Citation
J-F Chassaing
En droit il n’existe aucune affaire Strauss-Kahn / Diallo (pour le moment).
L’affaire doit être désignée par « État de New-York contre Dominique Strauss-Kahn ».
Vous avez raison. Ma remarque concernait le respect de la ponctuation, et non celui du droit. J'aurais pu écrire la même chose à propos de "
Saguenay — Lac-Saint-Jean" (pour reprendre l'exemple cité par
Wikipedia concernant l'usage des tirets).
Citation
Éric Veron
Cher Félix, merci de vos deux petites remarques, pertinentes et fondées. By the way, auriez-vous l'obligeance de nous dire ce que vous pensez de ce communiqué ?
Je pense que ce qui est mis en avant dans ce communiqué ne peut s'analyser qu'en rappelant la grande différence entre le droit français et le droit américain. Je suis loin d'être un spécialiste en droit mais il me semble que, loin de chercher à établir explicitement la vérité, le droit américain ressemble plus à une partie de poker menteur ou le gagnant est celui qui avait les meilleures cartes et a su les abattre au bon moment, quitte à bluffer. On ne cherche pas vraiment à savoir le fond de l'affaire (ou même à s'en approcher), ni à fonder son jugement sur une intime conviction au regard de l'accumulation des preuves (d'un côté comme de l'autre), mais plutôt à tenter d'attaquer et de se défendre de façon pragmatique en jouant sur des points de détail, afin de trouver telle ou telle faille dans l'argumentaire pour disqualifier l'adversaire. C'est pour cela qu'on en arrive parfois à des situations qui nous paraissent incohérentes, avec une personne blanchie au pénal mais condamnée au civil pour la même affaire. C'est un système inquisitoire dans lequel les avocats peuvent "cuisiner" les témoins afin de les mettre face à leurs contradictions éventuelles, ce que le droit français ne permet pas.
Dans ce cas, savoir si la victime présumée a menti par le passé change du tout au tout par rapport au droit français. Dans le droit américain, je pense que le témoignage est perçu de la même manière qu'un élément de preuve ou un alibi, qui peut être analysé par tous les moyens et mis en cause par l'accusation de manière à l'affaiblir, même en utilisant des arguments qui n'ont aucun rapport avec l'affaire en elle-même. L'idée des avocats de DSK est de dire que si la plaignante a déjà menti par le passé, elle peut avoir aussi menti concernant la tentative de viol. Une façon de fragiliser le témoignage, et ainsi d'en faire une preuve à charge en moins.
Tout cela n'aurait certainement pas pu avoir lieu en droit français, où le fait d'avoir menti pour l'obtention du droit d'asile n'aurait sans doute pas été un motif pertinent pour disqualifier l'accusation de viol, car il s'agit d'une affaire différente. Cela se comprend aisément : ce n'est pas parce qu'une personne a menti dans un cas précis qu'elle a forcément menti dans un autre. S'il s'agit d'un menteur pathologique, ses accusations auront certainement moins de poids. Mais peut-on considérer que le fait (et je parle ici en général, indépendamment de l'affaire DSK) d'avoir menti concernant le droit d'asile implique forcément la tendance à faire des dénonciations calomnieuses ? Pour ma part, je n'en suis pas convaincu. Raisonner de cette manière pourrait s'avérer problématique : cela signifierait que toute personne qui a menti, un jour, pour quelque raison que ce soit, ne pourrait jamais être prise au sérieux par la justice, et risquerait donc de subir davantage de préjudices qu'une autre, puisqu'elle ne pourrait pas se défendre, comme si sa faute originelle la marquait à jamais et influençait ensuite sa conduite. Car, à bien y réfléchir, le fait qu'une personne ait menti par le passé ne peut en aucun cas prouver de façon définitive qu'elle ait menti dans un autre cas précis. Certes, cela fragilise son accusation, mais rend néanmoins nécessaire la prise en compte d'autres éléments.
Je pense également que l'on est face à deux types de mensonge présumés très différents, à savoir celui de mentir pour obtenir le droit d'asile (qui, aux dire des immigrés eux-mêmes, est assez répandu, si j'en crois ce communiqué) et mentir dans le cadre d'une dénonciation calomnieuse. Il me semble qu'il s'agit là de deux cas pas vraiment comparables et, sans prendre parti pour Mme Diallo (je ne sais pas si elle a menti ou pas, et cela me semble tout à fait possible qu'elle l'ait fait), je serais assez d'accord avec son avocat pour dire que, dans un cas général, l'un n'implique pas forcément l'autre. Le mensonge pour obtenir le droit d'asile, tout immoral qu'il soit, est utilisé par des gens à la recherche d'une vie meilleure, et ne portent pas directement préjudice à une personne, contrairement à l'accusation calomnieuse. Je ne crois pas que les deux soient liés, que mentir dans un cas implique forcément d'avoir plus tendance à mentir dans un autre. Un peu comme si on disait, en France, que ceux qui trichent pour faire inscrire leurs enfants dans des écoles en ne respectant pas la carte scolaire aurait plus tendance, dans la vie quotidienne, à mentir ou à accuser les gens à tort. Cela me semble loin d'être évident...
Pour finir, concernant le communiqué en lui-même, à savoir l'insistance sur le fait que de nombreux demandeurs d'asile sont en réalité des fraudeurs, il ne me semblait pas forcément fondamental, car cette élément n'a rien de surprenant (tout comme le fait qu'il existe de nombreuses fraudes aux prestations sociales, etc.) et, à vrai dire, reste assez marginal dans l'affaire DSK, comme l'auteur du communiqué le souligne à juste titre. Tout au plus a-t-il le mérite de pointer du doigt l'hypocrisie de ce secret de Polichinelle, fruit de la bien-pensance qui sacralise le statut des prétendues victimes (à savoir les clandestins) au point d'en rendre suspect toute remise en cause, aussi juste et fondée soit-elle.