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La langue de France Culture

Envoyé par Renaud Camus 
30 mars 2011, 12:55   La langue de France Culture
« Bonjour ! », dit la journaliste à un général. Puis :

« Mais cet envoi d'armes, c'est couvert et c'est compatible avec la résolution onusienne ? »
La thébaïde, la thébaïde...
Elle n'allait pas l'appeler "Mon général", quand même. Non mais pour qui y s'prend ? On est au XXI e siècle, quoi...
Si elle avait été polie, elle aurait dit : "Bonjour général".
Je crois que l'on dépasse le stade de la seule impolitesse, cher Florentin, et que tous ces manquements ne sont plus dûs qu'à une solide inculture. J'entendais ainsi Pascale Clark, il y a peu, s'adresser à un lieutenant-colonel en lui donnant du lieutenant...
Excusez-moi, mais là vous y allez peut-être un peu fort : est-ce vraiment une preuve d'inculture que d'ignorer ces subtilités (je parle du lieutenant-colonel) ?
Quelques notions de protocole ne sont pas inutiles, surtout pour un journaliste.
Utilisateur anonyme
30 mars 2011, 15:44   Re : La langue de France Culture
... d'autant plus que ces questions, protocolaires, de simple politesse, ne sont pas vraiment des subtilités uniquement connues par la crème des diplomates...
« Excusez-moi, mais là vous y allez peut-être un peu fort : est-ce vraiment une preuve d'inculture que d'ignorer ces subtilités (je parle du lieutenant-colonel) ? »

Ça par exemple, vous êtes sérieux ? Moi qui trouvait l'exemple cité tellement énorme qu'il défiait la vraisemblance...

Il faut avoir peu pratiqué la littérature française d'avant 1950, en tout cas...

Et confondre un maréchal et un maréchal-ferrant, ça ne vous paraîtrait toujours pas une preuve d'inculture ?
Pour le général, j'étais tout-à-fait d'accord avec vous, mais est-il si évident qu'on doive savoir comment s'adresser à un lieutenant-colonel ? (Si vous me dites que oui, c'est évident, je m'en remettrai de bon gré à votre jugement, faisant preuve moi-même d'une vaste inculture dans ces domaines, et bien d'autres.)
Depuis la fin de la conscription, la connaissance du protocole militaire s'est appauvrie, c'est un fait.
Attendre d'une femme journaliste de quarante ans qu'elle connaisse ce protocole est peu réaliste.
Oui mais de là à l'appeler lieutenant ! Lieutenant, dans la culture française, c'est un mot qui connote la jeunesse, pour commencer...
J’avoue à ma grande honte que, ne connaissant pas ces usages, je me suis empressé d’aller consulter un vieux manuel de savoir-vivre :
[gallica.bnf.fr]
Il me paraît acceptable de ne pas connaître le protocole. En revanche, ce qui n'est pas acceptable, c'est de ne pas s'informer avant de conduire un entretien public, quand on se pique de professionalisme.
Utilisateur anonyme
31 mars 2011, 07:31   Re : La langue de France Culture
L’inculture est aussi dans le mépris. Une amie, professeur d’Université, pensait qu’un caporal était le supérieur d’un général (sic). Quand elle découvrit que ce n’était pas le cas sa justification fut : « Je ne les aime pas, alors… ». L’inculture est une fermeture au monde, plus qu'une ignorance des usages.
Une journaliste consciencieuse aurait demandé à l'officier comment on doit l'appeler, si elle n'était pas certaine. Mais cette incertitude suppose une conscience de sa possible ignorance et la honte qui va avec. Les deux n'existent plus guère dans la caste journalistique : inculte et insoucieuse de s'instruire.
Utilisateur anonyme
31 mars 2011, 08:08   Re : La langue de France Culture
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Oui, ce qui frappe le plus à présent chez ces messieurs et dames du complexe médiatico-politique, c'est qu'ils ont l'ignorance arrogante et sans remords : ouais, j'ai dit qu'le Japon est dans l'hémisphère sud, ou bien, j'lai appelé lieutenant, ou encore je sais pas accorder un, un comment vous dites, un participe passé ? Et alors, ben quoi, kesskeçapeufèr, onssenfou, fêtepachierquoi. Ce qui prouve tout de même que l'on a franchi un nouveau cap dans le processus de déculturation, sans doute lié au passage à la deuxième génération.
La déculturation est encore une référence à une culture, fût-elle perdue. Nous sommes désormais dans le "n'importe-quoi-je-fais-comme-bon-me-semble-de-toute-façon-y'a-pas-de-modèle-ni-de-méthode".
C'est un avatar médiatique du "moi-mêmisme-c'est-vraiquiste" : ce qui frappe, c'est l'étonnant mimétisme qui frappe tous les praticiens de ce "moi-mêmisme-c'est-vraiquiste", un mimétisme qui n'est sensible qu'à la laideur, à la vulgarité et à l'expression cuistre (mal employée en général, comme, par exemple : éponyme, "mettre à jour" pour "mettre au jour", plus récemment "palinodie" (pour parodie)).
Je ne crois pas que le verbe fèrepachier s'écrive avec un accent circonflexe.
Utilisateur anonyme
31 mars 2011, 14:36   Re : La langue de France Culture
Je me demande ce qui est le plus attristant : le fait d'entendre que le Japon est dans l'hémisphère sud ou bien s'apercevoir que la personne à l'origine de cette confusion est titulaire d'un DEA de géographie...
Ni l'un ni l'autre. Le plus affligeant est que cette personne continue de se porter devant les caméras, d'aller dans le monde, de pérorer en public, et d'afficher sa belle et désespérante assurance comme si de rien n'était.
Il faut savoir qu'une personne qui est titulaire d'un DEA - de géographie ou de n'importe quelle autre discipline - ne se trompe jamais, ne peut pas se tromper. Comment pourrait-elle se tromper, puisqu'elle est titulaire d'un DEA ? Et si vraiment elle se trompe, ce n'est pas par ignorance, cela ne peut pas être par ignorance, puisqu'elle possède cet incontestable, insurpassable DEA.

"Le diplômé passe officiellement pour savoir : il garde toute sa vie ce brevet d'une science momentanée et purement expédiente." (Paul Valery, Le bilan de l'intelligence.)
À propos des diplômes, j'ai peur que nous n'en soyons plus là. Là aussi, c'est peut-être une question de génération. La première utilisait encore le vernis du diplôme ; la seconde revendique d'être un pur concentré de vernis. S'il y a bien une chose dont on se vante encore, dans ce domaine, c'est de ne pas avoir de diplôme. "Je n'ai pas fait l'ENA, moi" paraît aujourd'hui la meilleure façon de clouer le bec à un interlocuteur qui nous importunerait avec quelque argument.
On pourrait bientôt regretter le regret valéryen, comme chez nos bourgeois les fausses intégrales de Balzac, chez nos élèves un faux intérêt pour le savoir, chez nos chefs d'État une fausse grandeur, chez nos concitoyens une politesse fausse...
Julien, je ne vous suis pas très bien. Voulez-vous dire que la phrase de Valery ne s'applique pas à la situation actuelle ? Il ne me semble pas vrai que les jeunes d'aujourd'hui crachent sur les études supérieures. Je crois au contraire qu'ils ne jurent que par le diplôme.
Citation
Francis Marche
Ni l'un ni l'autre. Le plus affligeant est que cette personne continue de se porter devant les caméras, d'aller dans le monde, de pérorer en public, et d'afficher sa belle et désespérante assurance comme si de rien n'était.


Comme bien des acteurs les politiques ont un ego envahissant. Mais si les acteurs vivent souvent dans la crainte de ne plus être aimés, les politiques ne doutent pas de l'être toujours.
Dans le cas de Cécile Duflot on peut risquer une analyse plus précise. Voilà une personne qui représente un parti politique qui aspire à diriger le pays — et il y a quelques raisons de penser qu'il y parviendra, au moins dans le cadre d'une coalition, et elle sera ministre — et qui a administré très publiquement la preuve de l'hypocrisie de son mouvement avec l'affaire du confit de porc qu'elle adore mais elle n'a pas le droit de le dire, et celle de sa stupéfiante ignorance, la sienne propre cette fois. Et, comme le souligne Francis, il n'y a de sa part ou de la part de son parti nulle excuse confuse, nul communiqué rectificatif, non, « elle continue de se porter devant les caméras, d'aller dans le monde, de pérorer en public, et d'afficher sa belle et désespérante assurance comme si de rien n'était. » C'est que ces gens pensent que ces choses ne scandaliseront que ceux qui, de toute façon, sont perdus pour eux, et que leurs partisans actuels ou potentiels, eux, ne s'en formaliseront pas, si même ils les relèvent.

Ont-ils raison de penser cela ? Certainement.

D'abord parce qu'il est finalement très improbable que ces aveux soient remarqués par beaucoup de Français puisque le complexe médiatico-politique, si prompt, souvent, à sonner l'hallali au moindre faux pas et à donner alors le signal d'une curée dont il est toujours difficile de se relever, a observé ici, et les deux fois, un silence absolutoire et complice. C'est que, et au vrai on s'en doutait un peu, les idées des Verts sont doxo-compatibles : leur anticapitalisme gentillet n'est pas plus sérieux que celui des socialistes et ils se gardent comme de la peste de remettre en cause l'enseignement de l'oubli, la déculturation, l'immigrationnisme ou même le populationnisme. Cécile Duflot fait d'énormes faux-pas mais elle ne commet pas le moindre dérapage.

Ensuite, et c'est plus intéressant, parce que les Verts suscitent, promeuvent et sont issus d'une attitude non pas scientifique, mais de nature religieuse. La vérité scientifique, la connaissance impartiale, le doute raisonné leurs sont absolument étrangers. Ils ne cessent de parler technique, climat, biologie, pédologie, agriculture, de manier des prévisions chiffrées, des statistiques et des lois physiques, mais ce babil est à peu près aussi scientifique que l'était le discours des marxistes purs et durs. Non que tout soit faux dans ce qu'ils assènent, loin de là bien sûr, de la même façon que bien des constats et des aspirations communistes étaient hautement nécessaires et tout à fait respectables. Cependant, dans les deux cas, nous avons un mouvement qui affirme que sa doctrine est scientifique mais qui est en fait une église reposant sur des dogmes. C'est pourquoi l'ignorance, même crasse, n'a aucune importance, seule compte la connaissance du dogme.

Nous revendiquons une sensibilité écologiste. C'est tout aussi nécessaire que l'était, au milieu du XIXe siècle, la lutte contre les "orgies du capital" et l'amélioration de la condition ouvrière. Prenons garde cependant à ne pas nous laisser prendre au piège des dogmes faussement scientifiques qui sont associés à cette sensibilité. Avec nos positions véhémentement anti-populationnistes nous administrons la preuve que nous savons le faire, en tout cas dans ce domaine précis.
Utilisateur anonyme
31 mars 2011, 21:33   Re : La langue de France Culture
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je vous rejoins tout à fait sur votre brillante analyse de la mouvance écolo-Verts, cher Marcel.
Marcel,

Ce que vous dites est fort juste. Je verrais même un côté messianique à la pensée verte, à savoir que l'écologie joue un rôle de libérateur quasi divin pour l'humanité.
L'écologie est un cheval de bataille, rien de plus, les Verts ont des visions de chaos à l'image de leurs cervelles.
Cécile Duflot peut bien déclarer, son beau regard de myope toisant son interlocuteur, que les pigeons tètent leur mère, et que celle-ci les porte trois mois dans une petite poche kangourou soigneusement dissimulée sous leur plumage ventral, tant que ça reste doxo-compatible, tant que ça ne constitue pas un "dérapage", que c'est dit avec aplomb et de jolis mouvements de mains, ça passe. Elle sera ministre. Elle le sait. Nous aurons une ministre du Développement durable qui situe le Japon dans l'hémisphère sud, très précisément entre la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la Labrador.
Les verts anti-dérapants ont l'énorme avantage, du point de vue de la doxa, du toujours-déjà sympa.
Citation
Olivier Lequeux
Julien, je ne vous suis pas très bien. Voulez-vous dire que la phrase de Valery ne s'applique pas à la situation actuelle ? Il ne me semble pas vrai que les jeunes d'aujourd'hui crachent sur les études supérieures. Je crois au contraire qu'ils ne jurent que par le diplôme.

Les jeunes d'aujourd'hui se laissent surtout emporter par l'ascenseur scolaire qui les conduit sans faillir de la maternelle à la faculté. Ils le font non par amour du diplôme, mais parce qu'il est plus facile de glandouiller une année de plus au chaud avec les copains que de se coltiner au réel. Ils n'ont même pas idée qu'ils pourraient prendre une autre décision, d'ailleurs. On se garde bien de le leur faire remarquer, tout comme d'exiger d'eux les moindres prémices d'une véritable volonté de poursuivre des études.

Plus généralement, il y a aujourd'hui sans doute un attrait pour toute étiquette qui fera qu'on vous interviewe, qui vous donnera l'autorité pour exposer la doxa — puisqu'on n'a certes plus le temps d'écouter des arguments. Mais n'importe quelle étiquette fera l'affaire, et plutôt celle du communicant ou du people que de l'universitaire, forcément abscons et déconnecté du réel.
02 avril 2011, 14:06   Glander
Il y a aussi que "glandouiller" fait partie intégrante de ce fameux "réel" mais que cette réalité-là n'est pas mieux regardée en face que les autres.
02 avril 2011, 15:08   Re : Glander
Je dirais pour ma part que "glandouiller" est devenu notre "réel", à nous autres derniers hommes, mais que nous sommes bien vite rattrapés par la réalité, sans pattes d'oie, en la figure des peuples qui savent encore ce qu'est l'effort, individuel ou collectif.
02 avril 2011, 16:04   Re : Glander
"(...) des peuples qui savent encore ce qu'est l'effort, individuel ou collectif."

A qui pensez-vous, si vous permettez ?
02 avril 2011, 16:21   Re : Glander
Les Japonais, les Chinois ? Les Australiens peut-être ?
Oui, c'est cela : les pays asiatiques, les BRICS, les pays de l'ancien bloc de l'Est, mais aussi certains pays anglo-saxons et protestants. D'une manière générale tous ceux dont la culture du travail, qu'elle soit liée à un modèle individualiste ou social, n'a pas été brisée par les idéaux libéraux-libertaires — en particulier, tous ceux dont l'École n'a pas été complètement transformée en garderie.
Bref, le monde de "ceux qui se lèvent tôt le matin"... Ce n'était pas vraiment une pensée mais un topos : le pensez-vous faux ?
Des Oxydentaux, quoi ?
02 avril 2011, 17:48   BRICS
Les populations de ces "BRICS", à mon avis, ne travaillent pas pour travailler, au nom de je ne sais quelle abstraite "culture du travail", je ne sais quel culte que nous aurions cessé de pratiquer, mais pour développer leurs pays afin que les conditions du travail s'améliorent et, l'une parmi les améliorations les plus en vue, c'est la diminution du temps de travail. Je ne pense pas que les populations de ces "BRICS" aient pour ambition de travailler douze heures par jour indéfiniment.
Quelqu'un peut-il enfin me dire ici (maintenant ou ailleurs) ce que signifie le verbe "travailler" ? (et en posant cette question très idiote, voire débile grave, ta mère à poil devant une centrale nucléaire fissurée, j'ai le sentiment de rester dans le droit fil de ce fil... Non ?)
02 avril 2011, 22:38   Re : BRICS
Entièrement d'accord, Orimont. Si je parlais du travail en sarkozyste, ce n'était qu'une malhabile tentative d'ironie bathmologique. Le travail ne se réduit nullement à sa version capitaliste aliénée. Son essence est bien plutôt dans l'art, ou le loisir comme skholè, cette sculpture de soi qu'est l'in-nocence.
Alors bien sûr, on ne peut pas dire que les pays émergents soient le règne de l'otium. Mais du moins y existe-t-il la condition de son développement, qui disparaît chez nous à grandes enjambées.
Je crois que le diplôme est bien plus qu'un simple passeport pour le monde du travail, que les étudiants essaieraient mollement d'obtenir, sans y attacher plus d'importance; il est devenu un titre de gloire et une attestation à vie de valeur personnelle (pas seulement scolaire). Il y a peu, j'ai entendu une jeune femme sortant de l'université déclarer qu'elle ne pourrait pas sortir avec un garçon "qui ne serait pas au moins bac + 5". Les bac + 0, 1 ou 2 sont aujourd'hui des loosers.
Il y a peu, j'ai entendu une jeune femme sortant de l'université déclarer qu'elle ne pourrait pas sortir avec un garçon "qui ne serait pas au moins bac + 5".

Numéro ? Adresse ? Description ? Photographie ?

Citation
Stéphane Bily
Il y a peu, j'ai entendu une jeune femme sortant de l'université déclarer qu'elle ne pourrait pas sortir avec un garçon "qui ne serait pas au moins bac + 5".

Numéro ? Adresse ? Description ? Photographie ?

J'eusse préféré que la demoiselle déclarât qu'elle souhaitait que son galant eût des lettres, mais là...
Lorsque vous saurez, Cher Stéphane, que la jeune femme en question est sèche comme un coup de trique, froide et bibliothécaire, vous ne serez sans doute plus intéressé par le numéro, l'adresse et la photographie. A moins que, bien sûr...
04 avril 2011, 11:24   Doute
"Il y a peu, j'ai entendu une jeune femme sortant de l'université déclarer qu'elle ne pourrait pas sortir avec un garçon "qui ne serait pas au moins bac + 5"."

Pas de bac + 5 grosses coupures sur chaque oreille, ou 5 "nominations" aux César, ou 5 millions de livres, disques ou n'importe quoi écoulés, je demande à voir le dédain.
C'était un lapsus, on devait comprendre Mac+5...
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