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Lire et faire lire (...ou faire rire)

Envoyé par Thierry Noroit 
Le merveilleux Eric Chevillard épingle aujourd'hui sur son blog l'Autofictif une récente rencontre entre Alexandre Jardin et Carla Bruni-Sarkozy, à propos du sort de "nos gamins". Ce serait paru dans Paris-Match. Encore un magazine que je n'achèterai pas.





La première dame a trouvé comment être utile aux Français. Elle s’engage contre un fléau qui ne dit pas son nom. Pionnier de cette cause, Alexandre Jardin l'a rencontrée. Il dévoile les secrets d'un face à face.

Un entretien avec Alexandre Jardin - Paris Match




A peine entré dans le bureau de Carla Bruni-Sarkozy, à l’Elysée, je reste effaré : son mari déboule et… l’embrasse fougueusement sous le nez des gens présents. Sous les ors de la République, nous sommes bien chez des amants légalement unis, alors que du temps des Chirac… Je ne crois pas qu’on ait vu souvent le grand Jacques s’emparer ainsi des lèvres de la belle Bernadette. Son Nicolas surgit, donc, crêté de détermination, après avoir couru les continents et les querelles sociales. Le matin même, un gars de la CGT, encoléré, a refusé de lui serrer la main. Le temps de ce baiser volé, Nicolas S. n’existe que pour elle.

Puis, redevenu président, il me prend bille en tête : des mots que j’ai prononcés dans un grand quotidien à son sujet – fragmentairement rapportés – l’ont consterné. Pour lui, on est pour ou contre sa personne. Je l’ai rencontré récemment et ai été désespéré par son manque d’ambition éducative qui reste, à mes yeux, une faute contre nos enfants. Je sens l’homme confronté à un univers qui le cogne. En lui, rien du soleil couchant, tout de l’abrupt maîtrisé. Je flaire illico qu’entre Carla et lui s’est tissée une alliance vraie. L’un et l’autre sont manifestement des êtres tentés par l’extrême du possible.

Pourquoi suis-je là, moi, écrivain mais aussi militant de l’association Lire et faire lire ? Parce que Carla Bruni-Sarkozy a décidé de briser le silence pour partager son engagement contre l’illettrisme. Et je suis en colère. Notre pays s’enfièvre de tout – l’immigration, les goûts littéraires du président, le nucléaire devenu fou – sauf de l’essentiel : le sort réel de nos gamins. L’année électorale s’ouvre et le bavardage médiatique continue à ne pas parler d’éducation : 20 % de nos gamins entrent au collège sans maîtriser l’écrit. 120 000 d’entre eux quittent en cours d’année le système scolaire sans diplôme ; 3 millions d’illettrés souffrent. La classe moyenne sait désormais que l’école ne protège plus du risque de déclassement : c’est insupportable.

Et on bavasse du reste ! Ma rage est d’autant plus grande que toutes les élites françaises savent parfaitement protéger leurs enfants ; tout comme les enseignants qui contournent efficacement la carte scolaire lorsqu’il s’agit… de leur propre fille ou fiston. Tous ceux qui détiennent les leviers de la société –syndicats enseignants compris – ont donc familialement intérêt à ce que rien ne change vraiment. Quand j’ai appris que Carla Bruni-Sarkozy voulait se mêler de ce fiasco national à travers sa fondation, j’ai donc accepté d’aller la voir : elle possède assez de muscles médiatiques pour taper du poing et replacer ce sujet au centre du jeu. Le fera-t-elle ?

"Depardieu va vous aider. Il
connaît l'illétrisme et aussi les mots."
Mais j’ai surtout bondi sur mon scooter avec une double colère. La première tient à la deuxième partie de son nom : Sarkozy… Il y a quelques semaines, comme je l’ai déjà dit, j’ai pu m’entretenir – entre autres – d’éducation avec son mari et j’ai senti le chef de l’Etat, sur ce sujet, passionné par une seule mesure phare : proposer, s’il est candidat, un nouveau statut – sur une base de strict volontariat – aux enseignants prêts à s’impliquer autrement dans la vie des établissements. Son idée de statut alternatif pourrait changer les pratiques, bien sûr, mais… elle me semble si peu à la mesure de la révolution nécessaire ! Je suis sorti ratatiné de ce déjeuner. Si Nicolas Sarkozy est réélu en 2012 et qu’il ne change pas de braquet dans cette campagne, nous n’aurons toujours pas de révolution éducative. La prudence l’emportera ; sauf s’il se réveille comme il l’a fait pour l’université.

Mon deuxième désespoir tient au programme plus que timoré du Parti socialiste en matière d’éducation – allez voir sur le site du PS, le néant exprimé est… hallucinant – et à une croyance très largement défendue à gauche : « Y a qu’à augmenter le nombre de profs pour que tout aille mieux. » Ce discours simplet a l’air vrai mais… n’a hélas guère de sens. Les chiffres ne sont qu’un facteur parmi mille autres. L’efficacité d’une stratégie éducative ne se juge pas au nombre de profs ! Donc, si la gauche passe en 2012 et qu’elle s’en tient à ces grognements chiffrés, nous n’aurons pas non plus de révolution scolaire. L’inertie l’emportera.

Et nos enfants continueront d’être victimes de nos lâchetés d’adultes. Sauf si ceux qui n’ont rien à perdre – et des éléments perturbateurs (Carla ?) – viennent pester contre la prudence de nos élites à peu près toutes d’accord pour… ne rien oser. Voilà dans quel esprit je me retrouve en face d’une Carla Bruni-Sarkozy embrassée. Cette tête de mule intelligente est-elle prête à sauter à pieds joints dans ce débat miné – avec toute sa force d’entraînement médiatique – ou prend-elle la parole pour aider son homme qu’elle aime ? Servira-t-elle nos enfants ou son candidat ?
Ressaisie, elle lui suggère d’aller « faire son sport ». Nicolas Sarkozy l’embrasse à nouveau (avec ardeur) et s’éclipse. Sous le soleil fade de Paris, l’accent de Carla fait croire en l’Italie. J’enclenche mon magnéto. Chez elle, le bizarre et l’étrange salent et poivrent une simplicité trop lisse pour la résumer. Il y a du farouche et du tendre dans ses attitudes, du carnassier et du cordial dans ses mots. Elle ose des phrases qui sont d’un jet franc.

Retrouvez l'intégralité de l'interview de Carla Bruni-Sarkozy dans ParisMatch n°3232, dans les kiosques dès mercredi.
Jardin est un piêtre écrivain, c'est une affaire entendue. Mais son "Des gens très bien" n'est pas absolument futile, malgré les récupérations hesseliennes qu'on peut imaginer...
Utilisateur anonyme
28 avril 2011, 17:20   Re : Lire et faire lire (...ou faire rire)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"...un nouveau statut – sur une base de strict volontariat – aux enseignants prêts à s’impliquer autrement dans la vie des établissements"

C'est tout de même très éloigné dans la forme (dans le fond, n'en parlons pas) de la sécession scolaire mise au programme du PI (clausule habituelle :"si je ne me trompe"). Le mot sécession est très bon et très fort. Rien à voir avec ce strict volontariat jardinesque, conformiste et remplaciste en diable.
"nos gamins"
Tout est dit .
Didier,

Sur le fond, l'idée du PI est bonne. Le problème tient à ses possibilités d'application dans le cadre du secteur public.

Un tel système est sans doute possible dans l'enseignement privé, pas dans l'enseignement public compte-tenu du gouvernement de l'Education nationale par et pour les syndicats.

Le système du triple volontariat (professeurs, élèves, parents) et des établissements à objectif repensé me plait beaucoup, pourquoi alors ne pas sauter le pas et affirmer que ces établissements auront un statut de droit privé, libéré des Commissions administratives paritaires, avec affectation des moyens à proportion du nombre d'élèves ? pourquoi leur attacher d'emblée à la cheville le boulet du "public" ? qu'est-ce que cela apporte ?
Pour répondre à Jean-Marc je crois tout de même que l'emprise syndicale s'est un peu relâchée dans la Fonction publique, y compris dans l'Education nationale, depuis plusieurs années.

Les syndicats ne paraissent pas les principaux vecteurs de la pensée unique remplaciste, de la pensée (ou de son absence) qui s'articule autour de vocables comme "nos gamins".

Il me semble que le PI ne peut dans son programme abandonner le service public de l'éducation nationale à son triste sort. Baisser les bras. Considérer que seuls des établissements scolaires de droit privé pourraient opérer le redressement nécessaire. Non, le PI doit plutôt favoriser (à mon avis) un service public fort (dans tous les domaines) et ne jamais renoncer à le réformer en profondeur, même si la tâche paraît presque insurmontable.
Buena Vista,


Cela n'est-il pas incompatible d'avec l'idée même de sécession ?

Soit on réforme le système public, et alors point n'est besoin de créer un système "à côté mais dedans", ou alors on le considère comme in-réformable, et on crée un autre système, mais totalement dissocié.
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