Jean-Marc, je prends le temps de vous répondre, désolé, j'ai fort à faire dans le moment.
Rapidement : vous avez l'air de présager que je sois totalement hostile à tout contre-pouvoir populaire, eh bien non, pas du tout.
J'aspire également à la démocratie, mais non comme moyen, comme fin. Non comme le moyen d'être tous égaux pour pouvoir acheter tous le même frigo, voyager dans la même voiture, regarder la même télé et caresser le même chien.
La démocratie est à mes yeux bien plus que cela : un idéal à atteindre, une asymptote, et nous ne prenons pas du tout le chemin vers cet idéal.
Toute société a besoin d'une colonne vertébrale, une hiérarchie. Je fais partie des gens qui ne croient pas à l'égalité naturelle autre qu'en dignité. J'aspire forcément à l'égalité en droit, mais en tant que moyen, non en tant que fin cette fois. C'est-à-dire que je conçois nos institutions comme devant nous mettre tous sur une même ligne de départ, voilà l'égalité que je revendique. Mais une fois le coup de feu parti, certains, de par leurs talents propres, naturels, en partage, courront plus vite que d'autres, il n'y a là aucune discrimination. Tout simplement parce qu'il ne s'agit pas d'égalité (qui est une chimère), mais d'é-qui-té. A chacun selon son dû, soit donner à celui qui mérite et ne pas donner à celui qui ne mérite pas. Voilà la hiérarchie qui s'instaure, de type géométrique, dans tous les rouages de la société.
Il y a deux cents ans, la hiérarchie inique, devenue insupportable qui nous régissait depuis des siècles a été renversée. Mais nous avons jeté le bébé avec l'eau du bain, et c'est l'idée même de hiérarchie qui nous est devenue insupportable. Grave erreur semble-t-il : la hiérarchie fait partie de ces choses refoulées qui ne s'estompent jamais. Négligez ainsi qu'il se puisse concevoir une hiérarchie naturelle et vous revoyez une hiérarchie hier inique remplacée aujourd'hui par une autre hiérarchie inique, soit le privilège du sang par celui de l'argent.
Enfin, petit parallèle entre contribuable et électeur :
En suivant Aristote (chez qui vous auriez pu piquer l'exemple de la société de voleurs, présente presque au mot près dans l'
Ethique à Nicomaque, voyou !), nous dégageons des rapports humains une justice commutative
égalitaire de particulier à particulier, et une justice distributive
équitaire entre chaque sociétaire et la société qui le porte.
Voici ma question :
Si nous appliquions le principe d'égalité en matière d'imposition (rapport des sociétaires à la société), nous obtiendrions qu'un smicard paierait autant d'impôts qu'un PDG. Serait-ce normal ? Non, et ce serait pourtant rigoureusement égalitaire. En l'occurrence, nous optons pour l'équité (égalité proportionnelle), et encore, même pas, de sorte que certains ne paient rien et d'autres reverseront peut-être un jour 80% de leurs revenus.
Je dis juste ceci : pourquoi ne pas appliquer le même principe d'équité rigoureuse en matière d'élection (là aussi rapport des sociétaires à la société) ? Bien entendu, non plus sur une base financière, mais sur une base autre... Exemple : une synthèse d'éléments de connaissances indispensables à maîtriser et de temps à accorder à la communauté ? Ainsi aurions-nous à notre tête en majorité des hommes/femmes au foyer, des chômeurs de longues durée et des retraités, toutes et tous instruits et volontaires, en outre indemnisés comme il se doit en fonction de l'effort fourni. En clair, pourquoi ne pas redonner à l'espace public la place qui lui revient de droit, et pourquoi ne pas découper nos vies en vie publique/vie privée/vie professionnelle ?...
Je vais donc vous paraître illuminé après ça, mais... pourquoi diable n'y a-t-il aucun travail là-dessus dans notre belle et douce démocratie ???