Euh, Didier, c'est un vaste débat qui se profile là, et qui n'a jamais été tranché ; la théorie selon laquelle il n'existe tout simplement pas de "contenus de signification" purs, supra-linguistiques, et dont le signe (entendu comme forme accoustique ou graphique, pas au sens saussurien) ne ferait que "faire tenir" ce contenu sémantique indépendant dans le récipient linguistique prévu à cet effet, lequel contenu pourrait passer intact d'une langue à une autre en étant transvasé de récipient à récipent, de mot à mot,
pourvu qu'on ait le bon récipient, en quoi est-elle "intenable" ?
Dès lors se pose la question, qui semble paradoxale, de savoir comment restituer dans une autre langue ce qui dans la langue considérée n'existe pas en soi... et sur la base de quelles équivalences proposer une traduction, si le pur contenu sémantique indépendant est indiscernable dans la langue même qu'on se propose de traduire ?
Pour en revenir rapidement à Quine, il soutient que nous apprenons notre propre langue comme une langue étrangère, sur la base de l'intériorisation des comportements verbaux idoines, communs à une communauté linguistique, et que c'est cet usage avalisé que nous appelons "sens" ; dans un article très clair dont j'avais déjà indiqué le lien
ici, voici comment est envisagée la traduction :
« Autrement dit, nous avons toujours le choix de traduire une langue indigène d’une manière ou d’une autre, sans qu’aucun fait décisif ne puisse trancher en faveur de l’une ou l’autre traduction, et cela pour une raison bien simple, c’est qu’il n’y a, d’une certaine façon, rien à traduire. En effet, nous l’avons vu, la signification, en tant que réalité indépendante, est un mythe. Elle ne peut donc pas être traduite. Il n’y a plus que des comportements verbaux, que, tout au plus, on peut corréler. Il ne s’agit donc pas, dans l’exercice de la traduction, de rendre la signification d’un terme étranger par un terme de sa propre langue, qui véhiculerait lui aussi cette signification, auquel cas l’exercice de traduction serait un travail d’observation ; il s’agit uniquement de faire coïncider le comportement verbal indigène avec le sien de manière harmonieuse, c’est-à-dire de faire correspondre certains comportements verbaux avec certains autres comportements verbaux, ou encore, de mettre en correspondance un usage de la langue avec un autre, et cela de manière à ce que la conversation avec l’indigène soit aisée. Tout simplement parce que le caractère aisé de la conversation avec l’indigène est le seul critère de la réussite de notre traduction. Nous ne pouvons pas aller au-delà du comportement, et la conversation est donc comme la preuve comportementale que nous comprenons la langue de l’autre. »
C'est en pensant à cette théorie de l'inscrutabilité de la référence dans chaque langue donnée que j'avais suggéré, sur un mode plaisant il est vrai, d'adopter comme satisfaisant le mot "temps" dans le cas qui nous occupait, et cela parce que je ne suis pas sûr du tout que je puisse davantage saisir ce que veut dire pour vous ce terme, et quelle peut bien être pour vous exactement la référence d'icelui, et la nature du phénomène désigné par ce vocable, si vous avez une idée bien précise de la chose, que je ne puisse le faire concernant Héraclite et ce qu'il entendait par le terme propre à sa langue que l'on a choisi de traduire entre autres par le mot "temps".
Je ne crois pas, cher Didier, que vous ayez fourni l'effort nécessaire pour vous familiariser un peu avec cette façon d'envisager le problème, avant de charger, si j'ose dire...
»
Ne pourrait-on pas mieux dire que si le jeu de l'enfant (?) qui règne (?) n'a pas un sens, il a néanmoins, et hautement, du sens ?
Eh bien voilà, mais comment voulez-vous répondre de manière un tant soit pu sensée à cette question sans esquisser une, votre petite théorie du
sens ?
(Désolé, j'ai fait beaucoup plus long que prévu, tout en étant très expéditif, car ce sont choses assez délicates à manier...)
(»
(P.S. "condition humaine" et "être-au-monde" ne se superposent presque en rien)
Alors là vous exagérates... vous prenez ici "condition humaine" dans un sens dérivé de celui que vous croyez que donne l'ignorant au mot "monde", comme "ensemble des étants"
actualisés, l'imbécile, pour montrer à quel point il ne sait pas ce qu'est le « monde » comme ouverture.
Et ce, justement lorsqu'il était question de vouloir décrire une situation dans le monde, caractéristique de l'homme, où l'on est en mode de présence à soi toujours reportée, comme un "avoir à être" (l'"escamotage", "la balle qui se donne par son retrait même", etc.).
Mais le plus simplement, en l'occurrence, "condition humaine" comme ce qui relève de l'unicité et de la singularité de l'être de l'homme dans le monde,
dans votre sens, je ne vois vraiment pas où est le problème ?...
(Avez-vous une objection de principe à une formulation telle que : le Dasein décrit la condition véritable de l'homme, sa façon d'être dans le monde, d'habiter le monde, laquelle est alors la "condition humaine" ?))