Un mot de plus en réponse à votre questionnement: la langue impériale a ceci de particulier qu'à la différence de toutes les langues qui ont fleuri plus tard, ou avant elle, mais de cet période antécédente nous ne sommes point trop sûr, son verbe "être" n'existe que dans ses silences et ses ponctuations. Je me risque un peu mais ne vous ment pas en vous disant que la langue impériale n'a point besoin du verbe être car
l'empire suffit à l'être. En empire, seules subsistent des modalités de l'être, que l'adjectif, le qualificatif suffisent à transcrire et qui même suffisent à assurer à eux seuls la fonction prédicative. Pourquoi? Et bien tout simplement parce que lorsque la totalité impériale, organisée, humaine, consensuelle, existe, cette totalité n'a qu'un seul propos, quoi qu'elle dise:
celui de l'être ! Le propos de l'édit impérial n'est autre que de vous dire votre être, sa sanction, il n'attend de vous rien en retour, donc pas de dialogue s'il vous plaît. Pas de pronom non plus que de déclinaison platonitiennes. Nous sommes face à la langue impériale devant l'édit de notre sort. L'Empereur, dans son absence de phrasé et dans sa toute puissante ignorance des races et des effets particuliers aux personnes, dans son idiome idéal, vous dit votre sort, comme un devin, comme un capitaine aussi, qui aurait sur vous droit de vie et de mort,
donc droit de sort dès lors que ce sort n'obéit ni n'est soumis à aucune transcendance qui lui échapperait.
L'absolutisme a son langage qui dans le siècle de notre Louis le quatorzième n'a su être absolu, a laissé s'échapper le logos grec par toute ses portes non continentales, maritimes et archipélagiques, dans le relatif et le dialogue, bref dans la pensée et le mouvement. L'empire, lui, exalte le langage comme la grotte de Lascaux: par allusion, par l'infini
n de la représentation démultipliée qui n'appelle, pour toute réponse que l'abîme, la mort consentie, agréable et souriante, l'affirmation de soi dans le don au Supérieur, à l'Empereur quand le supérieur a consenti à séjourner sur Terre. Et dire que la France moderne a, pour un bref laps de temps, contre l'Europe endormie, valétudinaire et pusillanime, l'
Europe anglaise en un mot, connu cela: la communion séculière prenant la place de la transcendance chère aux coeurs anciens et instaurant l'Empire neuf !
L'échec de cet empire, le premier, le dernier, celui du Consul à vie, du ventripotent à bicorne s'explique ainsi: sa langue ne fut jamais inventée ni repensée. Toujours, Napoléon, usa de la langue de Robespierre, de Saint-Just, et ce n'est guère que dans son Code éponyme qu'il s'essaya à être empereur. L'Empereur, pour durer, pour installer sa dynastie, doit user d'une
langue de l'être, et savoir (mais quelle gageure!) se défaire de la langue du dialogue et de la pensée platonicienne. L'intelligence impériale ne dialogue pas. L'Empereur vert et blanc, le joséphinien, n'eut pas le temps de fondre une langue nouvelle comme on fond l'acier d'un canon, une langue sans discussion, sans pensée inutilement invitante, d'où sa perte.