Monsieur K.
C'est fun, onvadir !
Utilisateur anonyme
17 novembre 2010, 16:42   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Ormesson never fun !
17 novembre 2010, 16:45   Elle n'est pas belle, celle-là ?
« Les hommes ? Non, je ne les vois pas. Et les pères encore moins. Et les maris pas du tout. C'est comme ça : je ne sais voir que les femmes et les enfants. Pour voir un peu de cette vie, il faut commencer par en oublier beaucoup » (Christian Bobin, Autoportrait au radiateur, p. 28 ; trouvé sur Wikipédia).
Utilisateur anonyme
17 novembre 2010, 16:50   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Au choix :

" J’attends. J’ai attendu toute ma vie. J’attendrai toute ma vie. Je suis incapable de dire ce que j’attends ainsi. J’ignore ce qui peut mettre fin à une aussi longue attente. Je n’ai pas l’impatience de cette fin. Le présent est vécu, mais il est poreux, aérien. Ce que j’attends n’est rien qui puisse venir du côté du temps. "

" Je me suis fais écrivain ou plus exactement je me suis laissé faire écrivain pour disposer d’un temps pur, vidé de toute occupation sérieuse."

" La gaieté, ce que j’appelle ainsi, c’est du minuscule et de l’imprévisible. Un petit marteau de lumière heurtant le bronze du réel. La note qui en sort se propage dans l’air, de proche en proche jusqu’au lointain. "

" Quand nous sommes gais, Dieu se réveille."

" Ce qui fait événement, c’est ce qui est vivant, et ce qui est vivant, c’est ce qui ne se protège pas de sa perte. "

" Ne pas donner son cœur aux fantômes. Les fantômes, ce ne sont pas les morts, certes non, ce sont les vivants quand ils
se laissent emmailloter par les bandelettes de leurs soucis. "

" Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Rien j’apprends. Tu apprends quoi ? Rien, j’apprends. "

" J’ai parfois envie de mourir comme le petit enfant a envie d’ouvrir son cadeau avant l’heure. "

" Je n’aime pas ceux qui savent, j’aime ceux qui aiment. "

" La vraie beauté ne va pas avec le solennel. La vraie beauté a toujours un je-ne-sais-quoi de nonchalant, d’abandonné – d’offert. "

Autant de citations tirées d'Autoportrait au Radiateur. Est-ce paradoxal d'aimer Christian Bobin, Lucien Rebatet et Renaud Camus ?
Paradoxal ? Mon Dieu, oui...

Pages aussi délicieuses qu'éclairantes de feu Philippe Muray :


« […] Avec Bobin, au moins, c’est facile, c’est presque trop facile, on ne perd jamais le fil, on n’est pas dépaysé, on peut lire en dormant sur ses deux oreilles, il n’arrivera rien, tout se développe comme prévu. Chez lui, dans son petit monde doux, lent, sérieux, rustique, impayablement gentil et chuchotant, on boit du thé sous les arbres, les femmes repassent, font la vaisselle (on proteste discrètement contre ces travaux ménagers asservissants) ou racontent des histoires tristes et tendres. Les enfants apprennent la musique. On parle à la lumière. On la remercie d’être lumineuse. On est comblé par sa bonté. On glisse dans son portefeuille la photo de l’arbre qu’on préfère, c’est moins compromettant qu’une photo de femme nue, on ne sait jamais ce qui peut arriver.
Pas de sexe bien sûr ; des évocation de « passions », ce qui n’a rien à voir. Dès qu’on en a l’occasion, on fuit les adultes, les grandes personnes, leur « parole migraineuse » ou « avariée », pour aller se réfugier au fond du jardin où les enfants vous ont convié à un repas de poupée. Comment refuser pareille invitation ? Comment repousser l’innocence ? L’éternelle pureté de l’enfance d’où vient, comme on sait, toute légitimité ? Ah ! les enfants ! Leur « noblesse élémentaire » ! Leur légèreté ! Leur sensibilité ! Leurs jeux exquis ! Leur façon d’aller partout « comme des étourneaux au ciel d’été » ! Et la passion ! Et l’amour ! Ah ! l’amour ! Le don sans raison de la parole amoureuse ! Ce tourbillon ! Cette lumière ! Ce charme ! Ces sortilèges ! Ah ! c’est trop ! Assez ! On frémit, on s’agenouille, on pâme ! On chute en prière.
Ô délectation ! Béatitude que décore la plus inappréciable, la plus exquise des préciosités. Par exemple, on ne va pas le baigner dans un étang : on a « rendez-vous avec l’eau ». On ne se sent pas seul, comme n’importe qui : on est « dans la langueur des murs et des fenêtres de [sa] solitude ».Sucreries bien innocentes, avouons-le, qui ne sont que la trace stylistique de l’enchantement dans lequel vous jette sans cesse la découverte du monde. Habits neufs de la political correctness où plus rien n’a besoin d’être expliqué puisque tout est consommé en commun. Les métaphores ne sont pas là pour élucider quoi que ce soit, mais pour souligner, au contraire, l’éternité de l’Inexplicable et les bouffées de ravissement qu’il vous procure. Quand le ciel est bleu, on ne se contente pas de dire que le ciel est bleu, on dit « que les anges viennent de laver leur linge et que, n’étant riches que de leur seul amour, ils portent toujours la même lumière, rendue transparente par des milliers de lessives ». Encore la lessive, toujours la lessive, toujours la vie humble aux travaux ennuyeux et champêtres, loin du fracas pervers et polluant des grandes villes. La succession du jour et de la nuit devient la « vie conjugale du bleu et du noir […] unique leçon de choses qui vous convienne ». Le jardinier ne tond pas l’herbe : il la prend en charge. Tout mot juste, net, concrètement brutal, ne serait-il pas une injure à l’esprit d’enfance ? Un affront au culte nécessaire des victimes ? Un trou dans la fumée des encensoirs ? Le peintre ne peint pas : il « essuie la vitre entre le monde et nous avec de la lumière, avec un chiffon de lumière imbibé de silence ».l’écrivain, enfin, n’écrit pas : il « réclame à vox d’encre le baiser d’une lumière » ; ou il « se bat avec l’ange de sa solitude et de sa vérité ». Écrire, d’ailleurs, est-il bien recommandé quand on sait que seuls « les enfants et les amoureuses sont des écrivains-nés », à l’inverse du lamentable mâle adulte besogneux, cherchant toujours à enfermer la « vérité » dans « le cachot d’une formule » ?
Il y a aussi les méchants, bien sûr, dans le monde de Bobin, qu’est-ce que vous croyez ? Les adultes d’abord, tous les adultes à part les femmes (en train de faire la lessive ou de repasser sous l’œil humide de l’auteur). Les puissants (la puissance est « ténèbre »). Les hommes de pouvoir (« Le pouvoir aveugle, la gloire assombrit »). La télé enfin, maîtresse d’inauthenticité et de salissure, « vitrine souillé d’images » (comme tous les missionnaires du totalitarisme poétique, Bobin est obsédé par la transparence). Ah ! contre la télé pas de quartier. Le bon Bobin nous met en garde. Officiellement ! Fermement ! C’est une véritable saleté, la télé ! Un péril de très grande ampleur ! On sent là, entre le perpétuel show du cœur des médias et la petite boutique bobines que de bonbons, un problème de concurrence serrée. Comment cet auteur à la prose doucement prévenante, secouriste, geignante et prophylactique pourrait-il tolérer la présence universelle de la télé, son Empire grossier de l’émotion, ses grandes surfaces du Sanglot et ses rayonnages où s’écrasent les bons sentiments quand on écrase les prix ? Comment pourrait-il supporter qu’on fasse a même chose que lui, mais en grand, en très grand, en vraiment géant at quotidiennement ?
Mettre en garde : voilà le ressort du bobinisme, et sans doute l’origine de son succès auprès des honnêtes spectateurs de France, pays où le néant des événements s’étend si loin qu’il ne peut plus être compensé que par une illusion croissante d’insécurité. Notre époque est pleine de dangers, Bobin nous alerte. Attention à l’amour, à l’esprit d’enfance, à l’innocence ! Attention notre âme ! À notre sensibilité ! Avec lui, le récit prend des allures de prévention routière et sanitaire (« Pour être en bonne santé ne fumez pas, selon la loi 91.32 »). C’est l’art d’écrire devenu couverture sociale protection fraternellement hygiénique. Un nouveau genre naît : la littérature-providence. « Prends soin de toi, amour », murmure la bande rouge emballant L’inespérée. On peut apprécier ce bourdonnement mielleux. On peut s’enthousiasmer pour cette immersion dans l’eau de Lourdes d’un mysticisme d’autant moins attaquable qu’il se garde bien d’avoir le moindre fondement transcendant. Bobin travaille pour nous. Pour un monde sans risques, pour une société sans ombres, sans caries et féministement contrôlée. Bobin pense à tout. Dans le parc à thèmes bobinien (comment le baptiser ? Moralityland ? Bobinardworld ?), on a même raboté les angles vifs des bordures de trottoir, comme à Disneyland, pour éviter que les enfants ne se blessent.
Au commencement était l’innocence, la vertu, l’enthousiasme et tout le bazar : voilà ce que nous voudrions croire et lire. Bobin nous le raconte. À sa manière, il ne se différencie pas des serviteurs médiatiques qui, profitant de la pression terrorisante du sida, transforment l’« amour » (devenu synonyme d’« autrefois ») en quelque chose de toujours merveilleux, radieux, pur et partagé à perpète. Qui osera redire, désormais, que leur amour est assommant les trois quarts du temps ? Qui osera re-suggérer qu’une scène sexuelle n’est « réussie », vraiment, que lorsque elle est commise à la façon d’un crime furtif, d’une indélicatesse sociale, d’une infidélité à la communauté ? […] Bobin pourlèche le même truisme à longueur de pages. Et qu’on ne me dise pas qu’il n’écrive pas de romans. Certes, ce bon sauvage de l’an 2000 veut trop de bien à l’humanité pour prendre dans ses récits le détour des personnages et des fictions compliquées. Il sait à merveille de quoi nous avons besoin. Son objet, son but (le même que celui de la télé, d’où le culte des hommes et des femmes de médias pour les âneries bobiniennes), c’est le renflouement du « mensonge romantique », comme disait René Girard. Passions de l’âme, carte du Tendre et morale de rêve. La situation est trop grave pour se passer des contes de fées. Les péril trop aigu pour faire l’économie du moindre cliché sentimental. Mais c’est aussi grâce à lui, aujourd’hui, qu’on peut savoir ce que devient le roman lorsque, comme le théâtre médiatique, il se retrouve saturé de positivité, lorsqu’il fait résolument double emploi avec la société telle qu’elle se réorganise à coup de fêtes, d’extases, de corruption par l’émotion et de redressement des injustices. Voilà pourquoi Bobin est précieux. Par ses petits récits laconiques, désarmés, interactifs aussi (le sympathique emploi de la deuxième personne du pluriel a la valeur l’un enrôlement, d’une invitation, voire d’une sommation fraternelle : nous sommes tous pareils, restons ensembles, ne quittez pas l’antenne, appelez-nous, le standard est ouvert), on a la preuve enfin que le roman est soluble dans la philanthropie et la solidarité angélique. Ce qui en reste, après, c’est ce qu’il écrit : des bulles de Bien. […] »


(Philippe Muray, Exorcismes Spirituels, t. II, Belles-Lettres).
Utilisateur anonyme
17 novembre 2010, 20:52   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Philippe Muray connait, de toute évidence, très bien Bobin. Son jugement me parle car son analyse est construite sur ce que je connais moi aussi je crois assez bien. Et paradoxalement, selon les phases que je traverse, Bobin me servira de thérapie et me rapprochera d'une certaine grace pauvre et simple. Là où Renaud Camus et Ayn Rand me rapproche, dans d'autres phases de ma vie, d'une grace soutenu par l'ambition productive.
Ces paradoxes sont parfois de véritables tiraillements voir des tortures et ma vie serait sans doute bien plus heureuse si je me tournais définitivement vers l'un ou l'autre de ces choix.
Très drôle, manifestement on sent Muray excédé par la manie de faire des bulles, et que son pied le démange de faire tomber le Bobin dans le baquet d'eau savonneuse et bien sale, speaking of lessives...
Ce qui n'empêche qu'on peut aimer bien Bobin.
Citation
Ce qui n'empêche qu'on peut aimer bien Bobin.

Wahr !

Bobin tape de temps en temps en plein dans le mille sans avoir l'air d'y toucher le moins du monde. Je n'ai jamais compris le refus violent de cet auteur qui a quand même certains mérites.
Utilisateur anonyme
18 novembre 2010, 11:28   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
Est il nécessaire de prendre autant de place pour un texte de Murray ? la passion n'a pas de limite mais enfin !
Violette, on peut déjà gagner un peu de place en faisant l'économie d'un "r".
Utilisateur anonyme
18 novembre 2010, 12:38   Re : Un portrait qui me semble magnifique...
et plus encore avec les deux guillemets.
Oui, Violette, il était nécessaire de prendre tant de place ; Muray fournit ici, avec une verve dont peu sont capables, un résumé des raisons qui font abhorrer à certains une telle littérature trop fade à leur goût, sans pouvoir éclairant, et qui passe à côté du réel. Mais Bobin n'est pas le seul écrivain qui soit atteint par la gangrène douceâtre des bons sentiments ; il n'est que la partie immergée de l'iceberg, la figurine de vitrine d'une littérature réduite à peu de chagrin qui constitue la majeure partie de ce qui s'édite de livres en France. Les extraits donnés par monsieur Boursier qui visaient peut-être à convertir un lectorat potentiel n'ont fait que me renforcer dans mon opinion.
J'espère qu'il sait nager, le Bobin !
George Steiner lui au moins n'est jamais fade : "je préfère un SS cultivé à un Beach boy."
[www.liberation.fr]

[www.polemia.com]
Citation
Disciple du regretté Philippe Muray, ce contempteur de l’homo festivus

Je ne savez pas cher Petit-Détour que Phlippe Muray avait eu des disciples !

Avez vous lu le livre d'Olivier Bardolle ?
Non, mais la recension de Polemia m'a donné envie de le lire.
A moi aussi je viens de le commander !
Petit-Détour, il est dommage de résumer Steiner à cette provocation. Je préfère ces deux citations :

« Je suis convaincu que les oeuvres d'un Homère, d'un Goethe, d'un Dostoïevski, d'un Beethoven, d'un Picasso ne peuvent exister dans un monde totalement séculier et qu'elles posent la question de l'existence de Dieu. La musique en particulier me démontre la réalité d'une présence, d'une transcendance ».
« J'ai essayé de passer ma vie à comprendre pourquoi la haute culture n'a pas pu enrayer la barbarie, pourquoi elle en a été souvent l'alliée, le décor, le choeur au sens du choeur d'une tragédie grecque ».
Citation
"je préfère un SS cultivé à un Beach boy."

J'ai toujours eu un faible pour George Steiner parce c'est un double exilé. Sa famille, devant la montée du nazisme, quitta prudemment l'Autriche et il naquit donc à Paris d'où ils furent à nouveau contraints de partir quelques années plus tard pour les USA. C'est un auteur que a de la tenue.

Destin étrange de ces centaines de milliers de juifs et non juifs obligés de choisir l'exil pour pouvoir survivre physiquement. Le vingtième siècle fut non seulement un siècle génocidaire comme l'histoire ne l'avait jamais vu mais aussi celui des exils de masse et des nettoyages ethniques à grande échelle.

Nous l'avons déjà oublié ...
(J'ai moi-même ajouté un "r" à Muray, j'en suis encore rouge de confusion...)
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