Extrait de
L'Eléphant est irréfutable (Julliard, 1980).
Larbaud nous dit, et nous prouve, une fois de plus, que la notion de désintéressement est à la base de toute culture et de toute civilisation. Nous n'avons besoin que de l'"inutile". C'est une chose qu'on a sue de tout temps. Tous les éducateurs l'ont sue. Ils ont l'air aujourd'hui de l'avoir oubliée si j'en crois ce que disent les journaux sur la direction dans laquelle on réforme l'enseignement
[oui, Vialatte a écrit cette phrase, correcte, mais peu élégante]. Car l'esprit de cette réforme est de confondre l'utile avec la spécialisation. Quel quiproquo ! "Les programmes scolaires doivent correspondre aux exigences de la vie". Mais qu'appelle-t-on exigences de la vie ? Le besoin immédiat de produire, ayant regardé des statistiques, quatre porcelainiers, cinq ou six dactylos, trois spécialistes du tungstène et quatorze ingénieurs du son ? La "vie" a bien d'autres "exigences" ! Il ne lui suffit pas que des bricoleurs adroits, profondément spécialisés, inventent la table en pente à manger les asperges, le chausse-pied à béquille réglable pour voir la revue du 14-Juillet, et la règle à calcul lavable, imperméable et incassable. Elle a besoin de la civilisation (...) Nous prépare-t-on un "nouveau goût" de la culture ? un "nouveau goût" de la civilisation ?