Le site du parti de l'In-nocence

In-nocence et libéralisme politique

Envoyé par Phil Steanby 
Une question qui me semble importante est celle qui touche les rapports qu’entretient l’in-nocence avec le libéralisme politique. Les in-nocents se disent libéraux, c’est-à-dire attachés au principe de liberté individuelle, en ce sens qu’ils sont très attachés à la notion de contrat. La loi est l’instance médiate qui assure la coexistence des libertés, et les frontières que le contrat érige entre les hommes sont donc la condition de possibilité de la liberté de chacun. L’homme doit dans la perspective contractuelle renoncer à une part de lui-même (« s’empêcher », pour reprendre une expression chère à Alain Finkielkraut) pour permettre aux autres libertés de s’exercer. L’identité de l’individu (nationale, confessionnelle, sexuelle, etc.) est secondaire par rapport à son autonomie, sa capacité de s’arracher à lui-même, à s’abstraire de ce qu’il est. On serait même tenté de retrouver dans la notion d’inapartenance chère à Renaud Camus ce mouvement d’arrachement à soi qui fonde la conception libérale de l’autonomie humaine (n’était bien sûr la présence du contrepoint camusien qu’est la bathmologie, la quête éperdue de l’origine, du sens originel à travers les strates du discours).

Or le libéralisme repose sur une morale déontologique. Il est plus que ce qu’il prétend être : il n’est pas simplement un mode d’organisation de la société suivant des principes de justice, car il est aussi une conception de l’homme, une conception de la démocratie et de la nation. La « mentalité élargie » dont parlait Kant – c’est-à-dire la capacité de se mettre à la place de l’autre sans pour autant cesser d’être soi – paraît compromise par une conception qui rejette le principe de communauté : on conçoit aisément que cette théorie nous rende capables d’apprécier le monde du point de vue des autres, mais on a du mal à comprendre comment elle nous permet de rester nous-mêmes (je renvoie à la critique de Mikaël Sandel, Le libéralisme et les limites de la justice).

L’ennui est que le libéralisme repose sur l’homme abstrait, dépossédé de lui-même. C’était le cas dans la fameuse théorie du « voile d’ignorance » inventée par John Rawls et qui a donné lieu, dans les quarante dernières décennies, à des milliers d’exégèses universitaires. Tout le petit monde des autorisés de parole est nourri de la Théorie de la justice. Le milieu politique en est imprégné. Ses principes commandent le Conseil constitutionnel, la Halde, la Cour européenne des droits de l’homme, etc. Dans cette perspective, un État libéral conséquent doit par exemple s’interdire, au nom du principe de neutralité éthique, de légiférer sur le voile ou la burqua. Il ne saurait non plus, entre autres, avoir égard à la continuité historique de la nation telle qu’elle apparaît compromise par le remplacement des populations indigènes par des peuples venus d’ailleurs.

Il y peu d’apparence que le Parti de l’in-nocence se proclame libéral au sens de John Rawls et de ses milliers de commentateurs. Il lui faudrait pour cela renoncer à l’idée nationale, à sa conception subtilement hétéronomique de l’éducation, à la certitude que l’ethnicité comme le milieu culturel sont des facteurs qui contribuent à expliquer, au même titre que d’autres instruments, les rapports humains et le fonctionnement des sociétés. Renoncer à tout cela, c’est-à-dire, au fond, disparaître comme lieu d’affleurement de la vérité dans le paysage politique français dévasté… à moins qu’il ne forge de lui-même, et de son propre chef, sa propre conception du libéralisme, sur laquelle les membres du Parti de l’in-nocence ou ses sympathisants ont déjà peut-être les idées assez claires ; auquel cas je les prierais, s'ils le désirent, de les faire partager.
Cher Stéphane Billy, il me semble que vous soulevez un point extrêmement important.
Je me suis pour ma part souvent demandé quelle était la position du parti à l'égard de la laïcité, ce qui rejoint au fond votre problématique. Bien qu''étant moins hostile par principe à l'islam (mais les musulmans qu'il m'arrive de croiser par hasard ont vite fait de me ramener à des sentiments moins bienveillants...), j'ai tendance à penser que la France ne restera "chrétienne" (si tant est qu'on puisse la dire telle aujourd'hui) qu'à la condition de revenir à une forme de Concordat, où les religions "tolérées" (judaïsme, islam, pourquoi pas d'autres plus minoritaires, voire en y incluant les branches hérétiques du christianisme) seraient aussi subventionnées à la hauteur de leur nombre d'adhérents, étant entendu et explicitement stipulé qu'elles ne devront jamais devenir majoritaires - coup de bluff, cela va de soi, qui pourrait empêcher une telle chose de survenir si elle doit survenir ? ("subventions" qui auraient l'avantage à la fois d'être fixé - l'islam, combien de divisions ? - et de forger à sa guise un islam meilleur (je sais que ça doit paraître un ignoble oxymore pour beaucoup d'in-nocents... un islam moins pire ?)).
Et que pense le parti de la proposition de ce philosophe que cite souvent Finkielkraut, dont le nom m'échappe, qui a écrit "comment être conservateur-libéral-socialiste" (mais je ne suis plus sûr du titre, ni de l'ordre des qualificatifs) ? Le parti de l'in-nocence serait-il le premier parti "conservateur-libéral-socialiste" ? Le premier membre d'une possible internationale amenée à ramener le monde sur une voie moins absconse ? De profundis clamavi !
Utilisateur anonyme
14 janvier 2011, 11:55   Re : In-nocence et libéralisme politique
Sur John Rawls, je ne suis pas sûr de partager le point de vue de M. Stéphane Billy. Pour une raison d’abord qui est que je suis certainement beaucoup plus libéral qu'il ne l'est ou que ne l’est le parti de l’In-nocence. En fait, à mon avis, il y a deux postérités possibles de John Rawls, l’une social-démocrate qui est celle à laquelle M. Billy fait référence. Je la trouve au passage plus acceptable que le socialisme bureaucratique d’Etat (qu’incarna idéalement Mme Martine Aubry au temps des 35 heures triomphantes). Mon propos n’est pas - on ne s’en étonnera point - de choisir entre deux versions du socialisme, mais de montrer qu’il y a une version libérale de John Rawls. A ce sujet, je signale une excellente présentation de la pensée de Rawls par M. Jean-Fabien Spitz (revue Etudes janvier 2011) qui en souligne le caractère libéral, bien que cet universitaire soit, lui-même, proche des socialistes.

Sans revenir sur les idées de Rawls, elles-mêmes, je voudrais ne m’attacher qu’au parti qu’en peut tirer un libéral forcené, comme je le suis. Peu m’importe de solliciter ou non sa pensée. D’abord, il rend pensable un impensable, il nous sort d’une aporie : la notion de justice sociale. Elle n’est pas indifférente, ou ne devrait pas l’être, à un libéral pur et dur. En effet, comme le souligne M. Spitz : « …accepter la liberté des échanges et la pluralité des centres de décision et de propriété n’implique pas que l’on considère toute répartition qui naît dans le cadre d’un laisser-faire comme nécessairement légitime. Ce ne serait le cas que si le marché était un ordre intangible découlant de la nature même des interactions sociales et échappant à tout contrôle humain, et non pas une institution établie et soutenue par des règles d’origine humaine. » De fait, les mécanismes du marchés, comme tout artefact, comportent des défaillances. De plus, le marché amène à l’exclusion du système d’un nombre important de gens dont les qualités ne répondent pas à l’ordre du marché. Faut-il alors sacrifier le marché pour sauver ceux qu’il marginalise ? Rawls répond non en proposant son «principe de différence ». Ce principe de différence pose que les plus avantagés ne peuvent recevoir des avantages nouveaux liés par exemple à un gain d'efficacité que si les moins favorisés reçoivent un avantage relatif au moins égal. Imaginons alors une société abandonnée, autant que faire se peut, aux règles du marché (d'aucuns diraient à l’arbitraire, je dirais au contraire à la neutralité du marché). Une réallocation des biens et des flux se produirait. Certains y trouveraient leur avantage, d’autres seraient exclus de la distribution. Or, on peut penser avec Rawls qu’un ordre social n’est acceptable que s’il bénéficie aussi aux plus défavorisés.

La solution est connue depuis longtemps : c’est l’allocation universelle (il existe diverses variantes, comme l’impôt négatif). Un mot de son principe pour ceux qui ne la connaissent pas. On supprimerait toutes les prestations sociales accordées sous condition. Chaque individu, riche ou pauvre, aurait droit à un sorte de RMI (mais personne n’aurait à invoquer son indigence pour le toucher). De telle sorte que les exclus du marché bénéficieraient d’un minimum vital. Ce qui est important, c’est que cette allocation universelle est une créance irréfragable sur la société. Aucune contrepartie n’est exigée, notamment de se mettre au travail. Chacun fait ce qu’il veut, se contente de son allocation ou l’arrondit en s’activant. Peu importe que ses bénéficiaires soient des fainéants ou stakhanovistes, elle est axiologiquement neutre. On est libéré du pathos sur la nécessité de se construire par le travail, de la dignité par le travail et autres maximes édifiantes. Jacques Marseille (après Keith Robert au début des années 80) essaya d’en calculer le montant. Il l’estima à 733 € par personne et par mois : « Une somme qui correspond aussi à un peu plus du seuil de pauvreté, fixé à 50% du revenu médian, soit 733 € pour une personne seule. », expliquait-il.

Rappelons aussi que l’une des conséquences que l’on peut tirer de la pensée de John Rawls est celle d’un Etat sinon minimal, du moins dont le champ d’action est limité. Comme le remarque M. Spitz : « En insistant sur la nécessaire priorité de ce principe de liberté, ils exprimeraient l’idée que la première qualité d’un système institutionnel est de respecter l’indépendance morale des citoyens de manière égale, et de permettre à chacun de développer ses propres finalités autant que cela est compatible avec un droit égal de le faire pour tous, et ils affirmeraient leur volonté de se prémunir contre toute utilisation de la force de l’Etat pour forcer leur conscience ou les contraindre à adopter des buts, des valeurs et des modes de vie auxquels ils n’adhèrent pas. »

Un libéralisme presque total devient alors pensable. Il lui faut néanmoins intégrer les trois fondements du parti de l’In-nocence en prenant notamment en compte les externalités de tout système, ou pourrait-on dire, en prévenant les dommages collatéraux d’un marché déchaîné, notamment ceux causés à l’environnement.

Si ces quelques réflexions m’éloignent de la pensée centrale des amis de l’In-nocence, elles m’éloignent tout autant du dogmatisme d’un libéralisme fondé sur une généralisation du droit de propriété. On se rappelle que la liberté individuelle est, pour ces passionnés du droit de propriété, fondée sur la propriété qu’a chacun de sa propre personne, etc. En somme, cet écart est peut-être un avatar, ou plus probablement un résidu de la liberté de pensée.
Vous remarquerez, cher M. Michel, que je n'ai abordé l'oeuvre de Rawls, ou le peu que j'en connais, que sous l'angle de la "politique culturelle" et des conséquences à mon avis funestes qu'impliquerait l'application de la conception rawlsienne de l'identité de l'homme démocratique (conception qui repose sur une sorte d'historicisme par lequel le devoir de reconnaître la pluralité des cultures est justifié par le simple fait de la pluralité des valeurs dans nos sociétés). Aussi ne me suis-je point prononcé sur les tenants et aboutissants de la conception rawlsienne de la justice sociale, sur la quelle vous avez sans doute plus de lumières que moi.
Utilisateur anonyme
14 janvier 2011, 14:07   Re : In-nocence et libéralisme politique
Cher Monsieur Billy,

Je ne sais pas si j'ai quelques lumières sur Rawls, et encore moins, par rapport à vous-même. J'ai découvert Rawls lors d'un séminaire que Jean-Pierre Dupuy lui consacrait, voici bien longtemps. Puis je l'ai lu. Je n'ai, à aucun moment, perçu que Rawls ait pu adhérer à une quelconque forme de relativisme culturel. Mais peut-être l'ai-je mal lu ? En tout cas, à l'époque, je ne lisais pas dans cette optique.

En reprenant mes notes de lecture, j'y trouve simplement une neutralité axiologique de l'Etat. J'y vois plutôt une référence à une forme de laïcité. Neutralité de l'Etat, laissant à chacun la liberté de ses convictions. Je n'appelle pas cela du relativisme culturel. Toutes les convictions ne se valent pas pour autant. Du moins est-ce ainsi que je comprends Rawls.

La neutralité requise par Rawls imposerait, me semble-t-il, à un professeur non seulement une absolue neutralité religieuse, mais il faudrait encore que, par exemple, après un an passé à suivre les cours d'un professeur d'histoire, ses élèves n'eussent pas pu deviner ses propres convictions politiques. Je crois me rappeler avoir vécu cela, voici un peu plus d'un demi siècle. Est-ce là renoncer à la subtile hétéronomie de l'éducation ? Je ne le crois pas. Car enseigner l'histoire, c'est bien faire éprouver le poids du passé.

Le consensus sur les institutions est au prix de cette indifférence de l'Etat aux opinions individuelles. Rawls pose un principe : "La priorité de la liberté signifie que la liberté ne peut être limitée qu'au nom de la liberté elle-même." (Théorie de la justice, Paris, Seuil 1987 (Edition américaine Harvard 1971, traduit de la version corrigée de 1975), p 280). Plutôt que de relativisme, je parlerais là encore de libéralisme. Rawls légiférerait peut-être sur les empiètements de l'islamisme s'il menaçait le consensus.

Au total je suis moins convaincu que vous que Rawls ait eu grande influence à gauche comme à droite en France. En revanche la question, plus fondamentale, que vous posez (le PI peut-il être libéral ?) ne me paraît pas simple. Du moins si on s'impose un principe de non-contradiction. Si, au contraire, on accepte d'être libéral ici, holiste là, on peut espérer s'approcher mieux du réel qui n'est pas moins contradictoire que l'idée que nous nous en faisons.
Je voulais dire que concrètement, sur le plan de l'action politique concrète, se prévaloir de la théorie de la neutralité axiologique absolue de l'Etat (les derniers principes intangibles servant de référence à ce dernier étant les droits de l'homme - il ne s'agit donc pas d'un relativisme des principes, loin de là, mais d'un relativisme culturel - je dirais même que s'en tenir, pour un Etat, aux seuls principes universels, le conduit à adopter un point de vue indifférent sur la culture concrète des individus qui composent les peuples) conduit à une forme de relativisme culturel. Par exemple, une loi sur l'interdiction de la burqua (si limitée qu'elle fût) serait impossible si ce principe généreux était appliqué à la lettre. Le problème est qu'une théorie comme celle de Rawls s'accommode à merveille de la situation présente ; elle est parfaitement applicable dans les terrains vagues que sont devenus l'Amérique et les pays européens. C'est une théorie d'après le désastre (mais que Rawls n'appelle pas un désastre), utilisable par les pays déjà transformés en halls d'aéroport. Assurer autant que faire se peut la coexistence pacifique des diverses communautés placées sous une loi commune, dans des pays devenus méconnaissables. Mais les in-nocents ne veulent pas d'un pays méconnaissable !
Utilisateur anonyme
14 janvier 2011, 14:37   Re : In-nocence et libéralisme politique
Je suis d'accord avec vous sur l'essentiel. Et la question de savoir ce qu'aurait dit Rawls, ou ce que dit un disciple de Rawls, de la situation concrète de la France aujourd'hui est sans intérêt.
Utilisateur anonyme
14 janvier 2011, 14:49   Re : In-nocence et libéralisme politique
Les très intéressantes interventions sur le fil engagé par Stéphane Bily mériteraient de longs développements que je ne suis pas en mesure de faire à cette heure. Juste un mot donc sur deux points de détail.

L'importance de la pensée de John Rawls ne doit pas être surestimée. Elle n'inspire pas les décisions des cours constitutionnelles et n'est en rien à l'origine du développement de ces juridictions. C'est plutôt à Hans Kelsen et à sa Théorie pure du droit qu'il convient de se référer pour expliquer que les institutions démocratiques occidentales actuelles prévoient une limite au pouvoir de la majorité que les gardiens de la Constitution sont chargés de faire respecter. Quant au libéralisme, sa pensée contemporaine doit sans doute plus à Friedrich Hayek qu'à John Rawls.
Utilisateur anonyme
14 janvier 2011, 17:08   Re : In-nocence et libéralisme politique
Entièrement d'accord sur Hayek. Toutefois je ne suis pas très sûr qu'il soit vraiment lu par les acteurs politiques.
Et puis... les politiques lisent-ils?
Excusez-moi, mais je ne vois pas pourquoi, à propos de "la neutralité axiologique absolue de l'Etat", "une loi sur l'interdiction de la burqua (si limitée qu'elle fût) serait impossible". A propos de la loi qui a été adoptée, l'appellation journalistique n'a rien à voir avec le texte, n'est-ce pas ? Il n'y a aucune "loi sur la burqa", mais un texte instituant que "nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage."

Sans doute est-il nécessaire et suffisant que la loi se permette ce genre de choses, en se gardant des attaques ad personam. Si les croyants d'une religion ou d'une idéologie quelconque veulent continuer de l'être, il me semble que la loi ne doit pas leur interdire, à condition qu'ils le soient en respectant des principes "axiologiquement (ou plutôt : culturellement) neutres" tels l'égalité de l'homme et de la femme, la liberté individuelle de croire ou ne pas croire, de boire et de manger à toute heure, de rapporter des faits historiques ou actuels, de blasphémer, etc...
Si par malheur une telle suite de prescriptions culturellement neutres en venait à signifier pratiquement l'interdiction d'une culture dont l'essence consisterait à les enfreindre, cela n'en ferait encore pas une rupture de la neutralité.
Oui, mais vous voyez bien qu'il a fallu pour qu'une telle loi fût adoptée opérer un contournement, une traduction préalable dans la langue de l'heure, celle des principes universels, une abstractisation de la loi (la burqua était bien sûr spécifiquement visée, mais pour que la loi passe devant le Conseil constitutionnel, il a fallu, en quelque sorte, ruser - c'est du moins ce que je pense). On s'est bien défendu de vouloir défendre la France, l'identité de la France ; on a préféré à ce terme "excluant" la notion plus générale de "République".
Optimisme rawlsien : « Si une secte intolérante apparaît dans une société bien ordonnée, les autres ne devraient pas oublier la stabilité inhérente à leurs institutions. Les libertés dont jouissent les intolérants pourraient les persuader de croire à la valeur de la liberté, d'après le principe psychologique qui veut que ceux dont les libertés sont protégées par une juste constitution et qui en tirent des avantages lui deviendront fidèles, toutes choses égales par ailleurs, au bout d'un certain temps. » Cela cependant est immédiatement après un peu nuancé de la façon suivante : « Ainsi, même si une secte intolérante apparaissait — à condition qu'elle ne soit pas initialement assez puissante pour pouvoir imposer aussitôt sa volonté ou qu'elle ne se développe pas si rapidement que le principe psychologique n'ait pas le temps d'agir —, elle aurait tendance à perdre son intolérance et à reconnaître la liberté de conscience. »
Théorie de la justice, La tolérance à l'égard des intolérants



» La solution est connue depuis longtemps : c’est l’allocation universelle (il existe diverses variantes, comme l’impôt négatif). Un mot de son principe pour ceux qui ne la connaissent pas. On supprimerait toutes les prestations sociales accordées sous condition. Chaque individu, riche ou pauvre, aurait droit à un sorte de RMI (mais personne n’aurait à invoquer son indigence pour le toucher).

Qu'une telle idée soit incorporée au programme du P.I., cela pourrait faire des étincelles ; il faudrait que les économistes du parti potassassent la question...
Je crois me souvenir que le dernier paragraphe de Libéralisme politique (à moins qu'il ne s'agisse d'un autre ouvrage ?), à tonalité presque hégélienne, est du même tonneau quant à l'optimisme. Il faudrait que je le retrouve.
Certes, mais ne vaut-il pas mieux laisser au droit abstrait le soin de défendre des principes abstraits, et à la manière d'agir d'un peuple, à ses coutumes, la responsabilité de préserver sa substance éthique ? Légiférer expressément contre la burqa, n'aurait-ce pas été non seulement tactiquement maladroit mais surtout essentiellement déplacé ? Il me paraît y avoir là plus qu'une saine hypocrisie. Ce qui nous menace, plutôt que l'abstraction du droit, à qui l'on fait dire ce que l'on veut, n'est-ce pas son instrumentalisation par une autre volonté que la nôtre ?
Ce qui nous menace, plutôt que l'abstraction du droit, à qui l'on fait dire ce que l'on veut, n'est-ce pas son instrumentalisation par une autre volonté que la nôtre ?

Précisément ! Mais cette instrumentalisation est facilitée par... son abstraction.
Utilisateur anonyme
15 janvier 2011, 09:35   Re : In-nocence et libéralisme politique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
L'idée d'une allocation universelle, depuis que j'y réfléchis, me semble présenter d'innombrables avantages, outre celui - qui n'est pas mince - de libérer les individus du travail obligatoire. Elle implique également la suppression d'un gros boulon de la machine administrative, puisqu'il ne serait plus nécessaire de gérer les prestations sociales. Le montant évalué par Jacques Marseille paraît sous-estimé : 733 euros, c'est le loyer d'une chambre à Paris. L'allocation devrait réellement permettre de satisfaire aux besoins vitaux : manger, se loger, se vêtir, se soigner - sans quoi elle n'aurait pas la même force "révolutionnaire". Il relèverait ensuite de la liberté de chacun de travailler pour satisfaire d'autres besoins. Ce système soulève cependant un problème majeur : qui fera le "sale boulot" indispensable au fonctionnement de la société ? Ce point a-t-il fait l'objet d'une réflexion ?
Utilisateur anonyme
15 janvier 2011, 12:14   Re : In-nocence et libéralisme politique
Je suis d'accord sur le fait que le calcul de Marseille est construit comme un jeu à somme nulle. Peut-être faut-il le faire autrement. Je pense qu'il faudrait articuler l'allocation universelle avec la TVA sociale. Je ne vais pas plus loin, car le sujet est très technique. Une marge de manœuvre nous serait donnée par la suppression corrélative du SMIC qui n'aurait plus de raison d'être. Or pour compenser le coût du SMIC, on verse actuellement environ 22 milliards € par an aux entreprises au titre de l'allègement Fillon. Cette somme serait disponible pour l'allocation universelle.

Quant aux sales boulots, je n'ai pas d'inquiétude. Comment une grande partie des RMistes font-ils pour vivre ? Ils font du travail au noir, de même que certains chômeurs. Avec l'allocation universelle, ils n'ont plus à se cacher. Les bénéficiaires de cette allocation - au moins pour certains d'entre eux - raisonneront à la marge. Pour avoir un peu plus d'argent, ils feront un boulot supplémentaire et prendront ce qui se présentera, y compris les "sales boulots". C'est un peu cynique. Mais je ne crois pas que les gens qui vident les poubelles le font par vocation.
Bien sûr que non, ils ne le font pas par vocation Cher Christian, et c'est là le problème. On pourrait supposer qu'ils ne le feraient pas du tout s'ils pouvaient vivre sans travailler; mais ce que vous dites est juste : beaucoup n'ayant pas la possibilité de tenir un emploi plus qualifié, accepteront des tâches peu gratifiantes pour gagner plus d'argent. Il est même fort probable que la majorité des individus continuent de travailler, mais à leur gré, à leur rythme, et selon les horaires qu'ils auront une liberté relative de définir - et là encore, ce ne serait pas un progrès minime !
Citation
Didier Bourjon
etc.

Merci pour le lien ; je m'y plonge.
J'aimerais pouvoir en revenir avec quelque énoncé capable de faire avancer le schmilblick — enfin, la dialectique...
— Mais je ne suis pas sûr d'être à la hauteur.
15 janvier 2011, 21:58   Le P.I. à la pointe du progrès
Outre les dispositions naturelles au marginalisme, il y a aussi le fait que les machines peuvent, en théorie du moins, prendre d'ores et déjà en charge une partie importante desdits sales boulots. Si l'on élabore des véhicules pouvant s'auto-conduire et des robots destinés à la chirurgie de précision, de tels systèmes pourraient vider les poubelles. Cela me fait penser à ces as du ménage mentionnés autrefois par Jean-Marc, Houla-Hop et Rambo (je ne suis pas sûr des noms), qui vous briquent un appartement les doigts dans le nez pendant que les hommes, plutôt les femmes, vaquent à d'autres occupations.
Il est là, le chaînon manquant entre la prouesse technique et un quotidien bien moins ineptement et artificiellement gelé, plus à portée de main, me semble-t-il, qu'on ne pourrait le croire.
Citation
Christian Michel
Ce qui est important, c’est que cette allocation universelle est une créance irréfragable sur la société. Aucune contrepartie n’est exigée, notamment de se mettre au travail. Chacun fait ce qu’il veut, se contente de son allocation ou l’arrondit en s’activant. Peu importe que ses bénéficiaires soient des fainéants ou stakhanovistes, elle est axiologiquement neutre. On est libéré du pathos sur la nécessité de se construire par le travail, de la dignité par le travail et autres maximes édifiantes.

Je ne vois vraiment pas comment une telle idée pourrait être compatible avec les principes de l'in-nocence.
S'il s'agit de ménager la possibilité d'encourager et d'entretenir la fine fleur des cultures, celle de soi, condition de toutes les autres, elle l'est, me semble-t-il...
Oh oui elle l'est, ou devrait l'être ! Travail moderne et sculpture de soi sont antinomiques.
Je ne sais pas si c'est le bon endroit :
-20110118-[zoneb]]Le Monde
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