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Le secrétariat général communique

Et le pélican, que pensez-vous du pélican ?


29 novembre 2010, 10:29   Re : Kang Youwei
Dans ce type de discours, le verbe "être", la copule, n'existe pas. Les adjectifs dans tous leurs aspects attributifs, épithétiques, y pourvoient. Le pronoms sujets n'existent pas non plus. En fait, l'on peut dire que dans son extrême raffinement "allusif", la langue impériale (car c'est bien de cela qu'il s'agit, K.Y.W était, "pour l'empire") la voix de l'empire qui ne dialogue pas en redevient langue primitive, sigillaire, une sorte d'art abstrait fait d'images, de représentations au sens linguistique mais aussi au sens que prend ce terme dans le langage diplomatique (menaces voilées). Je regrette beaucoup de ne pouvoir vous proposer à admirer le texte dans ses graphies originales, qui se donne à voir comme une partition beethovenienne.

Da Tong Shu, s'il fallait en tirer une traduction littérale, veut dire "Traité de la grande ensembléité"
Quoi ?! "Traité de la vivrensembléité" ? Oups, non, pardon...
Tout mais pas le pélican, Stephane, tout mais pas le pélican, type même du fier cocu abrahamique exploité sans merci par sa progéniture.
J'avais une image de poisson-chaussette des profondeurs, mais je n'ai pas osé... Non, sérieusement, ce qu'il y avait de bien dans le sanglier, c'était son étymologie (singularis, si je ne m'abuse...).
29 novembre 2010, 13:25   grouimph
Las ! De toute façon, c'est le sanglochon qui tend à proliférer (ou le cosanglier, je ne sais plus trop l'appellation officielle de cette espèce née du croisement du sanglier et du cochon, qui ne dédaigne pas de s'aventurer dans les jardins rurbains.)
29 novembre 2010, 22:13   Re : Kang Youwei
Un mot de plus en réponse à votre questionnement: la langue impériale a ceci de particulier qu'à la différence de toutes les langues qui ont fleuri plus tard, ou avant elle, mais de cet période antécédente nous ne sommes point trop sûr, son verbe "être" n'existe que dans ses silences et ses ponctuations. Je me risque un peu mais ne vous ment pas en vous disant que la langue impériale n'a point besoin du verbe être car l'empire suffit à l'être. En empire, seules subsistent des modalités de l'être, que l'adjectif, le qualificatif suffisent à transcrire et qui même suffisent à assurer à eux seuls la fonction prédicative. Pourquoi? Et bien tout simplement parce que lorsque la totalité impériale, organisée, humaine, consensuelle, existe, cette totalité n'a qu'un seul propos, quoi qu'elle dise: celui de l'être ! Le propos de l'édit impérial n'est autre que de vous dire votre être, sa sanction, il n'attend de vous rien en retour, donc pas de dialogue s'il vous plaît. Pas de pronom non plus que de déclinaison platonitiennes. Nous sommes face à la langue impériale devant l'édit de notre sort. L'Empereur, dans son absence de phrasé et dans sa toute puissante ignorance des races et des effets particuliers aux personnes, dans son idiome idéal, vous dit votre sort, comme un devin, comme un capitaine aussi, qui aurait sur vous droit de vie et de mort, donc droit de sort dès lors que ce sort n'obéit ni n'est soumis à aucune transcendance qui lui échapperait.

L'absolutisme a son langage qui dans le siècle de notre Louis le quatorzième n'a su être absolu, a laissé s'échapper le logos grec par toute ses portes non continentales, maritimes et archipélagiques, dans le relatif et le dialogue, bref dans la pensée et le mouvement. L'empire, lui, exalte le langage comme la grotte de Lascaux: par allusion, par l'infini n de la représentation démultipliée qui n'appelle, pour toute réponse que l'abîme, la mort consentie, agréable et souriante, l'affirmation de soi dans le don au Supérieur, à l'Empereur quand le supérieur a consenti à séjourner sur Terre. Et dire que la France moderne a, pour un bref laps de temps, contre l'Europe endormie, valétudinaire et pusillanime, l'Europe anglaise en un mot, connu cela: la communion séculière prenant la place de la transcendance chère aux coeurs anciens et instaurant l'Empire neuf !

L'échec de cet empire, le premier, le dernier, celui du Consul à vie, du ventripotent à bicorne s'explique ainsi: sa langue ne fut jamais inventée ni repensée. Toujours, Napoléon, usa de la langue de Robespierre, de Saint-Just, et ce n'est guère que dans son Code éponyme qu'il s'essaya à être empereur. L'Empereur, pour durer, pour installer sa dynastie, doit user d'une langue de l'être, et savoir (mais quelle gageure!) se défaire de la langue du dialogue et de la pensée platonicienne. L'intelligence impériale ne dialogue pas. L'Empereur vert et blanc, le joséphinien, n'eut pas le temps de fondre une langue nouvelle comme on fond l'acier d'un canon, une langue sans discussion, sans pensée inutilement invitante, d'où sa perte.
Utilisateur anonyme
29 novembre 2010, 22:58   Re : Kang Youwei
Je me risque un peu mais ne vous ment pas en vous disant que la langue impériale n'a point besoin du verbe être car l'empire suffit à l'être.

Vous ne mentez pas ni ne forcez le trait Cher Francis. C'est d'ailleurs un fait fondamental (cher à F. Jullien) que le verbe "être" ne s'est pas constitué en chinois classique : il n'y a pas en chinois un verbe qui signifie être. Et ça n'est pas seulement le verbe être qui est en cause, mais tout le maillage sémantique qui se tisse autour, et aussi tous les verbes qui lui sont adjacents, corrélatifs.

"Avant d'aller en Chine, je n'aurais pas imaginé, par exemple, qu'on puisse se passer de la question de l'Être, de cette recherche de ce qui est essentiellement qui a dominé la métaphysique européenne. Que le verbe être n'existe pas en chinois classique constitue un dérangement de la pensée. Les Chinois ne se sont jamais posé la question : « Qu'est-ce que c'est ? » Or, pour répondre à cette question, la pensée européenne a produit, de son côté, l'exigence conceptuelle qui a dominé la philosophie."


Philosophie magazine, Entretien avec F. Jullien (extrait).
30 novembre 2010, 09:10   Re : Kang Youwei
Permettez-moi d'insister, en typique et carré lourdaud occidental : s'il y a fonction prédicative, il y a prédicat, et celui-ci affirme la "modalité d'être", le qualificatif d'un sujet, enfin d'un quelque chose ?... Par quoi donc, en vertu de quel lien littéral est rattaché ce prédicat à ce qu'il décrit ?
Bel extrait. Aristote, dont tout l'édifice métaphysique repose sur la relation, dans la phrase, du sujet à son attribut par l'intermédiaire de la copule, serait donc "incompréhensible" aux Chinois ? Ah ça, c'est de l'étrangèreté, par exemple...
30 novembre 2010, 12:59   Re : Kang Youwei
Pas le temps de développer, hélas, cher Alain. De plus je vous dois déjà une réponse sur la question du cerveau et de l'identification ethnique. La relation prédicative s'entend en chinois écrit par une sorte de verbe adjectival grâce auquel toute chose est qualifiée et identifiée en aspect. Tout processus y est de nature aspectuelle. L'instance énonciative s'entend comme commune, sans dialogue effectif: comme j'ai été tenté de vous le dire, Da Tong Shu signifie "Traité de l'ensembléïté"; tout ensemble ne saurait posséder d'autre voix que la voix de la totalité ,de l'unicité. L'instance énonciative et l'objet qui en est détaché supposent une dualité et une multiplicité des regards et des voix; la langue impériale chinois (et tout le Chinois écrit n'est que langue impériale puisque les langues locales ne s'écrivaient pas), elle, existe sans échange, elle est univoque, l'interlocuteur est entendu, compris, dans le locuteur. Il n'y a pas de "d'où tu parles ?" en chinois. Cette question n'a aucun sens.

Je viens de googler, en désespoir de cause, "adjectif chinois" et je suis tombé sur cette page d'introduction au chinois élémentaire qui vous énonce, dès sa première note grammaticale, en première ligne, cette particularité du chinois qui vide le verbe de sa fonction et de sa raison d'être: I C I
Utilisateur anonyme
30 novembre 2010, 14:44   Re : Le secrétariat général communique
Le dialogue entre Guy KONOPNICKY et Renaud CAMUS a été savoureux. Il y avait une certaine charité à répondre à GK tant ses propos étaient minuscules, entendus depuis des lustres... Il arrive un moment où l'on doit se retirer, là où ce ne sont plus que les mécanismes sous corticaux qui sont à l'oeuvre. Et GK "parle" (sic) aussi sur France-Culture ! c'est inepte à pleurer.
J'ai le sentiment que ce GK ne crois pas, ou ne croit plus, lui-même, à ce qu'il dit.
"J'ai le sentiment que ce GK ne crois pas, ou ne croit plus, lui-même, à ce qu'il dit. "

J'éprouve le même sentiment.

Il est d'ailleurs frappant que Konopnicki ne cherche pas une seconde à remettre sur le tapis "l'affaire Renaud Camus". Il a enfin compris que le président de l'In-nocence n'était pas antisémite et cela lui enlève déjà une bonne part de son assurance et de son confort de pensée.
Vous avez raison, vous autres, et donnez de l'impression que j'eus en regardant l'extrait d'émission une exacte traduction. Cet homme n'en peut plus de ce qu'il pense, de ce qu'il a toujours été habitué à penser, il semble se rendre compte, mais de façon obscure, inconsciente, qu'il n'a plus rien à dire que de lénifiantes banalités sur les sujets abordés par Renaud Camus dans son livre. Onuphre exprime cela admirablement en disant que seuls, à ce stade, "des mécanismes sous-corticaux sont à l'oeuvre". Cet homme est parlé (par l'époque) plus qu'il ne parle. Machinale, mécanique pensée, artillerie rouillée tant bien que mal actionnée par des janissaires fourbus, exténués, qui n'ont rien à opposer de solide à l'écrivain (au capitaine) héroïquement jeté dans la bataille avec les troupes in-nocentes lancées à sa suite pour le seconder (...mais je m'emporte, là !). (Je l'ai vu, tout couvert de sang et de poussière, semer partout l'effroi dans une armée entière...)
Cet homme n'en peut plus de ce qu'il pense

C'est très bien vu, cela ; j'ajouterais simplement, malheureusement, que ça peut nous arriver à tous, quelquefois, pour peu que nous soyons francs avec nous-mêmes.
Oui... il peut arriver à n'importe qui de tomber dans le travers de l'homme-qui-a-des-idées, eût-on raison sur toute la ligne.
30 novembre 2010, 18:54   Même de l'espérance...
N'en pouvoir plus de ce qu'on pense, je retiens la formule, elle est très belle et très juste (et en l'occurrence très pertinente, je crois).
J'en suis très honoré.
'Iskios : Lucius est terriblement individualiste, bien faire et laisser braire est sa devise
Orimont : il s'agit du cochonglier dont l'introduction dans la nature est source de nombreux désagréments à commencer par celui de sa fécondité.
Merci cher Francis. Oh, vous ne me devez rien, ce sont des conversations à bâtons rompus, entre la survenue d'un sanglochon curieux de grammaire chinoise et soudain coi, et les grognements d'un GK (groïnk), qui peuvent être reprises dans six mois, ou pas du tout, c'est vraiment comme vous voulez...
30 novembre 2010, 22:17   L'Empire chancelle
Que ceci donc ne soit point marqué d'un règne ; — ni des Hsia fondateurs ; ni des Tcheou législateurs ; ni des Han, ni des Thang, ni des Soung, ni des Yuan, ni des Grands Ming, ni des Tshing, les Purs, que je sers avec ferveur.

Ni du dernier des Tshing dont la gloire nomma la période Kouang-Siu, —

o

Mais de cette ère unique, sans date et sans fin, aux caractères indicibles, que tout homme instaure en lui-même et salue.

A l'aube où il devient Sage et Régent du trône de son cœur.



Victor Segalen, Stèles
30 novembre 2010, 22:41   Le Fils du Ciel
J'allais le dire.
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